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Le jardin aux cartes qui bifurquent : La mer Caspienne vue de Venise et de Goa au xvie siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 January 2021

Zoltán Biedermann*
Affiliation:
University College [email protected]

Le jardin aux cartes qui bifurquent: la mer caspienne vue de venise et de goa au xvie siècle

Cet article compare les représentations cartographiques de la région caspienne produites vers 1560 à Goa et à Venise, en faisant aussi référence à d’autres centres de cartographie tels que Lisbonne, Séville et Anvers. Il explore les logiques scientifiques, culturelles, techniques et commerciales qui ont conduit à des cartographies profondément dissemblables de la mer Caspienne et de ses environs dans différents lieux de production de cartes à la même époque. Il examine également les contrastes entre les cartographies maritime et terrestre à la Renaissance ainsi que les langages cartographiques associés à chacun de ces modes cartographiques. L’habitus des cartographes maritimes de Goa, Lisbonne et Séville différait profondément de celui des cartographes d’Italie, en particulier vénitiens, qui visaient une intégration de toutes les données disponibles dans le cadre d’une tradition de commentaires sur Ptolémée et entendaient produire des cartes imprimées hautement désirables pour un public de consommateurs de plus en plus nombreux. L’article propose ainsi une approche comparative des cartes tout en critiquant l’hypothèse selon laquelle les connaissances « circulent » entre les régions. Il défend une « histoire (dis)connectée » de la production et de la consommation des connaissances, éclairant des facteurs rarement étudiés qui furent à l’origine de la révolution de l’imprimerie cartographique.

In a garden of forking maps: mapping the caspian in sixteenth-century goa and venice

In a Garden of Forking Maps: Mapping the Caspian in Sixteenth-Century Goa and Venice

This article compares the cartographic representations of the Caspian region produced around 1560 in Goa and Venice, with references to other centers of mapmaking such as Lisbon, Seville, and Antwerp. It explores the scientific, cultural, technical, and commercial logics that led to profoundly dissimilar cartographies of the Caspian and its surroundings in different centers of map production around the same time. It asks questions about the contrasts between maritime and terrestrial cartography in the Renaissance, and the cartographical languages associated with each of these cartographical modes. The habitus of maritime cartographers in Goa, Lisbon, and Seville differed profoundly, it is argued, from that of mapmakers in Italy, and particularly Venice, who aimed for an integration of all available data as part of a tradition of commenting on Ptolemy, and produced highly desirable printed maps for a growing consumer audience. The article thus advocates a comparative approach to maps, and critiques the assumption that knowledge “flows” between regions. It proposes instead a “(dis)connected history” of knowledge production and consumption to throw new light on the origins of the cartographic printing revolution.

Type
Le savoir des cartes
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

Traduction de Cécile Dutheil de La Rochère

References

1 Jorge Luis Borges, « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », in Fictions, trad. par P. Verdevoye et N. Ibarra, Paris, Gallimard, [1951] 1980, p. 117.

2 Armando Cortesão et Avelino Teixeira da Mota (éd.), Portugaliae monumenta cartographica, vol. 1, Lisbonne, Academia portuguesa da História, 1960, p. 173-176. La date et l’attribution ne sont pas définitives. Sans doute originaire de Goa, l’auteur en est peut-être Fernão Vaz Dourado.

3 Giacomo Gastaldi, La descrittione della prima parte dell’Asia, dont l’original a été réalisé à Venise par Fabio Licinio, en 1559. La copie la plus ancienne, datée de 1561, émane de Jakob Bos, à Rome, pour Antonio Lafreri. D’autres cartes imprimées de la région sont compilées dans Cyrus Alai, General Maps of Persia, 1477-1925, Leyde, Brill, 2005.

4 La meilleure introduction au sujet reste celle de David Woodward, « Cartography and the Renaissance: Continuity and Change », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, Cartography in the European Renaissance, t. 1, Chicago, The University of Chicago Press, 2007, p. 3-24 (disponible en ligne : https://press.uchicago.edu/books/HOC/index.html).

5 Voir J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, op. cit.

6 Jorge Cañizares-Esguerra, « Iberian Science in the Renaissance: Ignored How Much Longer? », Perspectives on Science, 12-1, 2004, p. 86-124 ; William Eamon, « ‘Nuestros males no son constitucionales, sino circunstanciales’ : The Black Legend and the History of Early Modern Spanish Science », Colorado Review of Hispanic Studies, 7, 2009, p. 13-30.

