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Published online by Cambridge University Press: 18 July 2014
Contrary to what may be suggested by traditional historiography, the modern labour contract did not appear through spontaneous generation with the Industrial Revolution. To the contrary, premodern legal forms going back to the feudal era lasted throughout the nineteen century and even later, entirely subjecting groups of workers to the employers' absolutism. The path leading to a rationalization of the legal technique embodied in the modern labour contract was indeed highly complex. Philip Lotmar's colossal study on Der Arbeitsvertrag [The Labour Contract] (published in two parts, 1902 and 1908) illustrates that complexity in an exemplary fashion, especially as regards the social facts of law. From a Law and Society viewpoint, this work remains without doubts worth reading today, in particular when one also takes into consideration the comprehensive review of this treatise made by Max Weber in 1902 and later comments by Hugo Sinzheimer, the founder of the European science of labour law and himself a distinguished legal sociologist. In the following study, the author insists upon the relevance of Weber's and Sinzheimer's critiques of Lotmar as regards the relationship of law to economics, the importance of legal pluralism for a proper understanding of labour law, as well as the interaction between jurisprudence and the sociology of law.
Au contraire de ce que suggère l'historiographie traditionnelle, le contrat de travail au sens moderne du terme n'est pas apparu ipso facto, en quelque sorte par génération spontanée, lors de la Révolution industrielle. En fait, des formes prémodernes datant de l'époque féodale ont subsisté durant tout le dix-neuvième siècle et même au-delà, laissant certaines catégories de travailleurs entièrement à la merci des employeurs. Autrement dit, les voies de la rationalisation juridique qui conduisent au contrat moderne de travail se révèlent hautement complexes. C'est ce que met bien en relief, en contexte allemand, l'ouvrage mȯnumental de Philippe Lotmar sur le contrat de travail [Der Arbeitsvertrag], paru en deux tomes, en 1902 et 1908: d'un point de vue «droit et société», ce traité vaut sans aucun doute toujours la peine d'être lu, notamment pour sa recherche exemplaire des «faits sociaux du droit». Cela est d'autant le cas si l'on prend en considération la longue recension de l'étude de Lotmar réalisée par Max Weber en 1902, ainsi que les commentaires sur l'œuvre de Lotmar publiés ultérieurement par Hugo Sinzheimer, le fondateur de la science européenne du droit du travail, lui-même un sociologue du droit réputé. Dans ce qui suit, l'auteur insiste sur l'intérêt que présenters les vues critiques de Weber et Sinzheimer sur Lotmar, en particulier du point de vue des rapports entre droit et économie, de l'intérêt qu'offre le pluralisme juridique pour l'analyse du droit du travail, enfin de l'interaction entre la dogmatique juridique et la sociologie du droit.
1 Philipp Lotmar (1850-1922) est né à Francfort. Juriste formé à l'aune du pandectisme (cf. infra), il s'est consacré à l'étude du droit des contrats dans la perspective romaniste. Ce n'est que tardivement qu'il a centré son intérêt, en gros de 1900 à 1908, sur le droit du travail. Ne pouvant décrocher un poste satisfaisant en Allemagne (le fait qu'il était juif et adhérent au SPD a nui à sa carrière), il s'est finalement exilé en Suisse, devenant par la suite le recteur de l'université de Berne.
2 Lotmar, Philipp, Der Arbeitsvertrag, 2e éd., Rehbinder, Manfred (dir.), (Berlin: Duncker et Humblot, 2001), 1941 p.Google Scholar
3 Weber, Max, «Rezension von: Philipp Lotmar, Der Arbeitsvertrag», dans Wirtschaft, Staat und Sozialpolitik: Schriften und Reden 1900–1912 [Économie, État et politique sociale: écrits et discours 1900–1912]Google Scholar sous la direction de Wolfgang Schluchter, Peter Kurth et Birgitt Morgenbrod, Max Weber Gesamtausgabe I/8 (Tübingen: J.C.B. Mohr [Paul Siebeck], 1984), 37-61. Traduction française par Melot, Romain: «‘Le contrat de travail’ de Philipp Lotmar: note critique de Max Weber», Revue canadienne droit et société / Canadian Journal of Law and Society 24 (automne 2009): 147–57Google Scholar.
