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Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au XVIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Corinne Beutler*
Affiliation:
École Pratique des Hautes études - VIe Section, Centre de Recherches Historique

Extract

L'ensemble des traités d'agriculture, composés au cours du xvie siècle, qui représentent la somme des connaissances de l'époque à l'usage du gentilhomme campagnard, constitue la première manifestation à l'échelle européenne de l'intérêt scientifique, économique et technique porté à l'agriculture à l'aube des temps modernes.

Les Grecs et les Latins de l'Antiquité, il y a plus de quatorze siècles, avaient été les initiateurs de la littérature agricole qui représente un véritable genre littéraire. La découverte de l'imprimerie va leur permettre, dès avant la fin du xve siècle, de jouer, grâce aux nombreuses réimpressions et aux traductions en langue vulgaire qu'on en donne à travers l'ancienne Europe, le rôle d'un stimulant auprès de leurs lecteurs, en leur offrant à la fois un modèle littéraire et une somme de pratiques agricoles, différentes à bien des égards de celles qu'on observe au xvie siècle.

Type
Les Domaines de l'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1973

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References

1. Dans Agronomie et Jardinage au XVIe et au XVIIe siècle, 1953, réédité dans les Cahiers des Annales, 32, Paris, 1971, pp. 153-161, Jean Meuvret souligne la faiblesse du nombre des traités d'agriculture, comparé à celui d'autres ouvrages de la même époque : « Nous touchons ici à un fait d'ordre universel et qui intéresse presque toute l'ancienne Europe. Pourtant à ne considérer que la France, il est peut-être encore plus frappant. » Nous regrettons que cette constatation, justifiée pour la France, si l'on s'en tient au nombre des traités complets et originaux, fasse fi des traités d'agriculture des autres pays de l'ancienne Europe, italiens et allemands surtout, et qu'au chapitre des « traductions » (p. 155), il ne soit mentionné qu'un tiers des traductions françaises des trois auteurs latins cités, sans un mot de leurs traductions en d'autres langues étrangères, et sans faire la moindre allusion aux traductions en français, par exemple, des traités d'agriculture étrangers du xvie siècle, ni à celles des traités français dans des langues étrangères. Par la suite, Jean Meuvret a toujours souligné l'importance qu'il attachait à une étude d'ensemble des traités d'agriculture européens.

2. Schröder-Lembke, Gertrud, « Die Hausväterliteratur als agrargeschichtliche Quelle », Zeitschrift fur Agrargeschichte und Agrarsoziologie, Francfort-sur-Main, 1953, t. I.Google Scholar Parlant des traités d'agriculture allemands du xvie siècle et de l'étude que fit de l'un d'eux Chr. E. Langethal en 1856, l'auteur déclare (p. 110) : « Aucun nouveau chercheur malheureusement n'a songé depuis lors à utiliser ces vieux textes agricoles comme sources, au sens étroit du terme, de l'histoire de l'agriculture… » Et plus loin (p. 113) : « Il devrait être absolument possible, grâce à ces sources (les traités de quatre auteurs agricoles indépendants du dernier quart du xvie siècle) d'explorer plus exactement qu'il n'a été fait jusqu'à aujourd'hui, l'état de l'agriculture allemande au xvie siècle. »

La réédition de ces auteurs a été reprise actuellement : Martin Grosser et Abraham von Thumbshirn, Stuttgart, 1965 (par Mme Schrôder-Lembke) ; Conrad Heresbach, Meisenheim, 1970 (par Wilhelm Abel).

3. Hulubei, Alice, Répertoire des êglogues en France au XVIe siècle (Valois 1515-1589), Paris, 1939.Google Scholar Lachene, F., Bibliographie des recueils collectifs de poésie du XVIe siècle (Du Jardin de Plaisance, 1502, aux recueils de Toussaint du Bray, 1609), Paris, 1922.Google Scholar

4. Camillo Tarello, de Lonato en Lombardie (xvie siècle), son Ricordo d'Agricoltura (… « ma studiandolo bene »).

5. Olivier de Serres, en Vivarais (1539-1619), écrit Le Théâtre d'agriculture ou Mesnage des champs.

6. En Saxe, dans la région de Leipzig, Tobias Moller (2e moitié du xvie siècle) compose un Winter- und Sommer Feldbaw.

7. Natif de Saintonge, Bernard Palissy (1509-1590) rédige plusieurs courts traités groupés en deux recueils, Recepte véritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs thrésors, et les Discours admirables, de ta nature des eaux et fontaines, … avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles… plus un traité de la marne, fort utile et nécessaire pour ceux qui se mettent de l'agriculture… — Dans le Maine, Pierre Belon (1517 ?-1565), des Remontrances sur le défault de labour… — En Provence, au pays d'Arles, Pierre Quiqueran de Beaujeu (1526-1550), un De laudibus Provinciae, œuvre posthume. — Sur la Suède principalement, d'où il est originaire, mais aussi sur la Norvège, Olaus Magnus (?-i555) compose une Historia de gentium septentrionalium variis conditionibus statibusque. Le livre XIII traite de Agricultura et humano victu. — En Lombardie, à Pavie, Bernardo SACCO (xvie siècle), une De Italicarum rerum varietate et elegantia.