7 Pour une bonne analyse générale, voir John L. Heilbron, « Was There a Scientific Revolution? », in J. Z. Buchwald et R. Fox (dir.), The Oxford Handbook of the History of Physics, Oxford, Oxford University Press, [2013] 2017.

8 Stefanie Gänger, « Circulation: Reflections on Circularity, Entity, and Liquidity in the Language of Global History », Journal of Global History, 12-3, 2017, p. 303-318.

9 Cornel Zwierlein, « Introduction: Towards a History of Ignorance », in C. Zwierlein (dir.), The Dark Side of Knowledge: Histories of Ignorance, 1400 to 1800, Leyde, Brill, 2016, p. 1-47.

10 John Brian Harley, « Silences and Secrecy: The Hidden Agenda of Cartography in Early Modern Europe », Imago Mundi, 40, 1988, p. 57-76.

11 Peter Burke, A Social History of Knowledge, vol. 2, From the “Encyclopédie” to Wikipedia, Cambridge, Polity, 2012.

12 Voir, par exemple, Elizabeth Horodowich, The Venetian Discovery of America: Geographic Imagination and Print Culture in the Age of Encounters, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, p. 135.

13 Matthew Edney, Cartography: The Ideal and Its History, Chicago, The University of Chicago Press, 2019.

14 À ma connaissance, parmi les grandes langues européennes, seul l’anglais permet de distinguer cartography et mapmaking.

15 Le terme « (dis)connectivité » permet un regard critique sur la connectivité, sans rejeter la méthode de l’« histoire connectée » : voir Zoltán Biedermann, (Dis)connected Empires: Sri Lankan Diplomacy, Imperial Portugal, and the Making of a Habsburg Conquest in Asia, Oxford, Oxford University Press, 2018. Les termes Verflechtung et Entflechtung, qui signifient littéralement « tisser ensemble » et « dé-tisser », ont été proposés en allemand pour désigner les forces antagonistes à l’origine des connexions et des déconnexions.

16 Plusieurs travaux ont récemment tenté de donner de l’ampleur à un concept souvent détourné dans un but nationaliste. Voir par exemple Henrique Leitão et Antonio Sanchez, « Zilsel’s Thesis, Maritime Culture, and Iberian Science in Early Modern Europe », Journal of the History of Ideas, 78-2, 2017, p. 191-210 : « ‘Science ibérique’ fait référence aux caractéristiques spécifiques que la pratique scientifique a acquises dans des conditions précises (économiques, politiques et sociales) qui dominaient la première phase de l’expansion maritime européenne » (p. 200).

17 M. Edney, Cartography, op. cit., p. 229.

18 Ibid., p. 31-33. Matthew Edney définit les « modes » comme des « types de processus » de cartographie, en reconnaissant qu’il s’agit d’instruments de simplification heuristique face à une réalité très complexe. Il distingue quatorze procédés, dont deux se situent au centre de notre étude : les modes « maritime » et « géographique ».

19 Sur Goa et l’Estado, voir Anthony Disney, A History of Portugal and the Portugese Empire, vol. 2, The Portuguese Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.

20 Sur Goa comme centre de production et d’échange de savoirs, voir Ines Županov et Xavier Ângela Barreto, Catholic Orientalism: Portuguese Empire, Indian Knowledge (16th-18th Centuries), New Delhi, Oxford University Press, 2015. Sur Garcia de Orta, voir Hugh Cagle, Assembling the Tropics: Science and Medicine in Portugal’s Empire, 1450-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2018.

21 Voir A. Cortesão et A. T. da Mota (éd.), Portugaliae monumenta cartographica, vol. 1, op. cit., et Maria Fernanda Alegria et al., « Portuguese Cartography in the Renaissance », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 975-1068.

22 A. Cortesão et A. T. da Mota (éd.), Portugaliae monumenta cartographica, vol. 2, op. cit., p. 113-116 et planches 211-226. Cet atlas est fait de 19 folios de parchemins, de dimensions 432 x 613 mm, chaque folio étant utilisé recto verso. Il contient 13 cartes, 5 pages de données « cosmographiques », un tableau de la Vierge à l’Enfant et une page blanche.

23 Armando Cortesão, Cartografia e cartógrafos portugueses dos séculos xv e xvi, vol. 2, Lisbonne, Seara Nova, 1935, p. 248 ; A. Cortesão et A. T. da Mota (éd.), Portugaliae monumenta cartographica, vol. 2, op. cit., planche 218. L’actuel The Times Comprehensive Atlas of the World, Londres, Times Books, 2018 donne les noms des lacs suivants : Daryacheh-ye Namak et Kavir-e Namak.

