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Mahomet, la Vierge et la Frontière

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Marlène Albert-Llorca
Affiliation:
Centre d'anthropologie des sociétés rurales, Toulouse
Jean-Pierre Albert
Affiliation:
Centre d'anthropologie des sociétés rurales, Toulouse

Extract

La scène se passe en Espagne et, pour qui connaît un peu l'histoire et la mythologie de ce pays, la rencontre du prophète de l'islam, de la Vierge Marie et d'une frontière (en l'espèce intérieure et mouvante) évoquera tout de suite les siècles de la Reconquête. Très précisément, reviendra à son esprit la légende cent fois entendue de la statue découverte par miracle dans l'espace tout juste repris à l'ennemi : cachée dans une grotte ou le tronc creux d'un arbre pour échapper à la destruction, et triomphalement rendue au culte après quelques siècles, comme s'il fallait bien vite signifier l'identité chrétienne d'une terre trop longtemps profanée. Cet arrière-plan historique ne sera pas absent du voyage dans le temps et l'espace que nous allons entreprendre, mais il sera surtout question du présent, du passé proche et d'une frontière — elle aussi intérieure et mouvante — qui ne sépare plus des religions et des nations, mais des provinces et des langues. Au fil du temps, Mahomet (Mahoma) aura changé sinon de sexe, du moins de genre grammatical : nous ne rencontrerons que la Mahoma, une effigie de bois et de toile figurant le Prophète. Quant à la Vierge, il faudra la penser au pluriel, car chaque ville a la sienne, individualisée par une statue et un vocable particulier : Mare de Déu de Gracia, Divina Aurora, Virgen de las Virtudes…

La scène se passe, très exactement, dans l'arrière-pays d'Alicante : la cuvette de Castalla, la vallée du Vinalopó.

Summary

Summary

In the south of the Valencia country (Spain), in a hundred towns or so, people celebrate each year in honour of their patron saints the memory of the storming of their cities by the Moors and its reconquest by the Christians. Even though the Reconquest plays an important part in Spain history, it cannot alone account for the vitality of those festivities. Actually, this historical past only exists in those rituals and it is built again through them upon present. In this respect, two significant features of that area can be underlined. One is the rivalries between towns intent on asserting their specifie identities; the other is the strained relationships between “Castilians” and “Valencians”. Those festivities, as is shown by the example of a small town, Biar, are outward signs of those cultural differences and give people a good opportunity to express their own identities.

Type
Les Usages Symboliques du Culte de la Vierge
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1995

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References

1. Plusieurs inventaires de sanctuaires mariaux espagnols permettent de mesurer la diffusion de ce motif légendaire : par exemple Amades, Joan, Imatges de la Mare de Déu trobades a Catalunya, Barcelone, Ed. Selecta, 1989 Google Scholar.

2. Notre périple de 1993 a été complété d'un séjour sur place en mai 1994. Nous remercions par ailleurs Lucia Mitello et Vittorio Ricardi d'avoir mis à notre disposition les résultats de l'enquête qu'ils ont réalisée sur notre suggestion à Biar en mai 1993. Nous n'oublions pas non plus Andres Martinez Martinez, chroniqueur de la Compagnie des Moros viejos de Villena et Luis Miguel Rico Sala, jeune historien de Hondòn de las Nieves, qui nous ont généreusement fait part de leurs connaissances et procuré une abondante documentation historique. Nous remercions enfin Marie-Danièle Démêlas d'avoir relu cet article et avancé d'utiles suggestions. Précisons quelques conventions orthographiques : nous écrivons Maures, Chrétiens, Pirates, Étudiants, etc., avec une majuscule chaque fois que le mot désigne le groupe festif. De même, nous marquons le pluriel (Vierges, Mahomas) quand il est question des effigies, bien qu'il s'agisse aussi de noms propres : anomalie orthographique qui veut traduire le statut équivoque de ces réalités, entre la chose et la personne.

