Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
Les habitants des Etats-Unis d'Amérique consomment presque deux fois plus de sucre que les Français : voilà un fait qui intéresse d'ordinaire l'économie et la politique. Est-ce tout ? Nullement : il suffit de passer du sucre-marchandise, abstrait, comptabilisé, au sucre-aliment, concret, « mangé » et non plus « consommé », pour deviner l'ampleur (probablement inexplorée) du phénomène. Car cet excès de sucre, il faut bien que les Américains le mettent quelque part. Or quiconque a séjourné un peu aux Etats-Unis sait très bien que le sucre imprègne une part considérable de la cuisine américaine ; qu'il sature les aliments ordinairement sucrés (pâtisseries), entraîne à développer leur variété (glaces, gelées, sirops) et s'étend à de nombreux mets que les Français ne sucrent pas (viandes, poissons, légumes, salades, condiments).
page 977 note 2. Consommation annuelle du sucre aux Etats-Unis : 43 kg par tête ; en France : 25 kg par tête.
page 978 note 1. Charny, F., Le Sucre, Paris, P.U.F. Google Scholar, « Que sais-je ? », 1950, 127 p., p. 8.
page 978 note 2. Je n'aborde pas ici le problème des « métaphores » ou des paradoxes du sucre : chanteurs « sucrés » de Rock, boissons sucrées et lactées de « blousons noirs ».
page 978 note 3. Les études de motivation ont fait ressortir qu'une publicité alimentaire fondée ouvertement sur la gourmandise risquait d'échouer, car elle « culpabilise » le lecteur ( Marcus-Steiff, J., Les Etudes de Motivation, Paris, Hermann, 1961, 160 p., p. 44-5Google Scholar).
page 979 note 1. Chombart De Lauwe, P. H., La Vie quotidienne des familles ouvrières, Paris, C.N.R.S., 1956.Google Scholar
page 979 note 2. Perrot, Marguerite, Le Mode de vie des familles bourgeoises, 1873-1953, Paris, Armand Colin, 1961 Google Scholar, VIII-301 p. « Il y a eu une très nette évolution depuis la fin du XIXe siècle, dans le mode d'alimentation des quelques familles bourgeoises étudiées dans cette enquête. Elle semble due, non à un changement dans le niveau de vie, mais plutôt à une transformation des goûts individuels sous l'influence d'une meilleure connaissance des règles de diététique » (p. 292).
page 979 note 3. J. Marcus-Steiff, op. cit., p. 28.
page 979 note 4. Sur les plus récents procédés d'investigation, voir encore J. Marcus-Steiff, op. cit.
page 980 note 1. Pourtant sur ce seul point, que de faits connus à rassembler et à systématiser : tournées d'apéritifs, repas festifs, degrés et modes du paraître alimentaire selon les groupes sociaux.
page 980 note 2. Barthes, R., « Le bleu est à la mode cette année. Note sur la recherche d's unités signifiantes dans le vêtement de mode », Revue française de Sociologie, 1960, 1, 147-62CrossRefGoogle Scholar.
page 980 note 3. Je donne ici au mot structure le sens qu'il a en linguistique : « une entité autonome de dépendances internes » (L. Hjelmslev, Essais linguistiques, Copenhague, 1959, p. 1 ).
page 981 note 1. Lazarsfeld, P. F., « The psychological aspect of market research », Harvard, Business Review, 13, 1934, 54–71.Google Scholar
page 982 note 1. Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Pion, 1958, p. 89.
page 982 note 2. Jeanmaire, H., Dionysos, Paris, Payot, 1951, 510 p.Google Scholar
page 982 note 3. Soumis à une analyse sémantique, le végétarisme, par exemple (du moins au niveau des restaurants spécialisés), apparaîtrait comme une tentative de copier l'apparence des mets carnés par une série d'artifices, qui rappellerait un peu le simili dans le vêtement (du moins celui qui s'affiche).
page 983 note 1. Il ne faut pas assimiler purement et simplement l'idée de paraître social à l'idée de vanité ; l'analyse des motivations (quand elle procède par questions indirectes), montre que le souci du paraître imprègne des réactions extrêmement fines, et que la censure sociale est très forte, même en ce qui concerne la nourriture.
page 983 note 2. L'expression « cuisine bourgeoise» , d'abord littérale, puis métaphorique, semble en voie de disparition ; tandis que le « pot-au-feu paysan » a périodiquement les honneurs photographiques des grands magazines féminins.
page 984 note 1. L'exotisme alimentaire peut certes être une valeur, mais dans le grand public français, il semble limité au café (Tropiques) et aux pâtes (Italie).
page 984 note 2. Ce serait ici l'occasion de se demander ce qu'est une nourriture « forte ». Naturellement, il n'y a pas de qualité psychique inhérente à la chose : une nourriture est virile à partir du moment où les femmes, les enfants et les vieillards, pour des raisons diététiques (donc passablement historiques) ne la consomment pas.
page 985 note 1. Il suffit de comparer le développement du végétarisme en Angleterre et en France.
page 985 note 2. Actuellement il y a en France lutte entre les valeurs traditionnelles (gastronomie) et modernes (diététique).
page 986 note 1. Le pouvoir de réveil, de recharge énergétique, semble dévolu, du moins en France, au sucre.