24 M. Edney propose d’abandonner la notion d’échelle au profit de termes se rapportant à la résolution : il distingue ainsi les cartes à « grain fin » (fine grained), qui regorgent de détails, de celles à « gros grain » (coarse grained), qui en possèdent moins. Sa proposition se réfère aux expressions françaises « à grand point » (désignant des cartes de grande échelle, au grain fin, qui révèlent des détails de lieux ou de régions spécifiques) et « à petit point » (désignant des cartes de grande échelle, au grain grossier, qui représentent le monde). Voir M. Edney, Cartography, op. cit., p. 178.

25 Je remercie Irina Shingiray et Elio Brancaforte, qui m’ont indiqué cette piste.

26 Une étude plus pointue de cette carte est en cours de préparation pour la revue Imago Mundi.

27 Sur cette carte et sur d’autres couvrant cette région, voir Rouben Galichian, Countries South of the Caucasus in Medieval Maps: Armenia, Georgia and Azerbaijan, Erevan/Londres, Printinfo Art Books/Gomidas Institute, 2007, p. 178-179 ; Svetlana Gorshenina, L’invention de l’Asie centrale. Histoire du concept de la Tartarie à l’Eurasie, Genève, Droz, 2014.

28 Sur le contexte diplomatique plus large et sur certaines évolutions importantes de la fin des années 1550, voir Rudi Matthee, « Distant Allies: Diplomatic Contacts between Portugal and Iran in the Reign of Shah Tahmasb, 1524-1576 », in R. Matthee et J. M. Flores (dir.) Portugal, the Persian Gulf and Safavid Persia, Louvain, Peeters, 2011, p. 219-248 ; Dejanirah Couto, « Figuras de antagonismo. Reatamento das negociações luso-otomanas, Diogo do Couto e a audiência de António Teixeira de Azevedo ao Grão-Turco (1563) », in R. Loureiro et M. A. L. Cruz (dir.), Diogo do Couto. História e intervenção política de um escritor polémico, Vila Nova de Famalicão, Húmus, 2019, p. 315-362.

29 Sur les réseaux portugais et arméniens, voir Dejanirah Couto, « Arméniens et Portugais dans les réseaux d’information de l’océan Indien au 16e siècle », in S. Chaudhury et K. Kevonian (dir.), Les Arméniens dans le commerce asiatique au début du xvi e siècle, Paris, Éd. de la MSH, 2007, p. 171-196.

30 Sur cette figure et d’autres évêques « arméniens » ou « chaldéens » en Inde, voir Roberto Gulbenkian, « Jacome Abuna, an Armenian Bishop in Malabar (1503-1550) », Arquivos do Centro Cultural Português, 4, 1972, p. 149-176, ici p. 165 et 170.

31 Roberto Gulbenkian, « Les ambassades portugaises en Perse du début du xvie à la fin du xviie siècle », in Estudos históricos, vol. 2, Relações entre Portugal, Irão e Médio-Oriente, Lisbonne, Academia Portuguesa da História 1995, p. 19.

32 Zoltán Biedermann, « Mapping the Backyard of an Empire: Portuguese Cartographies of the Persian Littoral during the Safavid Period », in R. Matthee et J. M. Flores (dir.), Portugal, the Persian Gulf and Safavid Persia, op. cit., p. 51-78. Pour un recueil de cartes représentatif de cette époque, voir Dejanirah Couto et al. (dir.), Atlas historique du golfe Persique. xvie-xviiie siècles, Turnhout, Brepols, 2006. Pour une analyse des modèles mis au point pour le golfe Persique, voir Zoltán Biedermann, « The New Atlas of Historical Maps of the Persian Gulf: Methodological Aspects », in M. Taleghani et al. (dir.), Cartographie historique du golfe Persique, Téhéran, IFRI, 2006, p. 61-75.

33 Alison Sandman, « Spanish Nautical Cartography in the Renaissance », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 1095-1142.

34 Felipe Fernández-Armesto, « Maps and Exploration in the Sixteenth and Early Seventeenth Centuries », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 738-758, ici p. 755.

35 Sur d’éventuels échanges islamico-portugais, voir Gerald R. Tibbetts, « The Role of Charts in Islamic Navigation in the Indian Ocean », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 2, Cartography in the Traditional Islamic and South Asian Societies, t. 1, Chicago, The University of Chicago Press, 1992, p. 256-262. Si nous avons beaucoup de preuves de ces interactions pratiques dans les itinéraires (roteiros) et les récits de voyage du xvie siècle, il n’existe pas à ce jour d’étude synthétique : voir Armando Cortesão (éd.), A Suma oriental de Tomé Pires e o Livro de Francisco Rodrigues, Coimbra, Acta Universitatis Conimbrigensis, 1978, p. 106.

