Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'histoire religieuse, et plus spécialement l'histoire du classique et mystérieux XVIIe siècle, est en pleine mutation. La recherche fuse en tous sens. Des pistes nouvelles s'ouvrent, elles passent par des interrogations et des mises en cause. Sur ces routes rapidement ascendantes, il peut être utile de tenter, trop tôt et trop hâtivement, un point provisoire. Nous avons eu l'occasion, déjà, d'attirer l'attention sur des secteurs qui nous paraissent essentiels et à leur niveau marquer quelques jalons bibliographiques. L'historien désireux de pénétrer dans ce vaste domaine n'est pas pris au dépourvu. Voici les grandes collections qui établissent le bilan de l'acquis. Voici les grands classiques toujours valables, de Sainte-Beuve à l'abbé Brémond.
1. Cette mise au point nous a été demandée par la Rédaction des Annales. Qu'elle en soit remerciée. Précisons, bien, toutefois qu'il s'agit d'un jalon hâtif et tout à fait provisoire, sur la voie d'une synthèse à laquelle nous nous appliquons.
2. « Réformes et Nations », La Table Ronde, mars 1960, n° 147, pp. 52-65 ; « Jansénisme et frontière de catholicité (XVIIe et XVIIIe siècles). A propos du jansénisme lorrain », Revue Historique, janvier-mars 1962, fase. 461, pp. 115-138 ; « Réforme et Église au XVIe siècle », Revue Historique, avril-juin 1962, fasc. 462, pp. 161-176 ; « Les crises au XVIIe siècle de l'Europe réformée », Revue Historique, janvier-mars 1965, fasc. 473, pp. 23-60 ; « Une histoire religieuse sérielle. A propos du diocèse de La Rochelle (1648-1724), et sur quelques exemples normands », Revue d'histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1965, pp. 5-34 ; « la Correspondance de Bèze », Revue suisse d'histoire, tome 15, fasc. 1, 1965, pp. 107-116.
3. Les volumes de Fliche et Martin, le pénétrant Willaert, que la mort a arraché trop tôt à l'histoire et les volumes étroitement institutionnels et politiques de Préclin et Jarry, la justement classique Histoire du Catholicisme en France d'A. Latreille et E. Delaruelle (tomes II et III), le vigoureux tome II de l'Histoire Générale du protestantisme du regretté Emile G. Léonard, les grands dictionnaires, Vacant, Mangenot, Amann ; R. Aubert et E. Van Cauwenbergh ; A. Rayez et Ch. Baumgartner ; Naz, etc.
4. Il est plus difficile de critiquer Henri Brémond, ses tics d'écriture, son irritante prolixité, ses préjugés qui sont ceux d'un début de XXe siècle que la grâce irénique n'a guère touché, que de remplacer les 12 volumes de la monumentale Histoire littéraire du sentiment religieuse (Paris, Plon, 1915-1933), où le meilleur côtoie le pire, la Provence mystique au XVIIe siècle, le Bossuet (3 vol.) ; l'Apologie pour Fénelon.
page 280 note 1. Nous abandonnons avec d'autant moins de regret cette présentation bibliographique que le travail vient d'être fait et bien fait par un des meilleurs spécialistes de ces problèmes, Taveneaux, René : « La vie religieuse en France de l'avènement d'Henri IV à la mort de Louis XIV (1589-1715) », Bulletin de la Société des Professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public, octobre 1966, n° 200, pp. 119–130.Google Scholar
page 280 note 2. Pour une bibliographie, encore, notre Civilisation de l'Europe classique, Paris, Arthaud, 1966, gr. in-8, 706 p., 272 planches hors texte, p. 680 sq. Et, bien sûr, Henri Gouhier, René Pintard, Y. Belaval, Lucien Goldmann, A. Dupeont, Georges Namer, Robert Mantjrou, R. Delcambre, Pierre Clair, François Girbal, sans oublier le grand et combien regretté Alexandre Koyré, car l'histoire religieuse s'éclaire souvent d'une manière décisive, de la périphérie. Lucien Febvre l'avait vigoureusement marqué (Au coeur religieux du XVIe siècle…, Paris, S.E.V.P.E.N., 1957, plus spécialement pp. 293-358).
page 280 note 3. Pour une bibliographie plus complète, nous renvoyons à nos articles cités, R.H., 1962, n° 1 e t B.H.M.C., 1965, n” 1.
