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Légitimité dynastique et reconstruction des sciences. Mei Wending (1633-1721)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Catherine Jami*
Affiliation:
CNRS

Résumé

L’article aborde la question du rôle des sciences dans la construction de l’ordre impérial des Qing en Chine. L’analyse de deux ouvrages de Mei Wending, savant chinois du début de la dynastie mandchoue, éclaire les stratégies que celui-ci met en oeuvre pour justifier la reconstruction des mathématiques et l’adoption des méthodes astronomiques occidentales, toutes deux primordiales pour le nouveau pouvoir. En affirmant l’ancrage historique de ces sciences dans la civilisation chinoise, et en reconnaissant l’autorité de l’État en matière de rites, Mei donne une légitimité à la nouvelle dynastie. Il définit un domaine en même temps qui est du ressort du seul spécialiste, travaillant ainsi à construire sa propre identité professionnelle.

Abstract

Abstract

This article discusses the role of the sciences in the construction of the imperial order in Qing China. The analysis of two works by Mei Wending, a Chinese scholar of the first decades of Manchu rule, sheds light on the strategies that he used to justify the reconstruction of mathematics as well as the adoption of Western astronomical methods, both of which were of prime importance to the new State. By asserting that the mathematical sciences had their historical roots in Chinese civilisation, and by acknowledging the authority of the State regarding rites, Mei did legitimise the new dynasty. At the same time, he defined a domain in which the specialist had exclusive authority, thus striving to construct his own professional identity.

Type
Science et religion en Chine
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2004

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References

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2 - Chu, Ping-Yi, « Scientific dispute in the imperial court: the 1664 calendar case », Chinese science, 14, 1997, pp. 734 Google Scholar, donne une synthèse des recherches sur cette affaire.

3 - Malgré cette image, et l’étendue de son oeuvre, Mei Wending a été assez peu étudié par les historiens des sciences. Outre les travaux cités dans les notes suivantes, mentionnons : Keizō, Hashimoto, « Bai Buntei no rekisangaku. Kō ki nenkan no rekisangaku », Tōhō gakuhō, 41, 1970, pp. 491518 Google Scholar ; Martzloff, Jean-Claude, « La compréhension chinoise des méthodes démonstratives euclidiennes au cours du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle », in Actes du IIe colloque international de sinologie. Les rapports entre la Chine et l’Europe à l’époque des Lumières, Paris, Les Belles Lettres, 1980, pp. 125143 Google Scholar ; ID., «La géométrie euclidienne selon Mei Wending », Historia scientiarum, 21, 1981, pp. 27-42 ; Dun, Liu, « Qingchu lisuan dashi Mei Wending », Ziran bianzhengfa tongxun, 8, 1, 1986, pp. 5264 Google Scholar ; ID., « Mei Wending zai jihexue lingyu zhong de ruogan gongxian », in MEI RONGZHAO (dir.), Ming Qing shuxue shi lunwen ji, Nanjing, Jiangsu jiaoyu chubanshe, Nankin, Jiangsu jiaoyu chubanshe, 1990, pp. 182-218 ; Di, Li et Shirong, Guo, Qingdai zhuming tianwen shuxuejia Mei Wending, Shanghai, Shanghai kexue jishu wenxian chubanshe, 1988 Google Scholar ; Yongtang, Zhang, Mingmo Qingchu lixue yu kexue guanxi zailun, Taibei, Taiwan xuesheng shuju, 1994 Google Scholar ; PING-YI CHU, Technical knowledge, cultural practices and social boundaries: wan-nan scholars and the recasting of jesuit astronomy, 1600- 1800, Ph.D, UCLA, 1994, donne une analyse critique de la « fabrication de la célébrité de Mei Wending » (pp. 232-239).

4 - Elman, Benjamin A., From philosophy to philology. Intellectual and social aspects of change in late imperial China, Cambridge, Harvard University Press, 1984, pp. 6785 et 96-100CrossRefGoogle Scholar, a attiré l’attention sur la spécialisation et la professionnalisation croissantes des savants liées au développement de la critique textuelle.

5 - La traduction de fangcheng (qui signifie « équation » en chinois moderne) par « comparaison des dispositions » s’appuie sur l’interprétation du terme par Mei Wending ; voir ci-dessous p. 711. Cf. Martzloff, Jean-Claude, Recherches sur l’oeuvre mathématique de Mei Wending (1633-1721), Paris, Collège de France, 1981, pp. 166168 Google Scholar.

6 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 181 notamment.

7 - Qi, Han, « Patronage scientifique et carrière politique : Li Guangdi entre Kangxi et Mei Wending », Études chinoises, 16, 2, 1997, pp. 737, ici pp. 17-18Google Scholar.

