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La Théorie Féodale à l'Épreuve de L'Anthropologie (note critique)

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Dominique Barthélemy*
Affiliation:
École Pratique des Hautes Études et Université de Paris XII

Extract

Un préjugé ancien dévalorise la « période féodale », c'est-à-dire la France et l'Europe des 10e et 11e siècles, ou à partir de « l'an mil ». Une théorie sous-jacente dissuade trop d'historiens, prétendument empiriques, d'y voir aucune sorte d'esprit public ou d'autorité régulatrice. De quoi surprendre et même choquer un esprit teinté d'anthropologie ! Et n'y a-t-il pas aussi quelque arbitraire dans les récits d'une édification de « l'État », aux 12e et 13e siècles, « par la féodalité », c'est-à-dire en récupérant ou détournant des principes réputés « féodaux » ? Il est bien temps ensuite, aux époques ultérieures, d'opposer les « résidus féodaux » à la « modernisation par l'État », dans les intrigues que l'on tisse ou les tableaux que l'on brosse… Le livre de Susan Reynolds détruit allègrement tout cela. On ne peut qu'applaudir tout d'abord, tant la critique est forte et convaincante. Mais on se demande ensuite si elle ne va pus trop loin.

Type
Féodalité et Anthropologie
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1997

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References

* A propos de Reynolds, Susan, Fiefs and Vassals. The Médiéval Evidence reinterpreted, Oxford, Oxford University Press, 1994, 544 p.Google Scholar Georges Duby a bien voulu lire cette note critique, en mai 1996, et me faire bénéficier de ses conseils ; elle a également été soumise à Stephen White. Ils m'ont permis de l'enrichir. Les nombreux défauts qui s'y trouvent ne sont, en revanche, imputables qu'à moi.

1. A très juste titre, Susan Reynolds rappelle souvent (dès la page 13) que les mots médiévaux sont une chose et les concepts historiques, une autre ; elle met en tiers « les phénomènes ».

2. Brown, Elisabeth A. R., « The Tyranny of a Construct : Feudalism and History of Médiéval Europe », American Historical Review, 79, 1974, pp. 10631088.CrossRefGoogle Scholar

3. Oxford, Clarendon Press, 1984, 387 p.

4. Reynolds, Susan, Kingdoms and Communities in Western Europe, 900-1300, Oxford. 1984, pp. 117119.Google Scholar

5. Ibid., pp. 220-222.

6. Charles Petit-Dutaillis, La monarchie féodale en France et en Angleterre, 1933, 2e éd.. Paris, 1971. Jacques LE Goff s'écarte peu de cette conception de la vieille école, dans Saint Louis, Paris, 1996, pp. 675-680.

7. Gurevic, Aaron, « Représentations et attitudes à l'égard de la propriété pendant le Haui Moyen Age », Annales ESC, 1972, n” 3, pp. 523547 Google Scholar ; et Les catégories de la culture médiévale. trad. frse, Paris, 1983.

8. Gluckman, Max, Politics, Law and Ritual in Tribal Society, Oxford, 1965 Google Scholar, et Gluckman, M. éd., Ideas and Procédures in African Customary Law, Oxford, 1969.Google Scholar Mair, Lucv, Anthropology and Social Change, Londres, 1969 Google Scholar, « London School of Economies Monographs on Social Anthropology 38 », et id., African Kingdoms, Oxford, 1977.

9. Karl-Ferdinand Werner, « Du nouveau sur un vieux thème. Les origines de la noblesse el de la chevalerie », dans Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1985, pp. 186-200 (p. 196). Honor lui semble rester une charge publique, mais ne confond-il pas la pérennité des mots avec celle des concepts ? « Des mots qui durent ne constituent pas un indice suffisant de la stabilité des réalités », écrit Reinhart Koselleck, Le futur passé, contribution à la sémantique des temps historiques, trad. frse, Paris, 1990, p. 106.

