Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Les interprétations dominantes de l'islam en Afrique noire ont mis l'accent sur l'extension progressive de la foi dans l'espace, le temps et sur la profondeur ou « pureté » croissante de la pratique. Il n'est pas surprenant que les islamologues, formés en tant que philologues, experts en religions et historiens de l'époque glorieuse de l'islam, voient l'Afrique noire à partir de l'Egypte et de l'Afrique du Nord. Il est compréhensible que les africanistes, désireux d'attacher leur sujet à des traditions académiques, saisissent le thème de l'islamisation pour organiser les nouveaux et divers domaines de l'histoire du continent, et il est évident que ce thème a le mérite d'organiser les faits d'une façon rationnelle. Mais il est temps de se libérer d'un joug qui ne ressort pas des sociétés africaines elles-mêmes et de leur évolution propre. Cet article voudrait proposer des interprétations plus justes de l'islam en Afrique occidentale.
The historical literature on Islam in West Africa has emphasized a progressive islamization beginning with commercial minorities, passing to ruling minorities and finally concluding with rural majorities led by reform-minded scholars in an approximation of Islamic orthodoxy. Until the eighteenth century it is more accurate to stress a variety of forms of accommodation between Islamic and local forces. After this period confrontations between proponents of militant and accommodationist forms of Islam produce a general Islamic space and culture in which conflicts and competition among states, lineages and classes are shaped in Islamic terms.
1. Rodinson, Voir Maxime, « The Western Image and Western Studies of Islam », dans Schacht, J. et Bosworth, C. E. éds, The Legacy of Islam, 2e édition, 1974 Google Scholar.
2. Peasant Society and Culture, 1956.
3. On pourrait faire la même critique des ouvrages français tels que A. Gouilly, L'Islam dans l'Afrique occidentale française, 1962, et J. C. Froelich, Les musulmans d'Afrique noire, 1962.
4. Joseph Cuoq (trad.), Recueil des sources arabes concernant l'Afrique occidentale du VIIIe au XVIe siècle, 1975, pp. 99-101. Cet ouvrage du Père Cuoq apporte une grande aide à la recherche sur l'Ouest Africain. Également utile, un ouvrage en anglais, J. F. P. Hopkins et N. Levtzion (trad. et éditeurs), Corpus of Early Arabie Sources for West African History, 1981.
5. Cuoq, Recueil, pp. 310-2.
6. Le mouvement d'Uthman possède une littérature qui dépasse de loin celle des autres jihùd-s Fulbe. Pour un exemple de cette documentation, voir D. Murray Last, The Sokoto Caliphate, 1967. Pour le Masina, l'ouvrage le plus accessible est toujours A.H. BÂ et J. Daget, L'empire peul du Masina, vol. 1 (1818-53), 1955.
7. Comme le fait, par exemple, Nehemia Levtzion dans « Patterns of Islamization in West Africa », dans D. Mccall et Norman Bennett éds, Aspects of West African Islam, 1971.
8. Pour une esquisse de ce problème, voir R. A. Adeleye et C. C. Stewart, « The Sokoto Caliphate in the 19th Century », dans J. F. A. Ajayi et M. Crowder éds, History of West Africa, vol. 2, 2e édition (sous presse).
9. Voir, par exemple, Trimingham, Islam, pp. 1-20.
10. Willis, John R. éd., Studies in West African Islamic History, vol. 1 : The Cultivators of Islam, 1979. Voir surtout l'introduction de WillisGoogle Scholar.
11. Voir, par exemple, Trimingham, Islam, p. 18. Pour un résumé des théories concernant les « paléonigritiques », voir David Tambo, « The “Hill” Refugees of the Jos Plateau », History in Africa, 1978, pp. 201-224.
12. Nehemia Levtzion, Muslims and Chiefs in West Africa, 1968.
13. D. J. Stennino, « Cattle Values and Islamic Values in a Pastoral Population », dans I.M. Lewis éd., Islam in Tropical Africa (International African Seminar), 1966.
14. G. Nicolas, « Fondements magico-religieux du pouvoir politique au sein de la principauté Hausa du Gobir », Journal de la Société des Africanistes, 1969, p. 229.
15. Person, Yves, Samori, vol. 1 (1968), p. 134 Google Scholar.
16. D. M. Last, « Historical Metaphors in the Kano Chronicle », History in Africa, 1980, p. 171.
17. Chez certains peuples, comme les Wolof du Sénégal, on ne trouve même plus d'objets ni d'autels dans les sources du xvie siècle. Voir L. Col Vin, « Islam and the Stagte of Kajoor : a Case of Successful Résistance to Jihûd », Journal of African History, 1974, 4, pp. 587-606.
18. Abdoulaye-Bara Diop, La société wolof. Tradition et changement. Les systèmes d'inégalité et de domination, 1981, pp. 213-214.
