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Sur un fascisme imaginaire : à propos d'un livre de Zeev Sternhell*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jacques Julliard*
Affiliation:
École des Hautes Études en Sciences Sociales Paris

Extract

Voici un livre qui dès sa parution a donné lieu à un ample débat et à des controverses passionnées : articles dans les quotidiens, les hebdomadaires, les mensuels, interviews, polémiques, procès même. Ce n'est pas un mince mérite : l'historiographie française aborde souvent les sujets d'histoire contemporaine avec tant de retenue et de timidité qu'il faut l'intervention d'historiens étrangers — Zeev Sternhell, excellent connaisseur de la France, est Israélien — pour que soient débloqués des problèmes considérés comme tabous. D'ores et déjà, on peut dire que sur la question du « fascisme à la française », le livre de Zeev Sternhell, nourri d'innombrables lectures et d'une grande érudition, jouera le rôle de brise-glace tenu naguère par Robert Paxton à propos du vichysme.

Type
Polémiques et Controverses
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1984

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Footnotes

*

Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche, l'idéologie fasciste en France, Paris Éditions du Seuil, 1983,414 p.

References

1. Notamment Le Monde, 11-12 mars 1984.

2. Notamment Raymond Aron, « L'imprégnation fasciste », L'Express, 4.2.1983 ; Enthoven, Jean-Paul, « Fascistes, si vous saviez », Le Nouvel Observateur, ainsi que Bernard Cazes, La Quinzaine littéraire, 18 février 1983.Google Scholar

3. Notamment Winock, Michel, « Fascisme à la française ou fascisme introuvable ?, Le Débat, n° 25, mai 1983, pp. 3544 Google Scholar ; Shlomo Sand, « L'idéologie fasciste en France », Esprit, août-septembre 1983, pp. 149-160, ainsi que Jean-Marie Domenach, « Correspondance », ibid., pp. 176-179 ; Hoffmann, Stanley, recension du livre dans Conférence Group on French Politics and Society, Newsletter, octobre 1983 du Center for European Studies, Harvard University, pp. 1518.Google Scholar

4. Notamment, une mise au point par Zeev Sternhell de sa position : « Socialisme n'égale pas fascisme », Le Monde, 11-12 mars 1984, p. 10.

5. Esprit, décembre 1983, « Correspondance », pp. 189-195 avec la participation de Zeev Sternhell, Shlomo Sand, Pierre Vidal-Naquet.

6. Il s'agit du procès intenté à l'auteur par Bertrand de Jouvenel.

7. Paxton, Robert, La France de Vichy (1940-1944), Paris, Éditions du Seuil, 1973 Google Scholar ; ainsi que du même, en collaboration avec Marrus, Michael, Vichy et les juifs, Paris, Calmann Lévy, 1981 Google Scholar. On rappellera pourtant, antérieurement à celui de Zeev Sternhell, le livre de LÉVY, Bernard-Henri, L'Idéologie française, Paris, Éditions Grasset, 1981 Google Scholar, qui soulevait déjà le problème des origines de gauche de l'idéologie fasciste en France. Mais le caractère outré de la thèse, reflété dans le titre de l'essai, le caractère hâtif de la documentation ne permirent pas à la discussion de se dérouler sérieusement. Il faut aussi rappeler l'article essentiel de Raoul Girardet, « Notes sur l'esprit d'un fascisme français », Revue française de Science politique, juillet-septembre 1955, pp. 529-546.

8. Voir le colloque tenu par le Club de l'horloge les 26 et 27 novembre 1983 et publié sous le titre Socialisme et fascisme : une même famille ?, Paris, Albin Michel, 1984, où le livre de Zeev Sternhell a été abondamment cité par les contributeurs.

9. Auquel Sternhell, Zeev, précisément, a consacré une excellente bibliographie : Fascism : a Reader's Guide. Analyses, Interprétations, Bibliography, Berkeley, University of California Press, 1976.Google Scholar

10. Cf. le titre du précédent livre de Sternhell, Zeev, La Droite révolutionnaire, les origines françaises du fascisme (1885-1914), Paris, Éditions de Minuit, 1978.Google Scholar

11. Beroounioux, Alain, « Le néo-socialisme. Marcel Déat : réformisme traditionnel ou esprit des années trente », Revue historique, CCLX/2, p. 389.Google Scholar

12. Sand, Shlomo, « Prolegomeni ad una critice délia storiografia sorelina. Due leggende da stafare », Annali délia Fondazione Luigi Einaudi, Turin, vol. XVI, 1982, pp. 332333.Google Scholar

13. C'est dans cette erreur que tombe, à mon avis, l'historien américain Mazgaj, Paul que Sternhell ne cite pas, mais dont les orientations sont proches des siennes, The Action française and Revolutionary Syndicalism, The University of North Carolina Press, 1979.Google Scholar

14. Les provocations n'avaient pourtant pas manqué. Devenu ministre de l'Intérieur à la veille du 1er mai 1906, tentative à moitié avortée de mobilisation générale des travailleurs en faveur de la journée de 8 heures, Clemenceau fit arrêter un certain nombre de dirigeants de la C.G.T, en même temps que certains agitateurs royalistes. L'amalgame, destiné à discréditer les chefs de la C.G.T. en les présentant comme partie prenante d'un complot contre la République, fit long feu. Au lendemain du 1er mai, les poursuites furent abandonnées. Mais la suite devait montrer que Clemenceau n'allait pas renoncer de si tôt à ses étranges méthodes.