8 - Ibid., pp. 20-21.

9 - Un grand nombre de commentaires sont notamment cités dans sa bibliographie, dont aucun ne nous est parvenu.

10 - Wuan est le hao (surnom) de Mei Wending.

11 - J.-C. MARTZLOFF, Recherches…, op. cit., pp. 32-33.

12 - B. A. ELMAN, From philosophy…, op. cit., pp. 7-13.

13 - Cheng, Anne, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Le Seuil, 1998, pp. 410411 Google Scholar ; Engelfriet, Peter M., Euclid in China. The genesis of the first translation of Euclid ’ s elements in 1607 and its reception up to 1723, Leyde, E. J. Brill, 1998, p. 359 Google Scholar.

14 - Le premier calendrier entra en vigueur en 1281. Il fut repris par les Ming sous le second nom.

15 - Engelfriet, Peter M., « The spread of Western science in Nanjing during the Ming-Qing transition », communication non publiée à la Conférence internationale « Europe in China III », Berlin, avril 1998 Google Scholar.

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17 - Yan, Li, « Mei Wending nianpu », 1925, rééd. in Shiran, Du (dir.), Li Yan, Qian Baocong kexue shi wenji. Shenyang, Liaoning jiaoyu chubanshe, vol. VII, 1999, pp. 515545 Google Scholar, ici p. 522 ; Qian|Baocong, « Mei Wuan xiansheng nianpu », 1932, rééd. in Shiran, Du (dir.), Li Yan, Qian Baocong kexue shi wenji, vol. IX, pp. 106142, ici p. 115Google Scholar. Sur le Tianbu zhenyuan, voir Standaert, Nicolas, « European astrology in Early Qing China: Xue Fengzuo and Smogulecki ’ s translation of Cardano ’ s commentaries on Ptolemy ’ s Tetrabiblos », Sino-Western cultural relations journal, 23, 2001, pp. 5079 Google Scholar.

18 - HAN QI, « Patronage scientifique… », art. cit., pp. 16-18.

19 - QIAN BAOCONG, « Mei Wuan xiansheng nianpu », art. cit., pp. 133-134.

20 - J.-C. MARTZLOFF, Recherches…, op. cit., pp. 25-26.

21 - Sur cette traduction, voir P. M. ENGELFRIET, Euclid in China…, op. cit.

22 - Le chapitre huit.

23 - Le terme chinois désignant le triangle rectangle donne son nom au dernier des Neuf chapitres.

24 - Yingyin Wenyuan ge Siku quanshu [SKQS], Taipei, Taiwan Shanguri yinshuguan, 1983-1986 (1 500 vols), vol. 795, p. 64.

25 - Keizō, Hashimoto, « Bai Buntei no sū gaku kenkyū », Tōhō gakuhō, 44, 1973, pp. 233279, ici pp. 238-241Google Scholar.

26 - SKQS, vol. 795, p. 64.

27 - Sur les méthodes mathématiques mises en oeuvre dans le Fangcheng lun, voir J.-C. MARTZLOFF, Recherches…, op. cit., pp. 161-234.

28 - SKQS, vol. 795, pp. 65-67.

29 - Sont regroupés d’une part les chapitres 1, 4, 5 et 9, d’autre part les chapitres 2, 3, 6, 7 et 8.

30 - Il s’agit de Fang Zhongtong, avec lequel Mei Wending était lié.

31 - SKQS, vol. 795, pp. 65-66.

32 - P. M. ENGELFRIET, Euclid in China…, op. cit., pp. 356-371.

33 - Il n’y a pas, à ma connaissance, de trace d’une controverse entre lui et Fang Zhongtong.

34 - SKQS, vol. 795, p. 986 ; voir PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 181.

35 - Jami, Catherine et Qi, Han, « The reconstruction of mathematics in China during the Kangxi Reign (1662-1722) », Early science and medicine, 8, 2, 2003, pp. 88110, ici pp. 100-103CrossRefGoogle Scholar.

36 - QIAN BAOCONG, «Mei Wuan xiansheng nianpu », art. cit., p. 121.

37 - J.-C. MARTZLOFF, Recherches…, op. cit., pp. 173-174.

38 - SKQS, vol. 795, p. 68.

39 - Des critiques analogues furent formulées en Europe au XVIIe siècle (par exemple par IGNACE-GASTON PARDIES dans la préface de ses Éléments de géométrie, Paris, 1671).

40 - Sur cette notion dans les Entretiens de Confucius, voir A. CHENG, Histoire de la pensée chinoise, op. cit., pp. 76-78. Sur la mise en oeuvre de cette notion, voir Chemla, Karine et Martin, François (dir.), «Le juste nom », Extrême-Orient Extrême-Occident, 15, 1993 Google Scholar.

