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La normativité nucléaire: Quelques réflexions

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Katia Boustany
Affiliation:
Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal

Abstract

A regulatory framework for nuclear technology was created early on at national and international levels. Essentially, it aimed at dealing with the high-risk component of a set of activities. Nuclear regulation, which often derogates from the common law, raises a number of questions pertaining to the relationship between the legal order and the technological order, particularly with respect to the compliance of the regulatory process with contemporary social values (environment and fundamental rights). Moreover, the major role played by scientific experts in elaborating and formulating norms applicable to the nuclear sector may affect the balance of power and the role of public bodies in the exercise of democracy. An analysis and comparison of various national situations through distinct legal practices lead to the conclusion that new patterns should be conceived to regulate the relationship among techno-industry, society and political situations in order to deal with concerns expressed about civilian nuclear activities.

Résumé

La technologie nucléaire a très tôt fait l'objet d'un encadrement juridique international et national, dont l'objet, pour l'essentiel, est de répondre aux spécificités d'un ensemble d'activités à forte composante de risque. Toutefois, le caractère souvent dérogatoire au droit commun que revêt la normativité nucléaire soulève de nombreuses interrogations relatives aux rapports entre l'ordre juridique et l'ordre technologique, notamment en matière d'adéquation du processus normatif aux valeurs sociales contemporaines (environnement et droits fondamentaux). En outre, la place majeure occupée par les experts scientifiques au niveau de l'éaboration et de la formulation des normales applicables au secteur nucléaire peut, à certains égards, affecter l'équilibre des pouvoirs et des organes étatiques quant à l'exercice de la démocratie. L'analyse et la comparaison de diverses situations nationales, à travers des pratiques différenciées du droit, montre que de nouveaux modèles de régulation des rapports entre la techno-industrie, la société et les instances politiques devraient être pensés pour répondre aux préoccupations exprimées à l'égard des activités civiles nucléaires.

Type
L'éthique sociale et le discours sur les droits/Social Ethics and Rights Discourse
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 1992

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References

1. Strohl, P., «L'originalité du droit nucléaire» (avril 1990) 75 Le Courrier du CNRS: Les Sciences du Droit (France) à la p. 42Google Scholar. L'auteur ajoute: «En fait, le droit nucléaire n'existe pas Vraiment comme système juridique autonome; il sert plutôt à désigner de manière commode, plusieurs innovations apportées à diverses branches de droit, qui ont le même objet—La norme applicable aux utilisations de l'énergie nucléaire, dans la mesure où elle déroge au droit commun—et qui présentent une certaine cohérence». Nous n'adhérons pas tout à fait aux termer de ce constat: s'il est vrai que le droit perd une large part de son autonomie du fait des impératifs technologiques susceptibles de s'imposer à l'élaboration normative, il n'en va pas moins que les particularités mêmes d'une technologie donnée—singulièrement la technologie nucléaire—commandent parallèlement un corpus juridique (et, plus largement normatif) autonome en cela même qu'elles requièrent de nombreuses dérogations au droit commun, parce que cela affecte différents domaines législatifs.

2. Dans sa préface à l'ouvrage de E. Jacchia, Atome et sicuriti, Paris, Dalloz, 1964, un ancien Ministre et Président de la Commission de l'Euratom à l'époque, M. Pierre Chatenet, écrit «Dans les centres de recherche et installations nucléaires actuelles, les dispositions matérielles et une discipline stride permettent d'obtenir une sécurité à peu près to tale. Il est cependant possible que le développement à grande échelle de l'énergie nucléaire risque, si l'on n'y prend garde, d'être dangereux: l'accroissement du nombre des installations, en effet, ainsi que des considérations de prix de revient—car les mesures de protection coutent cher—pourraient conduire à de dangereuses audaces. Aussi doit être mis sur pied un droit des installations nucléaires: bien des mesures à cet égard ont déjà été prises, ainsi qu'en témoigne l'ouvrage de M. Jacchia. Ce livre est rassurant, et le lecteur y sentira, au vu de l'ampleur des réglemeniaiions qui y sont appelées, que toutes précautions sont d'ores et déjà prises pour que l'énergie nucléaire ne puisse nuire». (C'est nous qui soulignons.)

