Hostname: page-component-586b7cd67f-dsjbd Total loading time: 0 Render date: 2024-11-27T13:31:04.679Z Has data issue: false hasContentIssue false
  • English
  • Français

Sur la construction

des identités confessionnelles dans l’Al lemagne du XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Dominique Julia
Dominique Julia*
Affiliation:
Centre de recherches historiques, Centre d’anthropologie religieuse européenne
Get access Rights & Permissions [Opens in a new window]

Résumé

Le livre de Christophe Duhamelle, La frontière au village. Une identité catholique allemande au temps des Lumières, s’inscrit à l’intérieur du riche sillon des études sur la confessionnalisation dans le Saint-Empire. Mais, par rapport à ce paradigme, il innove sur au moins trois plans. Il s’écarte d’une vision macro-historique qui privilégierait une vision d’en haut pour analyser l’identité confessionnelle plutôt comme une interaction et une tension constante entre les tentatives d’uniformisation imposées d’en haut et les appropriations par les communautés elles-mêmes. Le fil directeur n’est pas la norme confessionnelle, mais l’exploration de tous les indices qui révèlent une identification des protagonistes à une appartenance. Discontinuités et zones d’indétermination persistent au long des frontières entre catholiques et luthériens ; l’identité confessionnelle se définit comme spéculaire et se nourrit d’emprunts à l’adversaire. L’étude porte sur la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors que le XVIe siècle et le premier XVIIe siècle avaient été privilégiés. Enfin, l’Eichsfeld, exclave de l’archevêché-électorat de Mayence, est un territoire rural, alors que les travaux se sont essentiellement attachés aux villes.

Abstract

Abstract

Christophe Duhamelle’s book La frontière au village. Une identité catholique allemande au temps des Lumières is part of the rich field of studies devoted to confessionalization in the Holy Roman Empire. Concerning this paradigm, however, the book is innovative on at least three levels. It moves away from a macro-historical point of view, which tends to favor an overarching perspective, in order to instead analyze confessional identity as both an interaction and a constant tension between attempts at standardization imposed from above and appropriation by the communities themselves. The guiding thread is not the confessional norm, but the exploration of the clues that reveal how individuals claimed membership within a community Discontinuities and areas of uncertainty persist along the boundaries between Catholics and Lutherans. Confessional identity is characterized by its specular nature and feeds off of what it borrows from its opponents. Duhamelle’s study covers the second half of the eighteenth century, whereas the sixteenth and the begining of the seventeenth centuries had previously been favored. Lastly, Eischsfeld, exclave of thearchbishopric-electorate of Mainz, was a rural territory, while most studies have essentially been devoted to towns.

Type
Identités
Information
Annales. Histoire, Sciences Sociales , Volume 68 , Issue 4 , December 2013 , pp. 1141 - 1151
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2013

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

À propos de Christophe DUHAMELLE, La frontière au village. Une identité catholique au temps des Lumières, Paris, Éd. de l’EHESS, 2010, 325 p. et 6 cartes. Un glossaire précis (p. 301-320) regroupe en quelques grandes notices la définition des termes techniques utiles à la compréhension des réalités du Saint-Empire, constituant un très précieux outil de travail.

References

1 Voir, cependant, la thèse d’ François, Étienne, Protestants et catholiques en Allemagne.Identités et pluralisme, Augsbourg, 1648-1806, Paris, Albin Michel, [1991] 1993 Google Scholar.

2 Voir, à titre d’exemple, Berndt MOELLER, Reichsstadt und Reformation, Tübingen,Mohr and Siebeck, [1962] 2011 ; Gérald CHAIX, «De la cité chrétienne à la métropolecatholique : vie religieuse et conscience civique à Cologne au XVIe siècle », thèse d’État,université de Strasbourg, 1994, 3 vol.

3 Voir pourtant Forster, Marc R., The Counter-Reformation in the Villages: Religion andReform in the Bishopric of Speyer, 1560-1720, Ithaca, Cornell University Press, 1992 Google Scholar ; Heinrich Richard SCHMIDT, Dorf und Religion. Reformierte Sittenzucht in Berner Landgemeinden derFrühen Neuzeit, Stuttgart/Iéna, G. Fischer, 1995 ; Holzem, Andreas, Religion und Lebens-formen. Katholische Konfessionalisierung im Sendgericht des Fürstbistums Münster, 1570-1800, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2000 Google Scholar, particulièrement p. 285-454.