41 - J.-C. MARTZLOFF, Recherches…, op. cit., pp. 208-209.

42 - Mei Juecheng a permuté l’ordre des chapitres 5 et 6 dans son édition.

43 - P. M. ENGELFRIET, Euclid in China, op. cit., pp. 142-144.

44 - Ibid., pp. 149-150.

45 - Jami, Catherine, « Classification en mathématiques : la structure du Yuzhi shuli jingyun (1723) », Revue d’histoire des sciences, 52, 4, 1989, pp. 391406 Google Scholar. Sur l’algèbre qui y est présentée, voir C. JAMI et HAN QI, « The reconstruction of mathematics… », art. cit., pp. 100-103.

46 - SKQS, vol. 795, p. 970.

47 - HAN QI, « Patronage scientifique… », art. cit., en a éclairé le contexte.

48 - Ibid., p. 18.

49 - SKQS, vol. 795, p. 970.

50 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 185.

51 - HAN QI, « Patronage scientifique… », art. cit., pp. 24-25.

52 - LI YAN, « Mei Wending nianpu », art. cit., p. 538.

53 - Keizō, Hashimoto, « Rekishō kō sei no seiritsu », in Yabuuti, K. et Yoshida, M. (dir.), Min-Shin jidai no kagaku gijutsu shi, Kyoto, Jinbun kagaku kenkyū sho, 1970, pp. 4992, ici p. 66Google Scholar ; HAN QI « Patronage scientifique… », art. cit., p. 21.

54 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 185, n. 3 ; HAN QI, « Patronage scientifique… », art. cit., pp. 24-28.

55 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, pp. 200-217, analyse le rôle de Mei Wending dans la formation de cette thèse.

56 - HASHIMOTO KEIZō, « Rekishō kō sei no seiritsu », art. cit., p. 69 ;HAN QI, « Patronage scientifique… », art. cit., pp. 10-11.

57 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 190.

58 - Allusion à l’autodafé de livres qui aurait été perpétré en 213 avant J.-C. par Qin Shi huangdi (221-210 av. J.-C.), premier empereur à avoir unifié la Chine ; on expliquait ainsi la perte des savoirs de l’âge d’or que constituaient les Trois dynasties (XXIe siècle av. J.-C.-221 av. J.-C.).

59 - SKQS, vol. 794, p. 6.

60 - HASHIMOTO KEIZō et CATHERINE JAMI, « From the elements to the calendar reform: Xu Guangqi ’ s shaping of scientific knowledge », in C. JAMI et alii (dir.), Statecraft and intellectual renewal…, op. cit., pp. 263-278, ici pp. 274-275.

61 - SKQS, vol. 794, p. 6.

62 - Ibid., vol. 794, p. 6.

63 - Ibid., vol. 794, pp. 6-7.

64 - Ibid., vol. 794, p. 7.

65 - A. CHENG, Histoire de la pensée chinoise, op. cit., pp. 448-449.

66 - SKQS, vol. 794, p. 7.

67 - Ibid., vol. 794, p. 7.

68 - Ibid., vol. 794, p. 8.

69 - HAN QI, « Astronomy, Chinese and Western: the influence of Xu Guangqi in the early and mid-Qing », in C. JAMI et alii (dir.), Statecraft and intellectual renewal…, op. cit., pp. 360-379, ici pp. 367-373.

70 - SKQS, vol. 794, p. 8.

71 - PING-YI CHU, Technical knowledge…, thèse citée, p. 194.

72 - Golvers, NoëL (éd.), The Astronomia Europæa of Ferdinand Verbiest, S. J. (Dillingen, 1687). Text, translation, notes and commentaries, Nettetal, Steyler Verlag, 1993, p. 178, n. 31Google Scholar.

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74 - SKQS, vol. 794, pp. 9-10.

75 - Ibid., 794, pp. 12-13.

76 - Ibid., vol. 794, p. 14.

77 - La cosmologie était dissociée de l’astronomie technique.

78 - Mortgaat, Grete, «Verbiest et la sphéricité de laTerre », in Jami, C. et Delahaye, H.(dir.), L’Europe en Chine. Interactions scientifiques, culturelles et religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Collège de France, 1993, pp. 171204 Google Scholar.

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80 - SKQS, vol. 794, p. 14.

81 - Ibid., p. 14.

82 - G. MORTGAAT, « Verbiest et la sphéricité de la Terre », art. cit., pp. 189-190.

83 - Sur l’île de Hainan.

84 - SKQS, vol. 794, p. 14.

85 - Ibid., p. 14.

86 - Ibid., p. 15.

87 - Voir C. JAMI, « Classification en mathématiques… », art. cit.