3. L'expression de « trilogie festive » a été introduite par José Luis Mansanet Ribes, auteur d'une solide monographie sur les fêtes d'Alcoy (La Fiesta de Moros y Cristianos de Alcoy y sus instituciones, seconde édition augmentée, chez l'auteur, Alcoy, 1981) qui est devenu un « expert » souvent sollicité : les villes lui demandent des articles pour la revue-programme de leur fête, dans lesquels il ne manque pas de rappeler les normes d'une authentique fête de « Maures et Chrétiens ». Il existe également une Union Nationale des Entités Festives (UNDEF) qui a déjà organisé deux importants colloques et dont le principal souci semble être de préserver et de promouvoir « l'esprit » des fêtes de la région, en luttant contre leurs possibles déviations vers le « touristique » et le carnavalesque (I Congreso national de la Fiesta de Moros y Cristianos, 1974, Villena, 2 vols, Alicante, Publicaciones de la Caja de Ahorros provincial de Alicante, 1976 ; Il Congreso national de fiestas de Moros y Cristianos, 12-15 sept. 1985, Ontinyente, Impr. Gràficas Cambra, 1986).

4. Les fêtes de « Maures et Chrétiens » existent dans l'ensemble du monde hispanique, aussi bien dans la péninsule Ibérique qu'en Amérique latine et aux Philippines. Plus largement, les figures du Maure, du Turc et du Sarrasin interviennent dans les danses, le théâtre et la littérature orale de presque toute l'Europe (voir, pour une synthèse, M. S. Carrasco, « La fête des Maures et des Chrétiens en Espagne. Histoire, religion et théâtre », Cultures, vol. III, n° 1, « Les grandes traditions de la fête », Presses de l'UNESCO, 1976, pp. 94-122 ; J. Amades, Las damas de Moros y Cristianos, Valence, Institutiòn Alfonso el Magnänimo, 1966). Les formes rituelles et les enjeux sociaux et symboliques de ces manifestations sont extrêmement variables. Notre étude porte sur un type festif bien caractérisé qui, s'il a donné lieu à de nombreuses publications à l'échelle locale, n'a pas été l'objet jusqu'ici de recherches approfondies. Le seul problème abordé par les érudits locaux est celui de l'origine des fêtes de leur ville. La thèse qui prévaut est celle d'une évolution à partir d'une forme d'hommage militaire rendu au saint local, comparable aux anciennes « bravades » provençales. Ce schéma aurait hérité par ailleurs du contenu des spectacles ou représentations théâtrales organisés par les pouvoirs politiques et religieux, dès la fin de la Reconquête, à des fins de propagande idéologique. Vraisemblable, cette genèse ne permet pas pour autant de dater avec précision l'avènement de la formule festive actuellement adoptée par les villes de la région. Elle semble être en place à Alcoy dès la fin du 17e siècle ; quelques villes (dont Biar) l'ont sans doute adoptée à la fin du 18e siècle ; d'autres, beaucoup plus nombreuses, au 19e siècle. Les années 1970, enfin, ont vu naître une trentaine au moins de nouvelles fêtes.

5. Il est difficile de trouver une information fiable sur les Mahomas, car leur présence n'est pas toujours mentionnée dans les programmes des fêtes. La liste que nous proposons repose principalement sur nos enquêtes de terrain, qui concernent une vingtaine de fêtes choisies pour la plupart parmi les plus anciennes. Il reste peut-être quelques Mahomas à découvrir dans l'espace valentien. Nous savons par ailleurs que l'effigie existe dans des fêtes d'Andalousie, que nous laissons pour l'heure hors de notre champ d'étude.

6. Voir, sur ce point, M. Albert-Llorca, « Les fêtes de Maures et Chrétiens à Villajoyosa. Une ville, sa fête, son saint », à paraître dans les Archives de Sciences sociales des Religions. Un indice du recul des thèmes nationalistes et religieux est le changement apporté aux rituels après 1940 dans plusieurs villes : alors que la défaite des Maures était d'abord soulignée et que ceux-ci faisaient l'objet de brimades symboliques, ils sont ensuite traités de façon strictement égalitaire. En Andalousie, un acte de réconciliation tardivement rajouté vient parfois conclure la mise en scène des batailles (cf. Pedro Gomez Garcia, « Analisis de las antiguas “Relaciones de moros y cristianos de Laroles (La Alpujarra)” », Gazeta de Antropología, n° 9, Grenade, mars 1992, pp. 53-72).

