Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La région de Chalco est une des communes périphériques intégrées au tissu urbain de la ville de Mexico qui compte aujourd'hui plus de 20 millions d'habitants. Avant le gouvernement de Carlos Salinas de Gortari (1988- 1994), la région avait subi l'arrivée de milliers de nouveaux habitants qui s'étaient installés dans des quartiers mal reliés aux réseaux de distribution ou d'évacuation des eaux. On y distribuait l'eau en camions-citernes et les rues faisaient office d'égout. Les habitants de Chalco interviewés vers la fin des années 1990 en portent témoignage. Ils se plaignent d'aller chercher l'eau trop loin, faisant de longs parcours pour l'amener jusqu'à leur maison. L'eau qui leur est fournie est chère et de mauvaise qualité. Le paradoxe est qu'il y a plusieurs siècles la situation était tout autre.
Between 1890 and 1925, the Chalco lake region was the site of large-scale hydraulic works. In the first part of this article, we study the technical, economic and political conditions of the transformations desired and organized by the big landowners. In the second part, we shall look at the consequences which these transformations had upon the village activities for which the importance of the lake economy was often underestimated. The author shows that the intensification of the capitalist economy and the resulting impoverishment of the villages contributed to a large extent to explain the rebellion of the Chalco peasants during the Mexican revolution.
* Je tiens à remercier les remarques qui m'ont été faites dans différentes étapes de ce travail par Juan Carlos Garavaglia, Joseph Goy, Bernard Lepetit, Vicente Pinilla, Ruggiero Romano et William Taylor.
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2. La Négociation Agrfcola de Xico a été créée en 1897, l'usine à papier de San Rafaël en 1896, la Compagnie des chemins de fer de Xico et San Rafaël en 1890, l'usine du textile de Miraflores est intégrée au réseau des usines de Barron, La Colmena et San Antonio Abade en 1898.
3. Voici la description d'un voyageur français vers 1864 : « … Au débouché des forêts de sapins que traverse la route depuis Puente Texmelucan [on jouit d'un point de vue superbe]… le voyageur venant de Veracruz peut embrasser de là l'ensemble de la vallée de Mexico avec ses lacs, ses nombreux mamelons volcaniques et la ceinture des montagnes élevées. A partir de Venta de Cordova on s'engage dans la forêt », ANF, F17/2909. Exploration scientifique du Mexique. Commission créée par le ministère de l'Instruction publique.
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8. Lorsque les frères Noriega s'adressent au ministre des Transports ils affirment « la ciénéga se compone de poco menos de un sitio de ganado mayor », AGN, SCOP, vol. 546-2, f. 2.
9. Cette Commission affirme : « On doit souligner que le lac de Chalco, aussi bien que ceux qui entourent la ville de Mexico, est mauvais pour la santé du fait que, en période de sécheresse ou simplement d'absence de pluie, une bonne partie des bordures devient marécageuse et produit des émanations qui provoquent le paludisme », AGN, SCOP, vol. 546-4, f. 48.
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14. Il faudrait encore ajouter les pluies saisonnières, 979 mm en moyenne de 1920 à 1958, très au-dessus de la limite fatidique de 700 mm au-dessous de laquelle l'agriculture saisonnière est aléatoire. Pour comparer avec la fertile vallée d'Atlixco, voir Garavaglia, J. C., « Atlixco : l'eau, les hommes et la terre dans une vallée mexicaine 15e-17e siècles », Annales HSS, 1995, n“6, pp. 1309–1349.CrossRefGoogle Scholar
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30. Ceci à l'époque révolue où les clivages entre conservateurs et libéraux, les disputes et les guerres civiles paraissent conditionner les avis des chercheurs qui ne peuvent pas associer instabilité politique et croissance économique à travers des innovations. L'équation était donc : instabilité politique égale à la destruction de l'appareil économique. Voir John Tutino, « Cambio social agrario y revoluciôn campesina en el Mexico decimononico : el caso de Chalco », dans F. Katz éd., Revuelta, rebeliôn y revoluciôn : la lucha rural en el Mexico del siglo XVI al siglo XX, Mexico, ERA, 1990, pp. 94-134.
