Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
J'ai commencé à correspondre avec l'abbé M. Berthet, curé de Châleau-Chalon, dans le Jura, en février 1945. Travailleur isolé, sans grande bibliothèque dans son voisinage, sans appui intellectuel, ni guide, ni conseil, il cherchait à assurer des connaissances qu'il entendait puiser aux meilleures sources. J'ai été tout de suite frappé par une qualilé de pensée, une acuité d'observation assez rares : celle d'un « homme qui, m'écrivait-il, ne savait pas bien si ce qui l'intéressait devait s'appeler histoire, économie, sociologie ou géographie humaine » (il s'intéresse d'ailleurs à bien des questions et, fort utilement, à de grands problèmes d'histoire religieuse) ; mais, précisément, son peu de souci des étiquettes, son grand souci des réalités faisaient de lui, par avance, un correspondant de choix pour les Annales. Il était voué à les rencontrer.
page 272 note 1. Je ne parle que, du bois de chauffage. Il peut paraître étrange que je n'invoque pas, en même temps, les besoins industriels. Ceux des Salines, tout d'abord (Salins, Monlmorot), qui, au milieu du XVIIIe, consumaient à elles seules plus de 48 000 cordes de bois par an. Ceux des forges ensuite : die. véritables gouffres, où s'engloutissaient les forêts comtoises. Une forge moyenne demandait 400 bennes de charbon et 3 000 cordes de bois par an pour produire 400 milliers de fer : or, de telles forges pullulaient sous l'Ancien Régime. (Pour comparaison avec la Bourgogne, v. Brunet, Sylviculture et technique des forges en Bourgogne au milieu du XVIIIe siècle, Annales de Bourgogne, I93Q.) Mais les forêts des Rousses, spécialement, souffraient-elles de cette exploitation à la fois intensive et déréglée ? N'oublions pas que los chemins étaient exécrables qui y conduisaient — et qui en descendaient. Du .moins en direction des plateaux franc-comtois : j'ai l'impression, au contraire, qu'il était plus facile de gagner, des Rousses, la plaine vaudoise que la plaine saônoise. Il ne semble pas que les Suédois, pendant leur guerre die Dix Ans, aient pu monter jusque-là pour y faire leurs ravages. Et l'abbé Berthet a rencontré mention d'un nombre considerable de réfugiés des villes comtoises qui s'étaient retirés dans cette haute montagne si difficilement accessible (et pendant si peu de temps), à des forces armées. Il m'écrit, d'ailleurs, que, « jusqu'en 1750, aucun routier du Grandvaux (ces célèbres Grandvalliers, connus dans toute l'ancienne France et qui, chaque année, descendaient à l'automne de nos montagnes, pour n'y, revenir qu'au printemps, après avoir fait, avec leurs charrettes de forme spéciale, d'immenses randonnées) ne voulait monter avec ses voitures de Morez aux Rousses. C'étaient les voiluriers rousselands qui faisaient le trajet de Morez à Nyon ou Genève. -La situation changea avec la construction de la Vie neuve, vers 1750 ».
page 273 note 1. Gollut, Mémoires historiques de la République séquanoisee et des Princes de la Franche-Comté de Bourgogne, 1592, éd. de 1846, Artois, Javel, gd in-80, livre II, chap. XVIII, col. 125-26. — Voir aussi, dans les Annales d'Histoire Economique et Sociale, t. IV, 1932, p. 339, le remarquable article de L. Mazoyer, Exploitation forestière et Conflits sociaux, en Franche-Comté, à la fin de l'Ancien Régime.
2. Dévastation déjà commencée au XVIIe siècle ; v. Lucien Febvre, Philippe II et la Franche-Comté, Paris, 1912, in-8°, p. 12, 102, 111-112.
3. C'est un gros problème que celui de son action, de son influence sur la famille, dans laquelle elle est introduite par le mariage. « A-t-on étudié positivement cette influence P questionne l'abbé Berthet. Certaines familles des Rousses ont subi de profonds changements, à tous points de vue, par l'introduction de telle ou telle femme dans leur maison. Je pourrais citer des cas typiques. Est-ce de la sociologie P Est-ce de la psychologie P C'est, en tout cas, un fait de grande répercussion historique »