Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Le travail qu'on va lire voudrait apporter un complément et une illustration à une recherche antérieure. J'avais tenté alors de mettre en évidence ce qu'on peut appeler le paradoxe de l'éphébie athénienne L'éphèbe, lorsqu'il prête son fameux serment, jure de se conformer à la morale collective des hoplites : celle du combat de la phalange contre la phalange, combat loyal et combat solidaire : « Je n'abandonnerai pas mon compagnon de rang ». Or le récit étiologique de la fête des Apatouries, au cours de laquelle, au sein de la phratrie, les éphèbes sacrifiaient leur chevelure, nous jetait dans un univers tout à fait différent : celui de la ruse, de Le combat singulier et frontalier qui opposait le « noir » (Mélanthos) au «blond» (Xanthos) n'était remporté par le premier, qui du coup accédait au trône d'Athènes, que grâce à une tromperie divine ou humaine. Ce paradoxe était en réalité celui de l'éphébie tout entière et, par-delà cette institution athénienne, celui de l'ensemble des rites et procédures par lesquels le jeune Grec symbolisait le passage de l'état d'enfance à l'état d'adulte, c'est-à-dire de guerrier.
page 623 note 1. Cette étude a fait l'objet d'un exposé à 1' « Association pour l'encouragement des études grecques » le 1er décembre 1969. J'ai fait mon profit des remarques qui m'ont été faites par Marcel Détienne et Philippe Rousseau et, depuis lors, par Alain Schnapp, Jean-Pierre Vernant et François Villard. Je remercie aussi mes contradicteurs et, notamment, Jacqueline de Romilly.
page 623 note 2. « Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie athénienne », Annales, E.S.C., 1968, pp. 947-964, paru aussi en anglais dans les Proc. Cambr. Phil. Assoc. 194 (1968), pp. 49-64. Je renvoie à cet article pour tout le détail de la démonstration, me contentant ici d'en résumer les principales conclusions.
page 623 note 3. La littérature du sujet a été longtemps dominée par le livre Jeanmaire, d'H., Couroi et Courètes, Lille et Paris, 1939;Google Scholar on dispose depuis peu d'une magistrale synthèse Brelich, d'A., Paides e Parthenoi, Rome, 1969.Google Scholar
page 624 note 1. Sur la chasse dans les initiations grecques, voir maintenant Brelich, A., op. cit., pp. 175, 198-199.Google Scholar
page 624 note 2. La tradition antique est strictement contradictoire : Lycurgue, dont le témoignage est évidemment le plus direct mais ne vaut que pour son propre temps, mentionne le serment que prêtent « tous les citoyens lorsqu'on les inscrit sur le registre du dème et qu'ils deviennent éphèbes» (Contre Léocrate, 76); même indication dans une glose d'Ulpien (Scholie ad Demosth. Ambass., 303 in Oratores Attici, Didot, II, p. 637). Au contraire Pollux place et l'inscription sur le registre des dèmes (ce qui est manifestement faux) et le serment au terme du service éphébique (VIII, 105, s.v. ). C. Pélékidis (Histoire de l'éphébie attique, Paris, 1962, p. 111) est enclin à suivre Lycurgue. Toutefois le mot qui désigne à la fois les éphèbes et les soldats appartenant au corps des patrouilleurs (Pélékidis, op. cit., pp. 35-47) est attesté à date beaucoup plus ancienne que le mot et il n'est pas totalement exclu que Pollux dépende d'une source plus ancienne que Lycurgue.
page 624 note 3. Je dois d'avoir compris l'importance capitale de cette distinction à l'enseignement de L. Robert à l'École des Hautes Études (1963-1964).
page 624 note 4. Pour une esquisse de cette évolution, cf. mon étude « La tradition de l'hoplite athénien » in J.-P. Vernant (éd.), Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris et La Haye, 1968, pp. 161- 181, notamment pp. 174-179. Sur l'oeuvre de Xénophon comme témoin de cette évolution, cf. la contribution d'A. Schnapp, Actes du Colloque de Royaumont sur les Problèmes de la terre en Grèce ancienne, septembre 1969.
page 625 note 1. Voir Vernant, J.-P., Mythe et Pensée chez les Grecs ;, Paris, 1969, pp. 106–112 Google Scholar(à propos de VOrestie) et, mieux encore, « Ambiguïté et renversement. Sur la structure énigmatique d'Œdipe-Roi », Mélanges Cl. Lévi-Strauss, Paris, 1970, pp. 1253-1279. Je me permets aussi de renvoyer à ma propre étude : « Chasse et sacrifice dans l'Orestie d'Eschyle », Parola del Passato, 1969, pp. 401- 425.
