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Les gestes de la mesure. Joule, les pratiques de la brasserie et la science

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

H. Otto Sibum*
Affiliation:
Max-Planck-Institut für Wissenschaftsgeschichte, Berlin

Extract

L'objet de cet article est l'expérimentation, mais aussi l'éloquence de ses représentants silencieux : les instruments de précision et les techniques du corps qui assurent la bonne exécution de l'expérience. Les instruments ainsi que le corps humain ont acquis un grand intérêt aux yeux des historiens des sciences. La plupart des études révèlent l'existence de dimensions cachées soit en identifiant les compétences d'assistants de laboratoire jusque-là négligés, soit en soulignant l'importance de savoirs tacites dans la dynamique scientifique. Des recherches historiques récentes, consacrées au rôle changeant du corps humain, mettent l'accent sur la construction et la représentation scientifiques du corps mais on ne rencontre guère d'études qui fassent ressortir le pouvoir productif du corps.

Summary

Summary

This paper is concerned with the role of the human body in knowledge production. Previous historical studies heve stressed either the scientific construction or representation of the human body. The aim here is to understand the cre;ative power of the disciplined body of the scientist. The author focuses on an early nineteenth century landmark of scientific change: James Joule's experimental research on the nature of heat. A reconstruction of some of the cultural resources at his disposal demonstrates that what has conventionally been regarded as Joule's “personal” or “tacit knowledge” is better conceptualised as embodied knowledge, rooted partially in a hitherto unknown knowledge tradition of early Victorian brewing culture.

Type
Des « Social Studies of Science » A L'Histoire Des Techniques
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1998

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References

1. Je voudrais dédier cette étude à deux de mes maîtres, Falk Rieß et Rudolf zur Lippe. L'article a été présenté et discuté dans divers lieux scientifiques et je désire remercier les nombreux participants et lecteurs, en particulier Lorraine Daston, Simon Schaffer et M. Norton Wise pour leurs utiles remarques. Je suis reconnaissant à Donald S. L. Cardwell de m'avoir permis l'accès aux archives de Joule. Les manuscrits cités appartiennent aux institutions suivantes, que je remercie de m'avoir autorisé à reproduire leurs documents : Cambridge University Library (correspondance de Joule), University of Manchester Institute of Science and Technology Archive (fonds Joule) et Manchester Literary and Philosophical Society Archive. Je tiens enfin à remercier Ginette Morel pour son excellent travail et sa traduction, Marie-Noëlle Bourguet ainsi que Christophe Bonneuil pour le polissage de quelques phrases.

2. C'est pourquoi la manière d'étudier le savoir-faire en science et en technologie intéresse à la fois les historiens et les sociologues. En 1996, le Welcome Institute for the History of Medicine (Londres) a organisé un colloque intitulé « Skill in Science, Medicine and Technology [le savoir-faire en sciences, en médecine et en technologie] » (26-27 avril). Pour d'importantes études récentes, voir Pinch, Trevor, Collins, H. M. et Carbone, Larry, « Inside Knowledge: Second Order Measures of Skill», Sociological Review, vol. 44, n° 2, 1996, pp. 163186 Google Scholar et Schaffer, Simon, « Experimenters’ Techniques, Dyers’ Hands and the Electrical Planétarium », Isis, vol. 88, n° 3, sept. 1997, pp. 456483 Google Scholar.

3. « Alors que les articles scientifiques (et parfois les manuscrits) sont d'ordinaire accessibles, l'histoire de la fabrication des instruments, de la reproduction des expériences et du savoir implicite et variable qui les accompagne devient un exploit archéologique souvent hors d'atteinte parce qu'il est généralement impossible de retrouver ou d'utiliser les instruments d'origine dans le cadre et l'agencement originels », Biagioli, Mario, « Tacit Knowledge, Courtliness, and the Scientist's Body », dans Foster, Susan éd., Choreographing History, Bloomington, Indiana University Press, pp. 6981, p. 73Google Scholar. II semble que M. Biagioli reprenne en partie une argumentation répandue chez certains historiens du geste selon qui, « malheureusement, nos sources ne concernent que les classes supérieures et le rôle qu'elles jouaient en public. Nous n'avons aucune idée de la façon dont les hommes et les femmes se mouvaient en privé. Comme très souvent, cet aspect de la vie privée d'autrefois appartient à un univers irrémédiablement disparu ». Bremmer, Jan, Roodenburg, Hermann, A Cultural History of Gesture, Ithaca, New York, Cornell University, 1991, p. 16 Google Scholar. Une étude essentielle de la signification mouvante des gestes est Schmitt, Jean-Claude, La raison des gestes dans l'Occident médiéval, Paris, Gallimard, 1990 Google Scholar.

