En 1860 encore, l'Amérique est spatialement incomplète. La frontière atteint seulement le 95e méridien, avec deux légères avancées en Texas et en Nebraska, plus, en territoire canadien, une poche isolée au Sud du lac Winnipeg. Au-delà, espaces inhabités. Les Mormons ont irrigué Sait Lake City ; des aventuriers ont tenté quelques mining rushes, qui, bien souvent, ont dégénéré en colonies agricoles : en somme, bien peu de chose — et la terre, jusqu'aux Rocheuses, vide d'hommes (moins d'un habitant au kilomètre carré), est également vide de toute activité économique, hors la vie nomade des Indiens et celle des rouliers au long des « trails ».

Un livre de comptes familial — le simple livre d'un paysan de Saint-B..., village de la Limagne aux portes de Glermont-Ferrand : document singulièrement évocateur. Il représente un beau coup de sonde dans l'économie rurale de la France entre 1865 et 1905.

Il ne s'agit pas d'un paysan pauvre. Ni non plus d'un riche propriétaire. Notre homme possède d'assez nombreuses terres, mais de peu d'étendue chacune (la plus grande ne dépasse pas un hectare et demi). Les plus éloignées l'une de l'autre sont distantes de 30 kilomètres. Seules les plus proches de la maison sont cultivées directement (sauf les vignes qui se trouvent près de Clermont).

On connaît le thème : pendant des millénaires, l'Afrique du Nord reste figée, immuable, paralysée, incapable de réaliser les progrès sans quoi il n'y a pas d'essor soutenu de la civilisation. Des millénaires durant, même agriculture primitive, même élevage nomade, même morcellement anarchique en clans et en tribus et, pour finir, même instabilité d'Etats éphémères et sans autorité. Et cependant de riches possibilités existent, des ressources minières, notamment, qui, exploitées, eussent peut-être changé le cours de l'histoire : elles gisent, latentes, virtuelles, inefficaces. Chaque fois qu'elle se produit, l'impulsion vient du dehors, sous forme d'une colonisation étrangère qui ranime le pays, l'éduque et le transforme : c'est alors, sur des points privilégiés, une brillante floraison, un étincelant feu d'artifice qui ne laisse dans l'ombre que les régions d'accès difficile.

Du remarquable article que Lucien Febvre a publié dans le journal Le Monde du 20 décembre 1949 pour « chapeauter » une série,d'autres articles destinés à dresser le Bilan du demi-siècle qui vient de s'écouler entre 1900 et 1950 — donnons ici quelques extraits.

Lucien Febvre a intitulé son article : Continuité ou rupture de tradition ? C'est que, s'élevant au-dessus du papillottement infini des faits et cherchant à dégager les traits vraiment essentiels par quoi le demi-siècle a été marqué : ce qui, nous dit-il, caractérise la période qu'un homme de soixante-dix ans aujourd'hui (et donc de vingt ans en 1900) peut embrasser d'un coup d'oeil en évoquant sa vie —« ce qui en fait la grandeur et, si l'on veut, le tragique — n'est-ce pas précisément une rupture de traditions ? Et si totale, si brusque, si irrémédiable en apparence que l'homme blanc n'en a point connu de pareille depuis des millénaires » ?

Ignace Meyerson et la psychologie engagent un dialogue serré avec l'histoire. Tous les esprits curieux de confluences suivront cette discussion amicale et fructueuse. Les sciences sociales finiront bien un jour par se réunir en une seule expérience. L'attrait de telles conversations c'est que, longtemps à l'avance, elles préludent à cette unité... Dans le domaine de l'histoire qu'elles séparent du social, les Annales auront travaillé à cet avenir-là... Lucien Febvre l'a montré à nos lecteurs, en rendant compte de la thèse d'Ignace Meyerson, Les fonctions psychologiques et les œuvres. Un nouvel article du même auteur, Discontinuités et cheminements autonomes dans l'histoire de l'esprit, repose les mêmes problèmes mais avec cette vigueur particulière que possède un article : il laisse au lecteur une liberté plus grande qu'un livre (un livre enveloppe, emprisonne) et surtout, quand il est repensé dans la ligne de préoccupations anciennes, selon un nouvel effort de soi sur soi, il possède toujours une force explosive et convaincante.

Historien, fils d'historien, élève à Strasbourg de toute une pléiade de bons historiens, François-G. Pariset s'est de bonne heure tourné vers l'histoire de l'art. On lui doit, sur Mathias Grùnewald et les artistes alsaciens de son temps, d'intéressants travaux de recherche et de mise au point. Il s'est attaqué ensuite à un très gros sujet ; au peintre lorrain Georges de La Tour, hier inconnu, aujourd'hui célèbre, il a consacré une ample thèse dactylographiée, qui lui a valu le laurier doctoral en Sorbonne. Il en a tiré un livre, qui vient de paraître chez Laurens —un gros livre, abondamment illustré de planches hors texte, qui transmet au public l'essentiel de la thèse telle qu'elle fut présentée aux membres du jury pour la soutenance.

Le livre classique que M. René Crozet a consacré à l'Artroman en Poitou est un bon livre, dans les limites que l'auteur a voulu donner à sa recherche. Bien présenté, bien illustré, il constitue un remarquable répertoire des monuments subsistants de l'Art roman dans une de ses plus importantes provinces. Il est documenté à souhait, précis, exact dans toute la mesure du possible. H reproduit le plan, devenu courant, de ces sortes de monographies monumentales. Tcrar à tour, M. Crozet examine ce qu'il nomme « les conditions générales » ; après; quoi il passe en revue les expériences « pré-romanes » et recense les' éléments, datés de l'art, roman en Poitou.

Nous écrivons un livre sur l'art gothique, ou l'art roman dans telle ou telle contrée. Nous publions donc, parce que nous sommes sérieux, des plans d'édifice. Technique connue . Voici les murs, en noir. Les baies, en blanc. Les piliers. Et tendus de l'un à l'autre, en pointillé, les croisées d'ogives et les arcs doubleaux. Tout cela connu. Qui se lit aisément, d'un coup d'oeil. Et qui fournit beaucoup de données pour les comparaisons nécessaires encore que, très souvent, ces plans empruntés à des publications diverses n'aient pas la même échelle — et que cette échelle ne soit pas indiquée, ou ne le soit que très insuffisamment.

Le Père Lenoble — l'auteur de ce précieux livre, Mersenne ou la naissance du Mécanisme, dont je n'ai pas manqué d'entretenir nos lecteurs en son temps—le Père Lenoble a le don de clarté. Il revient, dans: un article du Giornale di Metafisica intitulé simplement : le Père Mersenne —sur le problème des relations de Mersenne avec Descartes. Et ses pages sont instructives pour l'historien des révolutions scientifiques.

Mersenne, un satellite de Descartes ? Baillet écrivait, dès la fin du XVIIe siècle, avec une rude candeur, que le caractère qui le distinguait, c'était... « d'avoir été l'homme de M. Descartes ».