8. Luigi Alamanni, de Florence (1495-1556), compose une Coltivazione en vers, ainsi que Tullius Berroüis, de Bologne (2e moitié du xvie siècle), X Rusticorum libri.

9. Marco Bussato, de Ravenne (xvie siècle), son Giardino d'Agricoltura.

10. En Lombardie, Agostino Gallo, de Brescia (1490-1570), les X, XIII, XX Giornate délia ver a Agricoltura e piaceri délia villa.

11. Rozier, Abbé François, Cours complet d'agriculture… rédigé par ordre alphabétique, Paris, 1781-1782.Google Scholar

12. M. A. Wyczanski, professeur à l'Institut d'histoire de l'Académie Polonaise des Sciences, a eu l'amabilité de nous communiquer les notes qu'il a prises sur le traité polonais de Gostomski, dont un exemplaire figure à la Bibliothèque Nationale de Paris, et qui reproduit l'édition princeps de Cracovie, de 1588. Composé sour forme de lettres, dans lesquelles l'auteur donne tous les conseils utiles à la tenue et à l'exploitation d'un grand domaine, ce traité fait également appel à la tradition agricole antique. Il n'est pas le seul. Dans la riche introduction qu'il a donnée à cette réédition en 1951, le professeur Stefan Inglot consacre un chapitre aux auteurs polonais du xvie siècle qui ont écrit sur l'agriculture. Nous regrettons aujourd'hui qu'aucun d'entre eux, alors, n'ait utilisé le latin…

13. Ouvrage de compilation d'auteurs anciens, attribué à Cassianus Bassus.

14. Dans la région de Séville, en Andalousie, l'Arabe d'Espagne Ibn-al-Awwäm compose un Livre de l'agriculture en arabe, qui ne connaît pas d'édition avant le xviiie siècle.

15. Petrus Crescentius, de Bologne (1230-1320), son Opus ruralium commodorum libri XII.

16. Bourde, André, Agronomie et Agronomes en France au XVIIIe siècle, Paris, 1959.Google Scholar

17. Charles Estienne, en Ile-de-France (1504-1564), compose un Praedium Rusticum qui intègre, dans sa première version en latin, difiérents articles parus précédemment sur des sujets particuliers qui ont trait à l'agriculture.

18. Martin Grosser, dans la région nord de Breslau, en Basse-Silésie (2e moitié du xvie siècle), Kurze und gar einfeltige Anleitung zu der Landwirtschafi…

19. Pierre Belon lui-même voyage au Proche-Orient comme attaché scientifique de l'Ambassade auprès du Grand Turc.

20. Charles Estienne, op. cit. Il a marqué son intérêt pour la géographie, les sciences naturelles et la philologie dans différents opuscules, dont les plus importants pour nous sont : La Guide des chemins de France, Paris, 1553 ; De latinis et graecis nominibus : arborum, fruticum, herbarum, piscium et avium liber… cum gallica eorum nominum appellatione, Paris, 1536, etc.

21. Il est mort au Châtelet de Paris, emprisonné pour les dettes qu'il avait contractées pour son imprimerie ; il ne semble donc pas avoir possédé de terres dont il pût tirer profit.

22. Les commissaires du roi qui établissent la gabelle en Saintonge le chargent de dresser le plan des marais salants.

23. Martin Grosser, op. cit., « … der ewige Son Gottes… der sich oft selber ein Ackerman nennet… ».

24. Cette déclaration apparaît sous la plume du pasteur Johann Coler (1566-1639), qui, dans la région de Gohlberg, en Silésie, compose une Oeconomia ruralis et domestica, oder Hausbuch…

25. de Guevara, Antonio, Du Mespris de la court et de la louange de la vie rusticque, traduction d'Antoine Alaigre, Lyon, 1542.Google Scholar

26. Fagniez, Gustave, Économie sociale de la France sous Henri IV, Paris, 1897.Google Scholar

27. Abraham von Thumbshirn (1535-1593), dans la région au sud de Dresde, en Saxe, compose une Oeconomia oder notwendiger Unterricht und Anleitung, wie eine ganze Haushaltung am nützlichsten und besten… kann angestellet…

28. En Campanie, Gian Baptista délia Porta, de Naples (1550-1615), ses XII libri villae.

29. Giovanni Tatti, de Lucques (1521-1583), V libri dell'Agricoltura.

30. Il s'agit en l'occurrence de « la Silésie, la Marche, la Saxe et le Mecklemburg ». « Ich bin hier auf dem Deutschen boden, bei den frommen redlichen Deutschen, mit denen will ich reden und handeln… will sichs oft ail hier bei uns in Deutschland nicht schicken… denn sie haben einen andern Himmel, Luft, Wasser und Erde, als wir haben… Drumb bin ich nur ein Teutscher Schreiber und rede in diesen Büchern nur von Teutschen Aeckern. »