4. Reconstituer ces pratiques passées implique de répéter les expériences historiques, d'en reproduire le cadre matériel mais aussi d'explorer l'histoire et les archives de l'espace dans lequel elles se sont déroulées. Sibum, Heinz Otto, « Reworking the Mechanical Value of Heat: Instruments of Précision and Gestures of Accuracy in Early Victorian England », Studies in History and Philosophy of Science (par la suite, Stud. Hist. Phil. Sci.), vol. 26, n° 1 (1995), pp. 73106 Google Scholar. Sibum, H. O., « Working Experiments: A History of Gestural Knowledge », The Cambridge Review, vol. 116, n° 2325, mai 1995, pp. 2537 Google Scholar ; voir encore Blondel, Christine, Dörries, Mathias éds, Restaging Coulomb, Florence, Leo S. Olschki, 1994 Google Scholar.

5. L'expérience requiert un récipient de cuivre rempli d'eau, laquelle est agitée par une roue à palettes en laiton mue par la chute de plusieurs poids. Le dispositif mécanique comporte également des poulies disposées symétriquement dans lesquelles sont engagées des cordes ; des poids d'une masse connue sont fixés à l'extrémité de celles-ci. Au cours de l'expérience, la température de l'eau est mesurée avant et après rotation. Lorsqu'un poids descend, la température d'un certain poids d'eau s'élève d'un demi-degré Fahrenheit dans le récipient de cuivre. Joule calcula que le rapport entre le travail effectué (exprimé en pieds-livres) et la différence de température (exprimée en degrés Fahrenheit) était de 772,69 et appela ce résultat « équivalent mécanique de la chaleur ». Joule, James Prescott, « On the Mechanical Equivalent of Heat», Philosophical Transactions (1850, Ire partie), communication lue le 21 juin 1849. Reprise dans The Scientific Papers, vol. 1, Londres, Taylor and Francis, 1884, pp. 298328 Google Scholar.

6. Dans son ouvrage Worlds of Sense, Constanze Classen décrit diverses cultures indigènes d'Amérique latine, et notamment celle des Tzitzil du Mexique qui obéissent à un modèle sensoriel différent dans lequel la chaleur est la force première de l'univers. Selon l'auteur, la distinction entre cultures écrites et cultures orales donne trop souvent une représentation erronée des différents modèles sensoriels à l'œuvre dans les cultures. Classen, Constanze, Worlds of Sense. Exploring the Senses in History and Across Cultures, Londres-New York, Routledge, 1993, pp. 121138 Google Scholar.

7. La distinction entre cultures orales et cultures écrites néglige trop souvent les traits infimes qui différencient les nombreuses cultures orales. Comme C. Classen l'a montré, il est plus pertinent de distinguer les univers sensoriels selon leur façon de donner sens au monde. Ce qui fait défaut aux analyses historiques de C. Classen est la relation entre formation des sens et changement économique, c'est-à-dire la division du travail. C'est alors seulement qu'on peut décrire le processus d'assujettissement du corps et son effet sur la formation du savoir.

8. Wigney, George Adolphus, An Elementary Dictionary, or Cyclopaedia for the Use of Malsters, Brewers, Destillers, Rectifiers, Vinegar Manufacturers and Others, Brighton, 1838, p. 226 Google Scholar.

9. Ibid., pp. 179-185.

10. Ibid., p. 178.

11. Ibid., p. 307. Je suis très reconnaissant à Rudolf zur Lippe qui m'a suggéré l'expression de « historisch gestisches Wissen » (savoir gestuel historique) comme analogie avec le savoir opératoire (working knowledge) des cultures orales. J'ai essayé de mener plus loin ses suggestions fondamentales quant à la reconstitution du pouvoir productif des gestes dans l'histoire, comme il en donne l'exemple dans son travail pionnier sur l'histoire des pratiques de la danse à la Renaissance, Lippe, Rudolf zur, Naturbeherrschung am Menschen, I. Körpererfahrung als Entfaitung von Sinnen und Beziehungen in der Ära des italienischen Kaufinannskapitals, et II. Geometrisierung des Menschen und Repräsentation des Privaten im französischen Absolutismus, Francfort-sur-le-Main, 1974 Google Scholar. L'usage de l'expression de savoir gestuel comme il est à l'œuvre dans la présente étude donne une illustration de mon approche d'une anthropologie historique du savoir, mais il peut différer sensiblement du style de pensée de Lippe.