3. Parallèlement à la création d'organismes nouveaux intemation aux et nationaux, diverses instances déjà existantes, ou constituées dans un autre cadre que celui directement relié à l'utilisation de l'atome, vont développer en leur propre sein des unités de travail appelées à intervenir dans le secteur nucléaire eu égard au champ de compétence spécifique de l'institution dans laquelle un tel groupe de travail opère. À titre d'illustration, sur le plan international, à côté de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA), instaurée en 1956 sous l'égide des Nations Unies, l'on verra l'Organisation Internationale du Travail (OIT), l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), (pour ne citer que ces institutions) confier à leurs services et équipes appropriés le soin de mener des études suivies sur les activités civiles nucléaires et d'élaborer les observations ou recommandations qui s'imposent selon le point de vue de l'Organisation. Voir E. Jacchia, supra, note 2 aux pp. 63-97.

4. Bourcier, D., Ordre juridique et ordre technologique, Cahiers, S.T.S., Paris, Éditions du CNRS, 1986, présentation à la p. 6Google Scholar.

5. Sans épouser de manière absolue et exclusive de toute autre approche les vues kelséniennes selon lesquelles le critère du caractère juridique d'une norme réside dans la sanction dont elle est assortie, il n'est pas inutile de rappeler ce que Kelsen écrivait à propos de la finalité du droit: «Envisagé quant à son but, le droit apparaît comme une méthode spécifique permettant d'amener les hommes à se conduire d'une manière déterminée». Kelsen, Hans, Théorie pure du Droit, 2e éd., Neuchâtel, Éditions de la Baconière, 1988 à la p. 72Google Scholar.

6. Nous utilisons ce terme, à ce stade, dans son sens originel simple qui se réfère au dialogue; le mode de référence que fait Gérard Timsit au concept de dialogisme nous intéresserait certes, si nous cherchions à qualifier le système normatif auquel donne lieu la technologie nucléaire, démarche qui nous paraît prématurée dans le cadre de cette appréhension première des phénomènes juridiques dans leur relation avec la technologie. Rappelons, toutefois, la définition que donne G. Timsit d'un dialogisme: «le terme désigne en linguistique le fait que toute communication se réalise ‘sous la forme d'un échange d'énoncés, dans la dimension d'un dialogue’ (…) Transposée dans le domaine de la science juridique, la notion de dialogisme indique que la génération des normes ne se fait pas à partir d'un principe unique—l'État ou la société—ni ne se rattache à une seule logique. Il n'existe pas—on l'a déjà dit—dans un système de droit dialogique, de logique unique, unitaire». Timsit, G., Thèmes et systèmes de droit, Paris, P.U.F., 1986 à la p. 153Google Scholar. La diversité des sources productrices de normes, l'hétérogénéite des destinateurs façornnant l'ordre normatif dans lequel vont se mouvoir les destinataires impliqués ou concernés par la technologie nucléaire, montrent bien sûr qu'une telle normativité ne puise pas son origine dans un principe unique et pourrait être un exemple de dialogisme juridique; pour corroborer une telle conclusion, néanmoins, nous croyons qu'il faut affiner davantage l'analyse du processus, en dégager ce qui ressortit à la juridicité de manière plus spécifique, distinguer ce qui appartient à l'ordre technologique, avant d'être en mesure de mettre en évidence la norme définitive issue tout à la fois de la double logique de la technologie et du droit comme de celle du destinateur et du destinataire dont le dialogue, selon Timsit—avec les modes de lecture, les methodes d'interprétation, les modalités d'application qu'il comporte—détermine au bout du compte, la configuration finale de la norme. (Timsit, Voir G., «Sur l'engendrement du droit» [1988] R. D. P. 39 à la p. 58Google Scholar.

