Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Selon la légende, le lieutenant Jacques Péricard et ses camarades du 95e régiment d'infanterie se trouvèrent engagés dans un combat désorganisé mais fatal dans le bois d'Ailly, le 8 avril 1915. lis reprirent une partie de leur tranchée, qui avait été conquise par les Allemands, pour découvrir que leur position formait un petit redan, presque encerclé par l'ennemi. Alors que les grenades et l'artillerie commençaient à tomber autour d'eux, Péricard vit une échappatoire: un boyau de tranchee a environ trente metres. Prenant de grands risques, Pericard courut à la tranchée, qui était remplie de cadavres français couverts de sang. II regarda les visages torturés des morts, et se demanda si leur sacrifice etait vain. Soudain, pris de colère, il cria aux morts : « Oh là, debout ! Qu'est-ce vous f… par terre ? Levez-vous et allons f… ces cochons-là dehors ! ».
Secular French war writers employed a variety of strategies to solve an unsolvable problem — how to guarantee the survival of identity in the face of the constant threat of mutilation, fragmentation, and death in the war of the trenches. "Dualists" such as Rene Benjamin, Henry Barbusse, and Maurice Barrès sought some form of autonomous metaphysical identity, so that the body could serve as the mobilized shell of the self. "Materialists" tried to understand body and identity as both survived the war. Jean Bernier sought a violent form of closure through the literary killing of a surrogate materialist identity created by the war. Drieu La Rochelle wrote of a foredoomed search for somatic transcendence. Blaise Cendrars recounted an agonized search for self-acceptance in the body as the war had marked it. Dualist and materialist solutions help illustrate the myriad ways individuals interiorized violence and brutality during World War I.
1. Prèface de Maurice Barrès à Jacques Péricard,fac.àface : souvenirs et impression.d'un soldat de la Grande Guerr.,Paris, Payot, 1917, p. 15. La prèface est une réimpression de l'article de Barrès dansL'.Écho de Pari.,17 novembre 1915. Barrès a prévu simplement de rapporter la version de l'histoire de Péricard.
2. Id.
3. Id.
4. Ibid.,p. 16.
5. Id.
6. Les réponses religieuses au problème du corps et de l'identité proviennent d'une tradition tellement riche, spécialement celle du catholicisme romain, qu'elles méritent leur propre exploration. Sur la tradition médiévale chrétienne, voir Bynum, Carolyn Walker, « Material Continuity, Personal Survival and the Resurrection of the Body: A Scholastic Discussion in Its Medieval and Modern Contexts », dans Fragmentation and Redemption: Essays on Gender and the Human Body in Medieval Religion, New York, Zone Books, 1992, pp. 239–297 Google Scholar.; etThe Resurrection of the Body in Western Christianity, 200-133.,New York, Columbia University Press, 1995. Le travail de Bynum contribue à éclairer les questions posées dans cet article et m'a apporté de nombreux points de rèpere tout au long de cette littérature philosophique extrêmement complexe.
7. Une synthèse remarquablement accessible du débat sur la personne et la survie matérielle se trouve dans Perry, John, A Dialogue on Personal Identity and Immortality, Indianapolis, Hackett Publishing Company, 1978 Google Scholar.
8. Voir John Locke,An Essay Concerning Human Understandin.(1694) ; et David Hume,A Treatise of Human Natur.(1730).
9. Swinburne, Richard, « Personal Identity: The Dualist Theory », dans Sidney Showmaker et Richard Swinburne, Personal Identity, Oxford, Basil Blackwell, 1984, p. 12 Google Scholar.
10. Sur l'Union sacrée, voir Jean-Jacques Becker,1914 : comment les Francais sont ent.é.dans la guerr.,Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1977, spécialement pp. 369-485.
11. Pour ce qui concerne le Moyen Age, Kantorowicz, voir Ernst, The King's Two Bodies: A Study in Medieval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957 Google Scholar. Sur l'adaptation de cette thèse alors que la souveraineté était transférée aux citoyens individuels à l'époque de la Révolution franchise, Outram, voir Dorinda, The Body and the French Revolution, New Haven, Yale University Press, 1989, pp. 75–76 Google Scholar.
12. René Benjamin,Les soldats de guerre : Gaspar.,Paris, Fayard, 1915. Ce livre a obtenu le premier Prix Goncourt distribué depuis de début de la guerre, et selon Jean Norton Cru, il a été vendu environ 168 000 exemplaires.émoins: essai d'analyse et de critique des sousouvenir.de combattant.édi.és en francais de 1915 à 192.,Paris, Les Étincelles, 1929, p. 568.