36 Une bonne introduction à la logique des cartes portulans est proposée par Ricardo Padrón, The Spacious Word: Cartography, Literature, and Empire in Early Modern Spain, Chicago, The University of Chicago Press, 2004, p. 45-90. Voir aussi Catherine Hofmann, Hélène Richard et Emmanuelle Vagnon (dir.), L’âge d’or des cartes marines. Quand l’Europe découvrait le monde, Paris, BNF/Éd. du Seuil, 2012.

37 Joaquim Alves Gaspar, « From the Portolan Chart to the Latitude Chart: The Silent Cartographic Revolution », Cartes & géomatique. Revue du Comité français de cartographie, 216-6, 2013, p. 67-77 ; Joaquim Alves Gaspar et Henrique Leitão, « Early Modern Nautical Charts and Maps: Working Through Different Cartographic Paradigms », Journal of Early Modern History, 23-1, 2019, p. 1-28.

38 L’analyse classique de ce groupe social est celle d’Avelino Teixeira da Mota, « Some Notes on the Organization of Hydrographical Services in Portugal before the Beginning of the Nineteenth Century », Imago Mundi, 28, 1976, p. 51-60.

39 H. Leitão et A. Sánchez, « Zilsel’s Thesis… », art. cit., p. 203-204.

40 A. J. R. Russell-Wood, « Seamen Ashore and Afloat: The Social Environment of the Carreira da India, 1550-1750 », in An Expanding World: The European Impact on World History, 1450-1800, vol. 3, U. Lamb (dir.), The Globe Encircled and the World Revealed, Aldershot, Variorum, 1995, p. 93-110.

41 Sur les cartes portulans, voir Tony Campbell, « Portolan Charts from the Late Thirteenth Century to 1500 », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 1, Cartography in Prehistoric, Ancient, and Medieval Europe and the Mediterranean, Chicago, The University of Chicago Press, 2007, p. 371-463. L’unité du genre portulan doit être remise en question et divisée en sous-genres : voir C. Hofmann, H. Richard et E. Vagnon (dir.), L’âge d’or des cartes marines, op. cit., p. 30-36.

42 Pour une étude du recueil de cartes le plus généreusement illustré de l’époque, voir Alfredo Pinheiro Marques, Luís Filipe Thomaz et Bernardo Sá Nogeira, Atlas Miller, Barcelone, M. Moleiro, 2006.

43 Certaines influences islamiques sur le planisphère de Cantino, daté de 1502, sont à l’étude, mais elles restent d’importance limitée : voir G. R. Tibbetts, « The Role of Charts in Islamic Navigation », art. cit., p. 262.

44 Un superbe fac-similé a été édité par José Manuel Garcia, O Livro de Francisco Rodrigues. O primeiro atlas do mundo moderno, Porto, Universidade do Porto, 2008.

45 Zoltán Biedermann, « Les îles dans la cartographie portugaise de la Renaissance », in E. Vagnon et E. Vallet (dir.), La fabrique de l’océan Indien. Cartes d’Orient et Occident (Antiquité-xvi e siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017, p. 211-223.

46 Joaquim Barradas de Carvalho, « A pré-história das palavras descobrir e descobrimento, 1055-1567. Em busca da especificidade da expansão portuguesa », História, 6, 1979, p. 30-38.

47 Luís Filipe Barreto, Descobrimentos e Renascimento. Formas de ser e pensar nos séculos xv e xvi, Lisbonne, Imprensa Nacional-Casa da Moeda, 1983, p. 129.

48 Sur ces deux sous-catégories, expérientialisme, ou « empirisme sensoriel », et expérimentalisme, ou « rationalisme critique-expérientiel », voir Luís Filipe Barreto, Portugal, mensageiro do mundo renascentista. Problemas da cultura dos descobrimentos portugueses, Lisbonne, Quetzal, 1989, p. 33-34. Ces méthodes ont été comparées à celles employées par Francis Bacon, un siècle plus tard, dans le Novum organum : voir notamment Onésimo T. Almeida, « Experiência a madre das cousas – on the ‘Revolution of Experience’ in Sixteenth-Century Portuguese Maritime Discoveries and its Foundational Role in the Emergence of the Scientific Worldview », in M. Berbara et K. A. E. Enenkel (dir.), Portuguese Humanism and the Republic of Letters, Leyde, Brill, 2012, p. 375-394.