31. Charles Estienne, op. cit.

32. Giuseppe FALCONE, de Plaisance (?-i597), Nuovtz, vaga et dilettevolle villa.

33. Conrad Heresbach (1496-1576), dans le duché de Clèves, IV Rei Rusticae libri.

34. « Sic nos adhibuimus nostras [manus] non illibenter : testes sunt vineae meae, mea manu consitae, insitaeque, posteris relinquendae, nec solum fructus solitos et suetos, sed nec adhuc hominibus visos, et nostris maioribus invisos, quos didicimus producere studio, arte et experientia. »

35. Nous possédons encore le rapport qu'il écrivit en 1571, à la suite de sa visite générale aux 72 métairies du Prince électeur. Cf. Harm Wiemann, « Bericht über die Visitation der kurfürstlichen Vorwerke im Jahre 1571 von A. von Thumbshirn », dans Sonderdruck der Crimmitschauer Stadt- u. Landzeitung, 1940.

36. Africo Clemente, de Padoue (xvie siècle), Tratatto dell'Agricoltura.

37. Musset-Pathay, V.-D., Bibliographie agronomique…, Paris, 1810 Google Scholar, signale un poème du médecin flamand, Pierre Baard, La Pratique des laboureurs de Frise ; malgré les recherches entreprises, nous n'avons pu encore l'identifier.

38. Bernard Palissy, dans sa Préface.

39. Du Fail, Noël, Propos rustiques, Lyon, 1537 Google Scholar ; Baliverneries, Paris, 1548, cite Caton et Virgile.

40. Schutz, A. H., Vernacular books in parisian private libraries ofthe sixteenth century according to the notarial inventories, University of North Carolina Google Scholar, Studies in the romance Languages and Literatures, n° 25, 1955.

41. A propos de la Recepte véritable… de Palissy, qui n'a pourtant connu qu'une seule édition en français au xvie siècle, Pierre Deschamps signale que « le succès de ce petit livre fut tel que les catalogues des foires de Francfort en donnent le titre en entier », Dictionnaire de géographie ancienne et moderne, Paris, 1964.

42. Antonio Venuto, de Nota (xvie siècle), De Agricultura opusculum. L'indication « Notensis » sur la page de garde de son traité n'a pas été identifiée sur la carte.

43. Hésiode, en Béotie (xe siècle), Les Travaux et les jours, dont le livre II se rapporte à l'agriculture. — Théophraste (ve siècle), le livre VIII de son Historia plantarum, et le livre IV du De Causis plantarum, consacrés à l'agriculture. — Xénophon (ve-ive siècle), son Liber oeconomicus, traduit une première fois par Cicéron (cf. les chap. 17 et 18). — Caton le Censeur (232-147), les 162 chapitres de son De Re Rustica. — Varron (116-27), les Très libri agriculturae.— Virgile (71-19), les 4 livres des Géorgiques. — Columelle (SOUS le règne d'Auguste), les XII libri de agricultura. — Pline (23-79), les livres XVII, XVIII surtout, et XIX de son Historia Naturalis.— Palladius (IIe ou ive siècle ?), ses XIV libri Rei Rusticae. — Cassianus BASSUS (xie siècle), les XX libri graeci de re rustica selectorum…

44. A notre connaissance, seul le Théâtre d'agriculture ou Mesnage des champs d'Olivier de Serres a fait jusqu'à aujourd'hui l'objet d'une Notice bibliographique des différentes éditions de…, par J.-B. Huzard, Paris, 1806.

45. Par exemple leur édition collective en russe, sans le texte latin d'ailleurs, Moscou, 1957.

46. Bernard Palissy, Des Pierres.

47. Robert Breton, dans son Agriculturae Encomium, 1539, se contente de faire l'éloge de l'agriculture.

48. von Haller, Albrecht, Bibliotheca botanica, quae scripta ad rem herbariam facientia a rerum initiis recensentur, Tiguri, 1771-1772.Google Scholar

49. Michaud, , Bibliographie Universelle, ancienne et moderne, Paris, 1843.Google Scholar

50. Belleforest, , Secrets de la vraye agriculture, et honestes plaisirs qu'on reçoit en la mesnagerie des champs, pratiqués et expérimentés tant par l'auteur qu'autres experts en ladite science, divisés en XX journées, par Dialogues, Paris, 1571, 1572 et 1576.Google Scholar

51. Gabriel Alonso de Herrera (début du xvie siècle), à Talavera en Nouvelle Castille, Obra de Agricultura, copilada da diversos autores.