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La vie apostolique en Aquitaine en l'an mil. Paix de Dieu, culte des reliques, et communautés hérétiques

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Richard Landes*
Affiliation:
Boston University

Extract

En 1028, selon le chroniqueur Adémar de Chabannes, le vieux duc d'Aquitaine Guillaume V (993-1029) convoqua un concile à Charroux afin de «confirmer la paix et le respect de l'Église et d'exterminer l'hérésie manichéenne qui se répandait parmi le peuple». La même année, il présida avec onze évêques aquitains à la dédicace de la basilique royale de Saint-Martial de Limoges. Cette cérémonie eut lieu devant d'énormes foules enthousiasmées par ce saint qu'on pensait être le cousin de Pierre et compagnon de Jésus, et elle eut tant de succès que l'année suivante les moines de Saint-Martial tentèrent d'inaugurer une liturgie apostolique pour leur saint patron. Étant donné que les mêmes dirigeants de la société aquitaine se trouvaient dans la même année dans ces deux assemblées à cent kilomètres l'une de l'autre, on doit se demander quel lien unissait ces deux phénomènes apparemment si différents: un concile de paix anti-hérétique et une liturgie de reliques apostoliques. La réponse, comme nous le verrons, réside dans l'analyse d'un fait encore mal connu, et encore moins compris: l'échec dramatique de la liturgie apostolique le 3 août 1029.

Summary

Summary

This article takes up the early eleventh century dossier on “heresy” in Aquitaine (Ademar of Chabannes, Jean of Ripoll, and two newly uncovered texts), placing it in the context of the mass religious movements of the time, especially the Peace of god. The article suggests that these heresies are best understood as “apostolic communities”, sharing with many Christians of the generation a passion for the historical Jesus and his disciples (Jerusalem pilgrimage, “apostolic cults” like St. Martial, John the Baptist), and producing a religiosity related to Judaism (messianism, iconoclasm, community autonomy). This perspective permits a broad socio-religious reinterpretation of the upsurge of “popular heresy” after the year 1000, and helps understand the ecclesiastical reaction which began to persecute both Jews (1010) and Christian dissidents (1022).

Type
Mentalités Médiévales
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1991

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References

Notes

* Cet article reprend des thèmes déjà exposés dans « The Dynamics of Heresy and Reform: A Study of Popular Participation in the “ Peace of God ” (994-1033) », dans Essays on the Peace of God: The Church and the People in Eleventh Century France Head, T. et Landes, R. éds, Historical Reflections/Réflexions historiques, 14:3, 1987, pp. 467511.Google Scholar Je tiens à remercier mes collègues et l'administration de l'Université de Pittsburg pour leur soutien moral et financier, Jean- Loup Lemaître, Jean-Claude Picard, Catherine Paupert, et tous les membres du Canal pour leur invitation à présenter mes recherches à Paris et pour la possibilité qui m'a été offerte de publier une étude sur la Vita Prolixior ainsi que la première traduction française du texte par Mme Paupert (voir n.13).

1. Ademar, Historia 111,69.

2. Voir Lambert, Malcolm, Médiéval Heresy: Popular Movements from Bogomil to Hus Londres, 1977, chap. 2Google Scholar; Blôcker, Monica, «Zur Hàresie im 11. Jahrhundert », Schweizerische Zeitschrift für Kirchengeschichte, 13: 3-4, 1979, pp. 193234 Google Scholar; et Cracco, Giorgio, « Un problema sempre aperto: l'origine dell'eresia médiévale », Cultura e Scuola, 79,1981, pp. 102112.Google Scholar Russeix, Seul Jeffrey Burton soutient l'idée d'une importante activité hérétique dans le Haut Moyen Age, Dissent and Reform in the Early Middle Ages, Berkeley, University of Chicago Press, 1965 Google Scholar, position peut-être trop facilement rejetée.