12. Mauss, Marcel, « Les techniques du corps », Journal de psychologie normale et pathologique, vol. 32, 1935 Google Scholar, réédité dans Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1985, pp. 372 et 371 (” J'appelle technique un acte traditionnel efficace (et vous voyez qu'en ceci il n'est pas différent de l'acte magique, religieux, symbolique). II faut qu'il soit traditionnel et efficace. II n'y a pas de technique et pas de transmission, s'il n'y a pas de tradition »).

13. En utilisant le mot Cyclopaedia pour titre de son livre, le brasseur scientifique G. A. Wigney entendait souligner son caractère particulier : pour les brasseurs autant que pour les personnes intéressées à cet art, il contenait — au sens grec du terme — tout le savoir de son temps. Prenant modèle sur la Grande Encyclopédie, il était en ordre alphabétique et renfermait les plus récentes explications scientifiques. II différait de la sorte des anciens livres de recettes ainsi que des nouveaux manuels qui « exposaient le processus du brassage dans des essais et des tables décimales » (John Levesque, voir n. 44). On trouve une importante étude de la représentation du travail des artisans dans la Grande Encyclopédie dans Cynthia J. Koepp, « The Alphabetical Order: Work in Diderot's Encyclopédie », dans Kaplan, Steven L. et Koepp, Cynthia J. éds, Work in France. Representation, Meaning, Organization, and Practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, pp. 229257 Google Scholar.

14. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., p. 226.

15. Ibid., p. 45. C'est moi qui souligne.

16. Sur le « savoir local », voir Geertz, Clifford, Local Knowledge. Further Essays in Interprétative Anthropology, New York, Basic Books, 1983 Google Scholar.

17. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., p. 137.

18. Ibid., p. 212.

19. Ibid., p. 347.

20. Ibid., p. 300.

21. Id.

22. Ibid., p. 62.

23. Ford, William, A Practical Treatise on Malting and Brewing with an Historical Account of the Malt Trade and Laws, Deduced front Years of Experience, Londres, 1862, p. 279 Google Scholar.

24. Ibid., pp. 102-103.

25. Ibid., p. 42.

26. Les récits des témoins à ces procès depuis 1846 sont donnés par Ford, William, An Historical Account ofthe Malt Trade and Laws, showing the Decline, and Causes of Decline in the Consumption of Malt ; with a Practical Treatise on Malting and Brewing, Deduced from Thirty Years of Experience, Londres, 1849, pp. 2446 Google Scholar, et W. Ford, A Practical Treatise on Malting and…, op. cit., pp. 21-37.

27. Je suis très reconnaissant à M. Norton Wise de m'avoir suggéré l'expression « savoir tactile » (tact) pour décrire la relation instaurée entre la faculté de sentir qu'a l'expérimentateur et son interaction avec la culture matérielle. Compte tenu de l'étymologie de « tactile », il semble raisonnable d'employer cette expression pour décrire l'accomplissement, par l'homme, d'un travail lié aux sens, c'est-à-dire à l'ordre sensoriel. A la même époque, Helmholtz employait le terme de tact pour désigner le nouveau mode de prise des températures en usage chez les médecins allemands. En Angleterre, William Thomson l'employait pour qualifier la façon dont Archibald Smith, major de Cambridge dans sa discipline, pratiquait les mathématiques.

28. Anonyme, , « Malster and Brewer's Guide », The Edinburgh Review or Critical Journal, vol. XLIX, 1829, pp. 362388 Google Scholar.

29. Corran, H. S., A History of Brewing, Newton Abbot, 1975, p. 213 Google Scholar. Pour plus de détails sur les bouleversements de la période 1830-1850, voir Gourvish, T. R., Wilson, R. G., The British Brewing Industry, 1830-1980, Cambridge, Cambrigde University Press, 1994 Google Scholar ; également Mathias, Peter, The Brewing Industry in England, 1700-1830, Cambridge, Cambridge University Press, 1959 Google Scholar.

