Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
L'obstétrique n'est entrée que depuis peu dans le « territoire de l'historien ». Seuls, jusqu'à ces dernières années, les médecins et les chirurgiens se sont intéressés au passé de leur pratique. Soucieux de témoigner de la vitalité de cette partie de l'art de guérir dès la fin du xviie siècle, ils ont privilégié dans leurs travaux l'innovation, l'apparition de « techniques » nouvelles : version podalique, symphyséotomie, césarienne. Cette histoire de l'obstétrique est ainsi devenue une histoire de la technique obstétricale, marquée par des interventions vite célèbres, imitées ou combattues, qui ont établi la réputation des grands accoucheurs. Deux siècles et demi de « progrès » qui ont fait aujourd'hui de l'accouchement un acte banal de la vie quotidienne : histoire des grands praticiens, mais aussi histoire des grands théoriciens, qui ont diffusé la « science des accouchements » à travers leurs manuels ; l'histoire de l'obstétrique ne s'est intéressée à la femme et au nouveau-né que dans une stricte perspective de progrès médical.
Written by and for doctors, the history of obstetrics long remainded a history of obstetrical techniques; it was only incidentally that interest was taken in the woman and the new-born child.
Until the last century, childbirth was a dangerous process, especially in the country, that the community midwife was not always able to control. But with the end of the 17th century, the near monopoly of the midwives was broken by the accoucheurs whose scheme was favored by the évolution of the mores, the support of the State, and the understanding of the Church.
The creation of schools for midwives, in the second half of the 18th century, brought childbirth under the control of doctors : the midwife became a simple assistant.
1. « Les douleurs de l'enfantement font acheter bien cher le plaisir de s'être reproduit. C'est un destin inévitable, nous dit la Sainte Écriture, c'est une suite de la faute de nos premiers parens », G. R. Lefebvre De Saint Ildefont, Le Manuel des femmes enceintes, de celles qui sont en couches et des mères qui veulent nourrir, 1771, pp. 91-92.
2. « J'ai inhumé, cette année, un garçon que l'accoucheuse avoit laissé tomber, en sortant du sein de la mère, et qui s'étoit cassé la tête. J'en ai enterré deux, morts d'hemmoragie, parce que la sage-femme n'avoit pas su faire la ligature du cordon ombilical […] », Curé du Fleix, le 22-8- 1786; Arch. dép. Gironde, C 3304, p. 43.
3. Nicolas Saucerotte « dénonce l'usage où sont la plupart des sages-femmes de faire l'extraction du placenta immédiatement après la sortie du foetus », Examen de plusieurs préjugés…, 1777, p. 25.
4. Mémoire du chirurgien Desfarges de Meymac, Société royale de médecine; Enquête de 1786, Archives de la bibliothèque de l'académie de médecine, carton 85.
5. A. Augier du Fot, Catéchisme sur l'art des accouchemens, 1775, discours préliminaire, p. XII.
6. Nous n'aborderons pas ici l'étude statistique de la mortalité en couches, et les problèmes qu'elle pose; en particulier le sous-enregistrement fréquent des enfants mort-nés et des morts en couches (” Quatre ondoies non portés sur les registres de baptêmes », paroisse de La Châtre. Arch. dép. Cher, C 150). Dans la généralité de Bourges, en 1786 et 1787, la mortalité en couches est considérable d'après le témoignage des curés. A Saint-Phelle-du-Maillé, « quatre femmes mortes en couches faute de sage-femme instruite »; à Versillac, « il y a eu cinq à six enfants morts, ayant seulement été ondoyés à la maison dont on donne l'extrait mortuaire et non l'acte de baptême »; à Jeu-les-Bois, « dans le nombre des morts, il y a beaucoup d'enfants décédés aussi tost après leur naissance, trois ou quatre femmes mortes en couches »; à Obterre, « quatre enfants sur 28 sont morts en naissant auxquels ce malheur ne seroit peut-être pas arrivé, si les femmes avoient été mieux assistées », etc.; Arch. dép. Cher, C 154 et C 159; la basse Normandie, qui semble mieux pourvue en sages-femmes, n'échappe pas à ce fléau : « […] en 80 ans, 87 femmes sont mortes de 0 jour à 4 mois (compris) après la naissance de leur premier enfant », M. H. Jouan, « Villedieu-les-Poéles, 1711-1790», Annales de démographie historique, 1969, pp. 112- 113. Il s'agit donc partout d'un fait massif.