3. Havet, J., «L'hérésie et le bras séculier au Moyen Age jusqu'au treizième siècle», Bibliothèque de l'École des chartes, 41, 1880, pp. 449502.Google Scholar

4. Ces conclusions semblent plus caractéristiques de ceux qui traitent la longue durée — par exemple Moore, R. I., Origins ofEuropean Dissent, Oxford, 1979, pp. 3845 Google Scholar; Lambert, Malcolm, Médiéval Heresy, op. cit., New York, pp. 3336 Google Scholar — que de ceux qui se limitent au xie siècle — R. Fossier, « Les mouvements populaires en Occident au xie siècle », Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (comptes rendus des séances de l'année 1971), pp. 257-269; et Musy, Jean, « Mouvements populaires et hérésies au xie siècle en France », Revue historique, 253, 1975, pp. 3376.Google Scholar

5. Voir, par exemple, les épithètes qu'il lance contre Benoît de Cluse après leur débat sur l'apostolicité, BN lat., 5288, f. 51-8, ms. autographe, édité dans Migne, PL 141; et bientôt dans le CCCM parmi les oeuvres d'Ademar.

6. Malcolm Lambert, Médiéval Heresy, op. cit. p. 36.

7. Voir plus bas.

8. Surtout le travail de Nelson, Janet, « Society, Theodicy and the Origins of Heresy: Towards a Reassessment of the Médiéval Evidence », dans Schism Heresy and Religious Protest, Studies in Church History, Baker, D. éd., Oxford, 1972, pp. 6577 Google Scholar; Asad, Talal, «Médiéval Heresy: an Anthropological View », Social History, 11, 1986, pp. 345362 Google Scholar; Stock, Brian, The Implications of Literacy, Written Language and Models of Interpretation in the Ilth and 12th Centuries, Princeton, 1983, pp. 92154 Google Scholar; PoLY, J.-P. et Bournazel, E., La mutation féodale, Paris, 1980, p. 382 Google Scholar; Cracco, cité n. 2.

9. C'est la lignée d'études qui vont de Mackinney, L., « The People and Public Opinion in the Eleventh Century Peace Movement», Spéculum, 5, 1930, pp. 181206 Google Scholar, et Töpfer, B., Volk und Kirche zur Zeit des beginninden Gottesfriedensbewegung im Frankreich, Berlin, 1957 Google Scholar, à Duby, Georges, « Les laïcs et la Paix de Dieu », dans Hommes et structures du Moyen Age, Paris, 1973, pp. 227240 Google Scholar; aux publications récentes de Lauranson-Rosaz, C., Debord, A., Landes, R., Callahan, D. et Head, T., dans The Peace ofGod, Head, T. et Landes, R. éds, Cornell University Press, 1992.Google Scholar

10. G. Duby, « Laïcs… », op. cit. p. 228.

11. Ademar De Chabannes, Historia III, 35; Chavanon éd., p. 158.

12. Goff, Jacques LE, La civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1985, p. 248.Google Scholar

13. Pour ce qui suit, voir l'analyse plus détaillée dans Landes, R., Naissance d'apôtre: les origines de la Vita Prolixior de Saint-Martial de Limoges au XIe siècle, Brepols, Atelier du Canal, à paraître (1992)Google Scholar, et James Grier, «Ecce sanctum quem deus elegit Marcialem apostolum Ademar of Chabannes and the Tropes for the Feast of Saint Martial », dans Beyond the Moon: Festschrift Luther Dittmer Bryan Gillingham et Paul Merkley éds, Wissenschaftliche Abhandlungen, 53, Ottowa Institute of Médiéval Music, 1990, pp. 28-74.

14. Ces thèmes se retrouvent à la fois dans les sermons d'Adémar et dans la liturgie de l'abbaye; voir Callahan, Daniel, « The Sermons of Ademar of Chabannes and the Cuit of Saint Martial of Limoges », Revue bénédictine, 86, 1976, pp. 251295 CrossRefGoogle Scholar; « The Peace of God and the Cuit of the Saints in Aquitaine in the Tenth and Eleventh Centuries », dans The Peace ofGod, op. cit. pp. 445-466.

15. Voir, par exemple, l'histoire de Hildebert et du démon Rixoaldus, chef d'une bande diabolique qui aime semer la haine et la violence, chap. 15, Édition Surius, Deprobatissanctorum vitis 1618, p. 369. Une nouvelle édition de la Vita Prolixior est en préparation pour le CCCM; pour une traduction française, voir l'appendice de C. Paupert, à Naissance d'apôtre.