19. Le Mi'raj al-Su'ùd, rédigé par Ahmad Baba pour répondre aux questions posées par les savants de Tuât, est discuté par Mahmoud Zouber, Ahmed Baba de Tombouctou (1556-1627). Sa vie et son oeuvre, 1977. Voir aussi Levtzion, Muslims, pp. 108-109 ; P. Lacroix, Poésiepeule de l'Adamawa, vol. 1, 1965, p. 20 ; C. Seydou, Silamaka et Poullori (1972), p. 15 ; Trimingham, History, pp. 200, 207. Nicolas (” Fondements », p. 215) explique que le mot jihùd est employé au Gobir pour les razzias contre les sociétés lignagères. Walter Rodney (” Jihùd and Social Révolution in Futa Djalon in the 18th Century », Journal of the Historical Society of Nigeria, vol. 4.2, 1968) démontre le même phénomène pour le Fouta Djalon.
20. Arthur D. Nock, Conversion. The Old and New in Religion from Alexander the Great to Augustine of Hippo, 1931.
21. Voilà ce qui est arrivé. BaySn ma waqa'a d'al-Hagg ‘Umar al-FQtî, 1983. Il s'agit d'une traduction, introduction et commentaire du fameux Bayan d'Umar pour justifier sa campagne contre le Masina, avec une reproduction photographique de la version du Fonds Archinard de la Bibliothèque Nationale de Paris.
22. Pour démontrer la complexité de l'histoire religieuse ouest-africaine, notons que les Hausa de Gobir qui résistèrent à Uthman désignent aussi leurs actions comme jihâd, Nicolas, « Fondements », p. 215.
23. Voir J. Abun-Nasr, The Tijaniyya. A Sufi Order in the Modem World, 1965.
24. Voir Y. Person, « The Atlantic Coast and the Southern Savannahs, 1800-1880 », dans J. F. A. Ajayi et M. Crowder éds, History of West Africa, vol. 2 (1974), pp. 286-290 ; D. Robinson, Chiefs and Clerics (1975), pp. 70-78.
25. R. A. Adeleye, Power and Diplomacy in Northern Nigeria, 1804-1906 (1971), pp. 314- 327.
26. A. H. BÂ et M. Cardatre, Le Sage de Bandiagara, 1957 ; Al. Traore, « Le mouvement Tijanien de Cheikh Hamahoullah », thèse de 3e cycle, Université de Dakar, 1975.
27. B. Barry, « La Sénégambie du xv« au xxc siècle. Impérialisme, Islam et intégration régionale ».
28. Voir C. C. Stewart, « Southern Saharan Scholarship and the Bilad al-Sûdùn », Journal of African History, 1976, 1, pp. 73-93. Pour les bases matérielles de l'enseignement, voir Elias Saad, « Social History of Timbuktu, 1400-1900 », PhD, Northwestern University, 1979 ; Lamin Sanneh, The Jakhanke, 1979 ; Richard Roberts, « The Maraka and the Economy of the Middle Niger Valley, 1790-1908 », PhD, University of Toronto, 1978.
29. Voir ‘Abd al-'Aziz ‘Abd-Allah Batran, « Sidi al-Mukhtar al-Kunti and the Recrudescence of Islam in the Western Sahara and the Middle Niger », PhD, Birmingham University, 1971.
30. Pour Khasso, voir C. Faure, « Le premier voyage de Duranton au Sénégal », Revue de l'Histoire des Colonies françaises, 1921, p. 220 ; pour Kano, voir S.W. Koelle, Polyglotta africana, 1854, p. 18.
31. Last, « Metaphors », p. 161.
32. Voir M. Hiskett, Sword of Truth, 1973, pp. 33, 157, et 177 ; Last, Caliphate, pp. xxxvm, 9 et 223.
33. Alfa Ibrahima Sow, La femme, la vache, la foi, 1966, p. 15. Sow a maintenant publié le Filon du bonheur éternel, 1971.
34. Voir surtout H. T. Norris, Saharan Myth and Saga, 1972.
35. P. Humblot, « Du nom propre chez les Malinké des vallées du Niandan et du Milo », Bulletin du Comité d'Études historiques et scientifiques de l'Afrique occidentale française, 1918, pp. 537-540.
36. Voir H. Zemp, « La légende des griots malinké », Cahiers d'Études africaines, 6.24, 1966.
37. Muhammad Bello, Infaku'l Maisuri (éd. C. E. J. Whitting, 1957), pp. 208-209. Voir aussi M. Delafosse, « Traditions musulmanes relatives à l'origine des Peuls », Revue du Monde musulman, 1912, pp. 251-2, 259-60.
38. Voir mon ouvrage, The Holy War of Umar Tal in the Sénégal and Niger Valleys, Oxford, 1985.
39. Tarikh al-Fettach (O. Houdas et M. Delafosse éds, 2e édition, 1964), p. 18. Voir N. Levtzion, « A 17th-Century Chronicle by Ibn al-Mukhtar : a Critical Study of Ta'rikh al- Fattash », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 1971.