Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
On se propose de rappeler ici que le scandale est un phénomène social et qu'il est digne d'être étudié. Si la réalité en est connue depuis des millénaires, la notion en est encore peu claire dans l'esprit des sociologues. Ni l'Encyclopaedia of Social Sciences, ni le Handwörterbuch der Soziologie, ni le Vocabulaire de Lalande ne mentionnent le mot. La bibliographie semble à peu près inexistante : un article du philosophe français M. Le Senne et un livre du sociologue danois M. Svend Ranulf ne fournissent que de lointaines approches au problème ici posé.
page 328 note 1. « Dead scandais form good subjects for dissection », Byron, Don Juan, I, st. 31.
page 328 note 2. Senne, René Le, «Le scandale», dans L'Existence, Paris, Gallimard, 1945, p. 127–155.Google Scholar
page 328 note 3. Ranulf, Svend, Moral Indignation and Middle Class Psychology, Copenhagen, Levin and Munksgaard, 1938.Google Scholar
page 328 note 4. LXX, Jos., XXIII, 13 ; I Reg., XVIII, 21.
page 328 note 5. Rom., XI, 9 ; I Petr., II, 8.
page 328 note 6. Matt., XVIII, 7 ; Luc, XVII, 1.
page 329 note 1. Littré, Dictionnaire de la langue française, s. v., 1 ; — Murray, Historical Dictionary, s. v., 1, b.
page 329 note 2. D. T. C., s. v. ; Calvin, [Traité] des scandales qui empeschent aujourd'hui beaucoup de gens de venir à la pure doctrine de l'Évangile, et en desbauchèt d'autres, reproduit dans Trois traités, Paris, Éditions « Je sers », 1934. Noter que Jésus est dit pierre de scandale « non qu'il soit cause qu'on s'achoppe à lui, mais d'autant que les hommes en prennent occasion » (Calvin, Ibid., p. 159) ; or « c'est une maxime toute certaine que, si nous voulons fuir tous scandales, il nous convient renoncer Jésus-Christ » (Ibid., p. 161). On ne devrait pas entreprendre une psychologie du scandalisé, ou même une étude de la « résistance au changement », sans relire cet écrit trop oublié de Calvin (ainsi les pages 251 et suivantes).
page 329 note 3. Thomas D'Aquin, Summa theologica, IIa IIae, q. XLIII, a. 1. ; — Bourdaloue, Œuvres (Paris, 1877), I : Sermon sur le scandale, p. 30-41. — Desers, Nos Devoirs envers le prochain (Paris, 1908), 5e instruction, p. 37-44.
page 329 note 4. Le Senne, ouvr. cité, p. 127.
page 329 note 5. Ibid., p. 141.
page 329 note 6. Ibid., p. 151 et suiv.
page 329 note 7. A noter des usages accessoires qui prêtent à confusion : a) « Indignation que causent les actions, les discours, les personnes de mauvais exemple » (Littré, sens 3) ; — b) « Damage to reputation » (Murray, sens 2) ; — c) «Utterance of disgraceful imputation, defamatory talk » (Murray, sens 5). — On retrouve parfois en latin médiéval cette idée de mauvaise réputation. Ainsi le grand maître de l'ordre des Templiers écrit au pape : « Item, Pater Sancte, in facto unionis animadvertenda sunt commoda et dampna, honores et scandala que possunt ex hujusmodi negocio provenire » (De Unione Templi et Hospitalis ordinum ad Clementem papam Jacobi de Molayo relatio [1306], dans Lizerand, (éd.), Le Dossier de l'affaire des Templiers, Paris, Champion, 1923, p. 4 Google Scholar ; cf. aussi p. 6).
page 330 note 1. Murray, ouvr. cité, s. v., 3 et 4.
page 330 note 2. Littré, ouvr. cité., s. v., 4. L'ancienne procédure judiciaire française connaissait « l'amené sans scandale ». On voit que l'anglais vise plutôt la cause, le français l'effet.
page 330 note 3. Murray, ouvr. cité., s. v., 1, donne cet usage comme « obsolète. »
page 330 note 4. Voltaire, Dictionnaire philosophique, s. v. : «Un scandale est une grave indécence. On l'applique principalement aux gens d'Église. »
page 330 note 5. Sources : Thucydide, VI, 27-28, 53, 60, 61 ; — Andocides, Sur les Mystères, 34-39 ; Plutarque, Alcibiade, 18, Nicias, 13. Interprétations : par la politique étrangère, J. B. Bury, A History of Greece (New York, Modem Library, s. d.), p. 450-452 ; — par la politique intérieure, H. Weil, Etudes sur l'antiquité grecque (Paris, Hachette, 1900), p. 287 et suiv. — Sur la portée symbolique du sacrilège : A. von Domaszewski, Die Hermen der Agora zu Athen (Sitzungsb. der Heidelberger Akad. d. Wiss., 1914, 10. Abhandlung).
page 330 note 6. Source principale : Le Dossier de l'affaire des Templiers, édité et traduit par George Lizerand (Paris, Champion, 1923). Interprétation : Charles Langlois, Le Procès des Templiers d'après des documents nouveaux, dans Bévue des Deux Mondes, 15 janv. 1891, p. 382-421.
