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Travail, mobilité et légitimité Suppliques au roi dans une société d’Ancien Régime (Turin, XVIIIe siècle)*

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Simona Cerutti*
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques-EHESS

Résumé

Aux travailleurs salariés est réservée une position marginale dans la classification sociale des villes d’Ancien Régime, qui est justifiée moins par le caractère « vil » du travail matériel que par leur prétendue extranéité à la vie urbaine. Cet article interroge les fondements de cette classification, en s’appuyant sur une source particulière: des centaines de suppliques que des artisans de l’État savoyard adressèrent au roi, pendant le XVIIIe siècle, pour lui demander le privilège d’exercer leur métier sans pour autant présenter les réquisits nécessaires. Les informations contenues dans la source ouvrent la voie à une recherche plus vaste, faisant ressortir notamment une des principales fonctions remplies par les corps de métier, à savoir la recherche, pour ses propres membres, d’une « bonne mesure » de la mobilité qui permette à la fois des formes de coordination sociale et de sauvegarde d’espace de mouvement individuel. Après la reconstitution de ce contexte de la mobilité, l’article revient aux textes, pour analyser sous un jour nouveau les thèmes apparemment figés de la « forme supplique ». Cette analyse permet d’interroger à nouveaux frais les contenus de la communication entre sujets et autorité politique, et de questionner la pertinence des catégories de « clientélisme » et de « paternalisme ».

Abstract

Abstract

Salaried workers had a marginal position in Old Regime urban societies, that was less justified on the “vile” character of their manual labour than on their supposed foreignness to the life of the city. This article reexamines the principles of such a social classification through the analysis of a particular source: the hundreds of petitions that artisans sent to the king of Savoy throughout the 18th century, to ask for the privilege of practicing their trade even though they did not meet all the necessary criteria. The information found in this source open large venues of research, especially on one of the main functions of guilds, that is regulating mobility so that a “right balance” would be struck between social coordination and individual freedom of movement. After reconstituting this context of mobility, the article then can reexamine the supposedly fixed themes of petitions as a form, and thus shed new light what content got transmitted between subjects and political authorities. In this process, it puts into question the usefulness of such categories as “clientele” and “paternalism”.

Type
Identités sociales et communautés
Copyright
Copyright © American Society of International Law 2010

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Footnotes

*

Je remercie, pour leur lecture et leurs commentaires, Renata Ago, Andrea Caracausi, Paola Lanaro, Maria Luisa Pesante, Jacques Revel, et Francesca Trivellato.

References

1 - Giannotti, Donato, Repubblica fiorentina, éd. par Silavano, G., Genève, Droz, 1990, liv. 5, p. 101 Google Scholar.

2 - Pour une analyse approfondie du langage juridique de la pauvreté, voir Todeschini, Giacomo, Visibilmente crudeli. Malviventi, persone sospette e gente qualunque dal Medioevo all’età moderna, Bologne, Il Mulino, 2007 Google Scholar.

3 - Sur les misérables, je renvoie à Cerutti, Simona, «Justice et citoyenneté à l’époque moderne», in Garavaglia, J. C. et Schaub, J.-F. (dir.), Lois, justice, coutume. Amérique et Europe latines (16e-19e siècle), Paris, Éd. de l’EHESS, 2005, p. 57-91 Google Scholar.

4 - On trouve des exemples utiles sur l’usage de ce langage à l’époque moderne dans Hitchcock, Tim, King, Peter et Scarpe, Pamela (dir.), Chronicling poverty: The voices and strategies of the English poor, 1640-1840, New York, St. Martin’s Press, 1997 CrossRefGoogle Scholar; Boulton, Jeremy, «‘It is extreme necessity that makes me do this’: Some ‘survival strategies’ of pauper households in London’s West End during the early eighteenth century», International Review of Social History, XIV-8, 2001, p. 47-69 Google Scholar; Shepard, Alexandra, «Poverty, labour and the language of social description in early modern England», Past & Present, 201, 2008, p. 51-95 CrossRefGoogle Scholar (avec une riche bibliographie).

5 - Ce qui s’est produit dans le cas du beau livre de Davis, Natalie Zemon, Pour sauver sa vie. Les récits de pardon au XVIe siècle, Paris, Éd. du Seuil, [1987] 1988 Google Scholar.

6 - L’expression est de Clavero, Bartolomé, «Emisferi di cittadinanza», Storica, 37-13, 2007, p. 7-50 Google Scholar, ici p. 10.

7 - La chronologie des suppliques reproduit à l’identique celle du fonctionnement véritable des corps de métier, après de longues décennies de quasi-inactivité. Pour une analyse de la spécificité des corporations turinoises, je renvoie à Cerutti, Simona, La ville et les métiers. Naissance d’un langage corporatif (Turin, XVIIe-XVIIIe siècle), Paris, Éd. de l’EHESS, 1990 Google Scholar. Les tailleurs ne figurent pas parmi ces métiers, alors qu’il s’agissait pourtant du métier le plus exercé dans la ville. Je considère que les raisons de cette absence sont liées aux vicissitudes complexes de la corporation au XVIIIe siècle, à michemin entre association artisanale et association marchande, que j’ai analysées dans « Du corps au métier. La corporation des tailleurs de Turin au XVIIIe siècle», Annales ESC, 43-2, 1988, p. 323-352. Cette source a également été utilisée par Allegra, Luciano, «Fra norma e deroga. Il mercato del lavoro a Torino nel Settecento», Rivista Storica Italiana, III, 2004, p. 872-925 Google Scholar (qui en fournit des interprétations très éloignées de celles qui seront présentées ici), et par Micheletto, Beatrice Zucca, «Travail, immigration et relations sociales à travers les parcours d’individus et familles d’une ville d’Ancien Régime (Turin, XVIIIe siècle)», L’Atelier du Centre de recherches historiques, 2009, http://acrh.revues.org/index1702.html Google Scholar, qui, en revanche, s’interroge sur le statut de la mobilité des artisans.