49 Si l’importance des cartes sur les navires est minimisée par F. Fernandez-Armesto, « Maps and Exploration… », art. cit., p. 749-750, plusieurs éléments montrent clairement qu’elles étaient utilisées, notamment pour les longues traversées : voir, par exemple, le commentaire de Peter Barber dans Diogo Homem, The Queen Mary Atlas, éd. par P. Barber, Londres, Folio Society, 2005, p. 23.

50 L’adjectif moderno (moderne) était courant au Portugal à l’époque, même si les années 1530 ont vu un retour aux Classiques, en particulier à la cour. Voir Zoltán Biedermann, « Imperial Reflections: China, Rome and the Spatial Logics of History in the Asia of João de Barros », in D. Couto et F. Lachaud (dir.), Empires en marche. Rencontres entre la Chine et l’Occident à l’âge moderne (xvi e-xix e siècles), Paris, École française d’Extrême-Orient, 2017, p. 23-47.

51 La nouvelle triangulation euclidienne est souvent mise en valeur par les historiens de la cartographie, mais M. Edney montre à quel point ces pratiques, enracinées dans d’anciens usages, se fondaient sur l’expérience concrète des arpenteurs et sur un ensemble de calculs limités : M. Edney, Cartography, op. cit., p. 180-181. Ainsi, le fameux « relevé » de l’Angleterre de Christopher Saxton avait en réalité été fait comté par comté et, pour une bonne part, en compilant les données existantes : Peter Barber, « Mapmaking in England, ca. 1470-1650 », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 2, op. cit., p. 1589-1669, ici p. 1628-1629 ; J. H. Andrews, « A Saxton Miscellany », Imago Mundi, 65-1, 2013, p. 87-96.

52 Il faut attendre le xviiie siècle pour que cette distinction soit explicitée par les cartographes : Lucile Haguet, « Specifying Ignorance in Eighteenth-Century Cartography, a Powerful Way to Promote the Geographer’s Work: The Example of Jean-Baptiste d’Anville », in C. Zwierlein (dir.), The Dark Side of Knowledge, op. cit., p. 358-381. Voir aussi Isabelle Laboulais (dir.), Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (xvii e-xx e siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2004. Sur le lien entre « plénitude » et « universalité », voir Jean-Marc Besse, « La géographie de la Renaissance et la représentation de l’universalité », Memorie geografiche. Supplemento alla Rivista geografica italiana, 5, 2005, p. 147-162.

53 Pour une synthèse sur la production textuelle portugaise concernant la Perse, voir João Teles et Cunha Teles, « The Eye of the Beholder: The Creation of a Portuguese Discourse on Safavid Iran », in R. Matthee et J. M. Flores (dir.), Portugal, the Persian Gulf and Safavid Persia, op. cit., p. 11-50. Sur l’écriture cartographique dans ce contexte, voir Zoltán Biedermann, « Um viajante sem mapas ? Figueroa e a cartografia da Pérsia », in R. Loureiro et V. Resende (dir.), Estudos sobre Don García de Silva y Figueroa e os « Comentarios » da embaixada à Pérsia (1614-1624), Lisbonne, Centro de História de Além-Mar, 2011, p. 367-393. Sur les cartes et la littérature portugaise, voir Neil Safier et Ilda Mendes dos Santos, « Mapping Maritime Triumph and the Enchantment of Empire: Portuguese Literature of the Renaissance », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 461-468.

54 D. Homem, The Queen Mary Atlas, op. cit.

55 Cette tradition est apparue pour la première fois dans les cartes du monde de Marino Sanuto et Pietro Vesconte avant d’être incorporée à l’Atlas catalan de 1375 (Paris, Bibliothèque nationale de France, Espagnol-30, Atlas nautique attribué à Abraham Cresques, 1375) et à la carte du monde circulaire catalane vers 1450 (Modène, Biblioteca Estense, C.G.A.1, Mappamondo catalano, 1450), où les cartographes Juan de la Cosa et Diogo Ribeiro l’ont reprise au cours de leurs travaux en Andalousie. Certains aspects de ce processus sont analysés dans Leo Bagrow, « Italians on the Caspian », Imago Mundi, 13, 1956, p. 2-10.

56 Sonja Brentjes (dir.), Travellers from Europe in the Ottoman and Safavid Empires, 16th-17th Centuries: Seeking, Transforming, Discarding Knowledge, Farnham, Ashgate/Variorum, 2010.