7. Sur les géants et animaux professionnels, Dumont, L., La Tarasque, nouvelle édition, Paris, Gallimard, 1987 Google Scholar; Cités en fête, catalogue de l'exposition au Musée des ATP, sous la direction de M.-F. Guesquin, Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 1992 ; Fabre, D., Camberoque, C., La fête en Languedoc, Toulouse, Editions Privat, 1977 Google Scholar.

8. La collection se trouve à la Bibliothèque nationale d'Espagne. Nous ne disposons que d'une photocopie de l'article sur Biar. Il est signé d'initiales que nous n'avons aucun moyen de clarifier, faute d'avoir pu consulter le numéro complet de la revue.

9. Estampa, n° 40, 2 octobre 1928, « Costumbres españolas. Moros y Cristianos (Villena) », de Rodolfo Llopis. Comme le Semanario…, op. cit., l'Estampa est un journal national.

10. Les provinces, les villes, les Associations de Maures et Chrétiens, certaines compagnies se dotent d'un chroniqueur officiel : c'est là un indice parmi tant d'autres et la force des sentiments identitaires dans cette région. Notons encore que plusieurs villes ont un hymne communal (Agullent, Baneres) ou un hymne de la fête (Alcoy) solennellement interprété au début des festivités (il existe également un hymne du pays valencien). Certaines enfin — Biar, Castalla, Villajoyosa, Caudete — possèdent une chaîne de télévision locale. Les deux premières n'ont pourtant que 3500 à 6500 habitants.

11. Concernant cette région, les grandes dates de l'histoire des rapports entre les royaumes de Castille et d'Aragon sont d'abord le traité de Tudellén en 1151, par lequel ils se partagent l'espace encore à reconquérir ; le traité d'Almizra (Campo de Mirra), en 1245, qui, entre autres choses, constitue Biar en « porte » du royaume de Valence ; le traité de Campillo, en 1304, qui, à la suite des nouvelles conquêtes de Jacques II, intègre au royaume de Valence le sud de l'actuelle province d'Alicante.

12. Cf. Sanchis Guarner, M., Els Valencians i la llengua autòctona durant els segles XVI, XVII, XVIII, Valence, Institution Alfonso El Magnänimo, 1963 Google Scholar, qui souligne le désintérêt durable des élites pour la langue locale. Celle-ci fut proscrite des organismes officiels par des décrets de Philippe V en 1707 et Charles III en 1768 sans que cela suscite beaucoup de réactions. E. Hobsbawm, quant à lui, date des années 1850 la naissance du mouvement autonomiste catalan et son intérêt pour la question linguistique seulement des années 1880 (Nations et nationalisme depuis 1780, trad. D. Peters, Paris, Gallimard, p. 138). On sait qu'au cours des deux dernières décennies, la Catalogne a affirmé avec force le monopole du catalan comme langue officielle. A la différence de la Catalogne, le pays valencien n'a pas trouvé dans sa bourgeoisie un soutien pour les revendications autonomistes et linguistiques : à Valence, les hautes classes se piquent de parler castillan. La politique de la langue conduite par la Generalitat de Valence semble être d'instituer un vrai bilinguisme en faisant du valencien une langue écrite, le bilinguisme à l'oral étant déjà acquis. Une précision : nous parlons du « valencien » parce que c'est ainsi que les autochtones désignent le plus souvent leur langue, mais nous n'ignorons pas qu'il s'agit en fait du catalan. C'est dire que nous n'épousons pas la querelle des « valencianistes » dits blaveros (litt. : les bleuistes) qui font valoir contre les Catalans la spécificité de leur langue (la référence au bleu renvoie au drapeau de Valence : celui de la Catalogne avec une bande bleue du côté de la hampe).

13. Villena peut en fait s'enorgueillir d'un passé aussi glorieux que celui de Biar. Son château fort, d'ailleurs utilisé dans le rituel festif depuis quelques années, en est le témoignage le plus visible.

14. Castalla et Biar ont en outre des armes similaires : une tour entre deux clés, symboles de leur commune fonction de gardiennes de la frontière entre les deux royaumes.