8 - Il s’agit des cordonniers, menuisiers, perruquiers, passementiers, étameurs, vendeurs d’eau-de-vie, chapeliers et boutonniers.

9 - Archivio di Stato di Torino (désormais AST), Sez. Riunite, Consolato di Commercio, vol. 6, Bottonai, 1740, supplica di Giovanna Maria Capella vedova Buttino, c. 19.

10 - Dans le domaine de la propriété, Calvi, Giulia, Il contratto morale. Madri e figli nella Toscana moderna, Rome/Bari, Laterza, 1994 Google Scholar, analyse avec des termes similaires pour la Florence de l’époque moderne le rapport entre, d’une part, l’incapacité des mères à succéder à leurs propres fils et, de l’autre, la définition de la pureté de l’amour maternel.

11 - Dans 6 % des cas, il n’y a aucune indication d’origine.

12 - Sonenscher, Michael, «Journeymen, the courts and the French trades, 1781-1791», Past & Present, 114, 1987, p. 655-666 Google Scholar; Id., Work and wages: Natural law, politics and the eighteenth-century French trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.

13 - Ehmer, Josef, «Worlds of mobility: Migration patterns of Viennese artisans in the 18th century», in Crossick, G. (dir.), The artisan and the European towns, 1500-1900, Aldershot/Brookfield, Scolar Press/Ashgate Pub., 1997, p. 64-186 Google Scholar, ici p. 179-180, montre que seul un quart des maîtres présents à Vienne en 1742 était né dans la ville (l’on peut également se reporter aux données similaires concernant Amsterdam). Londres, Sur, Luu, Lien, «Aliens and their impact on the goldsmiths’craft in London in the sixteenth century», in Mitchell, D. (dir.), Goldsmiths, silversmiths and bankers: Innovation and the transfer of skill, 1550 to 1750, Londres, Allan Sutton, 1995, p. 43-52 Google Scholar; sur Anvers, Deceulaer, Harald, «Guilds and litigation: Conflict settlement in Antwerp (1585-1796)», in Boone, M. et Prak, M. (dir.), Statuts individuels, statuts corporatifs et statuts judiciaires dans les villes européennes (Moyen-Âge et Temps modernes), Louvain/Apeldoom, Garant, 1996, p. 171-208 Google Scholar (où l’étude des conflits conduit au thème de l’intégration en ville). Voir, en outre, parmi les nombreux et importants travaux de Epstein, Stephan R., «Labour mobility, journeymen organisations and markets in skilled labour Europe, 14th-18th centuries», in Hilaire-Perez, L. et Garçon, A.-F. (dir.), Les chemins de la nouveauté. Innover, inventer au regard de l’histoire, Paris, CTHS, 2003, p. 411-429 Google Scholar. Sur la France, voir l’analyse menée par M.Sonenscher sur les compagnons tailleurs de la ville de Rouen: Sonenscher, Michael, «Journeymen’s migrations and workshop organization in eighteenth-century France», in Kaplan, S. L. et Koepp, C. J. (dir.), Work in France: Representations, meaning, organization, and practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, p. 74-96 Google Scholar. Pour de nombreux cas italiens, voir les contributions rassemblées dans Meriggi, Marco et Pastore, Alessandro (dir.), Le regole dei mestieri e delle professioni: secoli 15.-19., Milan, F. Angeli, 2000 Google Scholar. Voir en outre Carlo Belfanti, Marco, Mestieri e forestieri. Economia urbana ed immigrazione a Mantova tra Seicento e Settecento, Milan, F. Angeli, 1994 Google Scholar; Lanaro, Paola, «Corporations et confréries: les étrangers et le marché du travail à Venise (XVe-XVIIIe siècles)», Histoire urbaine, 21-1, 2008, p. 31-48 CrossRefGoogle Scholar. De plus, le bel article Groppi, d’Angela, «Ebrei, donne, soldati, e neofiti: l’esercizio del mestiere tra esclusioni e privilegi (Roma, XVII-XVIII secolo)», in Guenzi, A., Massa, P. et Moioli, A. (dir.), Corporazioni e gruppi professionali nell’Italia moderna, Milan, F. Angeli, 1999, p. 533-559 Google Scholar, et le livre Canepari, d’Eleonora, Stare in compagnia. Strategie di inurbamento e forme associative nella Roma del Seicento, Rome, Rubettino, 2007 Google Scholar.

14 - Sur ce thème, voir en particulier Epstein, Stephan R., «Labour mobility, journeyman organisations and markets in skilled labour, 14th-18th centuries», in Arnoux, M. et Monnet, P. (dir.), Le technicien dans la cité en Europe occidentale 1250-1650, Rome, École française de Rome, 2004, p. 251-269 Google Scholar; Ciriacono, Salvatore, «Migration, minorities, and technology transfer in early modern Europe», Journal of European Economic History, 34-1, 2005, p. 43-64 Google Scholar. Pour un bilan général des contributions récentes à l’histoire des corporations, voir le numéro spécial: « The return of guilds», International Review of Social History, supplément 16, 2008.

15 - Prak, Maarten et Epstein, Stephan R. (dir.), «Introduction», Guilds, innovation and the European economy, 1400-1800, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2008, p. 1-24 Google Scholar. Voir également l’utile compte rendu de cet ouvrage par Grafe, Regina, The Journal of Interdisciplinary History, 40-1, 2009, p. 78-82 CrossRefGoogle Scholar, qui restitue les principales étapes du récent débat sur ce sujet.

16 - AST, Sez. Riunite, Finanze, I Archiviazione, Commercio, manifatture e fabbricazioni, m. 1, n. 23, 1742.