4 Cf. Weber, Marianne, Max Weber. Ein Lebensbild [Max Weber. Une biographie] (Tübingen: J.C.B. Mohr, 1984), p. 272Google Scholar. V. à ce sujet: «Editorischer Bericht» [Note éditoriale], dans Wirtschaft, Staat und Sozialpolitik: Schriften und Reden 1900-1912. supra note 3 à la p.35.
5 L'Association pour la politique sociale, fondée en 1873 et qui existe toujours, fut dirigée par l'économiste Gustay Scmoller, le principal représentant de l'Ecole historique allemande de l'économie, de 1890 à 1917. Elle influença de manière importante la politique socioéconomique de l'Allemagne à l'époque wilhelmienne. Sur le rôle de Max Weber au sein de la Verein, voir Krüger, Dieter, «Max Weber and the Younger Generation in the Verein für Sozialpolitik», dans Mommsen, Wolfgang J. et Osterhammel, Jürgen (dir.), Max Weber and his Contemporaries (Londres: Unwin Hyman, 1988), 71–87Google Scholar.
6 V. ainsi Weber, Max, «Entwicklungstendenzen in der Lage der ostelbischen Landarbeiter» [Tendances d'évolution dans la situation des travailleurs ostelbiens], dans Gesammelte Aufsätze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte (Tübingen: J.C.B. Mohr, 1988), 470–507Google Scholar. Sur l'analyse développée par Weber, voir: Mommsen, Wolfgang, Max Weber et la politique allemande 1890–1920, trad, de Amsler, J. et al. , (Paris: Presses universitaires de France), p.43Google Scholaret seq.
7 V. notamment Weber, Max, «Zur Psychophysik der industriellen Arbeit (1908–09)» [À-propos de la psychophysique du travail industriel] dans Gesammelte Aufsätze zur Soziologie und Sozialpolitik (Tübingen: J.C.B. Mohr, 1988), 61–255Google Scholar. À ce sujet, voir la présentation par Joaquín Abellán de la traduction espagnole de cette étude: Weber, Max, Sociología del trabajo industrial (Madrid: Editorial Trotta, 1994), 9–21Google Scholar.
8 Cf. Weber, Max, Rudolf Stammler et le matérialisme historique, trad, de Coutu, Michel et Leydet, Dominique avec la collaboration de Guy Rocher et Elke Winter (Paris/Québec: Éditions du Cerf/Presses de l'université Laval, 2001), 142–159Google Scholar (ci-après cité Rudolf Stammler). Id., «Propos sur l'exposé d'Hermann Kantorowicz: ‘La science du droit et la sociologie’», trad, de Romain Melot, dans Jean-Philipp Heurtin et Nicolas Molfessis, La sociologie du droit de Max Weber (Paris: Dalloz, 2006), 223-228. Id, «Ordre juridique et ordre économique», dans Économie et société, tome 1, trad. Éric de Dampierre et al., (Paris: Plon, 1971), 321-330.
9 Hugo Sinzheimer (1875-1945) fut professeur de droit du travail à Francfort. Rédacteur de l'article 165 de la Constitution de la république de Weimar (conseils d'entreprise), auteur de traités remarquables sur le droit des conventions collectives, sa pensée a exercé une influence décisive sur le droit allemand du travail à Weimar, mais aussi après la Seconde guerre mondiale dans l'Alleniagne fédérale. Juif et socialiste tout comme Lotmar, il dut se réfugier aux Pays-Bas suite à l'arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes. Forcé de vivre dans la clandestinité sous l'occupation allemande, il ne survécut pas à la Libération. Sur Sinzheimer, voir: Zachert, Ulrich, «Hugo Sinzheimer: juriste praticien et pionnier du droit moderne. Autonomie collective, liberté individuelle et démocratie sociale», dans Herrera, Carlos Miguel, Les juristes de gauche sous la république de Weimar (Paris: Éditions Kimé, 2002), 49–67Google Scholar.