16. BN lat., 2469, f° 31v°; cité par D. Callahan « Sermons », p. 284, n. 5. Ailleurs, Ademar compare ceux qui portent des cadeaux à saint Martial aux enfants d'Israël qui portent des offrandes pour construire l'arche d'Alliance (2469, f° 41v°-42r°).

17. Brown, Peter, The Rise of the Saints: Its Rise and Function in Latin Christianity Chicago, 1981, pp. 102127 Google Scholar (traduction frse, Le culte des saints Paris, Cerf, 1984).

18. Voir la « Malédiction de St. Martial », BN lat., 5 II f° 220r°-v°, datée du tournant du xe XIe siècle, donc à situer dans le contexte du mouvement de la Paix: Little, Lester, « Formules monastiques de malédiction aux ixe et xe siècles », Revue Mabillon, 58, 1975, pp. 377399.Google Scholar

19. Ces constatations ont dû attendre l'analyse de Mgr Saltet qui, dans une série d'articles publiés dans le Bulletin de littérature ecclésiastique entre 1925 et 1931, discerna les multiples strates de faux et de fictions chez Ademar.

20. Bien qu'à la fin du xixe siècle la critique de Mgr Duchesne dénia toute prétention apostolique à saint Martial, il fallut attendre Saltet pour apprendre que les contemporains d'Adémar avaient rejeté ces revendications. Pourtant aujourd'hui encore certains médiévistes ne tiennent pas compte du travail de Saltet, voir Landes, R., «A Libellus from St. Martial of Limoges Written at the Time of Ademar of Chabannes: “ Un faux à retardement », Scriptorium, 37: 2, 1983, p. 195, n. 68CrossRefGoogle Scholar. Il n'y a que la toute dernière édition des actes pontificaux qui reconnaissent la lettre de Jean XIX comme un faux, Zimmermann, Papsturkunden n° 591, pp. 1114-1117.

21. Par exemple B. Töpfer, Volk und Kirche p. 46.

22. Trois fois par Ademar (Annales de Limoges ad an. 1018; Commemoratio abbatum; Historia III, 49); et deux fois par Bernard Itier.

23. En latin classique: tout de suite après; dans l'usage d'Adémar: en conséquence de…; voir «Dynamics», p. 501, n. 114.

24. La conjonction causale entre les deux incidents fut gommée par Ademar dans ses deux versions postérieures, d'où l'ignorance des historiens qui dépendent des éditions modernes (Waitz et Chavanon) du lien que le chroniqueur sentait, et que ses collègues à Saint-Martial n'ont apparemment pas apprécié (voir «Dynamics», pp. 501-503).

25. Voir la belle histoire de Raoul Glaber au sujet de l'église de Saint-Juste, bâtie pour de fausses reliques, mais dédiée quand même par les autorités pour ne pas décevoir l'enthousiasme populaire (Historiarum libri quinque III).

26. Historia III, 49.

27. Pour Orléans et Toulouse, Historia III, 59; ou Charroux, III, 69 non daté.

28. «… a shortage of information or possible inaccuracy of the chronicler prohibits detailed analysis», M. Lambert, MédiévalHeresy, op. cit. p. 29

29. Publié par Redet dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest 1847, p. 80.

30. Texte et traduction chez Bautier, R. H. et Labory, G., André de Fleury, Vie de Gauzlin, abbé de Fleury, Paris, 1969, pp. 180183.Google Scholar

31. BN lat., 1745, f° 31. Pour les détails de ce texte et son traitement par les historiens, voir G. Lobrichon, «Le clair-obscur de l'hérésie au début du xie siècle en Aquitaine: une lettre d'Auxerre», dans Essays on the Peace of God pp. 423-444, version anglaise révisée dans The Peace of God, op. cit.

32. Voir plus bas.

33. La chasse aux hérétiques dans les milieux cléricaux a bien été constatée mais n'a pas été reliée aux mouvements plus populaires (par exemple R. H. Bautier, «L'hérésie d'Orléans», pp. 63-88; J.-P. Poly et E. Bournazel, Mutation pp. 385-387). Lors d'un synode (imaginaire?), Adémar avertit les prêtres qu'approfondir certains secrets peut mener à l'hérésie, BN lat., 2469, Delisle, p. 254.