10. Dans le sillage de Chris Wickham, je propose une critique de l'hyper-romanisme : Dominique BarthélÉMY, « La Renaissance du 12e siècle n'aura pas lieu », sous presse dans Bibliothèque de l'École des chartes.

11. Ganshof, François-Louis, Qu'est-ce que la féodalité ?, 5e éd., Paris, 1982, p. 252 Google Scholar ; cette théorie date de la « monarchie administrative » (p. 251).

12. Article «Féodalité», dans François Furet et Mona Ozouf (sous la direction de). Dictionnaire critique de la Révolution française, Idées, 2e éd., Paris, 1992, pp. 181-196.

13. Bonnot, Gabriel, de Mably, abbé, Observations sur l'histoire de France (1765), 2e éd.. Paris, 1788, t. II, p. 18 Google Scholar (cf. aussi, le 1.1, p. 378, où Mably admire « qu'au milieu des révolutions qui changèrent la face du royaume, les Français aient conservé l'usage du serment de fidélité et de l'hommage dont ils auraient pu s'affranchir »).

14. Encore qu'il ne soit pas aussi inintéressant que le pense Susan Reynolds (p. 12) de chausser les lunettes de ces feudistes. Des lunettes, après tout, aident à voir, sous un certain éclairage. N'est-il pas important de constater que fief signifia longtemps aussi « seigneurie » ‘

15. Alain Guerreau insiste ajuste titre sur son éviction arbitraire, à partir du 18e siècle. dans « Fief, féodalité, féodalisme. Enjeux sociaux et réflexion historienne », Annales ESC. 1990, n° 1, pp. 137-166. Je suis en revanche en désaccord avec l'idée que « la logique scien tifique demande la construction d'un schéma abstrait visant le système féodal dans sa globalité > (p. 158) ; il y a là une ambition démesurée, par rapport aux servitudes qui pèsent sur la connaissance historique.

16. L'essentiel est dit sur Guizot par Guerreau, Alain, Le féodalisme. Un horizon théorique, Paris, 1980.Google Scholar Éclairage intéressant aussi dans Prost, Antoine, Douze leçons sur l'Histoire, Paris, 1996, pp. 24 et 213218.Google Scholar

17. Alain Guerreau est d'une extrême injustice avec les historiens de 1890-1940, dans « Fief, féodalité, féodalisme… », p. 146. Oublierait-il l'oeuvre admirable de Marc Bloch ?

18. Flach, Jacques, Les origines de l'ancienne France, 4 vols, Paris, 1886 Google Scholar à 1917.

19. Bloch, Marc, La société féodale, 3e éd., Paris, 1968 Google Scholar ; malgré quelques aspects aujourd'hui vieillis, le développement sur la vassalité (pp. 217-229) problématise admirablement la relation entre une pratique et une institution. Dans l'introduction (p. 13), Marc Bloch appelle féodalité et société féodale « un ensemble intriqué d'images où le fief proprement dit a cessé de passer au premier plan » et « l'étiquette, désormais consacrée, d'un contenu qui reste à définir ».

20. Excellentes pages de Susan Reynolds, là-dessus, à lire au moins comme antidote à l'hyper-romanisme, dans Kingdoms and Communities…, op. cit., chapitres I et II, et ici même (Fiefs and Vassals).

21. Duby, Georges et Mandrou, Robert, Histoire de la civilisation française, 11e éd., 1.1, Paris, 1993, p. 267.Google Scholar

22. Duby, Georges, La société aux XI” et XIF siècles dans la région mâconnaise, 1953, 2’ éd., Paris, 1971, pp. 161 Google Scholar à 163.

23. Ibid., p. 330. Voir aussi p. 165, sur le faussement possible de la vision, par des sources ecclésiastiques sur les « violences ».