7. G. H. Witkowski, Accoucheurs et sages-femmes célèbres, s.d., pp. 162-163.
8. « Je désire d'autant plus que nous ayons une sage-femme instruite que je vois la plus part de nos femmes qui ont bien de la peine de se rétablir après leurs couches. Je pense que cela vient en grande partie de ce qu'elles sont mal accouchées », curé de Tromarey, 7-6-1784, Arch. dép. Doubs, C 1645.
9. Gazette de Santé, 6-7-1783, pp. 106 ss.
10. Desfarges, ms. cit.
11. Mémoire de A. Augier du Fot à l'intendant Le Pelletier le 1-7-1773, Arch. dép. Aisne, C630.
12. Marguerite Angélique Le Boursier du Coudray, Abrégé de l'art des accouchemens, édit. 1785, pp. 13-14.
13. Desfarges, ms. cit.
14. 73% des enfants, dont la mère est morte en couches ou de suites de couches, meurent avant un an à Villedieu-les-Poéles, au xvme siècle, M. H. Jouan, op. cit., p. 113.
15. « Ce mal [la mortalité en couches] jette le désordre et la tristesse dans les familles. Je dis le désordre parce que on voit souvent des jeunes femmes devenir la victime de l'ignorance des sages-femmes et en mourant laisser un jeune mari qui en convolant à des secondes noces met la guerre entre les enfans qui se regardent comme des usurpateurs dans la distribution des biens paternels, ou bien il y met le désordre en prenant une femme inférieure à son état et qui devient méprisable aux enfans du premier lit. J'ai dit la tristesse, en privant des enfans de leur mère et lui substituant une marâtre toujours cruelle envers eux », La Cavalerie, subdélégation de Millau, Enquête de 1786, S.R.M., carton 87.
16. « J'ai cru ne pouvoir mieux faire, concernant la lettre que Votre Grandeur m'a adressée, au sujet des sages-femmes, que de la lire au prône de ma messe paroissiale. Elle a été généralement applaudie de tous les hommes qui ne sont pas moins fâchés de la perte de leurs enfans, que de ne plus trouver leurs épouses telles qu'elles étaient avant l'enfantement, par la seule faute des accoucheuses. Ce qui souvent les engage à violer la fidélité conjugale ou à devenir onanistes. » Lettre du curé de Courteille à l'intendant d'alençon le 20.11.1785, Arch. dép. Orne, C 301. La crainte de l'accouchement difficile constituerait ainsi, d'après ce curé, l'une des causes de la pratique du coït interrompu dans les campagnes de basse Normandie. Il serait intéressant de retrouver d'autres témoignages confirmant cette thèse.
17. Desfarges, ms. cit.
18. Bibl. nat., fonds Joly de Fleury, ms. 1211, 1212 et 1215.
19. La matrone d'oberleucken est « très abile et très exacte dans ses affaires ». Enquête 1786, subdélégation de Bouzonville, S.R.M., carton 86. En 1775, la femme proposée comme matrone par le curé de Rioz (généralité de Besançon) est refusée par la communauté, « parce qu'étant dans le cas elle-même des accouchements, elle ne pourrait alors donner secours à celles qui en auraient besoin dans ces temps-là; et le cri commun des femmes : nous ne voulons point de ses services », Arch. dép. Doubs, C 1610.