page 280 note 4. « Une histoire religieuse sérielle. » R.H.M.C., 1965, n° 1, pp. 5-34.
page 280 note 5. L'historien ne juge pas au fond et l'historien chrétien du christianisme, moins encore. Les plus hautes valeurs spirituelles se répartissent suivant une logique qui n'est pas celle du monde. Il sait que Dieu confond l'intelligence des intelligents. Dans la Vie de la Mère de Ponçonas (1602-1657), institutrice de la congrégation des bernardines réformées en Dauphiné (Lyon, 1675, pp. 26-27, citée par H. Brémond, Sentiment, II, p. 66), cette anecdote révélatrice de l'étendue du plus pur mysticisme dans les montagnes du Dauphiné aux alentours de 1620 « il lui tomba entre les mains une pauvre vachère laquelle d'abord lui parut si rustique qu'elle crut qu'elle n'avait aucune connaissance de Dieu. Elle la tira à l'écart et elle commença de tout son coeur à travailler à son instruction… Cette merveilleuse fille la pria avec abondance de larmes de lui apprendre ce qu'elle devait faire pour achever son Pater, car, disait-elle, en son langage des montagnes je n'en saurais venir à bout. Depuis près de cinq ans quand je prononce le mot Pater et que je considère que… celui qui est là-haut, disait-elle, en levant le doigt, que celui-là même est mon père… je pleure et je demeure tout le jour en cet état en gardant mes vaches ».
page 282 note 1. Parmi ceux qui ont le plus efficacement réagi sur la grande voie tracée par Lucien Febvre, Jean Orcibal, dans presque toute son œuvre et dans la première partie, notamment, de son Louis XIV et les protestants (Paris, Vrin, 1951, gr. in-8, 196 p.).
A Pierre Pascal, le mérite plus grand encore d'avoir réinséré les problèmes de l'Église russe du XVIIe siècle dans le continuum de l'histoire de l'Église au XVIIe siècle.
page 282 note 2. P. Chadnu, « Une histoire sérielle », R.H.M.C., 1965, n° 1, article cité.
page 282 note 3. Colloque d'Histoire religieuse (Lyon, octobre 1963), pp. 63-84, pp. 101-120.
page 283 note 1. Histoire général du protestantisme, t. 1, p. 231-232.
page 284 note 1. Le Dieu caché, la correspondance de Barcos et l'excellent essai de Namer, G., L'Abbé Le Roy et ses amis. Essai sur le jansénisme extrémiste intra mondain. Paris, S.B.V.P.E.N., 1964, 208 p.Google Scholar
page 284 note 2. Toussaert, Jacques, Le sentiment religieux en Flandre à la fin du Moyen Age. Paris, Pion, 1963, in-8, 886 p.Google Scholar ; Adam, Paul, La vie paroissiale en France au XIVe. Paris, Sirey, 1964, in-8, 327 p.Google Scholar
page 284 note 3. Tapié, Victor L., Baroque et classicisme, p. 61 Google Scholar sq.
page 285 note 1. Louis XIV et les protestants, Paris, Vrin, 1951, 192 p.
page 285 note 2. Contestable, non parce que « mystique ». La méfiance des réformés de langue française à l'égard du mysticisme est une cause d'incompréhension durable entre l'Europe protestante et le meilleur de la Réforme catholique. Mais parce que la mystique florentine des Ficin et des Pic est une mystique de l'Être, non une mystique du Verbe Incarné, la seule mystique chrétienne possible.
page 285 note 3. Marcel Bataillon, Erasme et l'Espagne.
page 285 note 4. Et non pas traditionnel. Nous refusons de dissocier les deux Réformes.
page 285 note 5. Henri de Lubac, S. J., Exégèse médiévale. Les quatre sens de l'Écriture. Paris, Aubier, 4 vol. in-8, 1959, 1964.Google Scholar
Renaudet, Augustin, Préréforme et humanisme (1494-1517), p. 55 sq.Google Scholar
page 286 note 1. La « prima significacio » du texte, la « prima expositio » du commentateur, le « primus intellectus » du lecteur. (H. de Lubac, t. II, p. 425.)
page 286 note 2. Le quatrième sens de l'Écriture. Anagogique et eschatologique. « Spiritalis intelligentiae culmina persequamur », dit saint Jérôme (H. de Lubac, t. II p. 162).
page 286 note 3. Le troisième sens, mystique et moral.
page 286 note 4. Le second sens, celui que le Moyen Age a cultivé, avec passion.