24. Ibid., p. 133 ; cf. aussi p. 211.

25. Le débat ouvert par ma note critique : « La mutation féodale a-t-elle eu lieu ? », Annale* ESC, 1992, n” 3, pp. 767-775, s'est poursuivi avec Jean-Pierre Poly et Bournazkl, Éric, « Que faut-il préférer au mutationnisme ? ou le problème du changement social », Revue historique de Droit français et étranger, 72, 1994, pp. 401412 Google Scholar, et dans la même revue, Dominique Barthélémy, «Encore le débat sur l'an mil ! », RHDFE, 73, 1995, pp. 349-361. Ai-je assez dit à quel point fait défaut toute trace probante d'événement révolutionnaire ?

26. Henri-lrénée Marrou, De la connaissance historique (1954), 6” éd., Paris, 1975, pp. 157- 164. Le «type-idéal » que nous élaborons « n'embrasse jamais qu'une partie de l'objet historique » (p. 164).

27. Mutation s'entend alors en son sens « faible » (transformation graduelle, sorte de métamorphose). Cf. pour les plaids maçonnais et catalans, Ganshof, François-Louis, « Contribution à l'étude des origines des cours féodales en France », Revue historique de Droit français et étranger, 4e série, 7, 1928, pp. 643665.Google Scholar

28. Fossier, Robert, Enfance de l'Europe, X'-XIF siècles, 2 vols, Paris, 1982, t. II, p. 953.Google Scholar

29. Ibid., pp. 953 et 961.

30. Susan Reynolds, pp. 151 et 163, me semble faire une hypercritique de ces formules tout do même assez claires. Elle n'envisage pas l'espèce d'organisation «domaniale», appliquée aux relations internes à la classe dominante, qui est celle des casamenta, cf. mon livre cité, noie suivante.

31. Barthélémy, Dominique, La société dans le comté de Vendôme, de l'an mil au XIV siècle, Paris, 1993, pp. 431434 et 615-621.Google Scholar

32. Maine, Henry Sumner, L'ancien droit considéré dans ses rapports avec l'histoire de la société primitive et avec les idées modernes, trad. frse, Paris, 1874.Google Scholar

33. Poly, Jean-Pierre et Bournazel, Eric La mutation féodale X'-XW siècle, 2e éd., Paris, 1992, p. 140 Google Scholar (ces deux auteurs n'en sont pas dupes).

34. Ceci devrait-il l'émouvoir tant que cela? Cf. ses propres remarques, p. 13 et passim, sur l'écart entre les mots médiévaux et les concepts historiques.

35. Antoine Prost, Douze leçons…, op. cit., p. 129.

36. Au 13e siècle, le vocabulaire et la symbolique du relief n'appelleraient-ils pas une étude intéressante ? Cf. les remarques de François-Louis Ganshof, Qu'est-ce que la féodalité…, op. cit., pp. 214-218. Sans compter toute la série des hommages burlesques, réglés avec pointillisme, à une date encore plus tardive.

37. Bloch, Marc, « Les formes de la rupture de l'hommage dans l'ancien droit féodal » (1912), repris dans Mélanges historiques, 1.1, Paris, 1963, pp. 189209.Google Scholar Il y a un «défi » évoqué dans le Conventum, George Beech, Yves Chauvin et Georges PON éds, Genève, 1995. ligne 279 ; ce texte fondamental ne me semble pas devoir être pris pour une chanson de geste Dominique Barthélémy, « Du nouveau sur le Conventum Hugonis ? », dans Bibliothèque de l'École des chartes 153, 1995, pp. 483-495.

38. 801-813 (MGH ; Capitularia I, p. 215) : raisons d'abandonner son seigneur si l'on peut apporter la preuve de ses fautes (défaut de protection, projet ou essai de meurtre ou d'asservissement, coeufiage).

39. « Sicut homo débet esse fidelis domino suo » : l'expression se retrouve en Angleterre au 10e siècle, et Susan Reynolds (p. 332) pense que cela ne signifie pas que le roi était moins reconnu que le « seigneur » ; simplement, la relation avec lui était moins palpable. Ceci me laisse un peu songeur.