20. L'élève sage-femme de Lembeye est … «vertueuse et gracieuse dans sa personne, sans défaut corporel qui puisse choquer, une main longue et mince qui doit lui donner de grands avantages pour être préférée dans l'apprentissage de la pratique des accouchements », 9-4-1786, Certificat de bonne vie et moeurs, Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, C 1357.
21. La matrone âgée de 72 ans qui exerce depuis plus de quarante ans à Mareuil et ses environs, dans la subdélégation de Fère-en-Tardenois, « n'a reçu aucune leçon. Elle dit s'être instruite en se délivrant elle-même de 12 enfans qu'elle a eu. On en paroit content », Arch. dép. Aisne, C 632.
22. … « Cet employ doit répugner tout naturellement à une brave fille. » Curé de Bouclans à l'intendant de Besançon, le 1-3-1774, Arch. dép. Doubs, C 1645, p. 28.
23. « Toutes les veuves de cette paroisse ou femmes qui ne font point d'enfans se meslent d'accoucher», paroisse de Saint-Julien-de-Croy, subdélégation de Charlieu, Enquête 1786, S.R.M., carton 85.
24. Hoffmann, Charles, L'alsace au XVIIe siècle au point de vue historique, judiciaire, administratif, économique…, t. III, 1906-1907, article 347 : «Sages-femmes, Matrones», p. 457 Google Scholar.
25. Recueil des Edits, Ordonnances… du règne de LéopoId Ier, duc de Lorraine et de Bar, 1733, p. 636. Les registres paroissiaux et la série B des Archives départementales montrent que l'élection par les femmes est déjà pratiquée au xvne et même au xvie siècle, en Lorraine et en Champagne.
26. Le Pédagogue des familles chrétiennes, 1710, p. 167.
27. A. Th. Van Deursen, Professions et métiers interdits, 1960, p. 152.
28. Philippe Ariès, L'enfant et la vie familiale sous l'ancien Régime, Paris, 1973, p. x. La sage-femme devient un instrument de répression contre les filles qui dissimulent leur grossesse; cf. Alain Lottin, « Naissances illégitimes et filles-mères à Lille au xvme siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. XVII, 1970, pp. 278-322.
29. Déclaration du Roy du 20-2-1680, « portant défense à ceux de la R.P.R. de faire les fonctions e sages-femmes ».
30. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de Dechambre, t. XIV, p. 81, article « Obstétrique », par A. Chéreau, qui pense que les premiers statuts des sages-femmes parisiennes ont été élaborés vers 1560 : Statuts et Règlements ordonnez pour toutes les Matronnes ou Saigesfemmes de la Ville, Faulxbourgs, Prévosté et Vicomte de Paris, Bibl. nat., t. XIII/1, 1587; Jean- Pierre Lefftz, Aperçu historique de l'obstétrique de Strasbourg avant la Grande Révolution, thèse de médecine, Strasbourg, 1952, pp. 4 ss.
31. Requête du chirurgien Coycault, de Cadillac, mars 1788, Arch. dép. Gironde, C 3304, p. 58.
32. … « Toutes sortes de personnes inhabiles se meslent dans les campagnes des couches des femmes d'où il arrive de grands malheurs. Pour empescher de si funestes accidents, j'ose supplier Votre Eminence de proposer à sa Maiesté l'établissement des Sages-femmes dans les paroisses de campagne qui seront instruites aux frais du peuple et auxqu'elles ils payront pension selon que sa Maiesté réglera … », Lettre du 17-12-1728 adressée au cardinal de Fleury, Bibl. nat., fonds Joly de Fleury, ms. 1215, fol. 27-28.
33. Le rôle de Bertin semble avoir été déterminant dans l'organisation des cours d'accouchement; il est pourtant curieusement passé sous silence, au bénéfice de Turgot, qui n'a fait que poursuivre comme intendant du Limousin ou contrôleur général, une politique déjà engage avant lui. Intendant à Perpignan, puis à Lyon, avant d'être lieutenant de Police puis contrôleur général, Bertin a pu juger par lui-même des incidences de la mortalité en couches; il a soutenu et encouragé à ses débuts la mission de Madame Du Coudray, qu'il a fait venir sur ses terres de Bourdeilles en Périgord, où elle a donné un cours. En 1764, alors que Madame Du Coudray est en Guyenne, il affirme qu'il continue à s'occuper des cours avec l'accord du contrôleur général, Arch. dép. Gironde, C 3302, p. 13.