30. La consommation totale de thé augmenta entre 1830 et 1850 : en 1831, elle s'élevait à 29 997 055 livres ; en 1851, à 53 949 059 livres. La consommation de malt était en 1831 de 39 252 269 boisseaux ; en 1851, de 40 337 412 boisseaux (un boisseau équivaut à 36 litres environ) ; voir W. Ford, A Practical Treatise on Melting and…, op. cit. (1862), pp. 58 et 287.

31. Cobbett, William, Cottage Economy, Londres, 1822, pp. 12, 21Google Scholar.

32. H. S. Corran, A History of Brewing, op. cit., pp. 127, 135.

33. Pour la description détaillée que donne J. Richardson, voir H. S. Corran, ibid., p. 136, ou Richardson, J., Statical Estimate of the Materials of Brewing: or a Treatise on the Application and Use of the Saccharomeier, Londres, 1784 Google Scholar.

34. Si on dissout du sucre dans l'eau, la densité de la solution s'élève d'une quantité presque exactement proportionnelle à la quantité de sucre dissous. L'hydromètre peut donc servir à mesurer la quantité de sucre de malt présent dans le moût.

35. Voir H. S. Corran, A History of Brewing, op. cit., pp. 119-159.

36. Les teinturiers écossais, en particulier, utilisaient l'hydromètre pour produire l'orseille de terre, poudre violet-pourpre servant à teindre les étoffes. IIs consommaient de grandes quantités d'ammoniaque, laquelle était extraite à partir de collectes quotidiennes de 2 000 gallons d'urine. Les collecteurs mesuraient la qualité de celle-ci à l'aide d'un hydromètre. Pour plus de renseignements sur la production d'orseille, voir Clow, Archibald, Clow, Nan L., The Chemical Revolution. A Contribution to Social Technology, Freeport, New York, 1952, pp. 210212 Google Scholar.

37. En 1836, le brevet de l'hydromètre vint à expiration et l'Excise voulut remplacer les cinq variétés d'appareils par un modèle unique amélioré. Mais l'administration retarda la décision et prorogea le brevet pour sept ans. Pendant cette période, les fabricants d'instruments recoururent parfois à des méthodes illégales afin d'obtenir le privilège de travailler pour l'honorable administration de l'Excise. Voir Mcconnell, Annita, R. P. Bate of the Poultry, 1784-1847, Londres, 1993 Google Scholar.

38. Peter Mathias, The Brewing Industry, op. cit., p. 63 ss.

39. Shannon, R., A Practical Treatise on Brewing, Distilling and Rectifying, Londres, 1805, p. 57 Google Scholar. Sur le rôle de l'hydromètre à l'époque, voir Speer, William, « On the Hydrometer », Philosophical Magazine, 1802, 14, pp. 151162 Google Scholar et 229-237.

40. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., p. 32.

41. Dans son introduction à la Cyclopaedia, G. A. Wigney évoque une telle formule sans la livrer au lecteur : « Une découverte qui porterait sur la formule permettant de calculer la bonne température de brassage en toutes circonstances », G. A. Wigney, ibid., préface, p. IV.

42. Ibid., p. 97.

43. Sur l'emploi des technologies, voir S. Shapin, S. Schaffer, Leviathan and the Air Pump. Hobbes, Boy le and the Experimental Life, Princeton, Princeton University Press, 1985 et Warwick, Andrew, « Cambridge Mathematics and Cavendish Physics: Cunningham, Campbell and Einstein's Theory of Relativity, 1905-1911, Ire partie : The Uses of Theory », Stud. Hist. Phil. Sel, 1992, vol. 23, pp. 625656 CrossRefGoogle Scholar.

44. John Levesque, The Art of Brewing and Fermenting in the Summer, and ail Other Seasons, to the Greatest Advantage, and the Making of Malt, exhibited in Essays, and Decimal Tables, Accurately Calculated, the Result of Upwards of Forty Years’ Experience also a Description of the Author's Newly-Invented Thermometer, By the Application of which extreme Precision and considerable Saving will be effected, Londres, Thomas Hurst, 1836, 2e éd., préface.

