Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
En analysant les Mazarinades (1648-1653), littérature pamphlétaire qui a proliféré surtout en 1649 (2 000 pamphlets) et 1652 (1 500), Christian Jouhaud se donne un objet dont le traitement est particulièrement délicat. Il entre dans un labyrinthe de textes éphémères, elliptiques, bourrés d'allusions à l'événement du jour, rompus à toutes les ruses de la controverse, supposés accrédités par la place, souvent fictive, qu'ils se donnent dans le débat tout à la fois « convulsif », spectaculaire et commercial (il faut vendre) opposant alors le parti de Condé, celui de Mazarin, et le tiers parti dont Retz se prétendait l'instigateur.
Son livre est l'effet d'un choix, qui consiste à faire de l'analyse d'un « cas » historique l'exercice d'une méthode. Pour cette raison, il appelle plus de développements. Il a deux objectifs. D'une part, il cherche à déterminer comment lire ces documents. On ne peut supposer que n'importe quel texte est, en histoire, justiciable de la même méthode d'interprétation.
1. Jouhaud, Christian, Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, 288 p.Google Scholar Sauf mention contraire, les indications de pages renvoient à ce livre.
2. Agulhon, Maurice, Pénitents et francs-maçons de l'ancienne Provence, Paris, P.U.F., 1968.Google Scholar
3. Austin, J. L., Quand dire, c'est faire, trad. frse, Paris, Seuil, 1970.Google Scholar
4. A cet égard, l'auteur a des affirmations sans doute trop péremptoires : « Il n'y a plus de vérité du texte, dit-il, qu'en dehors du texte, dans ses effets, dans l'action et dans le prochain texte » (p. 101). En fait, ces textes mettent en jeu, principalement, une fonction du langage luimême, mais différente de sa fonction référentielle. Il en va de même, chez Jakobson, de la fonction « poétique » (cf. « Linguistique et poétique », dans Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, 1963) : du fait que le langage est traité selon « l'aspect palpable des signes » et non selon sa modalité cognitive, on ne saurait conclure qu'on est « en dehors du texte » — sauf si, par une réduction elle aussi plus que discutable, le terme de « texte » désigne seulement un système dénotatif.
5. Carrier, Hubert, La Fronde. Contestation démocratique et misère paysanne. 52 mazarinades, Paris, EDHIS, 1982, 2 vols.Google Scholar
6. PococK, J. G. A., 77îe Machiavellian Moment, Princeton, Princeton University Press, 1975, chap. 10 et 11.Google Scholar
7. Blumenberg, Hans, Die Legitimitàt der Neuzeit, Francfort, Suhrkamp, 1976, lre et 2 e parties.Google Scholar
8. Cf. Bloch, Marc, Les rois thaumaturges, 2 e éd., Paris, Gallimard, 1984, pp. 309–379.Google Scholar En même temps que le livre de Christian Jouhaud, paraissait, de Eckart Birnstiel, Die Fronde in Bordeaux, 1648-1653, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, Schriften zur Europàischen Sozialund Verfassungsgeschichte, vol. 3, 1985, 551 p. De ce livre de grande érudition et qui publie aussi dix Mazarinades, la thèse, en ce qui concerne l'idéologie politique de la Fronde bordelaise et sa « philosophie de l'État », est à peu près l'inverse de celle de Christian Jouhaud. Il est bien regrettable que la simultanéité des publications n'ait pas permis une confrontation.