17 - Quelques données: menuisiers, 105; charpentiers, 20; tailleurs, 270; vendeurs d’eau-de-vie et confiseurs, 87; corroyeurs, 30; passementiers, 32; maîtres ouvriers d’étoffes d’argent et de soie, 188; aubergistes, 154; cordonniers, 97; étameurs, 8; chapeliers, 24; perruquiers, 87; boutonniers, 15. À la page 127 du fascicule, on lit: « Mais on doit être averti que, comme certaines personnes exercent plusieurs professions, on les retrouve notées dans la liste de chacune d’entre elles, et donc en double. »

18 - AST, Sez. I, Materie Commercio, cat. I, mazzo 2 di addizione,1792, 28 marzo. Des allusions à cette liste se trouvent dans Levi, Giovanni, «Carrières d’artisans et marché du travail à Turin (XVIIIe-XIXe siècles)», Annales ESC, 45-6, 1990, p. 1351-1364 Google Scholar et dans L. Allegra, « Fra norma e deroga... », art. cit.

19 - Sur la crise en question: Arese, Franco, L’industria serica piemontese dal secolo 17. alla meta del 19., Turin, Bona, 1922 Google Scholar; Chicco, Giuseppe, La seta in Piemonte, 1650-1800. Un sistema industriale d’ancien regime, Milan, F. Angeli, 1995, p. 297-338 Google Scholar.

20 - L. Allegra, « Fra norma e deroga... », art. cit, p. 876.

21 - Lamberti, Maria Carla, «Immigrate e immigrati in una città preindustriale: Torino all’inizio dell’Ottocento», in Arru, A. et Ramella, F. (dir.), L’Italia delle migrazioni interne. Donne, uomini, mobilità in età moderna e contemporanea, Rome, Donzelli Editore, 2003, p. 163 Google Scholar sq. L’analyse du phénomène migratoire conduite par Levi, Giovanni, «Come Torino soffocò il Piemonte», Centro e periferia di uno stato assoluto: tre saggi su Piemonte e Liguria in eta moderna, Turin, Rosenberg e Sellier, 1985, p. 11-69 Google Scholar, demeure essentielle.

22 - Provenance des 101 syndics des arts: Turin, 51; Savoie, 1; Dauphiné, 1; Suisse, 1; Valsesia, 7; Milan, 5; Piémont, 23; Gênes, 2; Lusingo, 1; Crescentino, 1; Cesio, 1; Sparone, 1; Agrano, 1; Campertogno, 1; Zumaglia, 1.

23 - Ago, Renata, Economia barocca. Mercato e istituzioni nella Roma del Seicento, Rome, Donzelli, 1998 Google Scholar, a mis opportunément l’accent sur cette stratification du marché sous l’Ancien Régime. À Turin, les règlements municipaux nous disent, par exemple, que le marché des produits maraîchers devait se tenir sur la Piazza delle Erbe, mais plusieurs témoignages dévoilent qu’au même endroit, « on vend d’habitude les chaussures travaillées, et sans commande », c’est-à-dire déjà prêtes, vendues à des prix beaucoup plus bas que celles faites sur mesure. À l’intérieur de ce marché du « confectionné », d’autres marchés apparaissent: celui des chaussures pour homme ou pour femme à «talon ouvert ou couvert », à semelles en bois ou en cuir, et l’on retrouve des stratifications similaires pour ce qui est des meubles ou des perruques: AST, Sez. Riunite, Consolato di Commercio, vol. 9, Calzolai, supplique de Giò Minerolo, 1761.

24 - Sur cette conjoncture particulière, je me permets à nouveau de renvoyer à S. Cerutti, La ville et les métiers..., op. cit.

25 - AST, I Sez., Commercio, m. 1/2 Calzolai.

26 - Voir en particulier: Poni, Carlo, «Norms and disputes: The shoemakers’ guild in eighteenth-century Bologna», Past & Present, 123, 1989, p. 80-108 CrossRefGoogle Scholar.

27 - Les documents sont conservés dans AST, I Sez., Arti e manifatture, Commercio, cat. 4, m. 1/2.

28 - Ibid., 6 octobre 1738. Voir en outre, ibid., 1745, n. 11, Raccorsi di diversi figlioli di calzolai affine d’ottenere la grazia delle pene incorse per aver tenuto bottega aperta senza aver passato la metriza; 1747, n. 12, Sentimento del Consiglio del Commercio sopra una supplica di Gaspare Dassano chiedente la dispensa dal prescritto da’ regolamenti dell’università dei Calzolai per poter dirigere la bottega da calzolaio nell’Albergo di Virtù; 1748, n. 13, Rappresentanza per parte dell’Università dei calzolai (où les syndics se lamentent du très grand nombre de suppliques qui ont été adressées au roi et qui ont obtenu des dispenses). Le conflit continuera durant toutes les années 1760.

29 - Ibid., 1762. Nous l’apprenons grâce à la supplique du cordonnier Giovanni Ripa.

30 - Ibid., 1760.

31 - Voir sa supplique, ibid., 1760.

32 - AST, I Sez., Arti e manifatture, Commercio, cat. IV, m. 1/2, Cappellai, n. 5, 1946, Memoriale.., cité également dans L. Allegra, « Fra norma e deroga... », art. cit., p. 910.

33 - De manière significative, tous les actes de nomination du prêtenom (les conventions) cités dans les suppliques sont des écritures privées, rédigées pour la plupart en présence «d’amis communs ».

34 - AST, Sez. Riunite, Consolato, vol. 9, 7 juin 1760.

35 - Ibid., Testimonianza di Matteo Viado.

36 - AST, Sez. Riunite, Insinuazione Torino, 1750, l. 8, c. 283, Rinuncia di Antonio Boscardo a favore di Giovanni Pietro e Giovanni Antonio Boscardo suoi fratelli. Voir en outre ibid., 1755, l. 9, c. 364, Vendita di Antonio Boscardo a Margherita Bossa.