40. Goff, Jacques LE, « Le rituel symbolique de la vassalité », 1976, repris dans Pour un autre Moyen Age, Paris, 1977, pp. 349420.Google Scholar Attention cependant à la manière dont les anthropologues européens projettent la théorie féodale sur l'Afrique.

41. Marc Bloch, La société féodale, pp. 212-213.

42. Ibid., p. 234.

43. A l'excès ? Il ne faudrait pas, tout de même, que la flexibilité des normes ait trop bon dos.

44. Stephen D. White, « Stratégie rhétorique dans la Conventio de Hugues de Lusignan », dans Histoire et société. Mélanges offerts à Georges Duby, t. II, Aix-en-Provence, 1992, pp. 147- 157, et « Politics of Fidelity : Hugh of Lusignan and William of Aquitaine », dans Claudie Duhamel-Amado et Lobrichon, Guy éds, Georges Duby. L'écriture de l'histoire, Bruxelles, 1996, pp. 223230.Google Scholar

45. Qu'étaient, au fait, des « obligations purement négatives », dans de petits mondes où il fallait être ami ou ennemi ?

46. Le «jugement des pairs», souvent attaqué en tant que mythe par Susan Reynolds. n'existait alors évidemment pas comme institution rigide, mais tout de même, n'y avait-il pas des sortes de « verdicts de l'opinion » (chevaleresque) à laquelle tous deux s'adressaient.

47. Cf. le Conventum, lignes 103-106, et surtout le texte cité par François-Louis Ganshok Qu'est-ce que la féodalité…, op. cit., p. 122, et Sucer, Vie de Louis VI le Gros, éd. et trad. H. Waquet, 2e éd., Paris, 1964, p. 126.

48. Cf. Barthélémy, Dominique, « Qu'est-ce que le servage, en France au XIe siècle ? », Revue historique, 287, 1992, pp. 233284.CrossRefGoogle Scholar

49. Ce que fait Susan Reynolds, p. 39 et passim, quoique avec trop de schématisme.

50. Cf. en lieu, dernier, Lemarignier, Jean-François, « Les fidèles du roi de France (936- 987) », dans Recueil de travaux offerts à M. Clovis Brunel, t. II, Paris, 1955, pp. 138162.Google Scholar

51. Susan Reynolds lui dénie peut-être trop radicalement, p. 98, toute valeur exemplaire, Appréciation plus nuancée dans Philippe Depreux, « Tassilon III et le roi des Francs : examen d'une vassalité controversée », Revue historique, 593, 1995, pp. 23-73.

52. Voir à nouveau le Conventum…, lignes 208-214.

53. Dufour, Jean, Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul, rois de France (922-936), Paris, 1978, pp. 139141.Google Scholar

54. Cf. toute l'affaire évoquée dans le dossier vendômois de la première ligesse : Dominique Barthélémy, La société…, op. cit., pp. 618-620 ; très simplement, l'hommage lige semble ici se définir comme celui que l'on ne peut pas rompre.

55. En attendant, le vassal encore jeune était entretenu par son seigneur ; il recevait des donativa (encore les cartulaires du 11e siècle montrent-ils des seigneurs en retard dans leurs versements).

56. La Germanie des médiévistes de la vieille école était plus fantomatique que l'Afrique des anthropologues actuels. Du moins servait-elle à marquer la différence anthropologique entre le Haut Moyen Age et nous.