page 287 note 1. Un destin, Martin Luther.
page 287 note 2. Chestov, Léon, « Sola Fide ». Luther et l'Église, Paris, P.U.F., 1957, 157 p.Google Scholar
page 288 note 1. Delumeau, Jean, Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, P.U.F., 1965, pp. 55 et 56.Google Scholar
page 288 note 2. Citée par Delumeau, Jean, op. cit., p. 56.Google Scholar
page 288 note 3. Saint Jean de la Croix et l'expérience mystique.
page 289 note 1. A la différence de ce qui se passe dans la ligne anabaptiste, la mise en cause des hiérarchies est de pure circonstance. La hiérarchie n'est rejetée qu'en tant qu'elle fait obstacle à l'affirmation de la Vérité. D'où les deux solutions : conservation souhaitable de l'Épiscopat, partout où cela est possible (Scandinavie), recours aux princes et à la noblesse, dans l'Empire, tentatives maladroites pour convaincre le Roi, la Cour, le magistrat en France. Calvin, en 1536, demeure dans cette voie. Relisons la longue dédicace « au Roy de France très chrestien, François premier de ce nom, son prince et souverain seigneur, Jean Calvin paix et salut en nostre Seigneur Jésus Christ » qui se place au début de l'édition de 1536 de l'Institution chrétienne. Calvin emboîte le pas à Luther quand il écrit (Ed. Jean-Daniel Benoist, 1957, t. I, p. 30) « Or c'est vostre office, Sire, de ne destourner ni vos oreilles, ni vostre courage d'une si juste défense, principalement quand il est question de si grande chose : c'est assavoir comment la gloire de Dieu sera maintenue… ».
page 290 note 1. Le petit catéchisme de Luther de 1529 dit textuellement, dans le commentaire des dernières affirmations du Symbole des Apôtres : « J e crois que par ma raison et mes propres forces je ne puis croire en Jésus-Christ, mon Seigneur ni aller à lui. Mais c'est le Saint-Esprit qui m'appelle par l'Évangile, m'éclaire de ses dons, me sanctifie et me maintient dans la vraie foi ; c'est lui qui assemble toute l'Église chrétienne sur la terre, qui l'éclairé, la sanctifie et la maintient en Jésus-Christ, dans l'unité de la vraie foi… », Casalis, Georges. Luther, 1962, p. 174.Google Scholar
page 290 note 2. Voeltzel, René, Vraie et fausse église selon les théologiens protestants français du XVIIe siècle, Paris, P.U.F., 1956.Google Scholar
page 290 note 3. Sur l'ampleur de la signification du conflit entre luthériens et calvinistes, cf. en outre, nos réflexions in : «La correspondance de Bèze (1539-1561) », Revue suisse d'histoire, tome 15, fasc. 1, 1965, pp. 107-116 et les séduisants travaux en cours de Bernard Vogler sur la zone frontière des deux grandes confessions protestantes, La construction de deux églises territoriales au XVIe siècle (Duché de Deux Ponts et Comté de Sponheim (1556-1661). Essai de sociologie protestante.
page 291 note 1. Roland Mousnier, dans un livre de qualité (L'assassinat d'Henri IV, Paris, 1964, 410 p.) a su recréer l'atmosphère de cette période d'hésitation, l'atmosphère du tyrannicide, cette arme absolue grâce à laquelle l'Europe espagnole cherche à s'affirmer, depuis Jacques Clément et Jean Chastel jusqu'à Ravaillac, longue série ouverte par l'assassinat bien prémédité et prestement exécuté de Guillaume le Taciturne.
page 291 note 2. Tout cela admirablement décrit par H. Brémond, t. II, chap. IV, pp. 193-321.
page 292 note 1. Cf. les réflexions Dupront, d'Alphonse, « Du Concile de Trente : Réflexions autour d'un IVe centenaire », Revue Historique, 1951, n ° 4, pp. 262–280.Google Scholar
page 292 note 2. Dupront, A., article cité, pp. 269–270.Google Scholar
page 292 note 3. Albert A. Sicroff, Les controverses des statuts de « pureté de sang » en Espagne du XVe au XVIIIe siècle, Paris, Didier, 1960, in-8, 318 p.
van Beysterveldt, A A., Répercussion du souci de la pureté de sang sur la conception de l'honneur dans la « comedia nueva » espagnole, Leiden, E. J. Brill, 1966, in-8, 239 p.Google Scholar
page 292 note 4. Dupront, A., article cité, p. 270.Google Scholar
page 292 note 5. On passe de l'Écriture interprétée à l'intérieur d'une tradition, à I'Écrituer seule, puis l'Écriture pratiquement rejointe par la Tradition.
