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Malthus, Ricardo et les villages désertés en Espagne au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Richard Herr*
Affiliation:
University of California, Berkeley

Extract

S'agissant de l'histoire contemporaine de l'Espagne, les réformes du XVIIIe siècle constituent une « cause célèbre ». Si elles avaient réussi, ou si leurs buts avaient été atteints au temps des régimes libéraux du XIXe siècle, l'Espagne se serait transformée en un pays de paysans relativement prospères comme la France ; l'influence néfaste des grands propriétaires (qui dominèrent en fait l'économie de Castille et d'Andalousie et la politique de tout le pays jusqu'à la Seconde République) aurait été éliminée. La campagne aurait fourni un marché pour une industrie naissante, et l'Espagne ne serait pas devenue le jouet des nations développées de l'Europe septentrionale. C'est du moins ainsi qu'on peut résumer l'opinion commune des hommes d'État et des historiens qui ont déploré la condition de l'Espagne contemporaine. Dans cet article, nous voudrions considérer la pertinence de ces conceptions.

Summary

Summary

Historians maintain that the reforms attempted by Charles III produced a prosperous peasant society while nineteenth century disentail increased social and political evils. This article identifies the Malthusian and Ricardian pressures (of population growth and landowners' exactions) bearing down on Old Régime rural communities. Using the case of the province of Salamanca, it shows that creating a society ofsmall farmers perpetuate the "Malthusian trap", while disentail furthered the "Ricardian trap" by favoring large ownership. Disentailsucceeded because it increased commercialization and agricultural income.

Type
Les Domaines de l'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1986

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References

Notes

1. Marcelin Defourneaux, « Le problème de la terre en Andalousie au XVIIIe siècle et les projets de réforme agraire, » Revue historique, CCXVII, 1957, pp. 42-57.

2. Pierre Vilar, « El Motin de Esquilache y las crisis del Antiguo Régimen », Revista de Occidente, 107, fév. 1972, pp. 199-249 ; et Laura Rodriguez, « The Spanish Riots of 1766 », Past & Présent, 59, mai 1975, pp. 117-46. Rodriguez dresse la carte de 69 émeutes. Sur les réformes, voir Marcelin Defourneaux, Pablo de Olavide ou l'afrancesado (1725-1800), Paris, 1959, et Richard Herr, TheEighteenth-Century Révolution in Spain, Princeton, 1958, pp. 11-36, 112-19,163-83.

3. Felipa Sanchez Salazar, « Los repartos de tierras concejiles en la España del Antiguo Régimen », dans Gonzalo Anes éd., La economîa española al final del Antiguo Régimen, I, Agricultura, Madrid, 1982, pp. 189-258. Joaquin Costa, Colectivismo agrario (1er éd., Madrid, 1898), Buenos Aires, 1944, pp. 93-97, a encore de la valeur.

4. Defourneaux, Olavide, pp. 190-239 ; Juan Rafaël Vàzquez Lesmes, La ilustraciôn y el proceso colonizador en la campina cordobesa, Cordoba, 1979.

5. Voir Paul H. Johnstone, « In Praise of Husbandry », Agricultural History, XI, 1937, pp. 80-95, et pour l'Espagne au xvne siècle, Noël Salomon, Recherches sur le thème paysan dans la « comedia » au temps de Lope de Vega, Bordeaux, 1965, ch. 6.

6. Voltaire, Dictionnaire philosophique, s.v. « Patrie », éd. Julien Benda, Paris, 1961, p. 593.

7. Pour Campomanes, J. Costa, op. cit., p. 111 (ch. 3, sec. 12d). Pour Olavide, voir son « informe » dans Mémorial ajustado hecho de orden del Consejo del expediente consultivo … sobre los danos y decadencia quepadece la agriculture, Madrid, 1784, secs. 831, 920, 943 ; réimprimé dans Revista de Trabajo, XVII, 1967, pp. 133-409, aussi dans R. Carande éd., « Informe de Olavide sobre la ley agraria », Boletin de la Real Academia de la Historia, CXXXIX, 1956, pp. 357-462.