page 625 note 2. Résumé de la « Petite Iliade » in Séveryns, A., Recherches sur la Chrestomathie de Proclos, IV, Paris, 1963, p. 83,1. 217–218;Google Scholar pour les Chants Cypriens, voir ibid., p. 89,1. 144-146.
page 625 note 3. Résumé et comparaison des trois tragédies in Dion Chrysostome, LU et Lix. L'originalité de Sophocle par rapport à ses devanciers et à la tradition mythique est correctement définie par E. Schlesinger, « Die Intrige im Aufbau von Sophokles' Philoktet », Rheinisches Muséum, N.F. 111 (1968) pp. 97-156 (notamment pp. 97-109). Sur la trilogie dont faisait partie le Philoctète d'Eschyle, cf. Jouan, F., « Le « Tennès » (?) d'Eschyle et la légende de Philoctète », Les Études classiques 32 (1964), pp. 3–9 Google Scholar; sur le Philoctète d'Euripide, Jouan, F., Euripide et les légendes des chants cypriens, Paris, 1966, pp. 308–317 Google Scholar, et l'exposé appuyé, de façon parfois imprudente, sur la comparaison avec les monuments figurés, de Webster, T.B.L., The Tragédies of Euripides, Londres, 1967, pp. 57–61.Google Scholar
page 625 note 4. L'exposé d'ensemble le plus complet de la tradition reste celui de Milani, L. A., Il mito di Filottete nella letteratura classica e nell'arte figurata, Florence, 1879 Google Scholar, que son auteur a lui-même complété, « Nuovi monumenti di Filottete e considerazioni generali in proposito », Ann. Inst. Corr. Arch. 53 (1881), pp. 249-289; voir aussi Turk in Roscher, Lexicon, s.v. « Philoktet », pp. 2311- 2343 (1898), Fiehn R.E.s.v. « Philoktetes », col. 2500-2509 (1938). La documentation iconographique s'est depuis accrue, mais aucun exposé de synthèse ne lui a été consacré; pour une bibliographie récente, cf. Taddei, M., « Il mito di Filottete ed un episodio délia vita del Buddha », Archeologia Classica 15 (1963), pp. 198–218 Google Scholar, voir p. 202, n. 17. Sur les problèmes soulevés par un vase du musée de Syracuse, cf. infra la planche et l'appendice.
page 625 note 5. C'est ce que dit la « Petite Iliade », loc. cit.
page 625 note 6. y.a.1 pvjTopixuTàTTj oStra, « la plus politique et la plus oratoire » (des trois); tel était le jugement de Dion, LII, 11.
page 626 note 1. Cf. aussi les vers 300-304 où l'île tout entière est présentée comme un milieu répulsif, et le vers 692 : « Nul indigène n'approchait sa misère ». Je cite en la modifiant parfois quelque peu la traduction de P. Mazon (collection Guillaume Budé). Le texte est celui d'A. Dain (ibid.); j'ai toutefois tenu compte de la dernière mise au point critique sur la tradition manuscrite, celle de P. E. Easterlino, « Sophocles' Philoctetes : Collations of the manuscripts G, R and Q », Cl. Quart. n.s. 19 (1969), pp. 57-85.
page 626 note 2. Sophocle ne fait pour ainsi dire pas usage de la très riche mythologie liée à l'île de Lemnos, en dehors même du personnage de Philoctète, et dans laquelle G. DuméZil a reconnu la transposition de rites d'initiations (Le crime des Lemniennes, Paris, 1924). Les seules allusions sont celles que fait le héros au « feu de Lemnos », c'est-à-dire au feu d'Héphaïstos, le dieu boiteux qui était tombé sur l'île (800, 985-986). Marcel Détienne me suggère qu'une confrontation entre la pièce de Sophocle et les mythes « lemniens » pourrait être féconde.
page 626 note 3. Sophocle fait allusion à cette tradition aux vers 591-592 placés dans la bouche du « marchand », c'est-à-dire du guetteur (, 125) qui fait partie de l'expédition grecque et qu'Ulysse a déguisé. On ignore si Ulysse était accompagné ou non dans la pièce d'Eschyle. La seconde hypothèse est la plus vraisemblable.