15. Mentionnée par un seul informateur, l'opposition de Yecla à Villena n'est pas certaine, plusieurs personnes ont même contesté son existence. Peut-être a-t-elle été imaginée par simple application du schéma général selon lequel toute ville doit avoir une rivale. Ainsi, on nous a dit à Biar : « Des rivalités de ce genre, il y en a partout ! Pour nous, c'est tombé sur Benejama ». Manuel Sanchis Guarner a pu écrire, en quatre volumes, Els pobles valencians parlen eh uns dels altres, E. Climent éd., Valence, 1982-1983, première édition : 1963, où il recueille les innombrables proverbes et blasons dans lesquels les villes parlent de leurs voisines. L'ampleur de sa collecte témoigne de la fréquence et de la vitalité de ces antagonismes.

16. De tels actes liturgiques, nés en Italie au 16e siècle, sont très fréquents dans la région. Ils se sont multipliés depuis 1940 dans la mesure où la plupart des statues de la Vierge et des saints avaient été détruites par les Républicains. La forme même du rituel — on offre à la statue une riche couronne pour laquelle les fidèles de la paroisse ont donné de l'argent ou des bijoux — marque bien la valeur communautaire et identitaire du culte du saint local (voir les travaux à paraître de M. Albert-Llorca sur le culte mariai).

17. La littérature espagnole a par ailleurs développé de longue date l'image d'un Morisque jouisseur, opposé aux valeurs plus ou moins ascétiques du christianisme.

18. Un article de la revue des fêtes de Biar de 1992 valorise les probables ascendances maures de la population locale et va jusqu'à contester le terme de « reconquête » : les chrétiens auraient accompli une pure et simple « conquête ».

19. La musique du Bail dels espies — peut-être une moresca — est très différente des autres musiques festives par son rythme et sa construction. Le thème, d'une quinzaine de notes, comporte une seule variation qui n'affecte que le tout début. Les deux formules mélodiques sont répétées alternativement ad libitum, chaque unité durant à peu près sept secondes. Les danseurs se font face pour danser et ne peuvent avancer, sans mouvement d'ensemble, que pendant le court intervalle entre deux reprises. Cela donne l'impression qu'ils sont sans cesse repris par une musique à laquelle ils ne peuvent échapper. A Biar, on considère que cette mélodie est unique. En fait, on la trouve aussi à Agullent sous le nom de Bail de la Mahoma et à Peñfscola, intégrée à une mélodie un peu plus développée, où elle accompagne une Danse des Maures.

20. Le personnage de l'espion des fêtes andalouses joue, dans la représentation théâtrale qui constitue l'essentiel du rituel, un rôle de bouffon. Cette dimension burlesque existe également à Biar, qui a sans doute emprunté à l'Andalousie le personnage. A cet égard encore, Biar apparaît bien comme un espace de transition.

21. Les récits d'origine de la chauve-souris la présentent souvent comme traîtresse à son camp dans la guerre des oiseaux contre les animaux terrestres. Dans un récit recueilli par J. Amades, le crabe — considéré comme un hybride entre animaux terrestres et poissons — est un espion dans la guerre qui oppose ces deux groupes de créatures (cf. Albert-Llorca, M., L'ordre des choses. Les récits d'origine des animaux et des plantes en Europe, Paris, Éditions du CTHS, 1991 Google Scholar).

22. Hipolito Navarro Villaplana, La fiesta de Moros y Cristianos de Pétrel, édité par la mairie de Pétrel en 1983, p. 121.

23. Sur l'histoire d'Elda et Pétrel, cf. M. Sanchis Guarner, Els pobles valencians…, op. cit., vol. II, p. 169. Nous avons recueilli en mai 1994 des récits épiques sur les « incidents de frontière » entre les deux villes, les bagarres — plus ritualisées que violentes — qui opposent les jeunes, etc.

24. H. Navarro Villaplana, op. cit., p. 281.

25. Sur l'histoire d'Aspe, cf. Aspe. Antologia documentai, Instituto de Estudios Alicantinos, Alicante, 1982 : recueil de reproductions en fac-similé des principales sources de l'histoire locale de 1602 à nos jours.