34. La formule n'est pas nouvelle, mais les autres cas indiquent le plus souvent les faux prophètes de l'Apocalypse: par exemple GRÉGoire DE Tours au sujet du faux Christ de Bourges (Hist. franc X, 25); Raoul DE Fulda sur laprophétesseThiota(yl«na/e5c/eF«Wa, ad an. 848); cf. aussi les cas des Montanistes (Eusebe, Hist. eccl. V, 16); et le faux Christ d'Espagne ( Severus, Sulpicius, Vita sci martini, 24, 1-2; éd. SC 133, p. 306 Google Scholar).

35. « Quam rem in vestro episcopatu sive abatias diligenter guérite ne aliquis sub specie vane religionis in hoc crimine lateat, quod absit ! » R. H. Bautier, André de Fleury p. 182. Le refus de mariage n'aurait aucun sens comme schiboleth de l'hérésie, si elle ne se trouvait que dans les abbayes, et parmi les clercs de l'évêché.

36. Lettre d'Héribert, I.

37. Les mentions du rejet du mariage, et de nourriture «créée par Dieu pour les hommes», rejoignent les phrases de I Tim. 4: 1-5.

38. La référence aux novissimis temporibus est claire. En revanche en parler trop ouvertement — tel Raoul Glaber qui dénonce les hérésies de l'époque comme l'oeuvre de Satan après mille années de Révélation — serait transgresser les interdits de la tradition anti-apocalyptique de l'Église latine, imposée par Augustin, qui n'autorise pas à interpréter les événements courants en termes de scénario eschatologique (Robert Markus, Saeculum: History and Society in the Thought ofSt. Augustine Cambridge, 1970); une interdiction qui eut des conséquences sur la production historiographique du Haut Moyen Age: R. Landes, « Let the Millennium be Fulfilled: Apocalyptic Expectations and the Patterns of Western Chronography, 100-800 CE », The Use and Abuse of Eschatology in the Middle Ages Verbekec?, W. aliiéd., Leyde, 1988, pp. 156168 Google Scholar (pour Augustin et l'historiographie), pp. 205-208 (pour les définitions).

39. Guy Lobrichon a fait l'analyse de l'écran polémique qui semble gouverner la composition de ce texte, et surtout de son inclusion dans un corpus de textes des ixe-début xie siècles à Auxerre, identifiant ainsi les préoccupations des moines réformateurs de Bourgogne (cité n. 31), pp. 423- 444. Je me penche ici sur l'aspect tout aussi frappant du texte: l'absence relative de polémique contre les « hérétiques ».

40. Les écrivains qui, au xne siècle, reprirent cette lettre, ont laissé tomber cette invocation si insolite et si gênante (G. Lobrichon, « Le clair-obscur… », p. 429).

41. C'est peut-être la nature d'une lettre circulaire d'avertissement (voir aussi la lettre de Jean) que de décrire l'ennemi qu'elle cherche à dévoiler. En revanche, l'historien ou le notaire peuvent diffamer l'ennemi à volonté.

42. A Orléans, les « hérétiques » se réjouissent de pouvoir expliquer au roi leurs croyances, persuadés qu'ils sont de le convaincre. A Arras les paysans semblent moins confiants de leur succès, mais tout aussi convaincus que leur croyance est une vérité chrétienne irréfutable.

43. A part ceux qui sont des discours sur tout autre chose, par exemple Glaber sur Orléans et Montfort.

44. Selon l'évêque Gérard, les hommes d'Arras étaient instruits dans les préceptes des Évangiles et des apôtres, et ne recevaient aucune autre écriture, mais à ceci ils tenaient en paroles et en gestes; selon Raoul, Leutard abandonna sa femme, comme poussé par un précepte évangélique ﹛Hist. II, 11; Prou, p. 49).

45. Il est à noter que les manichéens de l'époque d'Augustin sont des intellectuels, bien loin des pratiques religieuses (et mêmes des crimes) qu'Adémar leur attribue.

46. Brian Stock, The Implications ofLiteracy, op. cit. pp. 88-154.

47. Cet aspect n'est pas traité directement par B. Stock dans sa discussion théorique, mais chaque exemple qu'il traite prouve que, soit explicitement comme loi, ou implicitement comme nécessité morale, ces textes servent cette fonction.