10 Sinzheimer, V. Hugo, «Die Aufgabe der Rechtssoziologie» (1935) [Les tâches de la sociologie du droit], dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, tome 2 (Francfort-Cologne: Europäische Verlaganstalt, 1976), 85–148Google Scholar.
11 Sinzheimer, Hugo, «Philipp Lotmar und die deutsche Arbeitsrechtswissenschaft» (1922), dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, tome 1 (Francfort-Cologne: Europäische Verlaganstalt, 1976), 408–415Google Scholar.
12 Otto Gierke (1841-1921) fut le chef de file de l'aile «germaniste» (c.-à-d. vouée à l'étude du droit médiéval d'origine germanique plutôt qu'au droit romain de l'Antiquité) de l'École historique allemande. Gierke, comme on le verra infra, s'est intéressé à la situation de subordination du travailleur dans l'entreprise moderne, une perspective qui devait profondément influencer Sinzheimer.
13 V. Hugo Sinzheimer, «Otto von Gierkes Bedeutung für das Arbeitsrecht» (1922) [La signification d'Otto von Gierke pour le droit du travail], dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, supra note 11, 402-407. Pour Sinzheimer, Gierke a conçu le premier le contrat du travail hors la catégorie du louage de services fondée sur l'égalité formelle des parties contractantes. Le contrat de travail n'est pas seulement une relation d'échange, mais aussi une incorporation du travailleur dans un groupement orienté vers une finalité, qui engage sa personne en totalité. Qui plus est, l'élément «contrat de travail» est loin d'épuiser le domaine du droit du travail: celui-ci doit être pense comme phénomène collectif et non strictement comme ensemble de relations individuelles, puisqu'il signifie pour le travailleur un rattachement à un groupement de domination (Herrschaftsverband), soit l'entreprise organisée du point de vue interne sur le mode absolutiste.
14 Lotmar, Philipp, Der unmoralische Vertrag, insbesondere nach gemeinem Recht (Berlin: Duncker et Humblot, 1896)Google Scholar, cité par Hugo Sinzheimer, «Philipp Lotmar und die deutsche Arbeitsrechtswissenschaft», supra note 11 à la p.409 [notre traduction].
15 Hugo Sinzheimer, «Philipp Lotmar und die deutsche Arbeitsrechtswissenschaft», supra note 11 à la p.410 [notre traduction].
16 Elève de Sinzheimer, Otto Kahn-Freund (1900-1979) fut juge du tribunal du travail de Berlin sous la république de Weimar. Fuyant les nationaux-socialistes, il se réfugia à Londres où il devint «lecturer», puis professeur à la London School of Economics et à l'Université d'Oxford. D'un point de vue historique, il représente la figure la plus importante de la science du droit du travail au Royaume-Uni. Cf. Lewis, Roy et Clark, Jon, «Introduction», dans Kahn-Freund, Otto, Labour Law and Politics in the Weimar Republic (Oxford: Basil Blackwell, 1981), 3–69Google Scholar. V. aussi Dukes, Ruth, «Constitutionalizing Employment Relations: Sinzheimer, Kahn-Freund and the Role of Labour Law», Journal of Law and Society 35 (2008): 341–363CrossRefGoogle Scholar.
17 Deakin, V. Simon, «Travail, contrat», dans Stanziani, Alessandro (dir.), Dictionnaire historique de l'économie-droit XVIIIe-XXe siècles (Paris: Librairie générale de droit et de jurisprudence [L.G.D.J.], 2007), 289–298Google Scholar: «…l'idée selon laquelle les relations de travail, dans un monde capitaliste, seraient ‘contractuelles’ et la définition même de ‘travail’ ou ‘d'emploi’ comme catégorie englobante sont plus récentes qu'on ne le croit souvent. Il a ainsi été démontré que dans les premiers temps de l'industrialisation, en Europe ou en Amérique, le travail n'était pas toujours, ni même généralement ‘libre’ et que les obligations des parties n'étaient guère definies en termes contractuels» (289). V. en ce sens Didry, Claude, Naissance de la convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en France au début du 20e siècle (Paris: Éditions de l'École des Hautes études en sciences sociales, 2002), p. 141Google Scholaret seq.