15. « Le syndicalisme révolutionnaire français et la politique (1900-1914) », dans Il Sindicalismo rivoluzionario nella storia del movimento operaio internazionale, Ricerche storiche, année XI, n° 1, janvier-avril 1981, pp. 83-103.

16. Faisant allusion à la pendaison d'un buste de Marianne au balcon de la Bourse du Travail de Paris, Zeev Sternhell déclare « Maurras ne s'y trompe pas ». Et de citer Maurras : « La pendaison de Marianne devant la Bourse du Travail est l'acte le plus significatif de notre histoire depuis le 14 juillet 1789 » (Z. S pp. 75-76). Maurras ne s'y trompe pas en effet : cette pendaison était une provocation montée par le journaliste monarchiste Emile Para, comme le montrent les Archives de la Préfecture de Police (BA 1602 et 1603). Devant les tentations de récupération du syndicalisme révolutionnaire par l'Action française, à l'occasion de la répression gouvernementale consécutive aux événements de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges (1908), Griffuelhes déclare à sa sortie de prison : « C'est justement pour cette lutte contre l'Action française que le gouvernement aura bientôt besoin de nous. » ﹛Paris-Journal, 6 janvier 1909).

17. « Monarchistes et syndicalistes », Le Mouvement socialiste, n° 227, janvier 1911, p. 52. Cité par Flers, Marion Dachary De, « Lagardelle et l'équipe du “ Mouvement socialiste” », thèse de 3e cycle, Paris, Institut d'Études Politiques de Paris, 1983, pp. 267268.Google Scholar

18. Cf. le colloque du Club de l'Horloge, déjà cité. Sternhell a protesté avec raison contre l'utilisation politique qui a été abondamment faite de son livre au cours de ce colloque. Mais on ne peut nier que sur le plan historique, il n'autorise des interprétations de ce genre.

19. Article cité, p. 153, cf. n. 3.

20. Alors que sa production reste importante, notamment dans la presse italienne.

21. Lettre publiée dans le Giornale d'Italia, 20 novembre 1910.

22. « Ce n'est pas l'effet du hasard si de Man fait appel à la mémoire de Sorel » (p. 37) ; « Ce n'est pas l'effet du hasard si déjà en 1897 Sorel fait appel à l'autorité de René Doumic » (p. 91) ; « Ce n'est pas assurément l'effet du hasard si Berth s'inspire de Nietzsche » (p. 103) ; « Cette évolution ne s'est pas faite au hasard » (p. 105) ; « Ce n'est pas l'effet du hasard si la démarche d'Henri de Man est une fois de plus si proche de celle qu'avait illustrée Sorel » (p. 154), etc. Les suspects ne sont pas non plus innocents des vols dont ils sont les victimes : « Ce n'est pas l'effet du hasard si Jean de Fabrègues, codirecteur de Combat, essaiera, après l'introduction à.'Esprit en août 1941, de récupérer les lecteurs à.'Esprit en leur offrant une revue catholique vichyssoise » (p. 229). (Il s'agissait d'un détournement des fichiers). De tels procédés de démonstration sont redoutables.

23. Article cité, p. 40.

24. « La France des années trente allergique au fascisme, à propos d'un livre de Zeev Sternhell », Vingtième Siècle, n° 2, avril 1984, pp. 83-94. Berstein reproche à Sternhell une définition beaucoup trop élastique du fascisme et s'efforce de montrer pour quelles raisons la France des années trente a refusé le fascisme, en dépit de la sensibilité propre à cette période.

25. Sur la place du dirigisme économique dans la modernisation de la France, on dispose désormais d'un guide sûr et bien informé avec la traduction en français du livre de Kuisel, Richard F., Le Capitalisme et l'État en France, modernisation et dirigisme au XXe siècle, Paris, Gallimard, 1984 Google Scholar.

26. Brillant démontage de cette causalité circulaire chez Caillois, Roger, Approches de l'imaginaire, Paris, Gallimard, 1974 Google Scholar. Cf. le chapitre « Sciences infaillibles, sciences suspectes », pp. 95- 145.

27. Il n'est pas conforme à l'objectivité de signaler, comme Sternhell le fait, p. 237, qu'Emmanuel Mounier a accepté en 1935 de se rendre à Rome, à l'invitation de l'Institut de culture fasciste, sans préciser qu'il y a nettement pris position contre le fascisme, cf. Winock, Michel, Histoire politique de la revue Esprit, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p. 86.Google Scholar

28. La République absolue (1870-1899), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.