48. « S'il advenait qu'une personne ignare et balbutiante se joignait aux partisans de cette erreur, du coup il devenait plus éloquent même que le plus érudit des catholiques, au point que la vraie éloquence de ceux-ci semblait sombrer devant leurs bavardages » (lettre de l'évêque Wazon de Liège à l'évêque Roger de Chalons, 1043-8, PL 142, col. 751).

49. Duby, Georges, Les trois ordres, pp. 35-61, 162-205; pour une vue d'ensemble des idéologies aristocratiques, voir John Kautsky, The Politics of Aristocratie Empires, Chapel Hill, 1982.Google Scholar

50. Étant donné les difficultés que pose l'emploi de la dichotomie de Troeltsch: «secte» et « église » (L ‘enseignement social des églises chrétiennes; critiqué par Wilson, Bryan R., Religious Sects: A Sociological Study, Londres, 1970, pp. 1435 Google Scholar), et l'avantage de la notion de «communautés textuelles » qui précise une des dynamiques centrales dans la formation de ces groupes, le terme de Stock me semble plus utile. On pourrait définir les sectes comme étant des communautés textuelles à égalitarisme radical.

51. Ceci n'exclut pas bien sûr d'autres textes, surtout la moralité des sermons de Jésus. Mais aussi, comme l'a remarqué Stanislaw Trawlowski, il y eut durant cette période une circulation importante de textes apocryphes apostoliques (” Entre l'orthodoxie et l'hérésie: Vita apostolica et le problème de la désobéissance», The Concept of Heresy in the Middle Ages Louvain, 1976, pp. 157-166).

52. Fossier, Robert, L'enfance de l'Europe: aspects économiques et sociaux, Paris, 1982, pp. 303304 Google Scholar; Brian Stock, Implications pp. 99-101.

53. Donc, déjà «ventilée par les saints Pères et brillamment réfutée par leurs sentences». Anselme, Gesta episcoporum Leodiensum 63, MGH SS, VII, 227.

54. Dhondt, J. et Rouche, M., Le Haut Moyen Age (VIIIe -XIe siècles), Paris, Bordas, 1968, p. 253.Google Scholar

55. Voir les remarques et la bibliographie de B. Stock et R. Fossier.

56. Récemment, M. Lambert, Médiéval Heresy, op. cit. pp. 7-36; Poly et Bournazel, Mutation, op. cit. pp. 396-415.

57. Voir B. Stock, op. cit. n. 8.

58. Le problème est analogue pour d'autres phénomènes du xie siècle: par exemple l'amorce d'un intérêt pour la « raison » au sens le plus large à cause, Murray, selon Alexander, d'une accélération de la circulation de l'argent, Reason and Society in the Middle Age, Oxford, 1985, pp. 25 58 Google Scholar: mais pourquoi cette accélération qu'il décrit sans vraiment l'expliquer? De même, sur notre sujet, Janet Nelson (voir n. 8), explique l'apparence d'hérésie au début du xie siècle par une « crise de théodicé», observation pénétrante, mais qui laisse toujours en suspens la question: pourquoi tout d'un coup ? Pour elle, ce sont les changements économiques.

59. Voir à ce sujet les réflexions littéraires de Stephen Nichols sur les éléments de l'imagination historique aux xie-xne siècles, Romanesque Signs: Early Médiéval Narrative and Iconography Yale University Press, 1983.

60. Les historiens de l'hérésie (Borst, Wakefield, Evans, etc. ) ont toujours employé la copie de c. 1170 pour expliquer la mention d'hérésie périgourdine chez Adémar en s'appuyant sur l'hypothèse d'un interpolateur contemporain, scribe du ms. BN lat., 5926 (C de l'édition Chavanon). Mais depuis longtemps les analyses historiographiques et les nouveaux manuscrits autographes ont milité en faveur d'une troisième rédaction du texte par Adémar lui-même, qui sera la base de la nouvelle édition chez CCCM. Donc la référence au Périgord daterait de 1029-1032, comme l'indique la lettre circulaire, et l'occurrence remarquable autour d'une date du xne siècle ne serait qu'une coïncidence.

61. R. H. Bautier, «L'hérésie d'Orléans».

62. Idem.

63. Voir l'analyse avancée par Thomas Head, « Ascetic Circles in the Orléanais: Aristocratie Ambition and Religious Dissent in the Early Eleventh Century », communication à la conférence, «Christendom and Its Discontents», UCLA, janvier 1991, actes à paraître.