page 293 note 1. Sous notre direction, à Caen, dans le cadre du Centre de recherches d'histoire quantitative.
page 294 note 1. Orcibal, Jean, Saint Jean de la Croix et les mystiques rhéno-flamands. Desclée de Brouwer, 1966, in-8, 243 p.Google Scholar
page 294 note 2. Scholem, G. G., Les grands courants de la mystique juive, Paris, trad. Payot, 1960, in-8, 432 p.Google Scholar
page 295 note 1. Orcibal, Jean, Le cardinal de Bérulle. Évolution d'une spiritualité, Paris, 1965, 163 p.Google Scholar
page 295 note 2. Sur ce point notre article « Jansénisme et frontière de catholicité », R.H., 1962, n° 1.
page 295 note 3. Chenu, M. D., « Orthodoxie et hérésie. Le point de vue du théologien », Annales E.S.C., 1963, n° 1, pp. 75–80.Google Scholar
page 296 note 1. Cf. sur ce point mes études : « Les crises au xviie de l'Europe réformée », R.H., 1965, n° 1 et La Civilisation de l'Europe classique, pp. 461-480.
page 297 note 1. Voir la belle et profonde étude d'Henri Lubac, S.J. Augustinisme et théologie moderne (Paris, Aubier, 1965, in-8, 338 p.)Google Scholar, qui s'efforce de démontrer saus toujours parfaitement convaincre que Baïus et Jansenius trahissent Saint Augustin.
page 297 note 2. Histoire du mouvement janséniste, Paris, 1922, 2 vol.
page 298 note 1. « Une histoire religieuse sérielle », R.H.M. et C., 1965, n° 1 ; La civilisation de l'Europe classique.
page 298 note 2. Cité par H. Brémond, t. III, p. 51.
page 298 note 3. Civilisation de l'Europe classique, La Révolution religieuse.
page 299 note 1. Léonard, E. G., Histoire générale du protestantisme, t. II, p. 197.Google Scholar
page 299 note 2. P. Chaunu, « Les crises », art. cité, B.H., 1965, n° 1.
page 300 note 1. Gouhier, Henri, La philosophie de Malebranche et son expérience religieuse, Paris, 1926.Google Scholar
page 300 note 2. Goldmann, Lucien, Correspondance de Martin de Burcos, Paris, P.U.F., 1956, p. 9.Google Scholar
page 300 note 3. Namer, Georges, L'abbé Le Roy et ses amis, Paris, VIe section, E.P.H.E., S.E. V.P.E.N., 1964.Google Scholar
page 300 note 4. Au xviie siècle car le jansénisme quesnellien, le jansénisme richériste et presbytérien du XVIIIe siècle est issu de l'extrémisme intramondain minoritaire au XVIIe à l'intérieur de la famille janséniste dont Lucien Goldmann et Namer surestiment peut-être, à tort, contre Orcibal, la cohérence et l'unité.
page 300 note 5. Laporte, Jean, La doctrine de Port-Royal. Les Vérités de la Grâce, Paris, 1923 Google Scholar ; La doctrine de Port-Royal. La Morale (d'après Arnauld), Paris, Vrin, 1951, 2 vol.
page 300 note 6. Taveneaux, René, Le jansénisme lorrain, Paris, Vrin, 1960, gr. in-8, 759 p.Google Scholar ; pp. 118-131.
page 300 note 7. Du monde clos à l'univers infini, Paris, P.U.F., 1962.
page 301 note 1. La matière dialectique a tous les caractères ontologiques du Dieu chrétien, les caractères ontologiques seulement.
page 301 note 2. Nous avons rapidement esquissé leurs rapports dans la Civilisation de l'Europe classique.
page 301 note 3. Cité par René Taveneaux, Le jansénisme lorrain, pp. 124-125.
page 301 note 4. Cela s'adresse aux Bénédictins de Saint-Vanne.
page 301 note 5. Jacques Maritain dans un récent et passionnant essai : Le Paysan de la Garonne, Paris, D. D. B 1966, in-8°, nie, une fois de plus, que cette synthèse soit possible. La position de Jacques Maritain est respectable et cohérente dans les perspectives du néothomisme. Elle ne saurait toutefois ébranler nos propositions.