page 626 note 4. On trouvera l'essentiel de la bibliographie récente chez Johansen, H. F., Lustrum 7 (1962), pp. 247–255;Google Scholar voir aussi Musurillo, H., The Light and the Darkness, Studies in the dramaticpoetry of Sophocles, Leyde, 1967, pp. 109–129 Google Scholar, A. E. Hinds, « The prophecy of Helenus in Sophocles' Philoctetes », Cl. Quart n.s. 17 (1967), pp. 169-180, E. Schlesinger, op. cit., p. précéd., n. 3. L'étude la plus complète sur la pièce est la dissertation de Fuqua, C. J., The Thematic Structure of Sophocles' Philoctetes (Cornell, 1964)Google Scholar dont j'ai pu consulter un microfilm. La note comique dans cette immense bibliographie est donnée par Errandonea, I., Sofocles, Investigaciones sobre la estrutura dramatica de sus siete tragedias y sobre la personalidad de sus coros, Madrid, 1958, pp. 233–302 Google Scholar, qui suppose par exemple que le « marchand » et Héraclès ne sont autres qu'Ulysse déguisé. Deux publications récentes ne m'ont été accessibles qu'après la rédaction de cette étude, l'édition brièvement commentée de T.B.L. Webster, Cambridge, 1970, qui n'aborde pratiquement aucun des problèmes étudiés ici, et l'oeuvre posthume de R. von Scheliha, Der Philoktet des Sophokles. Ein Beitrag zur Interprétation des Griechischen Ethos, Amsterdam, 1970.
page 626 note 5. A. Spira a cependant montré (Untersuchungen zum Deus ex machina bei Sophokles und Euripides, Francfort, 1960, pp. 12-32), que ce dénouement était strictement adapté à la structure de la pièce.
page 627 note 1. Voir les exposés antagonistes de Bowra, C. M., Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 261–306 Google Scholar, qui défend, en gros avec raison, la première thèse, et de Krrro, H. D., Form and meaning in drama, Londres, 1956, pp. 87–138.Google Scholar
page 627 note 2. Ce changement est exprimé au vers 1270 par le verbe qui finira par désigner la notion chrétienne de repentir, source presque inévitable de confusion.
page 627 note 3. La meilleure étude d'ensemble est celle de Knox, B. W., The Heroic Temper. Studies in Sopho clean Tragedy, Cambridge, Mass., 1964 Google Scholar (sur le Philoctète, cf. pp. 117-142); voir aussi, du mêmt auteur, « Second Thoughts in Greek Tragedy », Gr. Rom. and Byz. St. 7, (1966), pp. 213-232.
page 627 note 4. Ainsi, le juge Holmes écrivait à F. Pollock le 2 octobre 1921 ces lignes révélatrices : « A propos of the rare occasions when the ancients seem just like us, it always has seemed to me that a wonderful example was the repentance of the lad in the play of Sophocles over his deceit, and the restoration of the bow », cité par Wilson, E., The Wound and the Bow\ Londres, 1961, p. 246 n. 1.Google Scholar Les mots et expressions soulignées le sont par moi. Il va de soi que, même s'ils emploient un langage un peu plus élaboré, beaucoup d'auteurs modernes, qu'il n'est pas utile de citer, pensent de même.
page 627 note 5. Tycho Von Wilamowitz-Moellendorf, « Die dramatische Technik des Sophokles », Philol. Untersuch. 22 (1917); sur le Philoctète voir pp. 269-312. Contre les interprétations « psychologiques », cf. par exemple, C. Garton, « Characterization in Greek Tragedy », Journ. of Hell. Stud. 77 (1957), pp. 247-254, K. Alt, « Schicksal und im Philoktet des Sophokles » Hermès 89 (1961), pp. 141-174.