26. Cité dans Pérez, José Augusto Sanchez, El culto mariano en España, Madrid, Consejo superior de Investigaciones cientificas, 1943, p. 290 Google Scholar.

27. Voir Episodlos caudetanos, édité par l'Association des Compagnies de Maures et Chrétiens, Caudete, 1988 ; El luccro de Caudete, même éditeur, 1988.

28. La version citée est celle du gardien de l'ermitage, aujourd'hui décédé. Cette légende, connue de tous à Biar, constitue un des rares éléments narratifs associés à la Vierge de Grâce.

29. Sur cette tradition, Antologia documentai, op. cit., p. 81 (texte de 1882) ; manuscrit de 1834 conseivé à l'église d'Aspe, ch. III.

30. Geary, Patrick J., Le vol des reliques au Moyen Age, trad. de Dauzat, P. E., Paris, Aubier, 1993, pp. 189190 Google Scholar.

31. Les rivalités et compromis à propos de biens symboliques rappellent ceux décrits par Robert Hertz dans son article de 1913 : « Saint Besse. Étude d'un culte alpestre », repris dans Sociologie religieuse et folklore, Paris, PUF, 1970, pp. 110-160.

32. Les revues-programmes des fêtes mériteraient une étude spéciale que l'abondance des matériaux et la quasi-absence de diffusion en dehors des villes éditrices rend difficile. Nos remarques s'appuient sur un échantillon de 70 revues environ, provenant de 30 villes. Pour certaines d'entre elles, nous disposons d'une dizaine de numéros échelonnés sur les vingt dernières années. Cela permet de prendre une vue suffisante de ce type de littérature, d'autant que la formule est très stable dans l'espace et dans le temps. Une partie de nos renseignements sur les activités des compagnies en dehors de la fête en provient.

33. Il faudrait également souligner le rôle de la photographie et, aujourd'hui, des films vidéo : chacun, par leur intermédiaire, intègre la fête à son histoire personnelle et familiale. Certaines compagnies regroupaient autrefois des personnes d'un même quartier ou corps de métier, mais la chose est devenue à peu près imperceptible aujourd'hui. De même, en dehors de Biar et de quelques autres fêtes très traditionalistes, la transmission des appartenances au sein des familles s'estompe : la formule de l'affinité prévaut.

34. Il n'est guère de village qui ne possède une Harmonie municipale, très sollicitée lors des fêtes de la région : une fête de « Maures et Chrétiens » mobilise une musique par compagnie pendant les trois ou quatre jours centraux de la fête. D'autres, à raison de quatre ou cinq par compagnie, sont invitées spécialement pour les Entrées, chaque camp empruntant par ailleurs les musiques de l'autre. Ainsi à Castalla, en 1992, 37 musiques regroupant en tout 985 musiciens ont défilé devant les spectateurs, accompagnant plus de 2000 festers répartis en sept compagnies (chiffres fournis par la revue de 1993). Même si la plupart d'entre elles sont passées deux fois, le chiffre reste considérable.

35. Cf. Antoni Arino, Festes, rituals i creences, Valence, Ed. Alfons el Magnànim. Instituciò valenciana d'estudis i investigacio, 1988, pp. 36-41 ; José Luis Barnabeu Rico, Significados sociales de las fiestas de Moros y Cristanos, Université nationale d'éducation à distance, centre régional d'Elche, vers 1980.

36. Sur l'histoire des Morisques, Henry Charles Lea, Los Moriscos españoles. Su conversion y expulsion (1901), Alicante, Instituto de cultura « Juan Gil-Albert », réed. 1990 ; de Zayas, Rodrigo, Les Morisques et le racisme d'État, Paris, La Différence, 1992 Google Scholar.

37. La revue Canelobre, Alicante, Institut Juan Gil-Albert, a consacré un de ses numéros aux nombreux natifs de la province réfugiés en Algérie en 1939.

38. Tel est le cas de P. Gomez Garcia et Antoni Ariño, loc. cit., notes 6 et 29. Une version plus « anthropologique », présente chez ce dernier auteur, consiste à voir dans les fêtes de « Maures et Chrétiens » un rituel d'expulsion du mal, ou de la mauvaise saison.