18 Sur l'institution de droit romain, Lévy, v. Jean-Philipp et Castaldo, André, Histoire du droit civil (Paris: Dalloz, 2002), p.699Google Scholaret seq.
19 «Les travailleurs manuels, eux, relevaient du régime particulier des Masters and Servants Acts: la rupture de leur contrat était considérée comme un crime, et des milliers d'entre eux chaque année fiirent effectivement condamnés à des amendes ou emprisonnés pour cette raison à partir des années 1870»: S. Deakin, «Travail, contrat», supra note 17 à la p.293. En France, le livret ouvrier, rendu obligatoire par la loi du 12 avril 1803, présente «le double aspect d'une mesure de vigilance policière et d'un instrument de contrôle patronal»: Aubin, Gérard et Bouvresse, Jacques, Introduction historique au droit du travail (Paris: Presses universitaires de France, 1995), p. 106Google Scholaret seq.
20 Weber, Max, «Rechtssoziologie» dans Wirtschaft und Gesellschaft, chap. VII, (Tübingen: J.C.B. Mohr [Paul Siebeck], 1980), 387–513Google Scholar, trad, de Grosclaude, Jacques, Sociologie du droit, Max Weber (Paris: Presses universitaires de France, 1986)Google Scholar.
21 Cf. Coutu, Michel, Max Weber et les rationalités du droit (Paris: Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1995), p. 149Google Scholaret seq.
22 Lotmar, Philipp, «Introduction» à Der Arbeitsvertrag, trad. de Denis, Mathieu (Paris: IDHE, à paraître), p.9Google Scholar.
23 Comme le reconnaît Sinzheimer, Hugo, «Philipp Lotmar», dans Jüdische Klassiker der deutschen Rechtswissenschaft (Franfort: Vitorio Klostermann, 1953), 207–224Google Scholar, à la p.211. V. en ce sens, plus récemment: Ramm, Thilo, «Philipp Lotmar und die Geschichte der Arbeitsverfassungen [Philpp Lotmar et l'histoire des constitutions du travail]», dans Zeitschrift für Arbeitsrecht 35 (2004): 183–227Google Scholar, à la p. 184. Manfred Rehbinder, «Vorwort des Herausgebers» [Préface de l'éditeur], dans Philipp Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, 17-32, à la p.22.
24 V. Lotmar, «Introduction» à Der Arbeitsvertrag, supra note 22, p. 10 et seq. Le Code civil allemand (BGB) ne joue qu'un rôle supplétif en matière de contrat de travail. Il faut s'en remettre d'abord aux règlements spécifiques, tels le Gewerbeordnung, adopté en 1869 par la Confédération de l'Allemagne du Nord, régissant l'artisanat, le commerce et l'industrie, ou aux divers règlements des états fédérés relatifs aux domestiques, aux travailleurs agricoles et aux travailleurs des mines, dont la situation générale avoisine davantage celle du servage que du contrat de travail moderne, ou encore à des règles particulières relatives à la navigation, aux marins, etc.
25 Ibid., p. 14.
26 V. Max Weber, «Entwicklungstendenzen in der Lage der ostelbischen Landarbeiter», supra note 6.
27 Lotmar, «Introduction» à Der Arbeitsvertrag, supra note 22, p. 15-16.
28 Le pandectisme, issu des efforts de systématisation du droit de l'École historique, marque le triomphe du positivisme formaliste dans la science juridique allemande. Parmi ses principaux représentants, citons les noms de Bernard Windscheid (1817-1892), Rudolf Jhering (1818-1892) qui deviendra toutefois, ultérieurement, l'adversaire résolu de cette «jurisprudence des concepts», et, du côté du droit public, Paul Laband (1838-1918). La science des pandectes se fonde sur un effort très poussé, lequel se veut axiologiquement neutre, de conceptualisation systématique et de formalisation des propositions juridiques. Sur le pandectisme, Wieacker, v. Franz, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit [Histoire du droit privé moderne] (Göttingen: Vandenhoeck et Ruprecht, 1967), 430–458Google Scholar.