page 627 note 6. Un exemple clair de ce que peut expliquer « l'optique de théâtre » : au vers 114, Néoptolème paraît « ignorer » que, selon l'oracle, l'arc et Philoctète sont nécessaires à la prise de Troie, ce qui permet à Ulysse de le rappeler au public; mais les vers 197-200 montrent que le fils d'Achille était en réalité parfaitement au courant. Dans un cas pareil il est permis de distinguer le « personnage de théâtre » et le « héros », mais ce type d'enquête ne peut donner que des résultats assez limités; en tout cas, quelle que soit la liberté dont les poètes grecs usent à l'égard des mythes. Celle-ci n'allait pas, par exemple, jusqu'à leur faire imaginer que la guerre de Troie n'avait pas eu lieu et il me paraît impossible de suivre D. B. Robinson lorsqu'il tente de nous faire admettre que le spectateur athénien pouvait croire à un abandon effectif de Philoctète à la fin de la pièce. ( « Topics in Sophocles' Philoctetes », Cl. Quart, n.s. 19 (1969), pp. 34-56, voir pp. 45-51). C'est là pousser beaucoup trop loin dans la direction ouverte par Tycho von Wilamowitz. Le même article attribue, bien à tort, une double conclusion au Philoctète; voir au contraire ci-dessous, p. 634.
page 628 note 1. Cf. Knox, B. W., The Hernie Temper, pp. 36–38.Google Scholar
page 628 note 2. Jones, J., Aristotle and Greek Tragedy, Oxford, 1962, p. 219.Google Scholar
page 628 note 3. Comme me l'a rappelé Ph. Rousseau, seul le père avait le droit d'exposer un nouveau-né.
page 628 note 4. Vernant, J.-P., Mythe et Pensée*, pp. 134–135.Google Scholar L'image de l'exposition est reprise aux vers 702-703 où Philoctète est décrit « comme un enfant abandonné de sa nourrice ».
page 628 note 5. Op. cit., p. 217, W. Schadewaldt écrivait au contraire en 1941 : « Philoktet lebt als ein antiker Robinson auf der verlassenen Insel Lemnos » (Hellas und Hesperien, p. 238).
page 628 note 6. Le texte souligne la mise en scène et le décor : : « Quand l'effrayant chemineau sortira de ces appartements » (146-147). Il faut supprimer la virgule que la plupart des éditeurs introduisent après 68ÊTT)Ç; cf. A. M. Dale, « Seen ans unseen in scenic Conventions », Wiener Studien LIX (1956), Mélanges A. Lesky, pp. 96-106 (voir p. 105); les conclusions de cette remarquable étude ne me paraissent nullement mises en cause par les objections de D. B. Robinson, loc. cit. supra, p. 627 n. 6, pp. 45-51.
page 628 note 7. Cf. A. Cook, « The Patterning of effect in Sophocles' Philoctetes », Arethusa, 1968, pp. 82-93, que je ne suis cependant pas ici dans ses considérations psychanalytiques.
page 629 note 1. Au vers 709, Sophocle emploie le mot qui désigne, chez Homère, les mangeurs de pain, c'est-à-dire les hommes tout court. Sur la valeur de ce mot, cf. mon étude « Valeurs religieuses de la terre et du sacrifice dans l'Odyssée », Annales E.S.C., 1970, p. 1280, note 3.
page 629 note 2. Héraclès lui apprendra (1430) qu'il est en réalité vivant.
page 629 note 3. Cf. aussi, au vers 1321, , « tu as fait de moi un sauvage ».
page 629 note 4. Sa demeure est un gîte animal, (954, 1087, 1149); sa nourriture est une pâture, [3opâ (274); voir sur ce dernier mot ma note, in Parola del Passato, 1969, p. 416, n. 56; il ne mange pas, il se repaît ( 313).
page 629 note 5. H. C. Avery, « Héraclès, Philoctetes, Neoptolemus », Hermès, 93 (1965), pp. 279-297; l'expression citée est à la page 284. Cette « parenté » est affirmée par le héros lui-même : « ô bêtes des montagnes, mes compagnes » (936-937); cf. aussi les vers 183-185.
page 629 note 6. Cf. les vers 173, 265-266 (àypîa v6acp), et le vers 758 où le mal est comparé, comme l'a bien vu le scholiaste, à une bête sauvage qui s'approche et s'éloigne tour à tour; le pied de Philoctète est ensauvagé (697); cf. P. Biggs, « The Disease thème in Sophocles », Cl. Phil. Lxi (1966), pp. 223-235.
page 629 note 7. Cf. aussi les vers 286-289, 710-711,1092-1099. L'importance des images et des thèmes de chasse a été relevée dans la dissertation, citée ci-dessus, de C. J. Fuqua.
page 630 note 1. (957). Le vocabulaire est caractéristique : le mot Soûç désigne normalement un repas humain, contrairement à son emploi au sens de nourriture animale est très exceptionnel (Iliade, 24, 43); au contraire le verbe çépfîco est généralement employé pour les animaux. Sophocle a donc inversé les valeurs des deux mots.