57. Cf. notamment Emily Tabuteau, Transfers of Property in Eleventh-Century Normandy, Chapel Hill, 1988 ; et Hudson, John, Land, Law and Lordship in Anglo-Norman England, Oxford, 1994.Google Scholar

58. White, Stephen D., « The Discourse of Inheritance in Twelfth-Century France : Alternative Models of the Fief in Raoul de Cambrai », dans Land and Government in Médiéval Enqland and Normandy ; Essays in Honour ofSir James Holt, Cambridge, UK, 1994, pp. 173197.Google Scholar

59. Commenté par Susan Reynolds, pp. 88, 98 et 109.

60. Viollet, Paul, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, t. I, Paris, 1890, p. 431 Google Scholar (formule parallèle, ici, p. 97).

61. Cf. un acte bourguignon de 870, cité par Déléage, André, La vie économique et sociale dans la Bourgogne du Haut Moyen Age,Mâcon, 1941, p. 618, n. 3.Google Scholar

62. On songe ici à la notion carolingienne de gratia royale, évoquée par François-Louis Ganshof, « Charlemagne et les institutions de la monarchie franque », dans Helmut Beumann éd., Karl der Grosse, t. I, Dusseldorf, 1965, pp. 349-393 (p. 359).

63. Cf. le dossier de Tassilon III de Bavière, et Eudes de Saint-Maur, cité ici, p. 129. En revanche, il y a doute sur le sens de « more patrio » à propos des Aquitains (839) dans Félix Gras, Vieillard, Jeanne et CléMencet, Suzanne éds, Annales de Saint-Bertin, Paris, 1964, p. 34.Google Scholar

64. Susan Reynolds, « Mediaeval Origines gentium and the Community of the Realm », llistory, 68, 1983, pp. 375-390. Elle voit dans le germanisme du 19e siècle la dernière incarnation d'un mythe historique médiéval (de même valeur que son concurrent plus tôt disparu, le mythe troyen des Francs).

65. Le jan, Régine, Famille et pouvoir dans le monde franc (VW-X’ siècle). Essai d'anthropologie sociale, Paris, 1995, notamment pp. 403413.Google Scholar Ce livre décrit très bien tout ce qui fut ordonnancement de la société par d'autres instruments que la vassalité ; mais on pourrait presque lui reprocher de la laisser un peu trop de côté.

66. Sur celle-ci, beaux développements de Susan Reynolds, pp. 89-90 et 104 : c'était un système de compromis.

67. Lesne, Emile, « Les diverses acceptions du terme beneficium du VIIF au IXe siècle », Revue historique de Droit français et étranger, 4e série, 3, 1924, pp. 556.Google Scholar

68. Christian Lauranson-Rosaz, L'Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du VIII’ au XIe siècle, Le Puy, 1987, « Les Cahiers de la Haute-Loire », p. 384.

69. La lex desertoris ac rebellis est évoquée pour une commise de fief du 1 Ie siècle, texte cité par Susan Reynolds, p. 138, note 84 ; cf. mes remarques dans « La Renaissance du XIIe siècle… », art. cité.

70. Le passage de Raoul le Glabre (Histoires III, 40) sur l'indécence des « Méridionaux » de la suite de Constance d'Arles est souvent commenté à contresens ; on voit dans sa diatribe l'expression d'une xénophobie nordiste à l'égard du Sud. Or elle n'est que d'un moine horrifié devant la vanité et la légèreté du siècle ! Raoul le Glabre déplore le détestable exemple que les Francs et les Bourguignons ont suivi. Les chevaleries régionales se faisaient des emprunis mutuels.

71. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe siècle à la fin du XI” siècle. Croissance et mutations d'une société, 1.1, Toulouse, 1975, p. 9, reconnaît que l'évolution des sources « permet une approche beaucoup plus sûre de la société du XIe siècle que de celle qui l'avait précédée » ; cf. aussi sa belle analyse des structures féodales, au t. II, Toulouse, 1976, pp. 685- 711. Également, Thomas N. Bisson, « Feudalism in Twelfth-Century Catalonia », dans Structures féodales et féodalisme dans l'Occident méditerranéen (X-XIIIe siècle), Rome, 1980, pp. 173-192.