4 Zeeden, Ernst Walter, Die Entstehung der Konfessionen. Grundlagen und Formen derKonfessionsbildung im Zeitalter der Glaubenskämpfe, Munich/Vienne, R. Oldenbourg, 1965 Google Scholar ;Id., Konfessionsbildung. Studien zur Reformation, Gegenreformation und Katholischen Reform,Stuttgart, Klett-Cotta, 1985.

5 Schilling, Heinz, «Die Konfessionalisierung im Reich. Religiöser und gesellschaft-licher Wandel in Deutschland zwischen 1555 und 1620 », Ausgewählte Abhandlungen zureuropäischen Reformations- und Konfessionsgeschichte, Berlin, Duncker et Humblot, [art. 1988]2002, p. 504–540 Google Scholar. Voir, dans ce volume, l’ensemble des articles republiés dans la dernièrepartie : « Konfessionalisierung und nationale Identitäten », p. 433-699, tout particulière-ment «Das konfessionelle Europa. Die Konfessionalisierung der europäischen Länderseit Mitte des 16. Jahrhunderts und ihre Folgen für Kirche, Staat, Gesellschaft undKultur », p. 646-699.

6 Une bibliographie de ses travaux (arrêtée à la date de 1998) a paru en langue françaisedans Reinhard, Wolfgang, Papauté, confessions, modernité, éd. par Descimon, R., Paris, Éd. de l’EHESS, 1998, p. 239–251 Google Scholar. Dans ce même volume, le chapitre 7, «La Contre-Réforme, une forme de modernisation ? Prolégomènes à une théorie des confessions »,reprend l’article fondamental paru dans l’Archiv für Reformationsgeschichte, 68, 1977,p. 226-252. Une bibliographie, arrêtée à l’année 2005, figure sur le site de la Lehrstuhlfür Neuere Geschichte de l’université de Fribourg-en-Brisgau.

7 Sur le paradigme de la confessionnalisation, voir, dans la bibliographie française,Gérald CHAIX, «La ‘confessionnalisation’. Note critique », Bulletin de la Société de l’histoiredu protestantisme français, 2002, p. 851-865 ; no spécial «La confessionnalisation dans leSaint-Empire, XVIe-XVIIIe siècles », Études germaniques, 57-3, 2002, particulièrementl’article de Heinz SCHILLING, «La ‘confessionnalisation’, un paradigme comparatif et interdisciplinaire. Historiographie et perspectives de recherche », p. 401-420 (avec uneimportante bibliographie), et la table ronde au cours de laquelle interviennent PatriceVeit, Christophe Duhamelle et Philippe Büttgen, p. 545-576 ; Büttgen, Philippe et Duhamelle, Christophe (dir.), Religion ou confession. Un bilan franco-allemand sur l’époquemoderne, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de la MSH, 2010 Google Scholar, particulièrement l’article dePhilippe BÜTTGEN, «Qu’est-ce qu’une culture confessionnelle ? Essai d’historiographie(1998-2008) », p. 415-437.

8 Pour le rapport entre confession et territoire, il faut se reporter à Schindlin, Anton Ziegler, Get Walter (dir.), Die Territorien des Reichs im Zeitalter der Reformation und Konfes-sionalisierung. Land und Konfession, 1500-1650, Münster, Aschendorff, 1989-1997 Google Scholar, 7 vol.

9 Voir, par exemple, les critiques émises par Greyerz, Kaspar von, Religion und Kultur.Europa 1500-1800, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 2000, p. 65–89 et 94-110Google Scholar.

10 Voir, à ce propos, Bertrand FORCLAZ (dir.), L’expérience de la différence religieuse dansl’Europe moderne, XVIe-XVIIIe siècles, Neuchâtel, Éd. Alphil/Presses universitaires suisses,2013, particulièrement les contributions de Willem FRIJHOFF, «Chrétienté, christianismes ou communautés chrétiennes ? Jalons pour la perception de l’expérience d’unité,de division et d’identité de l’Europe chrétienne à l’époque moderne », p. 17-43, et deMathilde MONGE, «Dans la couronne d’épines… : communautés et individus à Cologne(v. 1550-v. 1615) », p. 117-136.