page 630 note 2. Cf. aussi l'invocation aux rapaces des vers 1146-1157.
page 630 note 3. Sur ces faits complémentaires dans la tradition mythique, voir par exemple A. Brelich, Gli Eroi Greci, Rome, 1958, p. 244, « Les Monosandales », Nouvelle Clio 7-8-9 (1955-56-57), pp. 469- 489; sur le Philoctète, cf. E. Wilson, The wound and the bow, pp. 244-264, W. Harsh, « The rôle of the Bow in the Philoctetes of Sophocles », Amer. Journ. Phil. 81 (i960), pp. 408-414, P. Biggs, loc. cit. supra, pp. 231-235, H. Musurillo, op. cit., p. 121.
page 630 note 4. : « Le nom de l'arc est vie, son oeuvre mort », (fr. 48, Diels). Pour d'autres rapprochements entre le Philoctète et les fragments d'Heraclite, cf. K.Reinhardt, Sophokles*, Francfort, 1947, p. 212.
page 630 note 5. Version connue par Servius, Ad Aeneid. 3, 402.
page 630 note 6. Il est donc entièrement faux d'en faire l'innocent absolu qu'y voit par exemple H. D. Kitto, Form and Meaning, p. 135; la « culpabilité » de Philoctète est du reste soulignée par le choeur qui compare son destin à celui d'Ixion auteur d'une tentative de viol sur la personne d'Héra (676-685).
page 630 note 7. Il me paraît absolument ridicule de chercher comme le fait encore H. Musurillo, op. cit., p. 119, n. 1, à identifier exactement l'espèce de l'animal qui a mordu Philoctète!
page 630 note 8. Comme l'a montré W. Schadewaldt dans une étude célèbre, « Sophokles und das Leid » (1941) reprise dans Hellas und Hesperien, Zurich et Stuttgart, i960, pp. 231-247, tous les héros de Sophocle sont précisément des personnages-limites, et la remarque peut être étendue bien au-delà de la « souffrance ».
page 631 note 1. Loc. cit. supra, p. 285.
page 631 note 2. Je ne crois pas que cette remarque ait été faite, mais certains commentateurs ont bien repéré la mutation de Néoptolème sans cependant invoquer l'éphébie, ainsi M. Pohlenz, Die griechische Tragôdie2, Gôttingen, 1954, p. 334 : « Der Jungling Neoptolemos reift zum Manne heran », H. Weinstock, Sophokles, Leipzig et Berlin, 1931, p. 79 sq., B.W. Knox, The Heroic Temper, p. 141 : « He has grown to manhood in the fire of his ordeal and though before he was Odysseus' subordinate, now he is to be Philoctetes equal ». Le mot éphèbe a été prononcé, mais accidentellement, semblet- il, par K.I. Vourveris, Athènes, 1963, p. 34; l'auteur ne fait guère que reprendre ce qu'avait dit de son côté Weinstock sur le Philoctète comme tragédie de l'éducation.
page 631 note 3. Cf. l'emploi du verbe (être en service) au vers 15 et du nom (53).
page 631 note 4. The Heroic Temper, p. 122.
page 632 note 1. Le vocabulaire est — ici encore — caractéristique; cf. l'emploi des mots (1136, 1228),
page 632 note 2. Ulysse fait envoyer un homme « en embuscade » (45).
page 632 note 3. Ce thème du rôle du langage dans le Philoctète mériterait d'être considérablement développé; cf. l'esquisse d'A. Podlecki, « The Power of the Word in Sophocles' Philoctetes », Gr. Rom. and Byz. St., 7 (1966), pp. 233-250.
page 632 note 4. Je dois cette expression à F.Jouan.
page 632 note 5. J. Pounxoux a montré que cette tradition, attestée explicitement par Lucien, De Saltatione, 11, l'était déjà implicitement par Euripide, Andromaque, 1135 (J. Pouilloux et G. Roux, Énigmes à Delphes, Paris, 1963, p. 117).
page 633 note 1. Ceci apparaît aussi bien dans le récit du Pseudo-marchand (603-612) que dans la dernière tentative de Néoptolème pour convaincre Philoctète de le suivre (1332).
page 633 note 2. C'est ce qu'a bien vu B. W. Knox : « In fact Odysseus repeatedly and exclusively emphasizes one thing and one thing only — the bow ». (The Heroic Temper, p. 126); cf. les vers 69, 113-115, 975-983, 1055-1062.