page 330 note 7. Source : Mémoires présentés au Parlement (Paris, 1764). Commentaire : Voltaire, Dictionnaire philosophique, v° scandale.
page 331 note 1. Pour l'époque moderne, les sources et les interprétations sont trop nombreuses pour pouvoir être citées ici. Mentionnons spécialement : R. Merle, Le Procès d'Oscar Wilde, dans Les Temps Modernes, janv. 1951, et pour le Tea Pot Dôme, Allen, F. A., Only Yesterday, New York, Harper, 1931 Google Scholar, chap. VI.
page 331 note 2. Malinowski, Bronislaw, Crime and Custom in Savage Society, London, 1926, p. 77–82.Google Scholar
page 331 note 3. Ces valeurs ne sont pas toujours ce que l'on croit. Par exemple : « Madame de … a été rejoindre son amant en Angleterre pour faire preuve d'une grande tendresse quoiqu'elle n'en eût guère. A présent les scandales se donnent par respect humain » (Chamfort, Maximes et pensées, éd. Auguis, I, p. 415).
page 332 note 1. Cf. Georg Lomer, Ueber den Klatzch, dans Psychiatrisch-neurologische Wochenschaft, 5 juill. 1913, p. 172-174 ; Henry Lanz, Metaphysics of Gossip, dans The Int. Journ. of Ethics, juill. 1936, p. 493-494.
page 332 note 2. Cf. R. Merle, ouvr. cité, p. 1206.
page 332 note 3. B. Malinowski, ouvr. cité, p. 78.
page 332 note 4. La situation américaine est remarquable à bien des égards. Voir George Boas, The Complète Scandalmonger, dans Harper's Magazine, août 1937, et surtout David Riesman, Democracy and Diffamation, dans Columbia Laiv Revietv, XLII (1942), p. 727 et suiv., 1085 et suiv., 1282 et suiv., qui présente un remarquable tableau de la législation en vigueur et en analyse les fondements psychologiques et sociaux.
page 333 note 1. Cf. Lizerand, ouvr. cité, p. 21, 121 et 135.
page 333 note 2. Un cas extrêmement curieux et digne d'étude est le scandale de West Point, l'académie militaire américaine. Quatre-vingt dix cadets s'étaient procuré à l'avance les questions d'un examen; cf. The New York Times, 12 août 1951 : a) la nouvelle : « Spotlight on West Point»; b) la réaction du public : « West Point is recovering from its severest shock » ; c) le digne éditorial : « West Point problems » ; d) l'avis du pédagogue : « Honor System, badly shaken at West Point, has a mixed record at other institutions ». Voir également Kennedy, J. F., HOW should Cadets be Picked? dans The New York Times Magazine, 19 août 1951, p. 16.Google Scholar
page 334 note 1. Cf. D. Riesman, ouvr. cité, p. 730, et l'ouvrage du même auteur, The Lonely Crowd, New Haven, Yale U. P., 1950.
page 334 note 2. Sur la difficulté d'étudier cette « bonne conscience » sociale, voir B. Malinowski, introduction à Ogbin, H. I., Latv and Order in Polynesia, Londres, 1934, p. XXIV et suiv.Google Scholar
page 334 note 3. F. L. Allen, ouvr. cité, p. 178 et suiv.
page 335 note 1. L'exploitation du scandale devient à son tour un scandale pour le camp de la bonne conscience. Et lorsqu'une révolution montante dénonce des scandales dans le régime établi, c'est elle-même qui devient à son tour le scandale suprême. L'étiquette de scandale dont on affuble la révolution permet à la fois de minimiser son importance et de rassembler les énergies contre elle. On peut rappeler ici un exemple tiré de l'histoire de la Révolution russe. A l'ouverture du Préparlement, en octobre 1917, Trotsky avait proclamé au milieu d'une extraordinaire tempête d'injures le refus des bolcheviks de collaborer plus longtemps avec les représentants de la bourgeoisie et leur décision d'en appeler directement au peuple. Le ministre des Affaires étrangères, Térechtchenko, câbla à ses ambassadeurs : « La première séance a été très neutre, exception faite d'un scandale suscité par les bolcheviks. » Ce qui permet à Trotsky d'ironiser : « La rupture historique du prolétariat avec le mécanisme étatique de la bourgeoisie était considéré, par ces gens-là comme un simple scandale. » ( Trotsky, Léon, Histoire de la révolution russe, Paris, Éditions du Seuil, 1950, II, p. 384.Google Scholar)
page 335 note 2. Icazbaiceta, Joaquin Garcia, Don Fray Juan de Zumàrraga Primer, Obispo y Arzobispo de Mexico (Mexico, 1881)Google Scholar, appendice, p. 102 ; cf. Robert Ricard, La « Conquête spirituelle » du Mexique, Paris, Institut d'Ethnologie, 1933, p. 50-53.
page 336 note 1. Voir A. D. Radcliffe-Brown, Encyclopaedia oj Social Sciences, v. Law, Primitive.
page 336 note 2. Cf. Gurvitch, G., La Vocation actuelle de la sociologie, Paris, P. U. F., 1950, p. 88 Google Scholar et suiv. et en particulier p. 94.
page 336 note 3. Le Senne, ouer. cité, p. 142.