57 Dennis Cosgrove, « Mapping New Worlds: Culture and Cartography in Sixteenth-Century Venice », Imago Mundi, 44, 1992, p. 65-89 ; David Woodward, « The Italian Map Trade, 1480-1650 », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 773-801. Sur les techniques d’impression, voir id., « Techniques of Map Engraving, Printing, and Coloring in the European Renaissance », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 591-610. Sur la circulation des informations textuelles, pour lesquelles l’impression n’a pas forcément joué un rôle aussi révolutionnaire, voir Mario Infelise, Prima dei giornali. Alle origini della pubblica informazione, secoli xvi e xvii, Rome, Laterza, 2002 et Filippo De Vivo, Information and Communication in Venice: Rethinking Early Modern Politics, Oxford, Oxford University Press, 2007.

58 E. Horodowich, The Venetian Discovery of America, op. cit. La plus grande figure était Ramusio, avec qui Gastaldi a coopéré pour produire des cartes dans les années 1550, en accompagnement de ses Navigazioni e Viaggi : voir Marica Milanesi, Tolomeo sostituito. Studi di storia delle conoscenze geografiche nel xvi secolo, Milan, Unicopli, 1984 ; Jerome Barnes, « Giovanni Battista Ramusio and the History of Discoveries: An Analysis of Ramusio’s Commentary, Cartography, and Imagery in Delle Navigationi et Viaggi », thèse de doctorat, University of Texas at Arlington, 2007.

59 Sonja Brentjes, « Immediacy, Mediation, and Media in Early Modern Catholic and Protestant Representations of Safavid Iran », Journal of Early Modern History, 13-2, 2009, p. 173-207, ici p. 186.

60 Mark Rosen, The Mapping of Power in Renaissance Italy: Painted Cartographic Cycles in Social and Intellectual Context, New York, Cambridge University Press, 2015, p. 71-73. Voir également les études classiques de Rodolfo Gallo, « La mappa dell’Asia della Sala dello Scudo nel Palazzo Ducale e il Milione di Marco Polo », in R. Almagià (dir.), Nel vii Centenario della nascita di Marco Polo, Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 1955, p. 195-231 et A. E. Nordenskiöld, « The Influence of the ‘Travels of Marco Polo’ on Jacopo Gastaldi’s Maps of Asia », Geographical Journal, 13-4, 1899, p. 396-406.

61 La mer Rouge semble avoir été mentionnée dans une source liée à une carte commandée en 1549. On peut donc supposer que le golfe Persique y était présent et que la mer Caspienne était peut-être trop au nord pour entrer dans le cadre. La deuxième carte de Gastaldi, commandée en 1553 et destinée à la Sala dello Scudo, devait commencer à l’est de la Perse et couvrir le reste de l’Asie et de l’Amérique du Nord. Elle a survécu, même si elle fut lourdement repeinte au xviiie siècle.

62 Sur le « remplissage » des continents, voir Francesc Relaño, The Shaping of Africa: Cosmographic Discourse and Cartographic Science in Late Medieval and Early Modern Europe, Aldershot, Ashgate, 2002.

63 D. Woodward, « The Italian Map Trade… », art. cit., p. 783.

64 Une légère distorsion de la forme ovale a amené Sonja Brentjes à suggérer qu’une carte portulan non identifiée aurait servi de modèle : S. Brentjes, « Immediacy, Mediation, and Media… », art. cit., p. 186.

65 D. Couto et al. (dir.), Atlas historique du golfe Persique, op. cit., p. 98-107.

66 La carte d’Agnese (Washington DC, Library of Congress, G1001.A4 1544, Portolan atlas of 9 charts and a world map, etc., Battista Agnese, fol. 5v-6) a été publiée dans D. Couto et al. (dir.), Atlas historique du golfe Persique, op. cit, p. 110-111.

67 Il serait intéressant de produire une histoire sociale et culturelle du trait et des lignes des cartes. Sur les lignes en général, voir Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, trad. par S. Renaut, Bruxelles, Zones sensibles, [2007] 2013.

68 La carte de Vespucci (New York, Hispanic Society of America, MS. K. 42, Planisphère de Juan Vespucci, 1526) a été publiée dans D. Couto et al. (dir.), Atlas historique du golfe Persique, op. cit., p. 100-101.

69 D. Woodward, « Techniques of Map Engraving… », art. cit., p. 608.

70 M. Rosen, The Mapping of Power…, op. cit., p. 71-73.

71 Sur les eaux-fortes et les gravures, voir D. Woodward, « Techniques of Map Engraving… », art. cit., p. 596 et 599-600 sur le dessin et les traits en particulier.