72. Texte cité dans Zimmermann, Michel (sous la direction de), Les sociétés méridionales autour de l'an mil, Paris, 1992, pp. 172173.Google Scholar

73. Texte daté entre 1018 et 1026, cité ibid., p.179 ; où « hommage » désigne non seulement un rite, mais la condition qui s'ensuit, comme « servage » ou « mariage ».

74. Zimmermann, Michel, « Et je t'empouvoirrai (Potestativum te farei). A propos des relations entre fidélité et pouvoir en Catalogne au XIe siècle », Médiévales, 10, printemps 1986, pp. 1736.CrossRefGoogle Scholar

75. Dans Structure féodales et féodalisme…, op. cit., p. 13.

76. Esprit des Lois (1748), XXXI, 29 à 34.

77. Cinzio Violante, « Presentazione », pp. XXX-XXXIII, de François Menant, Lombardia Feudale, Milan, 1992. On n'oubliera pas les admirables travaux de Giovanni Tabacco (par exemple, « Gli ordinamenti feudali dell'impero in Italia », dans Structures féodales et féodalisme…, op. cit., pp. 219-240) et de toute « l'école de Turin » qui procède de lui.

78. François Menant, Campagnes lombardes du Moyen Age, Rome, 1993, pp. 563-787. Le commentaire de l'édit de 1037 me semble utilement mis en cause par la comparaison avec Fiefs and Vassals mais, au rebours, François Menant fait très bien sentir des odeurs féodovassaliques dans la petite chevalerie ou certaines couches paysannes (les écuyers), qui n'intéressent pas assez Susan Reynolds ; en outre, il définit des zones « féodales » au XIIIe siècle (régions montagneuses, à l'écart des villes mais d'où parfois l'on déferle sur elles).

79. Goody, Jack, La logique de l'écriture, trad. frse, Paris, 1986 Google Scholar; Clanchy, Michael T.. From Memory to Written Record, England 1066-1307, Londres, 1979.Google Scholar

80. Cf. par exemple, Loyn, Henry R., Anglo-Saxon England and the Norman Conquest. 2e éd., Londres-New York, 1991.Google Scholar Susan Reynolds fait justement remarquer que rien n'oblige à dire jusqu'en 1066 « anglo-saxon » plutôt qu'« anglais ».

81. Cf. par exemple, Tsurushima, Hirokazu, « Feodum in Kent, c. 1066-1215 », Journal of Médiéval History, 21, 1995 Google Scholar (numéro consacré aux médiévistes japonais), pp. 97-115.

82. Elle l'a déjà montré dans Kingdoms and Communities…, op. cit. ; elle revient ici sur l'Allemagne au chapitre IX. En ce pays, la théorie féodale a moins fasciné qu'ailleurs les historiens modernes ; ils ont au contraire beaucoup parlé d'Église d'Empire, jusqu'à Henri IV, es de ministérialité d'Empire ; avec quelque apparence de raison, Susan Reynolds rétablit (p. 411) de la solidarité princière et (p. 414) des institutions de royaume, au prix parfois de références à des documents qui pourraient avoir existé. Elle montre ensuite que l'existence d'un droit « semi-professionnel » fit connaître à l'Allemagne des 12e et 13e siècles un second âge pseudo-féodal, plus juridique que le premier. Il y aurait aussi à faire, à mon avis, la critique du thème de la révolution féodale de l'an 1208 (avènement du Faustrecht dans les troubles qui suivirent l'assassinat de Philippe de Souabe), décrite parfois dans les mêmes termes que la crise de l'an mil en France, et avec aussi peu de vraisemblance.

83. Susan Reynolds, Kingdoms and Communities…, op. cit., pp. 277-278.

84. Ibid., p. 282.

85. On parle parfois de « monarchie d'Aquitaine » et, à force de fréquenter des rois en titre et d'échanger avec eux des marques d'amitié, le duc Guillaume V (993-1030) finissait par être comme imprégné de royauté ; pas de sacre cependant.