34. Circulaires aux curés; cours de Vabres 1770, Arch. dép. Lot, C 1280. S'adressant aux administrateurs du nouveau département de la Gironde, en 1790, le chirurgien-démonstrateur Coutanceau déclare : « Si les campagnes sont dépeuplées, si les femmes des villes perdent tant d'enfants, voyez-y, Messieurs, les premières causes dans l'impéritie des sages-femmes et dans l'insouciance et l'avarice des nourrices mercenaires », Arch. dép. Gironde, C 3303, p. 78.
35. Médailles françaises dont les coins sont conservés au Musée monétaire, nM 14-25, Paris, 1892. Des mariages collectifs ont été pratiqués antérieurement : ainsi, à Meaux et Provins, après la naissance du duc de Bourgogne en 1751. La médaille commémorative du mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette est utilisée par les sujets, jusqu'à la Révolution, comme médaille de mariage (Procès-verbal de la Société française de numismatique, 1919, p. LXI).
36. « Le véritable messager boiteux de Berne », décembre 1779. Cité par Witkowski, Les Accouchements à la Cour, 1887, p. 66.
37. Paul Delaunay, L'obstétrique dans le Maine aux XVIIIe et XIXe siècles, 1911.
38. « Extraits du Livre des Délibérations des États particuliers du Pays, Bailliage et Comté de Maçonnais», le 7 janvier 1782, Arch. nat, H 1133.
39. Ph. Ariès insiste sur le rapport qui existerait, à partir du xvme siècle, entre les progrès de la contraception, le malthusianisme et la disparition de « l'idée de gaspillage nécessaire » de la vie des enfants, op. cit., p. 31. Dans un article fondamental, « L'attitude à l'égard du petit enfant et les conduites sexuelles dans la civilisation occidentale », Annales de démographie historique, 1973, J.-L. Flandrin estime, pour sa part, que « c'est l'attitude à l'égard de la vie du nouveau-né et non pas la volonté des couples de limiter leur descendance » qui a varié. Une certitude s'impose : on accepte de moins en moins la mort du nouveau-né et du petit enfant, à partir de 1750, et on cherche à y remédier. Et ce n'est pas un hasard si sages-femmes et nourrices sont dénoncées comme responsables de la disparition de tant d'enfants à deux moments précis de leur brève existence.
40. Requête du médecin Bo, de Mur de Barrez, à l'intendant de Montauban, le 24-7-1784, Arch. dép. Lot, C 1280.
41. « Un berger délivre toutes les femmes ». Paroisse de Mesbrecourt, subdél. de Ribémont. « Il y a encore dans cet arrondissement vingt-quatre femmes qui sont habitantes des différents villages et qui manoeuvrent les accouchemens sans qualité et sans s'être présentées au bureau de la chirurgie; elles procèdent à cette opération pour les femmes comme pour les animaux qui ont besoin de secours, sans grand apprest, cependant on a rarement connaissance des suites fâcheuses de leur peu de principes», subdél. de Crépy-en-Valois, 1786, Arch. dép. Aisne, C 632.
42. « Les élèves répandues dans les provinces habitant souvent des villages dénués de tous les moyens de se procurer les secours qu'exige l'enfantement, par la privation dans laquelle ces lieux sont d'accoucheurs, de sages-femmes ou de matronnes, le ministre a cru devoir faire instruire les élèves des principes de cet art… », Mémoire, Écoles royales vétérinaires, A.N., F 10/1194, 1780.