72 Ernst H. Gombrich, L’art et l’illusion. Psychologie de la représentation picturale, trad. par G. Durand, Paris, Gallimard, [1960] 1987.

73 J’emprunte l’expression à E. Horodowich, The Venetian Discovery of America, op. cit., p. 92, qui l’utilise pour la cartographie vénitienne en général.

74 Tony Campbell, « Egerton MS 1513: A Remarkable Display of Cartographical Invention », Imago Mundi, 48-1, 1996, p. 93-102, ici p. 98, analyse une carte de Normandie du xvie siècle qui comprend, au sud, une représentation détaillée d’un continent imaginaire.

75 Ibid.

76 Ibid., p. 99.

77 Martin Jay, « Scopic Regimes of Modernity », in H. Foster (dir.), Vision and Visuality, Seattle, Bay Press, 1988, p. 3-23, ici p. 16.

78 Corradino Astengo, « The Renaissance Chart Tradition in the Mediterranean », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 174-237, ici p. 214.

79 Ibid.

80 Une étude à part entière serait nécessaire pour déterminer si cette analyse prouve ou infirme le raisonnement de Bruno Latour sur l’aptitude des cartes imprimées à fonctionner synthétiquement et à fusionner des informations de diverses sources. Voir Bruno Latour, « Drawing Things Together », in M. Lynch et S. Woolgar (dir.), Representation in Scientific Practice, Cambridge, MIT Press, 1990, p. 19-68, ici p. 56.

81 S. Brentjes, « Immediacy, Mediation, and Media… », art. cit., p. 186-187.

82 Ead., « The Representation of Iran in Western Maps from 1300 to 1840 », Archives internationales d’histoire des sciences, 60-165, 2010, p. 457-476 ; Fuat Sezgin, Geschichte des arabischen Schrifttums, vol. 10, Mathematische Geographie und Kartographie im Islam und ihr Fortleben im Abendland. Historische Darstellung, t. 1, Francfort-sur-le-Main, Institut für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissenschaften an der Johann Wolfgang Goethe-Universität, 2000, p. 397.

83 S. Brentjes, « Immediacy, Mediation, and Media… », art. cit., p. 186.

84 Ilona Katzew, Casta Painting: Images of Race in Eighteenth-Century Mexico, New Haven, Yale University Press, 2004 ; Yukio Lippit, « Japan’s Southern Barbarian Screens », in J. Levenson (dir.), Encompassing the Globe: Portugal and the World in the 16th & 17th Centuries, Washington, The Arthur M. Sackler Gallery, Smithsonian Institution, 2007, p. 343-353. Voir aussi, sur le Codex casanatense réalisé à Goa au milieu du xvie siècle, le dossier coordonné par Ernst van den Boogaart (dir.), no spécial « The Codex Casanatense 1889: Open Questions and New Perspectives », Anais de História de Além-Mar, 13, 2012.

85 Sur ce « moment classique », consulter la bibliographie dans Z. Biedermann, « Imperial Reflections… », art. cit., p. 44-47.

86 Susana Biadene (dir.), Carte da navigar. Portolani e carte nautiche del Museo Correr 1318-1732, Venise, Marsilio, 1990, en particulier Ugo Tucci, « La carta nautica », p. 9-19. Voir aussi Leo Bagrow (dir.), History of Cartography, Cambridge, Harvard University Press, 1964, p. 105-106 et 118 ; C. Astengo, « The Renaissance Chart Tradition… », art. cit.

87 Marica Milanesi, « La cartografia italiana nel medioevo e nel rinascimento », in La cartografia Italiana. 3er curs : 17, 18, 19, 20 i 21 de febrer de 1992, Barcelone, Institut cartograàfic de Catalunya, 1993, p. 15-80, ici p. 52 et 55.

88 D. Cosgrove, « Mapping New Worlds », art. cit., p. 69.

89 Sur la réception de Ptolémée, voir Zur Shalev et Charles Burnett (dir.), Ptolemy’s “Geography” in the Renaissance, Londres/Turin, Warburg Institute/Nino Aragno, 2011. Un regard plus critique est porté par Patrick Gautier Dalché, « The Reception of Ptolemy’s Geography (End of the Fourteenth to Beginning of the Sixteenth Century », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 1, op. cit., p. 285-364, ici p. 333-332.