8. F. Sanchez Salazar, op. cit.

9. Gonzalo Anes, « El Informe sobre la ley agraria y la Real Sociedad Econômica de Amigos del Pais », dans G. Anes, Economîa e « ilustraciôn » en la Espana del siglo XVIII, Barcelone, 1969, pp. 95-138. Pour le texte, G. M. de Jovellanos, Obras, éd. C. Nocedal, II (B.A.E., t.L), Madrid, 1859, pp. 79-138.

10. Jovellanos, ibid., p. 20.

11. Cf. ibid., pp. 84,98.

12. R. Herr, « Hacia el derrumbe del Antiguo Régimen : crisis fiscal y desamortizaciôn bajo Carlos IV »,Moneday Crédito, 118, sept. 1971, pp. 37-100.

13. Francisco Simon Segura, La desamortizaciôn espariola del siglo XIX, Madrid, 1973 ; et R. Herr, « El significado de la desamortizaciôn en Espana », Moneda y Crédito, 131, déc. 1974, pp. 55-94.

14. Cf. J. Costa, op. cit. ; et Francisco Tomâs y Valiente, El marco polîtico de la desamortizaciôn en Espana, Barcelone, 1971.

15. Emmanuel Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, Paris, 1964. Le modèle est expliqué dans E. Le Roy Ladurie, « A Reply to Professor Brenner », dans « Symposium : Agrarian Class Structure and Economie Development in Pre-Industrial Europe », Past and Présent, 79, mai 1978, pp. 55-59.

16. Thomas Malthus, An Essay on the Principle of Populaton (Ire éd. 1798), chap. 1,2.

17. David Ricardo, The Principles of Political Economy and Taxation (Ire éd. 1817), ch. 2, « On Rent ».

18. Le Roy Ladurie, « A Reply », art. cit.

19. Cette question sera traitée dans un ouvrage actuellement sous presse : Rural Change and Royal Finances in Spain at the End ofthe Old Régime.

20. Ainsi Campomanes : « Le plus grand bonheur civil d'une république est d'être fortement peuplée, parce qu'une population nombreuse est la meilleure richesse qu'un royaume puisse avoir », [Pedro Rodriguez de Campomanes], Tratado de la regalia de amortizaciôn, Madrid, 1765, prôlogo, p. ii.

21. José Canoa Arguelles, Diccionario de hacienda, con aplicacion a España, 2e éd., Madrid, 1833, s.v. « Despoblados ».

22. Nomenclator ó Diccionario de las ciudades, villas, lugares… de España, y sus islas adyacentes, Madrid, 1789.

23. Eugenio García Zarza, Los despoblados-dehesas salmantinos en el siglo XVIII, Salamanca, 1978, pp. 88 et passim, Angel Cabo Alonso, « Antécédentes histôricos de las dehesas salmantinas », dans Consejor Superior de Investigaciones Cientificas, Estudio integrado y multidisciplinario de la dehesa salmantina, I, Estudio fisiográfico-descriptivo, Salamanque/Jaca, 1978, fasc. 2, pp. 63-98, Antonio Domínguez Ortiz, « La ruina de la aldea castellana », Revista internacionalde Sociologia, VI, 24, 1948, pp. 99-124 (surtout p. 110).

24. Jean-Marie Pesez et E. Le Roy Ladurie, « Le cas français, vu d'ensemble », dans Villages désertés et histoire économique, XIe-XVIIIe siècle, Paris, 1965, pp. 127-252. Dans ce tome il y a aussi Nicolas Carillana, « Villages désertés en Espagne », pp. 461-512, mais il ne traite pas la province de Salamanque. Le travail de Pesez et Le Roy Ladurie se trouve en forme raccourcie dans Annales E.S.C., XX, 1965, pp. 257-90.

25. Garciá Zarza, op. cit., pp. 91-92.

26. Le texte de la cédule royale se trouve dans Novisima recopilaciôn de las leyes de Espana, 6 vols, Madrid, 1805, livre VII, chap. xxn, ley 9 (provision du 15 mars 1791).

27. Garciá Zarza, op. cit., pp. 93-132.

28. Sur le cadastre, voir Antonio Matilla Tascon, La ûnica contribuciôn y el catastro de la Ensenada, Madrid, 1947, et Pierre Vilar, « Structures de la société espagnole vers 1750 : quelques leçons du Cadastre de la Ensenada », dans Mélanges à la mémoire de Jean Sarrailh, Paris, 1966, II, pp. 425-47.