29 Lotmar, «Introduction» à Der Arbeitsvertrag, supra note 22, p. 16.
30 Sont synallagmatiques les contrats qui comportent des obligations réciproques pour chacune des parties, contrairement à la donation ou au legs testamentaire par exemple qui sont des actes juridiques unilatéraux.
31 C.-à-d. ceux liant travailleurs et employeurs de la grande industrie.
32 Même si l'on retrouve ainsi en droit allemand, tout comme en droit français, l'antique distinction entre louage d'ouvrage et louage de services, on doit observer que les différences culturelles entre les deux traditions juridiques demeurent considérables. Il faut donc se garder de rapprochements trop hâtifs. V. Simon Deakin, «Travail, contrat», supra note 17 à la p.291. Mückenberger, Ulrich et Supiot, Alain, «Ordre public social et communauté. Deux cultures du droit du travail», dans Zimmerman, Bénédicte et al. , Le travail et la nation. Histoire croisée de la France et de l'Allemagne (Paris: Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 1999), 81–105Google Scholar.
33 Par rationalisation matérielle du droit, Weber entend notamment le développement d'une logique juridique concrète axée vers la justice sociale plutôt que centrée sur l'élaboration de propositions juridiques abstraites, indifférentes aux inégalités de fait entre les parties.
34 Sinzheimer, «Philipp Lotmar und die deutsche Arbeitsrechtswissenschaft», supra note 11 à la p.411.
35 Weber, Économie et société, tome 1, supra note 8, à la p.322.
36 Colliot-Thélène, V. Catherine, «De l'autonomie de la sociologie du droit. La norme et la règle», dans Études wébériennes. Rationalités, histoires. droits (Paris: Presses universitaires de France, 2001), 195–217Google Scholar. V. aussi Sintomer, Yves, «Weber, Habermas et la sociologie du droit» dans Heurtin, Jean-Philippe et Molfessis, Nicolas, La sociologie du droit de Max Weber (Paris: Dalloz, 2006), 63–88Google Scholar, p.68-69.
37 Weber, Économie et société, supra note 8 à la p.322.
38 Sinzheimer, «Philipp Lotmar», supra note 23 à la p.215.
39 V. en ce sens Coutu, Michel, «Le droit du travail comme ordre légitime» dans Coutu, Michel et Rocher, Guy (dir.), La légitimité de l'État et du droit. Autour de Max Weber (Québec: Les Presses de l'Université Laval)Google Scholar, coll. «Pensée allemande et européenne»; (Paris: L.G.D.J., 2006)Google Scholar, coll. «Droit et Société», 332-353.
40 Cf. Weber, Rudolf Stammler, supra note 8, p.149 et seq.
41 Lotmar, «Introduction» à Der Arbeitsvertrag, supra note 22, à la p.3.
42 Ibid., p.5.
43 Ibid., p.6.
44 Ibid., p.33.
45 Ajoutons enfin, comme le souligne Thilo Ramm, que la conception de Lotmar demeure individualiste, en ce sens que le droit du travail est pensé avant tout à partir d'un rapport individuel enrre salarié et employeur. V. Ramm, «Philipp Lotmar und die Geschichte der Arbeitsverfassungen» [Philpp Lotmar et l'histoire des constitutions du travail], supra note 23, p.214 et seq.
46 Observons toutefois que cette mise à l'écart est certainement facilitée par l'adhésion de Lotmar au pandectisme, en ce sens que le travail de systématisation demeure l'œuvre du juriste universitaire, bien avant celle du législateur.