7. Traité de non-proliféralion des armes nucléaires, 15 mars 1975, DOC.AIEA,INFCIRC/ 153 [ci-après TNP], textereproduit dans Colliard, C.A. et Manin, A., Droit international et histoire diplomatique, t. 1, Paris, Montchrestien, 1971 aux pp. 386–90Google Scholar.

8. Ibid., Article II du TNP.

9. Ibid., Article III du TNP.

10. Il ne nous est pas possible, ici, d'entrer dans les détails techniques qui forment l'outil sur lequel repose le système de garanties de l'AIEA. Nous renvoyons pour cela à l'ouvrage de Courteix, S., Exportation nucléaires et non-prolifération, Paris, Economica, 1978, en particulier aux pp. 3337Google Scholar et au document reproduit en annexe, pp. 161–88, intitulé: «Stiucture et contenu des accords à conclure entre l'Agence et les États dans le cadre du Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires» (TNP).

11. Il convient de noter que le TNP s'est révélé insuffisant pour contrecarrer la prolifération du fait que de nombreux États n'ont pas signé ce traité; aussi les pays détenteurs de la technologie nucléaire et ayant la capacité de l'exporter ont-ils convenu entre eux d'un code de conduite, en 1975—connu comme «accords de Londres» ou «accords du Club de Londres»—pendant plus restrictives les conditions d'exportation de la technologie nucléaire et, surtout, les garanties et contrôles auxquels vont devoir se soumettre les États acquéreurs. Voir S. Courteix, supra, note 10 aux pp. 45–66. La survenance des accords de Londres ne modifie pas fondamentalement les données de notre analyse: dans la mesure où certains États comme la France n'étaient pas signataires du TNP mais faisaient partie du Club de Londres, ou d'autres États également non signataires sont acquéreurs de technologie nucléaire et se trouvent contraints par les membres du Club de Londres à se soumettre à des règles de vérification comparables à celles du TNP—quoique plus rigoureuses. La dynamique dialogique continue d'opérer de la même manière, sauf à considérer le déplacement de l'une de ses composantes, du TNP vers les Accords de Londres. À cet égard, il ne nous semble pas que l'annonce faite par la France de son adhésion au TNP en 1991 soit susceptible d'apporter quelque changement.

12. Bonet-Maury, P., La Radioprotection, Paris, P.U.F., 1969 à la p. 12Google Scholar. Soulignons que l'auteur décrit ce qu'il appelle «La technologie de la radioprotection» (p. 10), son développement, la mise au point d'instruments de mesure indispensables à la détection de la radioactivité, et le processus de sédimentation des connaissances scientifiques qui va permettre l'identification des «doses limites au-dcssous desquelles les irradiations peuvent être considérées comme tolérables» (p. 62); compte tenu du fait que la radioprotection s'est développée dans les centres nucléaires, l'auteur va jusqu'à considérer qu'elle «constitue une branche technologique importante» de l'industrie nucléaire (p.12), ce qui met bien en évidence le flux et reflux constant entre l'élabor ation normative relative aux activités nucléaires et la technologie elle-même qui devient à la fois objet et outil de normativité. En effet, dans la mesure où la technologie va développer des moyens technologiques pour améliorer la qualité des mesures de radioprotection, et ou l'experience va lui permettre d'optimiser la radio-exposition des travailleurs par l'affinement des actes impliquant des seuils élevés de radioactivité et par la répartition, en conséquence, de la dose considérée entre le nombre de personnes requis pour reduire l'exposition individuelle, dans cette mesure les organismes normatifs, telle notamment la CIPR, vont disposer de données davantage pertinentes et élaborer des normes plus adéquates, voire «contraindre» la technologie à un effort supplémentaire d'amélioration de la radioprotection.