90 Juergen Schulz, « Jacopo de’ Barbari’s View of Venice: Map Making, City Views, and Moralized Geography before the Year 1500 », The Art Bulletin, 60-3, 1978, p. 425-474 ; Angelo Cattaneo, Fra Mauro’s Mappa Mundi and Fifteenth Century Venice, Turnhout, Brepols, 2011.

91 D. Cosgrove, « Mapping New Worlds », art. cit., p. 68 et 70. Sur l’opposition, très discutée, entre la peinture néerlandaise « descriptive » et la peinture italienne « narrative », voir Svetlana Alpers, The Art of Describing: Dutch Art in the Seventeenth Century, Chicago, The University of Chicago Press, 1983.

92 Sur la logique de « mise à jour » de Ptolémée dans les cartes, voir l’étude exemplaire de F. Relaño, The Shaping of Africa…, op. cit. ainsi que Jean-Marc Besse, Les grandeurs de la terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance, Lyon, ENS Éditions, 2003.

93 D. Woodward, « The Italian Map Trade… », art. cit., p. 787.

94 Ibid., p. 790.

95 D. Cosgrove, « Mapping New Worlds », art. cit., p. 69.

96 D. Woodward, « The Italian Map Trade… », art. cit., p. 787.

97 Ibid., p. 790 (souligné dans le texte).

98 Ibid., p. 788.

99 Pour les liens entre la rhétorique de la nouveauté et la transition vers la culture de l’imprimé, voir Ezio Ornato, « Les conditions de production et de diffusion du livre médiéval (xiiie-xve siècles). Quelques considérations générales », in E. Ornato (dir.), La face cachée du livre médiéval. L’histoire du livre vue par Ezio Ornato, ses amis, ses collègues, Rome, Viella, 1997, p. 97-116.

100 D. Woodward, « The Italian Map Trade… », art. cit., p. 790.

101 Sur l’atlas en tant que forme cartographique, voir James Akerman, « On the Shoulders of a Titan: Viewing the World of the Past in Atlas Structure », thèse de doctorat, Pennsylvania State University, 1991 ; Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, Paris, Éd. de Minuit, 2011 ; Jean-Marc Besse, Face au monde : atlas, jardins, géoramas, Paris, Desclée de Brouwer, 2003.

102 Sur le « grain », voir la note 24.

103 D. Woodward, « The Italian Map Trade… », art. cit., p. 784.

104 Peter H. Meurer, Fontes cartographici Orteliani. Das « Theatrum orbis terrarum » von Abraham Ortelius und seine Kartenquellen, Weinheim, VCH, 1991, p. 71.

105 Cornelis Koeman et al., « Commercial Cartography and Map Production in the Low Countries, 1500–ca. 1672 », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 2, op. cit., p. 1296-1383 ; Kees Zandvliet, « Mapping the Dutch World Overseas in the Seventeenth Century », in J. B. Harley et D. Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, t. 2, op. cit., p. 1433-1462.

106 Certaines de ces difficultés sont discutées par D. Woodward, « Techniques of Map Engraving », art. cit., p. 608.

107 Même s’ils ont fait l’objet d’un magnifique article en 1956, aucune étude récente n’existe sur cette tradition de dessins : L. Bagrow, « Italians on the Caspian », art. cit.

108 Londres, British Library, Map Collections, Egerton MS 73, Cornaro Atlas, 1489-1492 ; Londres, British Library, Egerton MS 2803, Atlas of Portolan Charts, 1508-1510.

109 À propos de ce manuscrit, voir Tony Campbell, « A Note on the Cornaro Atlas », Map History/History of Cartography, 2011, www.maphistory.info/PortolanAttributions.html#cornaro.

110 Deux de ces recueils ont survécu. Ils sont conservés à la Biblioteca Teresiana de Mantoue (MS 646) et au National Maritime Museum de Greenwich, Londres (P/36). Sur les Freducci, voir C. Astengo, « The Renaissance Chart Tradition… », art. cit., p. 220-221.

111 T. Campbell, « Egerton MS 1513 », art. cit., p. 99.

112 P. Burke, A Social History of Knowledge, op. cit.

113 Erich Woldan, « A Circular, Copper-Engraved, Medieval World Map », Imago Mundi, 11-1, 1954, p. 12-16.

114 M. Rosen, The Mapping of Power…, op. cit., p. 79-89.

115 Ortelius avait dédicacé son Theatrum au roi en 1570 et le géographe le plus érudit du monarque, Benito Arias Montano, avait correspondu avec l’imprimeur anversois pour améliorer certaines cartes.