37 - Ibid., 1750, l. 3, c. 283, Dote di Giovanna Maria Della Porta moglie di Matteo Viado. Dans le document, il y a également le détail d’un modeste trousseau composé de «deux robes de chambre déjà usées avec deux draps également utilisés et un jupon de coton, qui vaut en tout 25 lires ».

38 - Cavallo, Sandra et Cerutti, Simona, «Female honor and the social control of reproduction in Piedmont between 1600 and 1800», in Muir, E. et Ruggiero, G. (dir.), Sex and gender in historical perspective, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1990, p. 46-72 Google Scholar.

39 - AST, Sez. Riunite, Insinuazione Torino, 1757, l. 7, vol. 2, c. 731, Quittanza del signor Matteo Viado à favore del Signor Giacomo Cabodo di Monastero Val di Lanzo.

40 - Ibid., 1750, l. 3, c. 939, obbligo di Antonio Ricardi; ibid., 1757, l. 5, c. 996, Quittanza di Antonio Ricardi à Giò Luigi Tibaudino; ibid. 1757, l. 9, c. 63, Quittanza di Bernardo Antonio Ricardi ad Antonio Vaudagna.

41 - Des prête-noms nommés dans les suppliques de Gaspare Canova: Gerolamo Croce, Giuseppe Ambrogio Devachi, Giovanni Matteo Buffa, Sebastiano Maurizio Ugliengo, Giovanni Minerolo, Giuseppe Ludovico Garronis, Antonio Corte, un certain Fulcheri (nous ne connaissons pas son nom), Pietro Cerutto, Giovanni Ripa, etc.

42 - La déclaration de Giuseppe Domenico Bertoglio de Turin est, en cela, particulièrement explicite. Prête-nom et témoin du porteur de supplique Devachi, de Chieri (bien que Chieri soit situé à quelques kilomètres de Turin, et que Devachi déclare habiter dans la capitale, le témoin explique « ignorer si son nom de famille est bien Devachi, parce qu’il l’a toujours entendu appeler soit par son prénom, Ambrogio, soit comme ‘l’homme de Chieri’ »), Bertoglio déclare: « Je m’appelle Giuseppe Domenico Bertoglio de cette ville, fils de Giò Batta, toujours en vie. Je ne vis plus avec lui depuis un an et demi. J’ai trente ans, je suis maître cordonnier de profession, pour homme et pour femme, approuvé en celle-ci. Je ne possède rien parce que je suis fils de famille, et que je vis de mes travaux dans ce métier-là »: ibid., Calzolai, vol. 9, supplica Devachi 1759. L’idée que le chef-d’œuvre fût «une chose pour les jeunes» et «une chose inconvenante» pour un compagnon âgé est présente dans nombre de suppliques, et de manière très explicite dans celle de Gaspare Canova di Biella, résidant à Turin: ibid., 1750; et dans celle du menuisier Giuseppe Mansuehti, ibid., (non daté, mais 1762), qui soutient que le chef-d’œuvre « est une chose à faire pour qui, à un jeune âge, cherche à entreprendre une telle profession ».

43 - AST, Sez. Riunite, Insinuazione Torino, 1760, l. 5, c. 1001, Convenzione tra il Signor Bartolomeo Chiarmet e la massa dei creditori del fu Michele Suchi; ibid., 1761, l. 9, c. 235, Quittanza di Michel Angelo Fissore a favore delli Bartolomeo e Anna Caterina giugali Chiarmet con ricognizione di questo a favore di quella; ibid., 1762, l. 10, c. 821, Procuration faite par Barthelmi Chiarmet en faveur de Jacques Chiarmet son frère.

44 - L’acquisition est rendue possible grâce à la proposition de satisfaire les très nombreux créanciers du maître Zucchi. Sur les rapports de dette et de crédit comme moyens d’accès à la propriété, je renvoie à Cerutti, Simona, «Proprietà e credito: tappe nei percorsi di integrazione in città», in Todeschini, G. (dir.), Credito e cittadinanza nell’Europa mediterranea dal Medioevo all’Età moderna, à paraîtreGoogle Scholar.

45 - Fondée en 1580 « pour le refuge et pour l’instruction des pauvres de Turin », l’auberge de la Vertu héberge au XVIIIe siècle des manufactures de laine et d’étoffes de soie dont les produits ne réussirent jamais à atteindre la qualité escomptée. Vers la fin des années 1750, lorsque Chiarmet présente sa supplique, près de cent jeunes gens travaillent à l’auberge de la Vertu dans les diverses manufactures, avec des salaires journaliers modestes par rapport à ceux des ateliers, d’environ 3 sous par jour: AST, Sez. Riunite, Albergo di Virtù, Diario dei mastri, 1752-1757, vol. 219; on peut également se reporter aux fonds Stipendi et Ruoli allievi, 1757-1813.

46 - Il me paraît important de signaler que ce même phénomène, bien loin d’être circonscrit à mon champ d’étude, a été repéré dans une grande partie du monde ottoman à la même époque. Lephénomène dugedik distingue justement deux droits:celui d’exercer, d’une part, et celui de posséder l’atelier, de l’autre. Il a été étudié en particulier par Akarh, Engin D., «Gedik: A bundle of rights and obligations for Istambul artisans and traders, 1750-1840», in Cottage, A. et Mundy, M. (dir.), Law, anthropology, and the constitution of the social: Making persons and things, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 166-200 Google Scholar. Pour le cas égyptien, voir les excellents travaux de Gazaleh, Pascale, Masters of the trade: Crafts and craftspeople in Cairo, 1750-1850, Le Caire, The American University in Cairo, 1999 Google Scholar. Cette extraordinaire convergence de processus similaires dans des zones différentes devra faire l’objet d’études spécifiques.

47 - Les exemples ici reportés sont compris entre les années 1740 et 1770, et sont tirés de L. Allegra, « Fra norma e deroga... », art. cit., respectivement aux pages 884-885, 890, 895 et 909, qui les présente comme des exemples d’abus.