13. Hébert, J., Cours de droit nucléaire, Paris, 1977Google Scholar [non publiée].

14. Ibid.

15. Là, aussi, la trajectoire normative comporte plusieurs instances et paliers d'intervention qui, d'ailleurs, varient d'un pays à l'autre tout en présentant néanmoins des traits communs: ainsi, après la définition des principes et méthodes de sûreté au cours de la décennie des années soixante (voir, sur l'historique de la sûreté nucléaire, Cogne, F., «Évolution de la sûreté nucléaire» (1984) 1 R.G.N. 18Google Scholar, des réglementations ont été mises en oeuvre dans les différents pays, et cela à travers les organismes que chaque état à créés ou désignés à cet effet: Nuclear Regulatory Commission (NRC) aux États-Unis, Commission de Contrôle de l'Énergie Atomique (CCEA) au Canada, le Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN) en France, etc. Dans tous les cas, c'est par le processus de délivrance des permis de construction et d'exploitation des installations nucléaires que les énoncés de sûreté vont revêtir la forme de normes définitives qui régiront à la fois techniquement et juridiquement les détenteurs de permis. Sur le plan de la radioprotection les normes prennent leur source dans les recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR)—organisme non gouvernemental groupant des experts de diverses disciplines scientifiques; ces recommandations sont ensuite relayées soit par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique qui édicte des «Normes fondamentales de radioprotection» et des «codes de bonne pratique», obligatoirement applicables aux opérations conduites sous le controle de l'Agence et servant de modèles pour les États membres, soit par les organes étatiques compétents chargés d'élaborer les réglementations nationales en matière de radioprotection (voir Hébert, J., «Sources et structures du droit de la radioprotection» dans L'accident nucléaire. La Documentation française, no 552–553, 23 janvier-février 1987 aux pp. 2224Google Scholar). Dans le cadre des révisions consécutives à cette sorte de sédimentation résultant de l'expérience, notamment des suites de l'accident de Tchemobyl, la CIPR à réévalué ses recommandations en matière de normes de radioprotection dans le sens d'une amélioration des principes fondamentaux sur lesquels repose le systeme de protection. Cf. ICRP Publication 60, 1990 Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, in Annals of the ICRP, 1991, 21:1–3, Pergamon Press, New York, 1991Google Scholar.

16. Cette expression est employée par le sociologue des relations internationales, M. Merle, pour qualifier la difficulté de tracer une ligne de démarcation entre les activités politiques internes et externes, dans un article intitulé «Politique intérieure et politique extérieure» dans Forces et enjeux dans les relations internationales, Economica, Paris, 1981 à la p. 163Google Scholar.

17. M.-A. Hermitte, «L'autonomie du droit par rapport à l'ordre technologique» dans Ordre juridique et ordre technologique, Cahiers S.T.S., op. cit., p. 96.

18. Ibid., p. 97.

19. Ibid., p.96.

20. P. Ha-Vinh, «Fondements intemationaux de la réglementation en radioprotection, cours international de radiologie» (extraits) dans L'accident nucléaire. Documentation française, supra, note 15 à la p. 20.

21. Pour donner un exemple dans cet ordre d'observation, considérons la directive No 80/836/ Euratom, émise par le Conseil des Communautés Européennes le 15 juillet 1980, et qui modifie des directives antérieures «fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants»: L'article premier de cette directive, consacré aux définitions, ne compte pas moins de dix-sept équations—qu'il serait difficile de reproduire ici—relatives à des concepts de biologie, radiologie, médecine, physique, tels l'activité, la dose absorbée, la fluence de particules, ou encore les unités de mesure comme le Becquerel, le Curie ou le rad. Il va de soi que les juristes, à moins de jouir par ailleurs d'une formation scientifique dans ces domaines, sont incapables de décoder un tel langage normatif. Comme les directives, dans le droit des Communautés Européennes, lient les États destinataires quant aux résultats à atteindre, laissant aux instances nationales compétentes le choix des moyens et de la forme pour en réaliser les objectifs, le Gouvernement français—pour ne citer que lui—répercutera dans l'ordre juridique national, par un Décret No 86–1103 du 2 octobre 1986, les normes édictées par ladite directive européenne (telle que modifiée en date du 3 septembre 1984): le texte de ce décret intègre, en annexe, l'ensemble des définitions précitées, et renferme lui-même en outre, une suite de références scientifiques qui investissent ainsi le champ juridique. Ce que les juristes comprendront mieux, ce sont les catégories de classification des travailleurs et de la population selon les types d'exposition dont les limites sont scientifiquement précisées et demeurent done l'apanage d'un univers de connaissances bien différent du droit.