45. Comme l'indiquent P. W. Hammond et H. Egan dans l'introduction à l'histoire de ce laboratoire : « Le besoin d'un tel laboratoire naquit du désir de protéger le fisc et non du sentiment qu'une institution officielle était nécessaire pour protéger en quoi que ce soit la population ou l'environnement dans lequel nous vivons », Hammond, P. W., Egan, H., Weighed in the Balance. A History of the Laboratory of the Government Chemist, Londres, Hmso, 1992, p. 1 Google Scholar. Pour le rôle de l'Excise dans la création d'un État militaro-fiscal et son impact dans la transformation du gouvernement anglais entre les réformes intérieures des Tudor et ces changements majeurs du début du 19e siècle, voir Brewer, John, The Sinews of Power. War, Money, and the English State, 1688-1783, Londres, Routledge, 1994 Google Scholar. Pour les pratiques de standardisation en France pendant la période révolutionnaire, voir Alder, Ken, « A Revolution to Measure: The Political Economy of the Metric System in France », dans Wise, Norton éd., The Values of Precision, Princeton, Princeton University Press, 1995, pp. 3971 Google Scholar.

46. P. W. Hammond, H. Egan, Weighed in the Balance, op. cit., p. 19.

47. Bateman, Joseph, The Excise Officer's Manual Being a Practical Introduction to the Business of Charging and Collecting the Duties under the Management of Her Majesty's Commissioners of Inland Revenue, 2 e éd., Londres, William Maxwell, 1852, p. 259 Google Scholar.

48. « Report from the Board of Excise to the Lords of the Treasury, on the use of Barley, Malt, Sugar, and Molasses, in Breweries and Distilleries », 29 janvier 1847, repris par P. W. Hammond, H. Egan, Weighed in the Balance, op. cit., p. 51.

49. Fownes, George, « On the Value in Absolute Alcohol of Spirits of Different Specific Gravities », Philosophical Transactions of the Royal Society, 1847, vol. 137, pp. 249251 CrossRefGoogle Scholar.

50. Des professeurs de chimie — Thomas Graham, Alexander Hoffmann et Theophilus Redwood — menèrent la recherche. P. W. Hammond, H. Egan, Weighed in the Balance, op. cit., p. 54. Celle-ci constituait aussi une nouvelle attaque contre l'ancien système de brassage : les deux méthodes de calcul du titre de la bière ont toujours cours en Angleterre. Voir H. S. Corran, op. cit., pp. 281-282.

51. Berg, Maxine, The Machinery Question and the Making of Political Economy 1815- 1848, Cambridge, Cambridge University Press, 1980 Google Scholar. Morus, Iwan Rhys, « Correlation and Control: William Robert Grove and the Construction of a New Philosophy of Scientific Reform », Stud. Hist. Phil. Sci., 22, 1991, pp. 589621 Google Scholar.

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53. Comme exemple, voir « Mälzels Metronom », Allgemeine Musikalische Zeitung, vol. 25, 1817, pp. 418-422 ; sur l'histoire sociale de la musique au 18e siècle et sur les changements en matière d'interprétation, voir Schleuning, Peter, Das 18. Jahrhundert. Der Bürger erhebt sich, Geschichte der Musik in Deutschland, Band I, Reinbek bei Hamburg, 1989, pp. 459474 Google Scholar.

54. Simon Schaffer voit dans le recours aux instruments enregistreurs et dans le génie désincarné une nouvelle attitude culturelle propre au début du 19e siècle. Schaffer, Simon, « Self Evidence », Critical lnquiry, hiver 1992, pp. 327362 CrossRefGoogle Scholar.

55. Whewell, William, The Philosophy of the Inductive Sciences, Founded Upon Their History, Londres, John W. Parker, 1840, vol. II, pp. 206207 Google Scholar.

56. Pour d'autres exemples de pratique des mesures absolues et des problèmes qu'elles posent, voir Lewis Gordon, professeur d'ingéniérie à Glasgow, à propos des pyromètres et dynamomètres. Norton wise, M., « Work and Waste: Political Economy and Natural Philosophy in Nineteenth-Century Britain (III) », History of Science, 1990, 28, pp. 221261 CrossRefGoogle Scholar.

57. Réciproquement, de nouvelles formes de savoir-faire naissent de l'usage constant de tout instrument. L'expression «compagnon d'établi», forgée par Maudslay, met bien en évidence le double effet produit par un instrument de précision ou par n'importe quel outil : d'un côté, il restreint les gestes professionnels d'autrefois et dévalue certaines pratiques corporelles ; de l'autre, il permet à l'acteur de créer de nouveaux gestes de travail susceptibles d'accéder à leur tour au rang d'exécution artistique.

58. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., p. 307. Bien que la science de la brasserie se répandît, l'ancien système de brassage conserva une influence considérable pendant plus des deux tiers du 19e siècle, témoin la question publiée par la Brewing Trade Review du 1er décembre 1886 : « Comment se fait-il que de nombreux brasseurs réussissent malgré leur ignorance extrême des sciences, quand il en va tout autrement pour beaucoup de brasseurs scientifiques » ?

59. G. A. Wigney, ibid., p. 64.

60. James Martineau, cité par Hawkes Smith, W., « On the Tendency & Prospects of Mechanics Institutions », The Analyst, II, 1835, pp. 333337 Google Scholar.

61. En 1831, 54 % de la bière produite en Angleterre pour la vente provenait de brasseries industrielles (production supérieure à 1 000 barils par an) ; les 46 % restants venaient de petits tenanciers de pubs (production de quelques centaines de barils par an) et de beer-houses (nouvelle catégorie de pubs, apparus après le Beer Act de 1830, qui ne pouvaient vendre que de la bière). De 1832 à 1850, la production des brasseurs industriels de la région de Manchester passa de 24 à 55 % de la production totale de cette région. T. R. Gourvich, R. G. Wilson, The British Brewing Industry, op. cit., pp. 70-71.

62. La brasserie de Joule produisait de l’ ale et du porter, ce qui était probablement le moyen le plus sûr de faire des bénéfices. Les deux grands problèmes à résoudre pour améliorer la brasserie dans les années 1830 ont été décrits par William Black : « Dans aucun des traités sur la brasserie que j'ai lus, je n'ai pu trouver de règle distincte ou spécifique pour prendre les bonnes températures de brassage, ni apprendre ce qu'on peut tenir pour l'opération la plus importante — bien que la moins comprise — du processus de brassage : la fermentation, traitée ou expliquée de manière à éclairer un brasseur ». Black, William, A Practical Treatise on Brewing and on Storing Beer. Deduced from Forty Years Experience, Londres, Smith, Elder and Co. Cornhill, 1835 Google Scholar.

63. Dalton, John, New System of Chemical Philosophy, 2 vols, Manchester, 18081827 Google Scholar. Pour plus de détails sur son enseignement, voir Cardwell, Donald S. L., James Joule. A Biography, Manchester, Manchester University Press, 1989, pp. 1415 Google Scholar.

64. Dans les manuels de chimie, la brasserie était classée comme une subdivision autonome de la chimie.

65. J. P. Joule, « Autobiographical Note », dans Ashworth, J. R., « A List of Apparatus now in Manchester which belonged to Dr. J. P. Joule, F. R. S., with Remarks on his MSS., Letters, and Autobiography », Manchester Memoirs, 1930-1931, 75 : 105117 Google Scholar, et notamment p. 113.

66. Les études historiques sur Joule divergent à ce propos. L'investissement du physicien dans le travail de la brasserie ne fait pas l'unanimité. Le commentaire de Cardwell résume brillamment le problème : « Le jeune Joule était un homme d'affaires. II devait plus tard se rappeler qu'une fois son instruction terminée il allait à la brasserie tous les jours, de neuf heures du matin à six heures du soir. Ce n'était pas, selon les usages en vigueur à Manchester, un fardeau très écrasant et Osborne Reynolds affirma par la suite que Joule ne s'occupait guère des affaires. Mais, s'il accomplissait une partie de ses recherches à la brasserie (il le reconnaît dans divers textes), sa correspondance indique clairement qu'il participait activement à la marche de l'entreprise jusqu'à la vente de celle-ci » (D. S. L. Cardwell, James Joule, op. cit., p. 3). Voir aussi Philip Mirowski qui évoque même le lien entre le travail de Joule et la brasserie, Mirowski, Philip, More Light than Heat: Economies as Social Physics: Physics as Nature's Economics, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, pp. 128129 Google Scholar.

67. L'approche mathématique de Fourier permettait aux philosophes de la nature de décrire tout phénomène de chaleur sans décider si la chaleur est un fluide ou si elle se compose d'atomes. Selon la théorie calorique de Carnot, ce fluide impondérable ne pouvait être détruit ni converti en autre chose. Ces deux théories devinrent prééminentes en Angleterre et c'est William Thomson qui saisit l'importance de l'expérience de Joule sur la production de chaleur par friction de l'eau ; il lui fallut près de trois ans pour modifier son outillage théorique afin qu'il coïncidât avec les données de Joule. Voir Norton Wise, M., « William Thomson's Mathematical Route to Energy Conservation: A Case Study of the Role of Mathematics in Concept Formation», Historical Studies in the Physical and Biological Sciences, Hsps, 10, 1979, pp. 4983 CrossRefGoogle Scholar.