86. Chapitre IV, extrêmement stimulant : elle doute de l'application rapide des prescriptions carolingiennes et met en cause le concept d'« église privée » (pp. 82-88) ; en outre, elle suggère que « les armées de paix diocésaines » (au temps de la « paix de Dieu ») « étaient probablement moins populaires et moins diocésaines qu'on ne l'a parfois suggéré ».

87. Le Conventum, lignes 279-280.

88. Jean-Pierre Poly et Éric Bournazel, La mutation féodale…, op. cit., p. 148.

89. Et c'est alors qu'on commença de raisonner des Histoire de France : elles furent habitées par un mythe seigneurial négatif.

90. Idée africaine (ou du moins africaniste), selon laquelle le gouvernant n'a que la disposition théorique de terres qu'il doit « concéder » aux ayants droit du « peuple ».

91. Bue, Philippe, L'ambiguïté du livre ; prince, pouvoir et peuple dans les commentaires de la Bible au Moyen Age, Paris, 1994.Google Scholar

92. Georges Duby, «Les sociétés médiévales. Une approche d'ensemble», 1972, repris dans Hommes et structures du Moyen Age, Paris, 1973, p. 370. En quoi cependant « le royaume » n'était-il pas une « vraie réalité » ? Le propos est ici un peu rhétorisé, à compléter par Susan Reynolds, Kingdoms and Communities…, op. cit., pp. 220-223.

93. Cf. Dominique Barthélémy, « Il Mito signorile dei storici francesi », dans Gerhard Dilcher et Violante, Cinzio éds, Strutture e trasformazioni délia signoria rurale nei secoli X-X1II, Bologne, 1996, pp. 5981.Google Scholar

94. Kantorowicz, Ernst, Les Deux Corps du Roi, trad. frse, Paris, 1989, p. 19.Google Scholar

95. Nadel, Siegfried F., Byzance noire. Le royaume des Nupe du Nigeria, 1942, trad. frsc, Paris, 1971, notamment pp. 190 Google Scholar, 212 à 227.

96. Cf. les beaux développements de Jean-Pierre Poly et Éric Bournazel, La mutation féodale…, op. cit., pp. 289-293.

97. Thierry, Augustin, Considérations sur l'histoire de France, 4° éd., Paris, 1851, pp. 1920.Google Scholar Cf. aussi les textes commentés par Bloch, Marc, Rois et serfs, 3e éd., Paris, 1996.Google Scholar

98. Cf. Krynen, Jacques, L'empire du roi, Paris, 1993.Google Scholar

99. Dans ce sens, Dominique Barthélémy, La société…, op. cit., pp. 738-740 et 885-889.

100. Cf. Kingdoms and Communities …, op. cit., pp. 220-223, Fiefs and Vassals…, op. cit., p. 379 (pour l'Angleterre) et pour la France, par exemple, Richard, Jean, Les ducs de Bourgogne cl la formation du duché du XIe au XIV siècle, Paris, 1954.Google Scholar

101. Cf. le Louis VI d'Aryeh Graboïs, «De la trêve de Dieu à la paix du roi», dans Mélanges René Crozet, 1.1, Poitiers, 1966, pp. 585-596.

102. Boutry, Philippe, «Assurances et errances de la raison historienne», dans Passés recomposés. Champs et chantiers de l'Histoire, Paris, Autrement, « Série Mutations, 150/151 ». 1995, pp. 5668.Google Scholar

103. Ce thème a inspiré beaucoup de commentaires du dossier de Tassilon de Bavière. On l'acclimate aussi parfois dans la France du 12e siècle, cf. Jean-Pierre Poly et Éric Bournazel, La mutation féodale…, op. cit., p. 300 ; est-ce que, pourtant, les princes du 10e siècle ne s'étaient pas déjà, en maintes occasions, « remis » entre les mains du roi ?