64. Les premières communautés chrétiennes, tout comme les juifs, rejetaient les images (voir Paul à ce sujet, I Cor. 8-9). Aucune image chrétienne n'existe avant le nc siècle et encore ce ne sont que des initiatives limitées et privées (voir à ce sujet encore peu étudié, Campenhausen, « The Theological Problem of Images in the Early Church», dans Tradition and Life in the Church Essays and Lectures in Church History 1968, pp. 171-200).

65. Miracula scae Fidis I, 13 (Bouillet éd., p. 47); A. Remensnyder, «Un problème de cultures ou de culture ?: la statue-reliquaire et les joca de sainte Foy de Conques dans le Liber miraculorum de Bernard d'Angers », Cahiers de Civilisation médiévale 1990.

66. E. Delaruelle, «La pieta popolare nel secolo xi», Congresso internationale di Scienze Storiche Florence, 1955, p. 317, cité par Hermann Mascard, p. 410. A titre d'exemple du goût pour le miraculeux qui se propage autour de l'an mil, il cite les conciles qui acceptèrent Papostolicité de Saint-Martial, c'est-à-dire les faux d'Ademar, ibid. n.36. Orune lecture plus approfondie d'Adémar indique que le goût du miraculeux avait des limites chez ce peuple crédule.

67. Pour bien des iconoclastes, le culte des reliques n'est qu'une forme d'idolâtrie. Voir les remarques vers 400 du prêtre aquitain Vigilantius et du manichéen nord-africain Faustus (Augustin, Contra Faustum XX, 21; PL 42, 384; JÉRÔME, Contra Vigilantium, PL 23, pp. 380-382. De même à Byzance au vme siècle, Theophane, Chronographia; Liber sinodicus dans Mansi XII, 378. De même en Occident vers 800, voir Hermann-Mascard, p. 405; et Hefele, et Leclercq, , Histoire des conciles, IV, 1, pp. 104105 Google Scholar).

68. Passage dans sa première version (Alpha) qu'il abandonne ultérieurement (Beta et Gamma).

69. Acta synodi attrebatensis chap. 11; Migne éd., PL 142, col. 1301C. Apparemment ils acceptaient la vénération des apôtres et des martyrs, mais Gérard ne spécifie pas comment. Pour un exemple d'attitude similaire, pro-vénération et anti-culte des reliques, voir Jean Calvin, Traité des reliques contre le décret du concile de Trente Paris, 1629, p. 84, cité par Herrmann-Mascard, p. 24.

70. Pour les juifs, voir Gutmann, « Deuteronomy: Religious Reformation or Iconoclastic Révolution ? » dans The Image and the Word: Confrontations in Judaism, Christianity and Islam (Missoula, 1977); pour les protestants, voir les articles de Christensen et Maltby dans le même volume et tout récemment Crouzet, Denis, Les guerriers de Dieu: la violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), Paris, 1990, II, pp. 495563.Google Scholar

71. Georges Duby note la provocation que constitue cette idéologie pour un évêque tel que Cambrai, GÉRard DE, Les trois ordres, Paris, pp. 163168.Google Scholar

72. Sur la tradition juive du travail manuel comme dignité de l'homme, voir Kalischer, S., « Die Wertschätzung der Arbeit in Bibel und Talmud », Judaica: Festschrift zu Hermann Cohens siebzigstem Geburtstag, Berlin, 1912 Google Scholar: sur le lien entre cette attitude et la démocratie depuis les Grecs jusqu'à présent, voir Daim, Wilfrid, Christentum, Judaismus und Révolution, Munich, Mainz, 1964 (trad. Peter Tirner, NY, 1973).Google Scholar

73. Voir les remarques de l'iconoclaste Claude DE Turin au sujet de la prosternation devant les images vaines, PL 105, col. 459, 464; cité et traduit en anglais par Poole, R. L., Illustrations of the History of Médiéval Thought and Learning, New York, 1960, pp. 2930.Google Scholar