43. De Sutières, Sarcey, Cours complet d'agriculture…, t. II, pp. 59–60 Google Scholar.
44. Les cours d'accouchement ont été étudiés sur le plan régional dans plusieurs études récentes : Jean Meyer, « Le personnel médical en Bretagne à la fin du xvme siècle », Études rurales, avril-juin 1969, pp. 7-69; François Lebrun, Les Hommes et la mort en Anjou, 1971, pp. 211-217; Jean-Serge Carles, L'initiation populaire à l'obstétrique en Languedoc à la fin du XVIIIe siècle, thèse de médecine de Toulouse, 1973; Jean-Pierre Goubert, Malades et médecins en Bretagne (1770-1790), 1974, pp. 59-61 et 161-172; Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières (1670-1789), 1974, pp. 113-115.
45. Paul Delaunay, cité par Pierre Huard, « L'émergence de la médecine sociale au xvme siècle », Le Concours médical, octobre 1958, p. 448.
46. Sur l'école de l'hôtel-Dieu : Henriette Carrier, Les Origines de la Maternité de Paris, 1888; Paul Delaunay, La Maternité de Paris, 1909.
47. Elle a été formée à Paris où, après son apprentissage, elle est demeurée pendant 16 ans en exercice. Appelée en Auvergne, par M. de Tiers, elle perfectionne plus qu'elle n'invente une machine de démonstration pour servir à l'instruction des matrones illettrées de campagne. Son génie est d'avoir su adapter à un public simple l'enseignement des accouchements; sa chance, d'avoir trouvé dans l'intendant Ballainvilliers un appui pour mettre en pratique sa méthode qui parlait avant tout « aux yeux » des élèves : « Je pris le parti de leur rendre mes leçons palpables, en les faisant manoeuvrer devant moi sur une machine que je construisis à cet effet ». Elle publia aussi un manuel utilisé par les élèves : « J'ajoute à ma seconde édition des Planches qui puissent rappeler à mes Élèves mes mêmes démonstrations; et pour pouvoir leur rendre encore plus sensibles, je les ai fait imprimer en couleur, pour que les différentes couleurs donassent plus de clarté dans les objets. » Avant-propos de l'édition de 1785 de Y Abrégé de l'art des accouchements, pp. vi et vu. Sur les débuts de Madame Du Coudray, « Lettres d'un citoyen, amateur du bien public à M…», s.d. Arch. nat., H 1092, p. 149.
48. Cinq généralités ou intendances ont échappé au périple de Madame Du Coudray : celles de Toulouse-Montpellier, en raison de l'hostilité des Etats de Languedoc; de Soissons, à cause de celle des chirurgiens locaux; de Perpignan trop isolée; enfin, l'intendance d'alsace qui possédait dès 1728, avec l'école de Strasbourg, le seul enseignement sérieux de province.
49. 5 000 à 6 000 élèves ont fréquenté les cours des démonstrateurs; c'est donc plus de 10 000 élèves sages-femmes, en tenant compte des redoublements, qui ont ainsi été formées de 1760 à 1790. Les cours n'ont d'ailleurs pas été interrompus par la Révolution, en général, contrairement à ce qui a été dit; mais ils ont duré jusqu'en 1793-1794. En pleine guerre de Vendée, un cours est même ouvert à Fontenay-le-Comte. Après quelques années d'interruption, ils reprennent localement sous le Directoire et fonctionnent parfois difficilement jusqu'à la loi de Ventôse an XI, qui institue un cours annuel d'accouchement pour les élèves sages-femmes dans chaque département.
50. C'est le cas de la Champagne, modèle du genre, grâce à Rouillé d'orfeuil. Celui-ci s'identifie si bien aux cours qu'il faudra toute l'autorité du contrôleur général pour lui faire admettre, en 1787, le transfert de leur organisation à l'assemblée provinciale.