13. Gaspard prétend avoir luLes Mi.érable.sept fois.Ibid.,p. 227.
14. Ibid.,p. 32.
15. Ibid.,p. 283.
16. Ibid.,p. 291.
17. Ibid.,p. 294.
18. Henri Barbusse,Le Feu: journal d'une escouad.,Paris, Flammarion, 1916. Les citations renvoient à l'édition du Livre de Poche publiée par Flammarion en 1965.Le Fe. a été le plus grand best-seller parmi les romans de la première guerre mondiale, et a été vendu à 300 000 exemplaires en deux ans de publication. Voir Martin, Henri-Jean, Roger Chartier et Jean-Pierre Vivet (éds), Histoire de l’ édition francaise, t. IV, Le livre concurrencé, 1900-1950, Paris, Primordis, 1986, p. 196 Google Scholar.
19. Le Fe.a été publié sous forme de série au début aout 1916, et en version complète en Janvier 1917. II fut done publié à un moment de changement rapide de la perception publique de la guerre, la phase ultérieure et les suites du siege de Verdun.
20. Au Moyen Age, on avait souvent imaginé l'Enfer comme un lieu de fragmentation perpetuelle du corps, et de la digestion des parties du corps. Voir C. W. Bynum,Resurrectio.of the Body…, op. cit.,spécialement pp. 291-294.
21. Barbusse retrace l'histoire de Jésus en tant que martyre socialiste dans.ésu.,Paris, Flammarion, 1927. Voir Winter, également Jay, Sites of Memory, Sites of Mourning: The Great War in European Cultural History, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, pp. 178–186 Google Scholar. et Casabielhe, Olivier, «Le Feu: roman de la Grande Guerre », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 179, 1995, pp. 131–145 Google Scholar.
22. H. Barbusse,Le Feu, op. cit.,p. 430.
23. Ibid.,p. 197.
24. Ibid.,pp.288, 350-351.
25. Ibi.,pp. 299-300.
26. Ibid.,chapitre 21, « Le poste de secours », pp. 350-371.
27. La remobilisation du sexe masculin comme tel dansLe Fe.est examinée dans Leonard V. Smith, « Masculinity, Memory, and the French First World War Novel: Henri Barbusse and Roland Dorgelès », dans Frans Coetzee et Marilyn Shevin-Coetzee (éds),Authority.Identity, and the Social History of the Great Wa.,Providence-Rhode Island, Berghahn Books, 1995, pp. 251-273.
28. Voir exemple, par, les essais de guerre de Barbusse réimprimés dans Paroles d'un combattant, Paris, Flammarion, 1920 Google Scholar.
29. H. Barbusse,Le Feu, op. cit.,p. 340.
30. Ainsi, les Aztèques garantissaient-ils la survie individuelle après la mort seulement à ceux qui étaient morts à la guerre, pendant un accouchement, ou qui s'étaient soumis à un sacrifice humain, et encore ne le faisaient-ils que sous forme non humaine, tels un oiseau ou une fleur. Voir Duverger, Christian, « The Meaning of Sacrifice », dans Michel Feher avec Ramona Naddaff et Nadia Tazi (éds), Fragments for a History of the Human Body, Part III, New York, Zone Books, 1989, pp. 366–385 Google Scholar.
31. Voir « Nous voulions glorifier les morts et les survivants de la victoire », 3 septembre 1915, dansChronique de la Grande Guerr.,14 vols, Paris, Plon, 1920-1939, vol. VI, p. 52. Ceci est la version complète des écrits de guerre de Barrès. Sur le culte des morts au 19°siècle, voir Kselman, Thomas A., Death and the Afterlife in Modern France, Princeton, Princeton University Press, 1993, chapitre 3 Google Scholar. Sur le catholicisme et la première guerre mondiale, voir Becker, Annette, La guerre et la foi: de la mort à la mémoire, Paris, Armand Colin, 1994 Google Scholar. et lacques Fontana,Les catholiques fra.çais pendant la Grande Guerr.,Paris, Éditions du Cerf, 1990. De surcroît, la plupart des catholiques croyait que le cadavre gardait des aspects de la vie dans la pé.riode entre la mort de I'individu et le Jugement dernier. Voir Philippe ArièS,L'homme devant la mor.,Paris, Éditions du Seuil, 1977, ch. 8.