48 - AST, Sez. Riunite, Consolato, vol. 72, Minusieri, supplica di Giuseppe Antonio Gerardi, 1760. J’ai pu retrouver le testament du maître Molletta dans AST, Sez. Riunite, Insinuazione Torino, 1761, l. 11, c. 681, Testamento delli Sigg.ri Giuseppe Maria e Maria Lucia Pianta giugali Molletta di Brisago, Lago Maggiore in questa città residenti. Molletta laisse à son frère « des bancs et des instruments qui appartiennent à la profession de forgeron charpentier, avec 3 douzaines de planches d’arbre épaisses et une douzaine de noyer; le legs ne sera effectif qu’en cas de mort, ou si sa femme quitte le négoce et le travail de forgeron charpentier, priant sa femme de garder dans l’atelier son frère, et de le payer pour chaque journée trente sous, pourvu que le même s’emploie, avec toute l’attention possible, au bénéfice de lui et de son négoce, et avec la liberté cependant, à la même femme, si elle ne se trouve pas satisfaite et contentée par ce dernier, de pouvoir le licencier et de se servir de qui elle voudra et lui plaira le plus ».

49 - Parmi les nombreuses conséquences d’une telle multiplication de droits sur l’atelier, on peut noter la coexistence de définitions différentes des prérogatives du bon maître. Giò Maria Croce, par exemple, en donne plusieurs définitions: le bon maître « est bon connaisseur », il « est en état de diriger n’importe quel atelier de maître cordonnier... et de faire ce que les maîtres approuvés ont l’habitude de faire, en discernant si le travail est bien ou mal fait par les compagnons »: AST, Sez. Riunite, Consolato, vol. 10, Calzolai, supplica di Giovanni Maria Croce, 1759; Giovanni Figliar, quant à lui, goretto (c’est-à-dire « premier garçon de boutique »), considère que la capacité à bien découper fait la caractéristique principale du bon maître. Mais il ajoute ensuite que le contrôle du travail des compagnons et des subordonnés « est la principale inspection d’un vrai maître »; Buffa insiste sur la découpe « qui est le savoir-faire le plus important pour former comme il se doit une chaussure » (ibid., supplica di Giovanni Matteo Buffa, 1759), tandis qu’Ostello croit que la « satisfaction totale de la clientèle » est le critère principal d’appréciation (ibid., supplica di Antonio Ostello, 1760).

50 - AST, Sez. Riunite, Consolato, vol. 6, Bottonai, 1737, c. 15.

51 - Nous savons désormais que le livret n’était pas seulement un instrument des maîtres servant à contrôler la mobilité des compagnons: lorsqu’il attestait l’absence de dettes du compagnon envers le patron, il fonctionnait comme « laissez-passer », et permettait donc la mobilité. Sur ces thèmes, les recherches d’Alain Cottereau sont fondamentales. On peut notamment citer: Cottereau, Alain, «Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré, puis évincé par le droit de travail (France, XIXe siècle)», Annales HSS, 57-6, 2002, p. 1521-1557 CrossRefGoogle Scholar. Sur les relations de dette et de crédit dans l’atelier, voir les récents travaux Caracausi, d’Andrea, Dentro la bottega. Culture del lavoro in una città d’età moderna, Venise, Marsilio, 2008 Google Scholar.

52 - AST, I Sez., Commercio, Cat. IV, m. 5, 1765.

53 - J’ai repéré que les femmes qui cousaient des gants dans les années 1770 percevaient 10 sous de salaire, contre les 45 à 60 sous attribués aux artisans masculins, un salaire particulièrement élevé justifié par le savoir-faire requis: AST, I sez., Commercio, m. II, Guantari e pelli. La paie d’un compagnon cordonnier s’élevait, en revanche, à 18 sous environ (ibid., m. 10, Calzolai); celle d’un tisserand à l’auberge de la Vertu à environ 3 sous la journée (voir note 45). Prato, Giuseppe, La vita economica in Piemonte a mezzo il secolo, XVIII, Turin, Società Tipografico-Editrice Nazionale, 1908, p. 263 Google Scholar, dit que les compagnons chaussetiers percevaient, en 1730, 30 sous la journée, en moyenne et à la pièce, dont il fallait retrancher 1,8 sous pour l’huile, les aiguilles et l’étain. « D’après le Consulat, c’était une rétribution supérieure à celle que la même catégorie de travailleurs percevait en France et à Gênes, et elle leur permettait de ‘ne pas faire que travailler à toutes les heures de la journée’. » Toutes ces données sont citées dans de Fort, Ester, «Mastri e lavoranti nell’università di mestiere tra Settecento e Ottocento», in Agosti, A. et Bravo, G. M. (dir.), Storia del movimento operaio, del socialismo e delle lotte sociali in Piemonte, Bari, Laterza, 1979, p. 89-142 Google Scholar, ici p. 103; un article d’une grande richesse, le seul, à ma connaissance, qui mentionne le rôle du bedeau (p. 117). Le terme bidello se retrouve en 1727 dans les papiers de la corporation des papetiers de Venise (je remercie Andrea Caracausi de me l’avoir signalé). Les salaires des domestiques étaient beaucoup plus bas, et ils s’élevaient environ à un sou la journée. Pour un bon éventail des salaires perçus à Turin à cette époque, voir Rolla, Nicoletta, La piazza e il palazzo. I mercati e il vicariato di Torino nel Settecento, Florence (à paraître)Google Scholar.