11 Pour la France, voir Nordman, Daniel, Frontières de France. De l’espace au territoire,XVIe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1998 Google Scholar ; pour le Saint-Empire, où la bibliographie estconsidérable, il faut au moins citer le livre inventif de Motsch, Christoph, Grenzgesellschaftund frühmoderner Staat. Die Starostei Draheim zwischen Hinterpommern, der Neumark undGrosspolen (1575-1805), Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 2001 Google Scholar, qui récuse l’idéed’une histoire linéaire et montre comment la frontière est une construction permanente,née de conflits localisés, où les habitants savent admirablement jouer entre les diffé-rentes souverainetés ; voir aussi Étienne FRANÇOIS, Jörg SEIFARTH et Bernhard STRUCK(dir.), Die Grenze als Raum, Erfahrung und Konstruktion. Deutschland, Frankreich und Polenvom 17. bis zum 20 Jahrhundert, Francfort-sur-le-Main, Campus Verlag, 2007, qui men-tionne la très riche bibliographie récente sur ce thème.

12 C. DUHAMELLE, La frontière au village…, op. cit., p. 14-17.

13 La référence à Pierre Bourdieu est explicite, ibid., p. 10.

14 Ibid., p. 17-18.

15 Montaigne, Michel de, Journal de voyage, éd. par Rigolot, F., Paris, PUF, 1992, p. 23Google Scholar :«Ceux qui tiennent là la religion catholique sont beaucoup plus tendus et dévotieuxpar la circonstance de l’opinion contraire. »

16 Voir des remarques similaires chez Jalabert, Laurent, Catholiques et protestants surla rive gauche du Rhin. Droits, confessions et coexistence religieuse de 1648 à 1789, Bruxelles, Peter Lang, 2009, p. 416–429 Google Scholar.

17 C. DUHAMELLE, La frontière au village…, op. cit., carte p. 158.

18 Sur le pèlerinage de Walldürn, voir Brückner, Wolfgang, Die Verehrung des HeiligenBlutes in Walldürn. Volkskundlich-soziologische Untersuchungen zum Strukturwandel barocken Wallfahrtens, Aschaffenbourg, P. Pattloch, 1958 Google Scholar ; sur le pèlerinage dans le Saint-Empirecomme appropriation progressive de la distinction confessionnelle et son expansionvers tous les domaines de la vie sociale, voir la synthèse stimulante de Duhamelle, Christophe, «Le pèlerinage dans le Saint-Empire au XVIIIe siècle. Pratiques dévo-tionnelles et identités collectives », no spécial « Frühe Neuzeit-Revolution-Empire1500-1815 », Francia, 33-2, 2006, p. 69–96 Google Scholar.

19 On retrouve cette même exaltation du passage de la frontière dans les pèlerinagesdes catholiques néerlandais vers Kevelaer : Wingens, Marc, « Franchir la frontière.Le pèlerinage des catholiques néerlandais aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Boutry, P., P.-A.|Fabre et Julia, D. (dir.), Rendre ses vœux. Les identités pèlerines dans l’Europe moderne,XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 2000, p. 75–85 Google Scholar.

20 Duhamelle, Christophe, «Konfessionelle Identität als Streitprozess. Der Gesang-buchstreit in Wendehausen (Eichsfeld), 1792-1800 », Historische Anthropologie, 11-3, 2003,p. 397–414 Google Scholar.

21 Dupront, Alphonse, Du Sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages, Paris, Gallimard, 1987, p. 343 et 406Google Scholar.

22 Voir, à titre de comparaison, C. MOTSCH, Grenzgesellschaft und frühmoderner Staat…, op. cit., notamment p. 140-154.

23 Une des discontinuités temporelles est le calendrier différent pour le Corpus Catholi-corum et pour le Corpus Evangelicorum. Mais l’harmonisation décrétée par la Dièted’Empire le 18 février 1700 ne signifie aucunement la victoire d’un camp sur l’autre etle calendrier « julien réformé » des protestants maintient sa différence avec le calendriergrégorien jusqu’en 1776, bien que les dates aient désormais quasi toujours coïncidé ;voir ChristopheDUHAMELLE, «Une frontière abolie ? Le rapprochement des calendrierscatholique et protestant du Saint-Empire en 1700 », in B. FORCLAZ (dir.), L’expériencede la différence religieuse…, op. cit., p. 99-114.

24 Voir un cas similaire dansMichèle ROBERT, «L’image des rapports supraconfession-nels dans les régions rurales de Neuchâtel par le biais de leur répression consistoriale », in B. FORCLAZ (dir.), L’expérience de la différence religieuse…, op. cit., p. 231-248.

25 Sottocasa, Valérie, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolutiondans les montagnes du Languedoc, Rennes, PUR, 2004, p. 275–346 CrossRefGoogle Scholar.