51. Foucault, Michel, Naissance de la clinique, Paris, 1963, pp. 56–57 Google Scholar.
52. Encore faut-il qu'il sache lire ! Ou simplement interpréter une gravure. Malgré les voeux des démonstrateurs, les élèves des cours sont très souvent analphabètes. Pourtant, en Normandie et en Lorraine, des sages-femmes sont mentionnées comme s'étant « instruites dans un livre ». Parfois on conseille au curé ou à une dame charitable d'enseigner la matrone avec un manuel. Enquête de 1786, S.R.M., cartons 86 et 87.
53. Ces manuels distribués gratuitement aux élèves des cours ou aux matrones de campagne coûtaient au gouvernement ou aux généralités qui les finançaient entre 2 et 6 livres.
54. Le gouvernement prend 6 000 exemplaires sur la 2ee édition pour les élèves sages-femmes en 1787; le manuel de Benoist, démonstrateur à Auch, atteint 1 500 exemplaires, en 1785; tirages considérables pour un tel public!
55. Bonnel de la Brageresse : « Vues patriotiques sur les moyens de perfectionner et de tirer un plus grand parti des cours sur les accouchements… », 1786, Arch. dép. Lozère, C 1820.
56. « Les gens de la campagne croient la sage-femme suffisamment rémunérée de ses veilles et de ses travaux, quand elle est conviée au repas de baptême; et quand les parrains et marraines donnent chacun 5 sols, ils se croient fort généreux. » Chirurgien Enjourbault, de Coutances; 1786, Arch. dép. Calvados, C 984.
57. A La Selle, subdivision d'autun, en 1786, la sage-femme âgée de 45 ans a fait 2 cours à Dijon : « Lorsqu'elle est revenue de Dijon, elle crut pouvoir exiger 1 1. 4 s. par accouchement; elle fut sans pratiques, et en manque encore; quoi qu'elle se soit restreinte à 12s., on préfère la commère, la voisine qui ne prend rien, et ne sçait rien, tant les campagnes, surtout les nôtres, sont misérables », Arch. dép. Côte-d'or, C 368.
58. Mauriceau, Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui ont accouché, 1673.
59. Mauquest de la Motte commence à exercer à Valognes et dans le bocage du Cotentin, dès 1684; cf. Traité complet des accouchemens, 2 tomes, 1765.
60. De La Motte, Dissertation en réponse au livre intitulé « De l'indécence aux hommes d'accoucher les femmes », 1718.
61. De La Motte, op. cit., pp. 171-172.
62. « Les princesses et toutes les dames de qualité choisissent des accoucheurs : les bonnes bourgeoises suivent leur exemple et l'on a entendu dire aux femmes des artisans et du menu peuple que, si elles avaient le moyen de les payer, elles les préféreraient aux sages-femmes », Pierre Dionis, Traité général des accouchemens, 1718, p. 448.
63. Bibl. nat., fonds Joly de Fleury, ms. 1215.
64. Enquête de 1786, subdélégation de Rouen, S.R.M. carton 87. Pour le Soissonnais, enquête de 1760, Arch. dép. Aisne, C 629. p. 21.
65. C'est l'opinion de A. Th. Van Deursen, op. cit., p. 155, qui indique que… «parmi les chirurgiens, prêtant souvent assistance, lors d'accouchements, il y avait de nombreux protestants très qualifiés… »; et note 2 : « Il n'est pas impossible qu'il y ait eu relativement beaucoup de protestants parmi les accoucheurs… » La présence d'un accoucheur itinérant de campagne, parmi les communautés protestantes des montagnes du Diois, à la veille de la Révolution, ne confirmet- elle pas cette hypothèse ? Arch. dép. Drôme, C 3.4.5.
66. Paroisse d'agon, subdélégation de Coutances, 1786, Arch. dép. Calvados, C 983.
67. « Les chirurgiens domiciliés dans les villes, font mieux d'arranger leurs instrumens dans une petite armoire, qu'on a eu le soin de doubler de drap vert ou bleu. Les portières de cette petite armoire sont vitrées ce qui laisse voir les instrumens à tout le monde, sans qu'on puisse les toucher, et servant de parade, fait qu'on estime davantage le Chirurgien, parce que tout homme qui voit souvent ses instrumens, et en a eu du soin, il est à présumer qu'il les sçait mieux manier qu'un paresseux qui les laisse rouiller ». Croissant De Garengeot, R. J. : Nouveau traité des instrumens de chirurgie les plus illustres…, 1725, tome I, p. 241 Google Scholar.