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32. Le carton sur le drainage du lac de Chalco se trouve dans AGN, SCOP, vol. 546. Pour I. Noriega on renvoie à Lucia Martinez, D'Espagne au Mexique : Infgo Noriega Lasso, un entrepreneur dans la vallée de Mexico, thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 1996.
33. Le recours à l'expérimentation dans les haciendas est très utilisé dans des cas analogues à l'instar de l'assèchement pratiqué dans Vhacienda de Coapa dans le bassin de Mexico ou V hacienda Cantabria dans le Michoacan, où les neveux de Noriega, E. Noriega et A. Noriega avaient fait des travaux d'assèchement. On renvoie à Reyes, Cayetano et Olivier, Gougeon, Paisajes rurales en el norte de Michoacan, Mexico, Cemca, 1991.CrossRefGoogle Scholar
34. AGN, SCOP, vol. 546-9, f. 1.
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36. Voir Alejandro Tortolero, 1993.
37. La ville de Mexico passe de 541 000 habitants en 1900 à 720 000 en 1910. Ainsi, la ville qui n'avait pas dépassé le seuil de cinq cent mille habitants pendant le 19e siècle, observe une forte augmentation vers la fin du siècle et notamment au début du 20e siècle, Bataillon, Claude, Villes et campagnes dans la région de Mexico, Paris, Anthropos, 1971, p. 84.Google Scholar Cette augmentation potentielle du marché urbain n'est pas indifférente aux entrepreneurs.
38. Voici les propos de la Commission : « Nous croyons que le ministère ne doit pas autoriser la pétition de M. Noriega faute de quoi on risque des conséquences imprévues ». (« Crée la Seccion que la Sria. no debe dar la autorizacion deseada por el Sr. Noriega, pues se sentaria un précédente cuyas consecuencias no pueden preveerse »). Mais tout de suite après cet avis une réponse affirmative figure dans le dossier, due à l'intervention du président de la République (« En respuesta manifiesto a Ud. que habiendo dado cuenta al Présidente de la repùblica del ocurso de Uds. ha tenido a bien acordar que se les concéda la autorizacion para clausurar el canal expresado »), AGN, SCOP, vol. 546-2.
39. Gaceta de Gobierno, t. XV, 59, 21, 1903.
40. F. Herin définit la grande hydraulique comme un ensemble d'innovations technologiques qui contribuent au contrôle efficace et de grande envergure des ressources hydrauliques, dans Lemeunier, Guy et Perez Picazo, Maria Teresa, Agua y Modo de produccion, Barcelone, Critica, 1990, p. 61.Google Scholar
41. AGN, SCOP, vol. 546-4.
42. Nous avons développé cette tradition dans d'autres articles. Pour cela on renvoie à Alejandro Tortolero, « L'appropriation de l'espace à Morelos en 1910 », dans Histoire, temps et espace, Avignon, 1991 et dans «Haciendas y espacio : algunas reflexiones y un método para la reconstrucciôn de las explotaciones », Iztapalapa, vol. 26, 1992.
43. Voir Luis Cerda, « Causas economicas de la revoluciôn mexicana ? », Revista mexicana de Sociologia, vol. 53, n° 1, mars 1991, pp. 307-343.
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47. Voir Meyer, Jean, « Haciendas y ranchos, peones y campesinos en el porfiriato. Algunas l'alacias estadisticas », Historia mexicana, 1986, 35, 3, pp. 477–509.Google Scholar Jean Meyer fait la citation suivante de José Miranda : « … encore en 1910 41 % des villages gardaient leurs anciennes terres ». Mais Meyer se demande au même temps, sans trouver de réponse, d'où J. Miranda tirait ces chiffres.