74. Voir les remarques de Irving Aous, « Democracy in the Communities of the Early Middle Ages», Jewish Quarterly Review 43, 1952, pp. 153-176 et Aryeh Grabôis, «Remarques sur l'influence mutuelle de l'organisation de la communauté juive et de la paroisse urbaine dans les villes entre le Rhin et la Loire à la veille des Croisades », Le istituzioni ecclesiastiche délia societas christiana dei secoli XI-XII: diocesi, pievi eparrochie Miscellanea del centro di studi medioevali, 7, 1977, pp. 546-558; voir aussi (avec méfiance) Louis Newman, I., Jewish Influence on Christian Reform Movements, New York, 1925.Google Scholar

75. Chazan, R., « 1007-1012: Initial Crisis for Northern-European Jewry», Proceedings of the American Academy for Jewish Research, 38-39, 1970-1971, pp. 101118.Google Scholar

76. Voir les accusations contre les judaizantes qui jalonnent l'histoire de l'Église et le plus souvent sont synonymes de millénarisme: Landes, «Lest», pp. 205-208, aussi pp. 171-174.

77. Voir Dasberg, surtout Lea, Untersuchungen ûber die Entwertung des Judenstatus im 11. Jahrhundert, Paris, EPHE VIe section, « Études juives », 11, 1965 Google Scholar; et LiebeschüTZ, Hans, Synagoga und Ecclesia: Religionsgeschichtliche Studien über die Auseinandersetzung der Kirche mit dem Judentum im Hochmittelalter, Heidelberg, 1938, 1983.Google Scholar

78. Vita Prolixior chap. 11, p. 367; chap. 13, p. 367; chap. 13, p. 368; chap. 17, p. 369; chap. 21, p. 371; voir aussi ÏSAAC, Jules, L'enseignement du mépris, Paris, 1962.Google Scholar

79. « The Promised Land of Error: Popular Religiosity and the Crusading Spirit in the Eleventh Century », conférence à l'Université de Pittsburgh, mai 1989.

80. Parmi les nombreuses discussions sur la «révolution” chrétienne de cette époque voir, entre autres, les réflexions fécondes de Duby, G., L'an mil, Paris, 1967 Google Scholar, et les remarques d'Henri Dubois, «Exigences chrétiennes et contrat social devant la Paix de Dieu», La Paix de Dieu. Xe- XIesiècles Actes du colloque organisé au Puy en septembre 1987, Le Puy, 1988, pp. 87-93. Sur l'effet des « Terreurs de l'an mil », voir Johannes Fried, « Endzeiterwartung um die Jahrtausendwende », Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters 45: 2, 1989, pp. 385-473; et R. Landes, « Millenarismus absconditus: l'historiographie augustinienne et le millénarisme du Haut Moyen Age jusqu'en l'an mil », Le Moyen Age à paraître en 1992.

81. Voirn. 1.

82. Voir Bisson, Thomas, « The Organized Peace in Southern France and Catalonia, ca. 1140- ca. 1233 », American Historical Review, 82, 1977, pp. 290295.CrossRefGoogle Scholar

83. Cette reconstruction est basée sur une lecture de la Vita Prolixior qui décrit la dédicace de la première église ainsi (chap. 22 [sic pour 24], p. 372); et les sermons d'Ademar, au sujet de 1028 (BN lat., 2469, f°s 89-97). Les textes seront publiés par les soins de Daniel Callahan chez CCCM; pour un commentaire plus exhaustif, voir R. Landes, History and Déniai in an Apocalyptic Age The Life and Times of Ademar ofChabannes (en préparation).

84. Pour de plus amples détails, voir Naissance d'apôtre, op. cit. n. 13, et History and Déniai section IV.

85. Mutations p. 387.

86. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les documents (sermons, canons) où se manifeste l'aspect conservateur du mouvement et qui forme souvent la base des analyses de la Paix, voir, par exemple, Goetz, H.-W., « Kirchenschutz, Rechtswahrung und Reform; Zu den Zielen und zum Wesen der frùhen Gottesfriedensbewegung in Frankreich», Francia, 11, 1983, pp. 193239.Google Scholar L'article de Werner, F. K.Observations sur le rôle des évêques dans le mouvement de la Paix aux xie-XII e siècles », dans Mediaevalia Christiana. Hommage à Raymonde Foreville, Viola, C. E. éd., Paris, 1989, pp. 155195)Google Scholar se penche tant sur ces sources qu'il semble ignorer les textes narratifs qui nous renseignent sur les foules.