47 Notons que l'expression contrat d'accord n'est pas inusitée en droit français au XIXe siècle: Cottereau, V. Alain, «Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré, puis évincé par le droit du travail (France, XIXe siècle)», Annales HSS 6 (2002): 1521–1557CrossRefGoogle Scholar.
48 La distinction, il importe de le souligner, implique davantage historiquement qu'une simple différence dans le mode de rémunération: elle signale une différence de statut du travailleur. Christian Bessy souligne à cet égard «le clivage central entre le contrat des ouvriers à temps et le contrat des ouvriers preneurs d'ouvrage»: Bessy, , La contractualisation de la relation de travail (Paris: Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2007), 30Google Scholar. Ainsi, en droit français, le contrat à la pièce était considéré comme un louage d'ouvrage (locatio operis) donnant lieu à négotiation entre l'employeur et l'ouvrier, par exemple quant à la valeur du produit du travail. Par contre, le salarié au temps (domestique ou journalier) se voyait réduit à un état de quasi servitude. Ces différences de statut vont cependant s'atténuer vers la fin du XIXe siècle, sous la pression de la grande Industrie. V. Alain Cottereau, «Droit et bon droit», supra note 47.
49 Weber, «‘Le contrat de travail’ de Philipp Lotmar», supra note 3, à la p.157n.
50 Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, à la p.815.
51 Ibid., p.834.
52 Les données du Bureau impérial de la statistique (KSA) indiquent, pour l'année 1908 pendant laquelle Lotmar publie le deuxième tome de son ouvrage sur le contrat de travail, que 5,671 conventions collectives sont en vigueur couvrant 1,026,435 travailleurs. En 1912, les statistiques rapportent 10,739 conventions collectives concemant 1,574,285 travailleurs. Sur le plan européen, la progression de la négociation collective s'approche de la situation prévalant en Grande-Bretagne, où 2,400,000 salariés sont visés. Les conventions d'entreprises, fait intéressant à relever, représentent 26,6% du total en 1912, alors que les accords de branche (au niveau du lieu, de l'arrondissement ou sur le plan national) prédominent nettement. (Données commentées dans Hugo Sinzheimer, «Der Tarifgedanke in Deutschland» (1915), dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, supra note 11, 150-168.
53 Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, p.838 et seq.
54 Weber, Rudolf Stammler, supra note 8, p. 149 et seq. Id., Économie et saciété, supra note 8, p.322 et seq.
55 Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, p.847 et seq.
56 Weber, «‘Le contrat de travail’ de Philipp Lotmar», supra note 3 à la p. 156.
57 Weber, Économie et société, supra note 8, p.326 et seq.
58 Sur l'idée de pluralisme juridique en droit du travail, Arthurs, v. Harry, «Labour Law without the State?», University of Toronto Law Journal 46 (1996): 1–45CrossRefGoogle Scholar. Id., «Landscape and Memory: Labour Law, Legal Pluralism and Globalization», dans Ton Wilthagen (dir.), Advancing Theory in Labour Law and Industrial Relations in a Global Context (Amsterdam: North-Holland, 1998), 21-34. Vallée, Guylaine, «Le droit du travail comme lieu de pluralisme juridique: aspects historiques et enjeux actuels» dans Saint-Pierre, C. et Warren, J.P., Sociologie et société québécoise. Présences de Guy Rocher (Montréal: Presses de l'Université de Montréal, 2006), 241–265Google Scholar.