68. Joule, J. P., «Notebook», 2, pp. 181185, 222-223, 9 janvier 1846, 14 octobre 1847, novembre-décembre 1847, octobre 1849, Umist, Manchester Google Scholar.

69. D.S.L. Cardwell affirme que « Joule n'avait aucune raison de spéculer sur la nature de la chaleur avant que ses recherches n'attirent son attention sur le problème » (D.S.L. Cardwell, James Joule, op. cit., p. 46). II croit en ce qu'il appelle la première phase d'« expérimentation spontanée » chez Joule — ce qui me semble une manière d'aborder l'expérimentation sans tenir compte du contexte.

70. « II est, dans la science, peu de faits plus intéressants que ceux qui établissent une connexion entre chaleur et électricité ». Joule, J. P., « On the Heat evolved by Metallic Conductors of Electricity, and in the Cells of a Battery during Electrolysis », The Scientific Papers, vol. 1, op. cit., p. 60 Google Scholar.

71. Dans son étude consacrée aux travaux de J. P. Joule, John Forrester a montré les diverses tentatives du physicien pour identifier les forces premières de la nature : Joule privilégiait la chaleur, l'électricité et la force mécanique, qui reviennent souvent dans ses diverses théories sur l'atome. La chaleur latente et l'électricité étaient précisément les points les plus importants dans la pratique de la brasserie. Voir chez G. A. Wigney les explications concernant l'« électricité, attraction sans magnétisme » et la « chaleur, sensation causée par le feu, le temps chaud, etc. » et par la « décomposition ». G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., pp. 121-122 et 179-185. Forrester, John, « Chemistry and the Conservation of Energy: The Work of James Prescott Joule », Stud. Hist. Phil. Sci., 6 : 273313 CrossRefGoogle Scholar.

72. J. P. Joule employa d'abord l'expression « valeur mécanique de la chaleur » dans son article « On the Calorie Effects of Magneto-Electricity, and on the Mechanical Value of Heat », Baas, 21 août 1843, dans Joule, J. P., The Scientific Papers, vol. 1, op. cit., p. 123 Google Scholar ss.

73. Grâce à la photographie et à une technique spéciale de miniaturisation des images, Dancer réalisa des vues de savants, de politiciens, d'édifices célèbres, etc., qu'on ne pouvait examiner qu'au microscope. Dancer, John Benjamin (Fras, 1812-1887), «An Autobiographical Sketch, with some Letters. Foreword ed. by Browning, W. », Memoirs and Proceedings of the Manchester Literary and Philosophical Society, 1963-1964, vol. 106, pp. 115142 Google Scholar; Milligan, H., « New Light on J. B. Dancer », Memoirs and Proceedings of the Manchester Literary and Philosophical Society, 1972-1973, vol. 115, pp. 19 Google Scholar. Bracegirdle, Brian et Mccormick, James B., The Microscopic Photographs of J. B. Dancer, Chicago, Science Heritage Limited, 1993 Google Scholar.

74. Pour une excellente étude de la collaboration entre Playfair et Joule dans les recherches sur l'équivalent mécanique de la chaleur, voir Forrester, John, « Chemistry and the Conservation of Energy: The Work of James Prescott Joule », Studies in History and Philosophy of Science, 6, 1975, n° 4, pp. 273313 Google Scholar; Joule, James Prescott, Playfair, Lyon, «On Atomic Volume and Specifie Gravity », dans Joule, J. P., The Scientific Papers, vol. 2, 1887, pp. 11215 Google Scholar.

75. Pour plus de détails sur l'emploi du microscope mobile en vue de construire, d'étalonner et de graduer des thermomètres, voir Sibum, Heinz Otto, « Reworking the Mechanical Value of Heat: Instruments of Precision and Gestures of Accuracy in Early Victorian England », Stud. Hist. Phil. Sci., 1995, pp. 73106 CrossRefGoogle Scholar.

76. Joule à Thomson, 25 mai 1879, MSS add. 7342 J 291, Cambridge University Library.

77. La reconstitution de l'expérience a établi que les rayonnements corporels des spectateurs empêchaient l'expérimentateur de prendre des mesures fiables. Pour un compte rendu détaillé, voir H. O. Sibum, « Reworking… », art. cité.