page 633 note 3. Ainsi (80).
page 633 note 4. Cela dit, il me paraît inutile de rechercher les « clefs » des personnages de Sophocle, petit jeu auquel on s'est beaucoup amusé, depuis le xviue siècle, Alcibiade exilé et rappelé étant, par exemple, assimilé à Philoctète; cf. en dernier lieu, M.H. Jameson, « Politics and the Philoctetes », Cl. Ph. 51 (1956), pp. 217-227.
page 633 note 5. Il est possible que Sophocle fasse ici allusion à sa propre tragédie des Scyrioi dans laquelle les Théséides allaient, a-t-on soutenu, chercher Néoptolème dans son île (cf. T. Zielinski, Tragodumenon libri très, Cracovie, 1925, pp. 108-112, et pour une représentation de cette même scène sur un vase, Ch. Dugas, « L'Ambassade à Skyros », Bull. Corr. Hell, 1934, pp. 281-290).
page 633 note 6. Antigone, 370; cf. H. Funke, KPEΩN AIIOAIΣ, Antike und Abendland, 12 (1966), pp. 29- 50.
page 633 note 7. K. Reinhardt (op. cit. supra, p. 176) compare avec raison les rapports Ulysse-Néoptolème avec ceux de Créon et de son fils Hémon dans VAntigone.
page 634 note 1. L'expression est répétée au vers 1399.
page 634 note 2. Op. cit. supra, p. 280.
page 634 note 3. Tout ceci a été bien vu par H. C. Avery dans son article, cité supra, de YHermes, 1965.
page 634 note 4. Sur ce point Bowra a sans aucun doute raison contre Kjtto; cf. ci-dessus, p. 627, n. 1.
page 634 note 5. dit le résumé de la « Petite Iliade » (loc. cit. supra, p. 625, n. 2).
page 635 note 1. peut renvoyer au compagnonnage militaire, cf. Eschyle, Sept., 354. Notons aussi l'emploi du duel qui renforce le thème de la solidarité.
page 635 note 2. La nuance n'a pas été tout à fait saisie par Ch. Segal qui, dans un article par ailleurs excellent ( « Nature and the world of man in Greek Literature », Arion, II, 1 (1963), pp. 19-57), écrit : « His final words are not a welcoming of the human world, but a last farewell to the wildness in which he has suffered, but there is a tie between it and the man ».
page 635 note 3. Plus exactement palais, mais le mot n'a pas ici la même valeur (à la fois ironique et désignatrice du décor) qu'au vers 147, cf. supra p. 628, n. 6.
page 635 note 4. Ce voeu répète celui (à double sens) qu'avait prononcé Néoptolème après le succès de sa ruse (779-781).
page 636 note 1. Cf. Trendall, A. D., Paestan Pottery. A study of the Red-figured Vases of Paestum, Rome, 1936, pp. 7–18, n° 7.Google Scholar
page 636 note 2. Cf. B. Pace, « Filottete a Lemno. Pittura vascolare con riflessi dell'arte di Parrasio », Ausonia X (1921), pp. 150-159 et, du même, « Vasi figurati con riflessi délia Pittura di Parrasio », Mon. Ant. Accad. Linc. XXVIII (1922), pp. 522-598 (part. pp. 542-550). Notre vase a été dûment répertorié par Brommer, F., Vasenlisten zur griechischen Heldensage, Marburg, 1960, p. 329.Google Scholar
page 636 note 3. Je m'inspire ici du commentaire de Arias, P. E. dans le fascicule du Corpus Vasorum Antiquorum (C.V.A.), Rome, 1941.Google Scholar
page 636 note 4. La première hypothèse était celle de Pace, B.. Séchan, L. (Études sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique, Paris, 1926, p. 491)Google Scholar a fait valoir que « l'image fait plutôt songer, par son aspect juvénile, au Néoptolème de Sophocle ». L'argument n'est pas décisif, car nous connaissons un autre cratère en cloche de la même nécropole et du même peintre (Trendall, Red-figure Vases… Campanian I, n° 31, p. 204, planches 80-82) qui représente indiscutablement (cf. Ch. Picard, C.R.A.I., 1942, pp. 244-246) la capture de Dolon par Ulysse et Diomède, or ce dernier est représenté comme un éphèbe imberbe et nu. D'une façon générale le semi-profane que je suis en la matière ne peut, une fois de plus, que s'émerveiller de l'audace avec laquelle certains spécialistes tranchent les questions si délicates que soulèvent des problèmes comme ceux du passage du théâtre à l'art figuré. Ce n'est pas sans stupeur par exemple que l'on lit chez Marg. Bieber, The History of