22. Charbonneau, S., «Norme juridique et norme technique» dans Archives de Philosophie du Droit, t. 28, Paris, Sirey à la p. 286Google Scholar.

23. Commission Internationale de Protection Radiologique, Publication 26, 17 Janvier 1977, Fontenay-aux-Roses, France.

24. As Low As Reasonably Achievable.

25. Il a fallu le recul du temps pour analyser les effets de la radioactivité consécutive aux bombes de Hiroshima et Nagasaki, à celle des essais nucléaires dans l'atmosphere etc., en comprendre les mécanismes a fin d'identifier les conditions de nocivité et d'innocuité. Malgré toutes les données disponibles, le sujet est loin d'être épuisé, et la CIPR pose ainsi son constat: «La relation qui existe entre la dose reçue par l'individu et un effet biologique déterminé induit par irradiation constitue un sujet complexe dont l'éclaircissement exige encore beaucoup de travail. Aussi, pour les besoins de la protection contre les rayonnements, est-il nécessaire de faire certaines hypothèses simplificatrices» (Cf. CIPR, Publication 26, supra, note 23). Jusqu'à présent, les données recueillies à la suite de l'accident de Tchernobyl ne semblent pas encore suffisantes et ne bénéficient pas du recul requis dans le temps, notamment pour l'identification des conséquences stochastiques et génétiques, de manière à modifier ou permettre un ajustement des analyses relatives aux effets de la radioactivité. Il va de soi que les experts internationaux se penchent sur ces questions dans l'optique nouvelle que soulève l'accident: les études conduites par l'AIEA et sous son égide commencent à peine à livrer l'information necessaire.

26. S. Charbonneau, supra, note 22 à la p. 286.

27. Voir à cet égard, le point de vue de Greenpeace International: «The lessons of Chernobyl» in Briefing Paper on the AIEA and Reactor Safety, 11 septembre 1986, pp. 9–11, traduit de l'anglais par la Documentation française, L'accident nucléaire, supra, note 15 aux pp. 17–18.

28. Sur ce système de canalisation de la responsabilité, voir Hébert, J., «Nucléaire, responsabilité civile, art. 1382 à 1386, Code Civil», Juris-Classeur Dalloz fasc. 425–1, mai 1986Google Scholar; l'auteur compare, notamment, le système dit de canalisation économique mis en place par la législation américaine du Price-Anderson Act de 1957 (Pub. L. 85–256, §4, 71 Stat 576 [1957]), et le système de canalisation juridique instauré par les Conventions de Paris (1960) et de Vienne (1963) portant sur la responsabilité civile dans le domaine de l'Énergie Nucléaire et dont s'inspire la Loi Canadienne sur la Responsabilité Civile Nucléaire (1970).

29. Pour une appréhension complète de la logique économique sous-tendant le régime de responsabilité civile nucléaire, il convient de se reporter à l'Exposé des Motifs accompagnant la Convention sur la Responsabilité civile dans le domaine de l'Énergie Nucléaire, 29 juillet 1960, texte publié par l'Agence pour l'Énergie Nucléaire de l'OCDE, éd. 1974; et version révisée en 1982, éd. 1989.