68. Une véritable campagne contre l'exercice de la chirurgie par les femmes est engagée et gagnée par les chirurgiens vers le milieu du xvme siècle : en 1755 un arrêt du Parlement de Paris interdit aux femmes, l'exercice de la chirurgie pour leur propre compte, ainsi que la pratique de l'art dentaire; cf. Guyot, Répertoire de jurisprudence, 1785, article «chirurgien».
69. Ph. Witkowski, op. cit., p. 102.
70. « [Le forceps] de M. Levret existe, il fait la gloire de son inventeur, la confiance de l'accoucheur, l'ancre sacrée de la femme en travail… Après avoir longtemps combattu contre des adversaires mal instruits ou partiaux de différentes nations, pour établir solidement tantôt l'utilité de son forceps, tantôt sa bénignité si je puis me servir de ce terme, tantôt même la réalité de son invention, il est temps enfin que notre célèbre confrère M. Levret jouisse en paix d'une gloire si bien acquise, gloire qu'on pourrait bien empoisonner, mais que tous les efforts de la rivalité et de l'envie ne lui enlèveront jamais ». Réponse de Destremeau, au Mémoire de Buffet, chirurgien de l'hôtel-Dieu d'Étampes, 1774. Cité par N. Stockmann, L'obstétrique et la gynécologie dans la vie française au XVIIIe siècle, thèse dactylog. 1973.
71. « Armée de l'instrument de Chamberlen, perfectionné par Levret en France et Smellie en Angleterre, l'obstétrique devient une science virile », La Grande Encyclopédie, article « accoucheur », Historique.
72. Elizabeth Nihell, La Cause de l'humanité… ou Traité des accouchemens par les femmes, 1771, p. 393.
73. « Accoucher, v. act. aider une femme à accoucher : c'est cette sage-femme qui a accouché une telle dame. Elle accouche bien. Un chirurgien accouche mieux qu'une sage-femme », L'encyclopédie, article «accoucher», 1778.
74. Mme Jouhannet à Châteauroux, Mlle Lhorodat à Mézières, Mme Fages à Millau, Mme Coutanceau, nièce de Mme Du Coudray, à Bordeaux… sur près de 200 démonstrateurs !
75. A. Delacoux dans sa Biographie des sages-femmes célèbres, 1833, est l'un des rares auteurs du xixe siècle à défendre la sage-femme.
76. C'est une sorte de tradition depuis La Voisin et l'affaire des Poisons. Au xixe siècle, lorsqu'une sage-femme est traduite devant les tribunaux pour complicité d'avortement, les revues médicales s'emparent du cas et tentent souvent de faire retomber, par insinuation, sur l'ensemble des sages-femmes, l'ignominie du comportement.
77. L'interdiction totale des sages-femmes, même dans les campagnes, est encore demandée par certains médecins, au milieu du XIXe siècle.
78. La communication s'établit facilement entre elle et la parturiente (avec les restrictions déjà signalées); il en va souvent tout autrement pour le chirurgien ou le médecin. Cf. Peter, J.-P., «Malades et maladies à la fin du XVIIIe siècle », Annales E.S.C., 1967, n° 4, pp. 711–751 Google Scholar; et « Médecine, épidémies et société en France à la fin du XVIIIe siècle », Bull, de la société d'hist. moderne, 1970, n° 4.
79. La sage-femme n'est pas seulement accoucheuse dans le village : elle pratique parfois la saignée, soigne même les hommes. Elle est « le médecin de campagne » que les curés souhaitent pour les communautés. Au XIXe siècle encore, c'est elle qui pratique bien souvent la vaccination contre la variole.