the Greek and Roman theater*, Princeton, 1961, p. 34 et fig. 119 : « Vase paintings based upon stage setting for Sophocles' Philoctetes hâve only a large rock and a single tree as a setting, while those for Euripides' Philoctetes represent a large cave around the hero. The vases testify that Euripides had a chorus of women and used Athéna as deus ex machina instead of Héraclès who was used by Sophocles. » C'est là oublier, 1° que la pièce de Sophocle aussi bien que celle d'Euripide logeait le héros dans une grotte, 2° que les artistes disposaient d'autres sources que le théâtre classique, 3° que la jeune fille du vase de Syracuse n'est nullement représentative d'un choeur, 4° que rien ne permet de faire d'Athéna le deus ex machina de la pièce d'Euripide, à moins précisément que notre vase n'en soit un reflet, ce qui est une simple possibilité. T.B.L. Webster n'a pas retenu cette possibilité, et je suis enclin à lui donner raison, malheureusement l'argument qu'il utilise (Tragédies of Euripides, p. 58) : « il faudrait alors faire la supposition audacieuse que le jeune homme est Ulysse rajeuni par Athéna », ne vaut rien, puisqu'Ulysse était précisément accompagné de Diomède.
page 636 note 5. Le commentaire du C.V.A. souligne à bon droit le caractère oratoire du geste d'Athéna.
page 637 note 1. « Questions de céramique italiote », Revue archéologique 33 (1931), p. 248.
page 637 note 2. B. Pace avait proposé d'y voir une nymphe, une personnification de l'île ou la déesse Bendis, mais on voit mal ce que cette déesse thrace a à faire ici. L. Séchan (op. cit., p. 491) après avoir écarté ces hypothèses et celle qui ferait du personnage féminin la déesse Peithô (accompagnatrice d'Aphrodite), pense plutôt à un personnage de séductrice qui serait emprunté à une pièce inconnue de nous. Enfin, , Setti, S., dans un commentaire récent de notre vase (« Contributo esegetico a un vaso « pestano », Dioniso 38 (1964), pp. 214–220)Google Scholar, reprend la première hypothèse de Pace, en faisant de la jeune fille une nymphe et donne au mythe, à la jeune fille et au vase une signification funéraire. Les arguments employés sont assez faibles. En particulier s'il fallait attribuer, comme semble le vouloir Setti, à toutes les scènes représentées sur des vases découverts dans des tombes une signification chthonienne et funéraire, il faudrait procéder à une sérieuse révision de nos connaissances en matière de mythologie grecque. Sans voir là de contradiction avec son interprétation générale, S. Setti rapproche lui aussi le vase de Syracuse de la pièce d'Euripide, dont le caractère funéraire est plus que douteux; en tout état de cause, il est vain d'espérer une coïncidence parfaite entre la tradition littéraire et la tradition iconographique. Ainsi un document découvert lors des fouilles de Castro (Etrurie) associe sur l'île de Lemnos Philoctète, Palamède et Hermès, ce que rien ne permettait de prévoir (cf. Lambrechts, R., « Un miroir étrusque inédit et le mythe de Philoctète», Bulletin de l'Institut historique de Rome 39, (1968), pp. 1–25 Google Scholar). Dans ce dernier objet, l'artiste a bien voulu nous informer en écrivant le nom de Palamède que nous aurions été parfaitement incapables d'identifier. Je n'ai pas osé, pour ma part, proposer un nom pour le personnage féminin, mais je note ici que F. H. Mie Pairault, membre de l'École française de Rome, qui a elle-même travaillé sur le vase de Syracuse, et qui a lu cette étude en manuscrit, m'écrit que, pour sa part, elle abonderait dans mon sens et n'hésiterait pas à proposer le nom pour le personnage inconnu. Elle remarque en effet : « Les vases de Grande-Grèce offrent quantité de personnages féminins, de démons et de victoires souvent mystérieux, et il s'agit souvent d'abstractions personnifiées ».
page 638 note 1. Je dois cette suggestion à Maud Sissung.
page 638 note 2. Sur les aspects « féminins » de l'éphèbe, cf. Annales, E.S.C., 1968, pp. 959-960.