30. Duke Power Company c. Carolina Environmental Group Inc., 438 U.S. 59 (1978), 26 juin 1978.

31. Energy Probe et al. c. Attorney General of Canada, (1989)3 C.E.L.R. (Ont C.A.)(N.S.) 262. Il convient de citer les deux dispositions constitutionnelles en cause:

Article 7: Chacun à droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa persorme; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Article 15 (1): La Loi ne fait acception de persorme et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la Loi; indépendamment de toute discrimination.

32. Le juge français à également corroboré des réglementations relatives aux rejets d'effluents radioactifs liquides et dont les normes apparaissaient à une association environnementaliste comme illégales. Nous reviendrons plus loin sur cet arrêt, mais il nous paraît opportun d'en citer, ici, les éléments qui nous intéressent à ce stade: «… L'association ‘Les amis de la terre’ n'établit pas qu'en édictant, comme ils l'ont fait par les dispositions du décret du 31 décembre 1974 et celles des arrêtés du 10 août 1976, les conditions générales et les conditions techniques dans lesquelles les déversements litigieux étaient susceptibles, après enquête publique, d'être autorisés, les auteurs de ces textes auraient commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions sus-reproduites de l'article 2 de la Loi du 16 décembre 1964 qui subordonnent de tels déversements à leur innocuité et à l'absence de nuisances pour la santé publique, pour la faune et la flore sous-marines et pour le développement économique et touristique des régions côtières». Conseil d'État, 10 février 1984, Association «Les amis de la terre» (Req. nos 5034 et 5035) (1984) 1 Revue juridique de l'environnement aux pp. 208–10Google Scholar.

33. Souligné par l'auteur, S. Charbonneau, supra, note 22 aux pp. 189–290.

34. Ibid, aux pp. 288–289.

35. Nous nous limiterons à l'examen des structures établies: 1° en France, pays unitaire avec un régime parlementaire bicaméral mais dont la Constitutionde 1958 a élargi le domaine du règlement au détriment de celui de la Loi, autrement dit à limité le champ d'action du pouvoir législatif au profit de celui du pouvoir exécutif (articles 34 et 37 de la Constitution Française de 1958); 2° aux États-Unis et au Canada, tous deux pays à contexture fédérale ayant en commun une tradition en matière d'organismes sectoriels de réglementation avec les contrôles juridictionnels qui l'accompagnent. En outre, nous n'entrerons pas dans les détails des mécanismes mis en place ici et là, et renvoyons pour cela à l'étude comparative quasi exhaustive qu'a menée Bourque, Denis, L'énergie nucléaire et le droit: les autorisations, l'environnement, les contrôles judiciaires et politiques, Yvon Blais Inc., Cowansville, 1990Google Scholar.

36. Décret no 73-278 du 13 mars 1973 portant création d'un Conseil supérieur de la sûreté nucléaire et d'un Service central de Sûreté des installations nucléaires au Ministère du Développement Industriel et Scientifique.

37. Denis Bourque, supra, note 35 aux pp. 100–01.

38. Rapport d'activité (1983) du SCSIN, cité par Denis Bourque, supra, note 35 à la p. 100.

39. Denis Bourque, ibid., à la p. 100.

40. Ibid., aux pp. 92, 110.

41. Energy Reorganization Act of 1976, Pub.L. no 93–438, 88 Stat. 1234 (1974), 42 U.S.C. art. 5811 à 5891 (1976) (Sup. II 1978).

42. Voir D. Bourque, supra, note 35 aux pp. 93–96.

43. Ibid. aux pp. 96–99 et 131–38.

44. Ibid. aux pp. 137–42; précisons que l'Atomic Satefy Licensing Board Panel est formé de 54 juges administratifs dont les deux tiers sont des scientifiques et qu'un jury comprend, en pratique, un avocat, un spécialiste de l'environnement, un ingénieur ou un physicien.

45. Ibid. à la p. 141.

46. Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, 1946, L.R.C. (1985), A16Google Scholar.