78. Voir P. W. Hammond, Harold Egan, Weighed in the Balance, op. cit., pp. 53, 319-320 ; Joule, J. P., « Notebook », 2, p. 162, Umist, Manchester Google Scholar.

79. Donald S. L. Cardwell insiste à juste titre sur la caractérisation de Joule comme « figure charnière » : « En fait, Joule était un savant extrêmement original et, indéniablement, une figure charnière ». Mais lorsqu'il reproche à Sarton de réduire Joule à un métrologiste, sa critique semble impliquer qu'originalité et mesure exacte s'excluent mutuellement. L'anecdote montre que Joule reliait effectivement des mondes différents, soumis à des contraintes particulières et c'est précisément en cela que réside son extrême originalité — mais, du point de vue de Joule, son propre travail n'était que l'ordinaire de la créativité. D. S. L. Cardwell, James Joule, op. cit., p. VIII ; J. P. Joule, « On the Mechanical Equivalent of Heat », Philosophical Transactions, op. cit., pp. 298-328. Repris dans The Scientific Papers, vol. 1, op. cit.

80. Joule, J. P., « On the Mechanical Equivalent of Heat, as Determined by Heat Evolved by the Friction of Fluids », The Scientific Papers, op. cit., vol. 1, p. 278 Google Scholar.

81. « L'instrument lui-même n'est qu'un très grand réservoir de thermomètre cylindrique dont l'échelle est fortement grossie, de façon que la moindre élévation de température soit distinctement mesurable », Herschel, Sir John, « Explanation of the Principle and Construction of the Actinometer », Baas Report, 1833, pp. 379381 Google Scholar.

82. Gooding, David, «In Nature's School: Faraday as an Experimentalist », dans Gooding, David, James, Frank A. J. L., Faraday Rediscovered. Essays on the Life and Work of Michael Faraday, 1791-1867, Houndsmill, Macmillan Press, 1985, p. 105 ssGoogle Scholar.

83. Morus, Iwan Rhys, « Different Experimental Lives: Michael Faraday and William Sturgeon », History of Science, 30, 1992, pp. 128 CrossRefGoogle Scholar, spécialement p. 23.

84. Ce néologisme fut employé par Charles Babbage dans son projet encyclopédique de recueillir les faits exprimables par un nombre, entrepris dans les années 1830. Le nombre de Joule — l'équivalent mécanique de la chaleur — était l'exemple parfait d'une telle constante. Mais son existence n'était pas communément admise chez les philosophes de la nature. Charles Babbage, Smithsonian Institution Annual Report, 1856, pp. 289-302. Pour des exemples de constantes, voir aussi Hacking, Ian, The Taming of Chance, Cambridge, 1990 CrossRefGoogle Scholar.

85. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., p. 307.

86. Whewell, William, The Philosophy of the Inductive Sciences, Founded Upon Their History, vol. I, Londres, John W. Parker, 1840, p. 280.Google Scholar

87. Cette interprétation de la notion d'« approximation » figure dans la Cyclopaedia et elle renvoyait alors à la qualité d'exécution. La qualité d'exécution d'un artisan n'était pas évaluée selon une norme absolue mais selon le savoir-faire de l'individu. G. A. Wigney, An Elementary Dictionary, op. cit., pp. 68-70.

88. Joule, J. P., « On the Mechanical Equivalent of Heat», The Scientific Papers, vol. 1, op. cit., p. 303 Google Scholar.

89. Dans ses papiers personnels, Joule ajouta la note suivante à la conclusion de sa communication «On the Mechanical Equivalent of Heat » (1850): «Une troisième proposition, supprimée à la demande du comité auquel l'article a été soumis, affirmait que la friction consistait en la conversion d'une force mécanique en chaleur ». Joule, J. P., The Scientific Papers, vol. 1, op. cit., pp. 298328 Google Scholar.

90. Sa publication est un hybride de conscience d'artisan et de gentleman of science. Pour le sens d'« artisanat » et de « conscience d'artisan » à l'époque, voir Rule, John, « The Property of Skill in the Period of Manufacture », dans Joyce, Patrick éd., The Historical Meaning of Work, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, pp. 99118 Google Scholar. Sur les « gentlemen of science », voir Morrell, Jack, Thackray, Arnold, Gentlemen of Science. Early Years of the British Association for the Advancement of Science, Oxford, Clarendon Press, 1981 Google Scholar.