54 - Cette organisation rappelle les bureaux de placement en vigueur à Paris et dans d’autres villes françaises, évoqués dans M. Sonenscher, « Journeymen’s migration... », art. cit. Parmi les recherches qui, depuis lors, ont mis en lumière ce type de fonctionnement, voir en particulier Catharina LIS et Soly, Hugo, «Il potere dei ‘lavoratori liberi’: azioni collettive dei garzoni cappellai nei Paesi Bassi meridionali (XVI-XIX secolo)», Quaderni Storici, 87, 1994, p. 587-627 Google Scholar; Id., « ‘An irresistible phalanx’: Journeymen association in Western Europe, 1300-1800», International Review of Social History, XXIX-S2, 1994, p. 11-52, et Pancera, Walter, «Padova, 1704: ‘l’antica Unione de’poveri laneri’ contro la ‘ricca Università dell’arte della lana’», Quaderni Storici, 87, 1994, p. 629-653 Google Scholar.

55 - Voir désormais sur ce sujet: N. Rolla, La piazza e il palazzo..., op. cit.

56 - AST, I Sez., Materie economiche, Vicariato, m.1 di 2° addizione, Memoriale a capi con risposte e Patenti concesse da S. M. a favore dei Panettieri di questa città, 29 agosto 1744, con capi di aggiunta 4 novembre 1794.

57 - Ibid.

58 - Sur ces thèmes, les travaux de Steven Kaplan n’ont rien perdu de leur richesse: Kaplan, Steven L., «Réflexions sur la police du monde du travail, 1700-1715», Revue Historique, 261-1, 1979, p. 17-77 Google Scholar; Id., « The character and implications of strife among the masters inside the guilds of eighteenth-century Paris», Journal of Social History, 19-4, 1986, p. 631-647. Je renvoie également à Cerutti, Simona et Poni, Carlo (dir.), «Conflitti nel mondo del lavoro», Quaderni Storici, 80, 1992 Google Scholar.

59 - Il existe désormais une vaste bibliographie sur ce sujet. Je ne renvoie qu’aux études qui m’ont paru les plus proches du cas analysé ici: sur les savetiers, Fanti, Mario, «Istituzioni di mutuo soccorso in Bologna tra Cinquecento e Settecento: la compagnia dei lavoranti calzolai», in Zamagni, V. (dir.), Povertà e innovazioni istituzionali in Italia dal Medioevo ad oggi, Bologne, Il Mulino, 2000, p. 225-245 Google Scholar; Boldini, Rinaldo, «Piccole banche in Calanca, ovvero, della funzione sociale delle confraternite», Quaderni grigioni-taliani, 34-3, 1965, p. 210-222 Google Scholar; W. Pancera, « Padova 1704... », art. cit.

60 - AST, Sez. I, Commercio, cat. IV, m. 5 (Université des compagnons cordonniers et orfèvres); m. 1 bis et m. 1/2; ibid., m. VI, pour les selliers; ibid., m. 11, pour les chapeliers; pour les boutonniers, voir Duboin, Felice mato, Raccolta per ordine di materia delle leggi cioè editti, patenti, manifesti ecc. Emanati negli Stati di terraferma sin all’8 dicembre 1789 dai sovrani della real casa di Savoia..., Turin, Tipografia Mussano, 1818-1869, t. XV, p. 578-87 Google Scholar. En outre, de nombreux exemples sont rapportés dans E.DE FORT, Mastri e lavoranti..., op. cit.

61 - AST, I Sez., mazzo 5, Parrucchieri, Sentimento del magistrato del Consolato sul ricorso dei lavoranti parrucchieri e contro ricorso dell’università dei parrucchieri per la repulsione del detto ricorso tendente ad ottenere il permesso di formare un corpo separato ed indipendente da detta università per ciò che concerne la solenizzazione della festa del Beato Amedeo, 1747.

62 - Le projet de création d’une université de l’art reçoit un avis négatif, fréquent à cette période du XVIIIe siècle. Les premières critiques envers le système corporatif émergent à partir des années 1750: voir dans F. A. Duboin, Raccolta..., op. cit., t. XVII, p. 927-930, la Rappresentanza inviata dal Consiglio di commercio al primo Segretario di Stato per gli affari esteri, conte di Saint Laurent, circa gli inconvenienti, ed i danni che dall’istituzione delle diverse università ne derivano alle arti, e professioni meccaniche, 1753.

63 - AST, I Sez., mazzo 5, Parrucchieri, Sentimento del magistrato del Consolato sul ricorso dei lavoranti parrucchieri..., op. cit.

64 - La supplique, apprend-on, est en fait un fragment de procédure, parce que la « célébration » de la fête avec les collectes qui l’accompagnent est à l’origine d’un procès intenté par les maîtres contre les compagnons: F. A. Duboin, Raccolta..., op. cit., t. XVI, p. 875.

65 - En 1777 à nouveau, les compagnons serruriers avaient mené un véritable soulèvement contre leurs maîtres, suscitant des inquiétudes envers « cette foule de jeunes, dont un membre ou deux sont presque toujours présents dans chaque rixe ou petite bataille, ou dans n’importe quel autre scandale public », AST, I sez., Commercio, cat. IV, m. VII da ordinare, dans lequel on trouve également l’avis de l’avocat-fiscal du consulat, Ghiliossi, refusant la requête des compagnons qui souhaitaient pouvoir collecter des aumônes.

66 - F. A. Duboin, Raccolta..., op. cit., t. XVII, p. 212.

67 - Ibid., t. XVI, p. 962.

68 - Ibid., t. XVII, p. 60-65.

69 - M. Sonenscher, « Journeymen’s migration... », art. cit., p. 89 sq.; Id., Work and wages..., op. cit., p. 267 sq. ; sur le rôle des auberges, voir également le témoignage du compagnon vitrier Ménétra, ainsi que les commentaires de Roche, Daniel (éd.), Journal de ma vie. Jacques-Louis Ménétra, compagnon vitrier au 18e siècle, Paris, Montalba, 1982, p. 375 Google Scholar; pour l’Angleterre, voir l’utile Clark, Peter, «Migrants in the city: The process of social adaptation in English towns», in Clark, P. et Souden, D. (dir.), Migration and society in early modern England, Totowa, Barnes & Noble Books, 1987, p. 267-291 Google Scholar.