47. D. Bourque, supra, note 35 aux pp. 110–16.

48. SEAP c. Atomic Energy Control Board and Eldorado Nuclear Limited (1977), 74 D.L.R. (3d) 541 (F.C.A.).

49. Du moins en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour d'Appel Fédérale (1970) S.R.C., c. 10.

50. SOR/74 –334, Règlement sur le contrôle de l'Énergie Nucléaire.

51. AGIP S.P.A. and Atomic Energy Control Board et al., (1978), 87 D.L.R. (3d) 530.

52. S. Charbonneau, supra, note 22 aux pp. 288–89.

53. Ibid. aux pp. 286–89. Simon Charbonneau n'hésite pas à écrire: «Ainsi contrairement à larègle de droit qui formalise le lien social sur la base d'un minimum de liberté la norme technique apparaît plutôt comme un instrument unilatéral de sujétion au service d'une oligarchie».

54. Conseil d'État, 10 février 1986, Association «Les amis de la terre», supra, note 32.

55. J.-P. Colson, «Note sous l'arr'et du Conseil d'État du 10-2-1984, Association ‘Les Amis de la terre’» (1984) 1 Revue juridique de l'environnement, supra, note 32 à la p. 213.

56. Ibid. à la p. 213. L'auteur du commentaire observe: «On assiste ainsi à une sorte de ‘saucissonnage’ de la légalité qui a de quoi surprendre, même si l'admission de procédures dérogatoires n'est pas nouvelle en matière nucléaire».

57. Lagadec, P., Le risque technologique majeur, Pergamon, Collection Futuribles, 1981 à la p. 563Google Scholar.

58. Les travaux de Patrick Lagadec (op. cit.) demeurent parmi les plus sérieux; voir également son ouvrage: La civilisation du risque, Seuil, Paris, 1981Google Scholar.

59. S. Charbonneau, supra, note 22 à la p. 284.

60. D. Bourcier, supra, note 4 à la p. 6.

61. Les experts admettaient eux-mêmes cette impréparation dès avant l'accident de Tchernobyl et quelques années après celui de Three Mile Island, aux États-Unis: «Bien que l'on ait depuis longtemps (avant même l'accident de Three Mile Island) reconnu qu'un dispositif efficace d'évaluation des accidents est un élément essentiel de l'organisation de l'intervention en cas d'urgence, on a jusqu'à ces derniers temps traité cette question par des méthodes passablement archaïques et artisanales qui, dans la plupart des cas, ne tirent pas parti des avantages offerts par les techniques les plus modernes». Collins, H.E. et Emmerson, B.W., Le rôle de l'Agence dans l'établissement des plans d'intervention d'urgence et de l'état de préparation en cas d'accidents nucléaires, Bulletin AIEA, Vienne, vol. 25, no 3, 1983 aux pp. 1418Google Scholar, Extraits dans L'accident nucléaire, Documentation française, supra, note 15 aux pp. 47–48.

62. On parle ici de dizaines de milliers d'années de radioactivité.

63. Questions de santé mentale que pose l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques, Organisation mondiale de la santé (OMS), rapport d'un groupe d'étude, série de rapports techniques, no 151, Genève, 1958. Nous nous référons à l'extrait cité par P. Lagadec, La civilisation du risque, supra, note 58 à la p. 208: «Du point de vue de la santé mentale, la solution la plus satisfaisante pour l'avenir des utilisations pacifiques de l'énergie atomique serait de voir monter une nouvelle génération qui aurait appris à s'accomoder de l'ignorance et de l'incertitude». Et Patrick Lagadec de commenter: «Il n'est plus possible de partager le pouvoir. Il n'est plus possible de partager le savoir. D'ailleurs, il n'y a plus guère de marge de liberté et la cormaissance est trop incertaine pour fonctionner comme critère sûr de l'action. Il ne reste plus qu'une voie à suivre: tenter de forcer le passage, en accélération. Voilà l'analyse».

64. P. Lagadec, supra, note 58 aux pp. 216–17.