32. « Le respect des families », 20 juin 1915,Chronique de la Grande Guerr.,vol. V, p. 104.
33. « Le suffrage des morts », 2 février 1916, dansLe suffrage des mort.,Paris, Émile- Paul Frères, 1919, p. 205.
34. Ibid.,p. 206.
35. Ibid.,p. 207.
36. Voir Kselman, T. A., Death and the Afterlife…, op. cit., ch. 4 : « Alternative Afterlives in the Nineteenth Century »Google Scholar. et Winter, J., Sites of Memory…, op. cit , ch. 3 : « Spiritualism and the “ Lost Generation “» Google Scholar.
37. C. W. Bynum,op. cit.
38. Voir Williams, Bernard, Problems of the Self: Philosophical Papers, 1956-1972, Cambridge, Cambridge University Press, 1973 Google Scholar.
39. Voir Swinburne, R., The Evolution of the Soul, Oxford, Clarendon Press, 1986, pp. 9–10, 145-16Google Scholar.
40. Ibid.,p. 9.
41. Voir exemple, par, sous-lieutenant Guy Hall É, Là-bas avec ceux qui souffrent, Paris, Librairie Gamier Frères, 1917, pp. 33–34 Google Scholar.
42. Jean Bernier,La percé.,Paris, Albin Michel, 1920.
43. Ibid.,p. 68.
44. Ibid.,p. 12.
45. Ibid.,pp. 23-24.
46. Ibid.,p. 220.
47. Ibid.,p. 234.
48. Ibid.,p. 237.
49. Ibid.,pp. 251-252.
50. Ibid.,p. 248.
51. Ibid.,p. 253.
52. Ibid.,p. 256.
53. Id.
54. Dans sa première grande publication,Interrogation: p.ème.,Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1917, Drieu écrivit: « Je veux la comprendre avec mon corps./ Nécessité alimentaire : là-bas je vais chercher ma vie, la vie de ma pensée » (p. 9).
55. La co.édie de Charlero.,Paris, Gallimard, 1960 [publiée à l'origine en 1934], p. 19.
56. Ibid.,p. 61. Les ellipses sont miennes.
57. Id.
58. Ibid.,p. 31.
59. Ibid.,p. 59. Les implications psychoanalytiques du lien entre la sexualité et le combat chez Drieu sont explorées dans Soucy, Robert, Fascist Intellectual: Drieu La Rochelle, Berkeley, University of California Press, 1979 Google Scholar.
60. La co.édie de Charleroi, op. cit.,pp. 59-60.
61. Ibid.,p. 69.
62. Ibid., p.85.
63. « Le Lieutenant de tirailleurs »,ibid.,p. 201.
64. On peut facilement dater ses manuscrits, avant ou après 1915, parce qu'après son amputation, il dut apprendre à écrire de la main gauche. Bochner, Jay, Blaise Cendrars: Discovery and Re-creation, Toronto, University of Toronto Press, 1978, p. 58 Google Scholar.
65. La main cou.é.,Paris, Éditions Denoël, 1946. Les citations ici proviennent de l'édition Folio publiée par Denoël en 1991. Au debut de la deuxieme guerre mondiale, Cendrars servit comme journaliste pour l'armée britannique. Apres la bataille de France, il se retira à Aixen- Provence, où il n'écrivit rien entre juin 1940 et août 1943. Mais bientôt il se remit à écrire de maniere prolifique, et publia quatre livres autobiographiques en quatre ans après la fin de la guerre,L'homme foudroyé.(1945),La main coupé.(1946),Bourlingue.(1948), etLe lotissement du de.(1949).
66. La main coupée, op. cit.,p. 126.
67. Ibid.,pp. 129-130.
68. Ibid.,p. 131.
69. Ibid.,p. 136. Les ellipses sont miennes.
70. Ibid.,p. 132.
71. Ibid.,p. 409.
72. Ibid.,p. 410.
73. Horne, John, « Introduction: Mobilizing for “ Total War”, 1914-1918 », Horne, dans J. (ed.), State, Society and Mobilization in Europe during the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 3 CrossRefGoogle Scholar.
74. Stéphane Audoin-Rouzeau et Becker, Annette, « Violence et consentement: la “ culture de guerre “ du premier conflit mondial », dans Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (éds), Pour une histoire culturelle, Paris, Éditions du Seuil, 1997, p. 257 Google Scholar.