70 - AST, I Sez., mazzo 5, Parrucchieri, Sentimento del magistrato del Consolato sul ricorso dei lavoranti parrucchieri, op. cit.

71 - Thompson, E. P., «Time, work-discipline and industrial capitalism», Past & Present, 38, 1967, p. 56-97 CrossRefGoogle Scholar.

72 - Un nombre très élevé de perruquiers passaient par la France, et par Paris en particulier: AST, Sez. Riunite, Consolato, vol. 34, 35 et 36. Le menuisier A. Ostello raconte qu’il a, lui aussi, vécu une bonne quinzaine d’années à Paris; il en va de même pour le sieur Catochio, ou bien pour Giovanni Risetto, et de nombreux autres encore (ibid., vol. 72).

73 - Voir en particulier Allard, Julie, «Territoire partagé, territoire contesté: stratégies du maintien de l’ordre à la place de Grève (Paris, 1667-1789)», L’Atelier du Centre de recherches historiques, http://acrh.revues.org/index1668.html Google Scholar; A. Cottereau, « Droit et bon droit... », art. cit., où l’on retrouve, p. 1520, une gravure de Jules Pelcoq, reproduisant les prix-faiteurs en place de Grève.

74 - S. R. Epstein et M. Prak, « Guilds, innovation,. . . », art. cit., p. 13. Pour des critiques envers cette position, voir en particulier les essais de Ogilvie, Sheilagh, «Whatever is, is right? Economic institutions in pre-industrial Europe», Economic History Review, 60-4, 2007, p. 649-684 CrossRefGoogle Scholar; Id., « Rehabilitating the guilds: A reply», Economic History Review, 611, p. 175-182.

75 - AST, Sez. Riunite, Consolato di commercio, vol. 9, Calzolai, supplica di Giuseppe Ludovico Garronis, 1761.

76 - Ibid., supplica di Gaspare Canova, 1750.

77 - Ibid., supplica di Bartolomeo Chiarmet 1758, je souligne.

78 - AST, I Sez. Materie economiche, Commercio, cat. IV, mazzo 1 d’addizione, Sentimento del Consiglio di commercio sul raccorso dei calzolai affine d’ottenere la proibizione dell’estrazione da stati di SM d’ogni sorta di corami e pelli di vitelli, 1744; Ibid., Informativa e Parere del Consiglio del Commercio sull’affare riguardante le istanze dei calzolai per stabilire il prezzo dei corami dell’affaiterie del paese, 1745, et les nombreux autres documents concernant ce conflit regroupés dans la même liasse.

79 - AST, Sez. Riunite, Consolato di commercio, vol. 1, Acquavitai, 1739.

80 - Le seul cas rencontré où la supplique donne directement accès à l’enregistrement dans le rôle de la corporation, par volonté expresse de Son Altesse, est celui du menuisier Bernardino Negro, fabricant des « métiers à tisser de l’inventeur de la nouvelle façon de tisser, Leclerc », ibid., vol. 72, 1762.

81 - Ibid., vol. 9, supplica di Giovanni Minerolo, 1761.

82 - Ibid., supplica Fulcheri, 1760.

83 - Ibid., vol. 6, Bottonai, suppliche di Giovanna Maria Cappella, 1740; di Giovanni Battista Picco, 1747; di Cristina Marchetta, 1740 ainsi que les nombreuses autres contenues dans le volume; Ibid., vol. 40, Stagninari, supplica Todino 1752.

84 - Rappelons qu’en Angleterre, durant l’époque moderne, l’accès au statut de freemen était lié à leur inscription dans un corps de métier: Barry, Jonathan, «I significati della libertà: la libertà urbana nell’Inghilterra del XVII e XVIII secolo», Quaderni Storici, 89, 1995, p. 487-513 Google Scholar, ici p. 502.

85 - Somers, Margaret, «The ‘misteries’ of property: Relationality, rural-industrialization, and community in chartist narratives of political rights», in Brewer, J. et Staves, S. (dir.), Early modern conceptions of property, Londres/New York, Routledge, 1995, p. 62-92 Google Scholar; en outre, voir le précieux: Rule, John, «The property of skill in the period of manufacture», in Joyce, P. (dir.), The historical meanings of work, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 99-118 Google Scholar.

86 - Cela ne signifie pas que l’attribution formelle de la citoyenneté soit toujours une condition essentielle pour l’exercice de son métier, du moment que l’enracinement social peut être exprimé par d’autres systèmes d’appartenance. Pour des analyses du rapport entre pratique du métier et attribution des privilèges de la citoyenneté, voir Trivellato, Francesca, Fondamenta dei vetrai. Lavoro, tecnologia e mercato a Venezia tra Sei e Settecento, Rome, Donzelli, 2000 Google Scholar; Id., « Intorno alla corporazione: identità professionale e stratificazione sociale tra Murano e Venezia (secoli XVII-XVIII) », et Leonida Tedoldi, «Servizio pubblico e cittadinanza: il caso degli zerlotti bresciani dal Seicento al Settecento», les deux articles se trouvent in M. Meriggi et A. Pastore (dir.), Le regole dei mestieri..., op. cit., respectivement p. 52-74 et p. 75-89.