29. Le cadastre était préparé en détail pour chaque unité administrative (ville, village, etc.), et chaque parcelle de terre est tracée avec sa dimension et sa qualité. Cette source se trouve dans les Archives historiques provinciales. Poutant, pour une province comme Salamanque, qui avait presqu'un millier d'unités, elle est trop importante pour être étudiée. J'ai eu recours au résumé provincial préparé à l'époque, qui se trouve dans l'Archivo Histôrico Nacional, Madrid (pour Salamanque, Secciôn de Hacienda, Catastro de la Ensenada, libros 7476-7478). Sur l'utilisation de cette source, voir mon article : « La vente des propriétés de mainmorte en Espagne, 1798-1808 », Annales, E.S.C., XXIX, 1974, pp. 215-28.

30. Antonio Ponz, Viaje de España (Ire éd. 1778-1783), éd. Casto Maria del Rivero, Madrid, 1947, pp. 699,1111-13, (t. VIII, carte 3 [Estrémadure],et t. XII, carte 9 [Salamanque]).

31. Je calcule qu'un homme pleinement employé dans un despoblado des plaines riches pourrait produire, en récoltes et pâturage, une valeur annuelle de 4200 reaies (équivalent à la valeur de 165 hectolitres de blé) ; dans les plaines pauvres, 2800 reaies (110 hectolitres de blé). Donc un despoblado (Riolobos) dans la zone SB (plaines riches) qui avait une production annuelle de 63 400 reaies, et seulement un vecino, nécessitait une main d'œuvre supplémentaire équivalant à 14 laboureurs pleinement employés.

32. Ces parcelles avaient un nom particulier, elles étaient connues comme tierras intradizas.

33. Le rendement annuel moyen d'un homme dans l'agriculture des plaines riches équivalait en valeur à 60 hectolitres de blé, dans les plaines pauvres à 33 hectolitres, à peu près le tiers du maximum qu'il pourrait produire s'il travaillait à plein rendement (voir la note 31).

34. D'après mes recherches sur quelques villages et despoblados, le loyer normal de la terre arable dans les villages se situait entre 23 et 31 % de la moisson totale, dans les despoblados entre 35 et 40 %.

35. Les reconnaissances royales des ventes se trouvent dans VArchivo Histôrico de Protocolos de Madrid, Protocolos de Juan Lôpez Fando (1798-1807). Celles des despoblados de Salamanque dans Escrituras de imposicion en la Real Caja de Amortizaciôn, n° 609, 1156, 2719, 2869, 4002, 4534, 5767, 7752, 11091, 11880 ; et dans la Real Caja de Consolidaciôn, n° 1427, 12687, 18271, 21233, 21844, 24826, 28355, 29393, 31879, 45113, 51294, 53903, 53970, 59214.

36. Nicolas Sanchez-Albornoz, « Castilla en el siglo XIX, una involuciôn econômica », Revista de Occidente, 17,1982, pp. 35-49.

37. Angel Cabo Alonso, « La Armuña y su evoluciôn econômica », Estudios geogrâficos, n° 58, 59, fév., mai 1955, pp. 73-136, 367-427 (surtout pp. 376-378, 401-403, 411).

38. Le cas anglais est bien connu ; pour la Flandre, Marie-Jeanne Tits-Dieuaide, « Les campagnes flamandes du XIIIe au XVIIIe siècle, ou le succès d'une agriculture traditionnelle », Annales E.S.C., XXXIX, mai-juin 1984, pp. 590-610.

39. Angel García Sanz, « Agronomia y experiencias agronómicas en Espana durante la segunda mitad del siglo XVIII », Moneda y Crédito, 131, déc. 1974, pp. 29-54 ; Jesús Garcia Fernández, « Champs ouverts et champs clôturés en Vieille-Castille », Annales E.S.C., XX, 1965, pp. 692-718 (surtout pp. 699-700).

40. E.A. Wrigley, « Parasite or Stimulus : The Town in a Pre-Industrial Economy », dans Philip Abrams et E.A. Wrigley, Towns in Societies : Essays in Economie History and Historical Sociology, Cambridge, 1978, pp. 295-309.