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Violence citadine et réseaux de solidarité. L'exemple français aux XIVe et XVe siècles

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Claude Gauvard*
Affiliation:
Université de Paris

Extract

Aucune approche méthodologique ne s'est révélée jusqu'à présent satisfaisante pour cerner l'identité de la ville médiévale, y compris à la fin du Moyen Age. Ainsi l'analyse du vocabulaire des lieux que j'ai pu mener en étudiant les archives judiciaires, et en particulier les lettres de rémission des rois de France aux XIVe et XVe siècles, ne fait que confirmer l'emploi prioritaire du mot « ville » pour désigner une localité, tout en ne pouvant lui donner un contenu économique, social ou politique homogène. Si cette quête des mots est nécessaire, elle est loin d'être convaincante. Ou plutôt elle ne fait que confirmer l'extrême fluidité d'une réalité qui nous échappe et qui interdit, me semble-t-il, de faire référence à des critères familiers, chiffres de population, superficies et paysages habités, organisations administratives et institutionnelles, formes d'activités secondaires ou tertiaires.

Summary

Summary

During the XIVth and XVth centuries, when the French realm was still dominated by a network of small cities, and where conflictual relationships were codified by laws of honor, violence acted as a link between the city and its environs. The majority of crimes committed were homicides or slander charges resulting from conflicts. Since the city was the site of dense social networks, it became the stage upon which one's good name could be cleared, even when the protagonists were not city-dwellers. In the latter case, people from the countryside came to the city to seek public justice within a district pertinent to their worldview. Within the city itself, even in the large cities, a sense of honor was still intact. Neighbours thus had an important role in defining each others’ reputation, and they could take over the role implementing royal orders, especially when moral issues were involved. In this sense the city was less afraid of professional criminals—who remained in the minority—than of outsiders, who often became scapegoats. Violence was thus not a pertinent criterion for defining medieval urban identity.

Type
Les Sociabilités Urbaines Au Moyen Âge
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1993

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References

Notes

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13. Archives Nationales, JJ 120, lettre n° 349, juin 1382, adressée au bailli de Senlis. Autres exemples dans Cl. Gauvard, op. cit.,t. 2, chapitre 16.

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16. Archives Nationales, X 2a 14, fol. 16-17, mars 1402.

17. Ibidem,fol. 42 et 265. Pour l'étude de ces exemples, voir Cl. Gauvard, op. cit., 1.1, chapitre 6, en particulier pp. 269-270.

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29. Registre criminel du Châtelet…, op. cit.,pp. 258-259.

30. N. Gonthier, « Le contrôle de la violence dans les villes au Moyen Age », Histoire et criminalité… op. cit., supra, n. 6,pp. 431-437.

31. Archives Nationales, X 2a 14, fol. 156-156v, janvier 1404.

32. Archives Nationales, Y 5266, fol. 118v, 9 octobre 1488.

33. Ibidem,par exemple fol. 3v, 6v, 26v, 92v.

34. Archives Nationales, X 2a 14, fol. 8, 13 janvier 1401.

35. Archives Nationales, JJ 118, lettre n°80, novembre 1380, adressée au bailli de Rouen.

36. Voir sur ce point les perspectives ouvertes par Vincent, C., Des charités bien ordonnées: lesr confréries normandes de la fin du XIIIesiècle au début du xvie siècle, Paris, Collection de l'École Normale Supérieure de jeunes filles, 1987, p. 225 Google Scholar ss.

37. Archives Nationales, JJ 120, lettre nº 33, décembre 1380, adressée au bailli de Vermandois.

38. J. Rossiaud, op. cit.,p. 26 et ss.

39. Archives Nationales, JJ 120, lettre n° 334, juin 1382, adressée au bailli d'Orléans.

40. Archives Nationales, X 2a 14, fol. 24-24v, mai 1401.

41. M. Bourin et B. Chevalier, op. cit.

42. J. Chiffoleau, op. cit.,p. 161 ss.

43. Sur les fondements théoriques des excuses concernant le vol, voir Couvreur, G., Les pauvres ont-ils des droits ? Recherches sur le vol en cas d'extrême nécessité depuis la Concordia de Gratien (1140) jusqu'à Guillaume d'Auxerre (mort en 1231), Rome-Paris, 1961 Google Scholar.

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47. « In ipsorum complicium societate quemdam rotulum gesserat in quo recepta confectionis certi poculi tante vigoris quod si quis ex eo biberet statim totus rabidus, invidus et voluntarius gentes occidendi efficeretur, scripta fuerat ex quo poculo Galcherius cum sociis seu complicibus suis supradictis biberat seu gustaverat »,Archives Nationales, X 2a 16, fol. 168, avril 1412. Autres exemples de bandes, op. cit., supra,n. 1, en particulier pp. 157-471.

48. L'étude précise de leurs déplacements a été faite par B. Geremek, op. cit.,p. 287 ss.

49. Archives Nationales, X 2a 14, fol. 92, novembre 1402.

50. Ibidem,fol. 352v et X 2a 15, fol. 168v, décembre 1406.

51. Sur le récit de ces épisodes, voir Journal de Nicolas de BayeA. Tuetey éd., 2 vols, Paris, 1885-1888,1.1, pp. 55-54 et 93-94 et Archives nationales, X 2a 14, fol. 101-102, 113-114, 1403 et 196, 206-207v, 1404.

52. Sur le récit de l'alliance de ce truand avec le milieu nobiliaire, voir sa confession transcrite par Gasparri, F., Crimes et châtiments en Provence au temps du roi René. Procédure criminelle au 15’ siècle, Paris, Le Léopard d'Or, 1989 Google Scholar

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