87 - D’abord apprenti, puis compagnon et aussi goretto (premier garçon de l’atelier), il demande à être dispensé du chef-d’œuvre pour ouvrir un atelier de maître, ou au moins à ne passer que l’examen concernant la connaissance des cuirs. « Il est frêle et [du fait de] l’inconfort dont il souffre, il n’a pas pu s’exercer à tous les travaux mais seulement aux travaux de minutie... aussi bien pour ne pas porter préjudice à sa santé que pour ne pas s’abîmer la main puisque celui qui ne s’exerce à fabriquer qu’un seul type de chaussures réalise ce même type avec une perfection accrue et pour le profit du public »; marié avec 5 enfants, il se dit pauvre, alors que le chef-d’œuvre coûte 40 lires et le double « lorsque on est considéré comme étranger, plus 8 lires au syndic pour le dérangement que lui cause le fait de réaliser à son domicile le chef-d’œuvre. »

88 - Nubola, Cecilia et Würgler, Andreas (dir.), Suppliche e gravamina. Politica, amministrazione, giustizia in Europa, secoli 14.-18., Bologne, Il Mulino, 2002, p. 10 Google Scholar; ce volume a été précédé par Lex Heerma van Voss (dir.), « Petitions in social history», International Review of Social History, suppl. 9, 2001. Voir également Millet, Hélène (dir.), Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (XIIe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 2003 Google Scholar.

89 - Cecilia Nubola, «La ‘via supplicationi’ negli stati italiani della prima età moderna», in C. Nubola et A. Würgler (dir.), Suppliche e gravamina..., op. cit., p. 28-31, ici p. 31.

90 - Vallerani, Massimo, «La supplica al signore e il potere della misericordia. Bologna 1337-1347», Quaderni Storici, 131, 2009, p. 411-442 Google Scholar, qui commente ainsi les positions de l’historiographie allemande bien présentées par Würgler, Andreas, «Suppliche e gravamina nella prima età moderna: la storiografia di lingua tedesca», Annali dell’istituto storico italo-germanico in Trento, XXV, 1999, p. 515-546 Google Scholar.

91 - C. Nubola et A. Würgler (dir.), Suppliche e gravamina..., op. cit., p. 10. Pour une analyse de la forme de la « supplique » à l’époque contemporaine, qui montre, au contraire, l’absence de revendication de droits, voir Fassin, Didier, «La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les requêtes d’aide d’urgence», Annales HSS, 55-5, 2000, p. 955-981 CrossRefGoogle Scholar.

92 - André Holestein, « ‘Rinviare ad suplicandum’. Suppliche, dispense e legislazione di polizia nello Stato di Ancien Régime», in C. Nubola et A. Würgler (dir.), Suppliche e gravamina..., op. cit., p. 177-226.

93 - M. Vallerani, « La supplica... », art. cit.

94 - Ibid., p. 430.

95 - Massimo Vallerani souligne que de nombreux auteurs dans le recueil cité prennent le thème de la pauvreté trop au sérieux. Des études récentes ont, à l’inverse, analysé de plus près les déclarations des acteurs: voir note 2.

96 - AST, Sez. Riunite, Consolato di commercio, vol. 9, supplica di Agostino Vacha, 1763.

97 - Ibid., supplica di Giuseppe Reviglio, 1755.

98 - Ibid., supplica di Giovanni Michele Fano, 1762; voir également la supplique de Sebastiano Maurizio Uliengo, 1760.

99 - Gianna Pomata a travaillé de façon exemplaire sur les privilèges accordés aux malades, à qui l’on octroie également, comme pour les « misérables », l’attribution de la procédure sommaire: Pomata, Gianna, Contracting a cure: Patients, healers, and the law in early modern Bologna, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, [1994] 1998 Google Scholar.

100 - AST, Sez. Riunite, Consolato di commercio, vol. 9, Calzolai, supplica di Giuseppe Matteo Richiardi, s. d., ma 1760.

101 - Ibid., vol 6, Bottonai, supplica di Giovanni Battista Picco, 1747.

102 - Ibid., vol. 9, Calzolai, supplica Giovanni Matteo Buffa, 1759.

103 - Ibid., vol. 9, Calzolai, supplica di Michel Angelo Amedei. Il présente également l’attestation du médecin Costa, qui certifie que le porteur de supplique souffre de fièvre et de fortes douleurs à l’estomac. Nous pouvons mesurer à quel point les procès pouvaient servir de certificats: certaines attestations de pauvreté avaient été produites et utilisées lors de procédures judiciaires antérieures.

104 - N. Rolla, La piazza e il palazzo..., op. cit.

105 - De riches recherches sont en train de se développer sur le rapport entre les deux: depuis l’article d’A. Cottereau, « Droit et bon droit... », art. cit., jusqu’aux travaux désormais classiques de Steinfeld, Robert J., Coercion, contract and free labour in the 19th century, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 CrossRefGoogle Scholar et Deakin, Simon et Wilkinson, Frank, The law of the labour market: Industrialization, employment, and legal evolution, Oxford, Oxford University Press, 2005 CrossRefGoogle Scholar. Voir également Stanziani, Alessandro, «Free labor-forced labor: An uncertain boundary? The circulation of economic ideas between Russia and Europe from the 18th to the mid-19th century?», Kritika. Explorations in Russian and Eurasian history, 9-1, 2008, p. 1-27 CrossRefGoogle Scholar.

106 - Conte, Emanuele, «Cose, persone, obbligazioni, consuetudini. Piccole osservazioni su grandi temi», in Faron, O. et Hubert, É. (dir.), Le sol et l’immeuble. Les formes dissociées de propriété immobilière dans les villes de France et d’Italie (XIIe-XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1995, p. 27-39 Google Scholar; Id., « Dai servi ai sudditi. La realitas dei contratti di status nel diritto comune», in F. Theisen et W. E. Voss (dir.), Glosse, Summe, Kommentar, Osnabrück, Univ.-Verl. Rasch, 2000, p. 37-54. Sur la place centrale occupée par les post-glossateurs dans la culture juridique piémontaise du XVIIIe siècle, je renvoie encore une fois à S. Cerutti, Giustizia sommaria..., op. cit., p. 81 sq.

107 - E. Conte, « Cose, persone... », art. cit., p. 37 et 35.

108 - Je renvoie, encore une fois, à M. Sonenscher, Work and wages..., op. cit.