48. On renvoie à Claude Bataillon, 1971 et à Guerra, François-Xavier, Le Mexique. De l'Ancien Régime à la Révolution, Paris, L'Harmattan, 1986 Google Scholar (traduction espagnole, 1988) qui affirment : « Les études régionales ont montré suffisamment qu'à Morelos une bonne partie des villages avaient gardé leurs terres en 1910 (peut-être 60 %), même s'ils subissaient une forte offensive des grands domaines », 1988 : 476.
49. Frank Tannembaum, par exemple, constate avec regret cette situation dès 1929 : « Nous avons vu qu'en 1910 les villages libres possédaient 51 % de la population rurale totale. Malheureusement il nous manque des statistiques sur les terres que les villages possédaient », Tannembaum, Frank, « La revoluciôn agraria mexicana », Problemas Agricolas e Industriales de Mexico, Mexico, 1952, p. 30 Google Scholar (édition anglaise 1929).
50. Je tiens à remercier à F. Vergnault qui m'a guidé à travers les méthodes de la cartographie expérimentale. Voir Tortolero, Alejandro, De la coa a la maquina de vapor. Actividad agricole e innovacion tecnologica en las haciendas mexicanas, 1880-1914, Mexico, Siglo XXI, 1995.Google Scholar
51. Voir Frank Tannembaum, art. cité, 1952.
52. A l'instar de l'avis du topographe Lazaro de la Pena, chargé de l'expertise sur Huitzilzingo, qui affirme : « J'ai commencé par dresser un plan de la surface actuelle du village et tles terres qu'il possédait auparavant et qui maintenant font partie de Yhacienda de Xico, ceci est le résultat de la carte annexe », AHEM, CAM, vol. 162/E, 1, f. 7.
53. D'où José Miranda tire-t-il ses sources pour affirmer que les villages avaient gardé leurs terres à la veille de la révolution ?
54. Nous ne comptons pas les villages d'Ayotzingo et d'Atlazalpan pour lesquels nous n'avons pas de données.
55. Voir tableau ci-dessous.
56. Ils se plaignent que les statistiques incluent des travailleurs temporaires qui n'habitent pas les villages et même des villageois décédés.
57. John Tutino dans Ida Altman, Provinces of Early Mexico, 1976, p. 187.
58. AHEM, CAM, vol. 63, E, III, f. 13. Souligné par moi.
59. Ibid., f.
60. La surface restituée ou allouée aux villages est la suivante : Ayotla (905 ha), Chalco (1 402 ha), Chimalpa (174 ha), Huitzilzingo (232 ha), Huixtoco (528 ha), Tlapacoya (600 ha), Tezompa (750 ha), Tlapizahua (340 ha), Ixtapaluca (912 ha) et Xico (250 ha), AHEM, CAM, Dossiers concernant les villages.
61. Voir Jean Meyer, 1986. Dans la rubrique «propriétaires » on ne trouve que 36 habitants.
62. Voir John Tutino, « Entre la rebeliôn y la revoluciôn : compresiôn agraria en Chalco 1870-1900», dans Alejandro Tortolero, op. cit., 1993, pp. 365-412.
63. Ici, il convient de signaler l'élément de distinction entre hacienda et rancho : Vhacienda emploie des péons tandis que le rancho fait appel au travail familial.
64. A l'instar des ouvriers industriels qui passent de 740 habitants en 1895 à 916 en 1900 et 889 en 1910. Ces travailleurs avec leurs familles s'installent dans les villages ouvriers de San Rafaël et Miraflores qui augmentent d'une façon considérable dans la période, rivalisani avec les anciens noyaux de peuplement tels que Chalco ou Tlalmanalco.
65. Pour la relation entre innovation, population et haciendas sucrières, voir Alejandro Tortolero, 1995.
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69. Recensements correspondant aux années 1895, 1900 et 1910.
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