59 Sinzheimer, V. Hugo, «Theorie der Gesetzgebung» [Théorie de la législation], dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, tome 2 (Francfort-Cologne: Europäische Verlaganstalt, 1976), 245–309Google Scholar. En cela, Sinzheimer s'oppose directement à Georges Gurvitch qui ne retient du juriste allemand que l'idée d'autonomie sociale: cf. Gurvitch, Georges, Le temps présent et l'idée du droit social (Paris: Librairie philosophique J. Vrin, 1931), p.21et seq.Google Scholar Gurvitch expose fort bien les conceptions de Sinzheimer sur l'autonomie collective, mais il néglige l'iniportance que ce dernier accorde à l'intervention du législateur pour la démocratisation des rapports de travail. Sinzheimer a répondu à Gurvitch dans son étude: «Eine Theorie des sozialen Rechts» (1936) [Une théorie du droit social], dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, supra, 164–187. Notamment, Sinzheimer récuse le concept de droit défendu par Gurvitch fondé sur la notion de «fait normatif» et qui entremêle selon lui approches sociologique et axiologique (jusnaturaliste) du droit. Et il estime par ailleurs artificielle l'opposition rigide tracée par Gurvitch entre «État» et «société»: «Séparer l'État de l'ensemble du ‘droit social’ n'est ni théoriquement fondé ni pratiquement réalisable. En effet, on peut sérieusement se demander si le concept ‘d'autonomie sociale’ tient la route scientifiquement, lorsque l'on songe au fait que l'activité étatique n'est elle-même que l'expression de forces sociales, encore que sur un mode spécifique. Gurvitch n'aurait pas opposé de manière si tranchée l'État et la ‘société’ s'il avait gardé en tête l'unité de la société et l'imbrication [Zusammenhang] de ses fonctions» (p. 187, notre traduction). Sur l'opposition entre Sinzheimer et Gurvitch, v. Ulrich Zachert, «La légitimité des rapports juridiques de travail. À propos de la conception de la légitimité chez Max Weber et Hugo Sinzheimer», dans Michel Coutu et Guy Rocher (dir.), La légitimité de l'État et du droit. Autour de Max Weber, supra note 39, 301-325, p. 317 et seq.
60 Sinzheimer se réfère ici à l'article de Lotmar sur «Die Tarifverträge zwischen Arbeitgebem und Arbeitnehmern» [Les conventions collectives entre employeurs et travailleurs] paru dans les Archiv für Soziale Gesetzgebung und Statistik 15 (1900): 1–122Google Scholar.
61 V. Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, p.857 et seq.
62 Sinzheimer, «Philipp Lotmar und die deutsche Arbeitsrechtswissenschaft», supra note 11 à la p.414.
63 Pour Manfred Rehbinder, «Vorwort des Herausgebers» [Préface de l'Éditeur], supra note 23, p.30 et seq., l'oeuvre de Lotmar demeure exemplaire sous trois aspects: l'analyse brillante des faits sociaux du droit, la séparation nette entre dogmatique et politique du droit, la conscience aiguë de l'inégalité des rapports entre capital et travail.
64 V. ainsi Commons, John R., «Law and Economics», The Yale Law Journal 34 (1923): 371–382CrossRefGoogle Scholar. «Other illustrations might be given of the fundamental unity of law and economics, for example, Value…The Reasonable Value of the law is therefore the summing up of the whole science of economics…If, in addition to common law, we include statute law, as is needful for a complete idea of the unity of law and economics, then statute law, including constitutional law, the alleged seat of sovereignty, is rather a kind of organizing and experimenting with the efficiencies, scarcities, customs and expectations of the people, sometimes expediting them, sometimes inhibiting them» (p.379 et seq.). [italique ajoutée]
65 En ce dernier cas, tel que nous l'avons mentionné, «l'ordre économique. et l'ordre juridique sont en rapport l'un avec l'autre de la manière la plus intime» (Weber, Économie et société, supra note 8 à la p.322). Il nous apparaît en effet évident que l'intér'et de John R. Commons se porte vers cet ordre économique et juridique empirique, et non, en soi, vers les constructions et solutions dogmatiques des juristes, même s'il est tout à fait familier de celles-ci. Sur Commons, v. Kirat, Thierry, Économie du droit (Paris: La Découverte, 1999), p. 14Google Scholaret seq.
66 Ehrlich, Voir Eugen, Grundlegung der Soziologie des Rechts (1913), 4e ed., Rehbinder, M. (dir.), (Berlin: Duncker et Humblot, 1989)Google Scholar. Sur Ehrlich, v. l'étude fort éclairante de Hugo Sinzeimer, , «Eugen Ehrlich», dans Jüdische Klassiker der deutschen Rechtswissenschaft (Franfort: Vitorio Klostermann, 1953), 187–206Google Scholar.
67 Ehrlich se réfère plus précisément au «droit de la société» (gesellschaftliche Recht) qu'il oppose au droit de l'État. Ce droit social est le produit immédiat des «puissances» de la société, plus spécifiquement des multiples organisations et groupements qui la caractérisent. Ehrlich oppose ainsi les normes d'organisation émanant de ces groupements et organisations aux normes de décision caractéristiques du droit de l'État.
68 Weber, Rudolf Stammler, supra note 8, p.157n.
69 Max Weber, «Propos sur l'expose d'Hermann Kantorowicz: ‘La science du droit et la sociologie’», supra note 8 à la p.227.
70 Kantorowicz, Hermann, «Rechtswissenschaft und Soziologie», dans Rechtswissenschaft und Soziologie (Karlsruhe: G.F. Müller, 1962), 117–144Google Scholar, à la p. 139.
71 V. ainsi Coutu, Michel, «Légitimité et constitution. Les trois types purs de la jurisprudence constitutionnelle», Droit et société 56–57 (2004): 233–257Google Scholar.
72 Weber, V., «L'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales» [1904], dans Essais sur la théorie de la science, trad, de Freund, J. (Paris: Plon, 1965)Google Scholar: «..quelle que soit la façon dont on le formule, le concept scientifique de l'État est évidemment toujours une synthèse que nous élaborons en vue de fins déterminées de la connaissance. Mais d'un autre côte on le construtt aussi par abstraction à partir des synthèses confuses que l'on trouve toutes faites dans l'esprit des hommes historiques. Malgré tout, le contenu concret que la notion historique de l'État prend dans les synthèses des contemporains d'une époque ne se laisse saisir clairement que si l'on s'oriente d'après les concepts idéaltypiques» (p. 184).
73 «Tout acte juridique qui contrevient aux bonnes mœurs est nul» (traduction: http://fr.jurispedia.org/index.php/Code_civil_Art.138_%28de%29).
74 Cf. la décision de la Cour suprême des États-Unis dans Coppage v. State of Kansas, 231 U.S. 1 (1915), précédée d'un arrêt similaire dans Adair v. U.S., 208 U.S. 161 (1908).
75 Lotmar, Der Arbeitsvertrag, supra note 2, p.258n.
76 Ibid., 155-156.
77 Weber, «‘Le contrat de travail’ de Philipp Lotmar», supra note 3, p. 152.
78 En 1902, au moment où Weber écrit sa recension de l'ouvrage de Lotmar, l'opposition entre rationalité formelle et rationalité matérielle du droit n'est pas encore nettement élaborée; la dichotomie ne revêtira son aspect définitif qu'en 1913 avec la fin de la rédaction de la Sociologie du droit. Dans ses écrits antérieurs, tel son «Propos sur l'exposé d'Hermann Kantorowicz: ‘La science du droit et la sociologie’» (supra note 8), Weber oppose généralement la justice de Cadi au formalisme juridique. Cette dichotomie simple donnera naissance à une typologie beaucoup plus complexe, opposant forme et matière d'une part, rationnel et irrationnel d'autre part, dans la Sociologie du droit.
79 Sinzheimer, «Der Tarifgedanke in Deutschland» (1915), dans Arbeitsrecht und Rechtssoziologie, Gesammelte Aufsätze und Reden, supra note 11, p. 163 et seq.
80 Ibid., p.166.
81 Comp. Weber, «‘Le contrat de travail’ de Philipp Lotmar», supra note 3, p. 152n: «Cela montre suffisamment que les exercices éthiques que l'auteur soumet ici à la justice [Rechstspflege], relèvent en fait de la législation—une législation qui appartient à un avenir lointain».