Published online by Cambridge University Press: 26 October 2020
Cet article explore le projet et la mise en œuvre au Sénégal de l’arrêté général du 17 octobre 1949 qui institua en Afrique occidentale française (AOF) le port d’une carte d’identité fédérale. Ce projet correspondait à la volonté de généralisation et d’uniformisation de l’identification légale personnelle consécutive à la réforme de l’Empire après-guerre. La fin du régime de l’indigénat et l’octroi de la citoyenneté impériale requéraient en effet que s’établisse un rapport nouveau entre l’État et des individus singuliers, en rupture avec l’approche catégorielle qui avait jusqu’alors été au fondement du gouvernement impérial. Si, à travers l’analyse de l’extension de l’état civil dans les années 1950, l’historiographie a pu récemment éclairer les limites de la nouvelle gouvernementalité coloniale et l’ambivalence de la citoyenneté impériale, l’histoire de cette première carte d’identité est restée un angle mort de la recherche sur les dispositifs d’identification mis en place après-guerre. En mobilisant de nouveaux matériaux archivistiques et empiriques et par un changement d’échelle d’observation, cet article invite à poursuivre la réflexion entamée et à en nuancer certaines conclusions. Il s’attache non seulement à explorer la fabrique bureaucratique, sociale et politique de la carte d’identité, à questionner les régimes de véridiction de l’identité légale, mais aussi à éclairer la manière dont des Africains et des Africaines envisagèrent ces documents, qui furent aussi des supports d’expériences du monde social et, parfois, intime.
This article explores the project that became the decree of October 17, 1949, obliging inhabitants of West French Africa to carry a federal identity card, and its implementation in Senegal. This project echoed the desire to generalize and standardize personal legal identification following the postwar reform of the French Empire. The end of the Code de l’indigénat and the granting of imperial citizenship implied a new relationship between the state and individual persons, breaking away from the categorical approach previously at the core of imperial government. Historiography has highlighted the limits of this new colonial governmentality and the ambivalence of imperial citizenship, in particular through the analysis of the extension of the état civil (civil registry) in the 1950s. However, the history of this first identity card has been overlooked in research on the identification measures established after the war. Drawing on previously unused archival sources and empirical materials, and shifting the scale of analysis, this article seeks to extend this reflection and nuance some of the earlier findings. It explores the bureaucratic, social, and political fabric of the identity card and examines the regimes underpinning legal identity, while also seeking to shed light on the ways in which Africans perceived these documents, which were simultaneously sites of social and even intimate experiences.
Cette recherche a bénéficié du financement de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme de recherche « La vie sociale et politique des papiers d’identification en Afrique » (PIAF), du Centre de recherches internationales et de l’Institut des mondes africains et de la fondation Max Weber dans le cadre du programme « Identification et bureaucratisation en Afrique » (Institut historique allemand de Paris et Centre de recherches sur les politiques sociales au Sénégal [ci-après CREPOS]). Je remercie l’ensemble des membres de ces programmes, et particulièrement Richard Banégas, pour les échanges réguliers qui ont nourri ma réflexion. L’exploitation statistique d’un des corpus utilisés a bénéficié du soutien précieux d’Ibou Diallo (CREPOS) et de Pape A. Diallo, et nombre des enquêtes orales, en wolof, en sereer et en français, ont pu être réalisées grâce à l’aide de Djiguatte Amédée Bassène, de Sara Bassène Dieng et de Moussa Kamara – je les en remercie vivement. Je remercie également les Archives nationales du Sénégal (ci-après ANS), le Service des archives régionales de Dakar (ci-après SRAD), les Archives nationales, section outre-mer (ci-après ANOM), ainsi que toutes les personnes qui ont bien voulu partager leur expérience lors des entretiens menés au Sénégal entre 2016 et 2019.
1 Entretien avec Aliou Thiokh, Ngognick, 17 novembre 2018.
2 Arrêté général no 5241/AP du 17 octobre 1949, Journal officiel de l’AOF (ci-après JOAOF), p. 1527-1529.
3 Circulaire du 3 mai 1918, JOAOF, 1918, p. 274.
4 À partir de 1933, certaines catégories de sujets furent néanmoins soumises à l’obligation de déclaration à l’état civil – sur les registres indigènes – pour eux-mêmes et leurs descendants : arrêté 1243/S.3 du 29 mai 1933, JOAOF, 1933, p. 561.
5 Frederick Cooper et Ann Laura Stoler (dir.), Tensions of Empire: Colonial Cultures in a Bourgeois World, Berkeley, University of California Press, 1997.
6 Nous n’évoquons pas ici les travaux portant sur les recensements démographiques et administratifs. Il s’agit de centrer la réflexion sur les documents identificatoires personnels.
7 En se limitant aux travaux réalisés dans une perspective historique, voir notamment Michael Clanchy, From Memory to Written Record: England, 1066-1307, Londres, Edward Arnold, 1979 ; Gérard Noiriel, « L’identification des citoyens. Naissance de l’état civil républicain », Genèses, 13, 1993, p. 3-28 ; Michel Offerlé, « L’électeur et ses papiers. Enquête sur les cartes et les listes électorales (1848-1939) », Genèses, 13, 1993, p. 29-53 ; John Torpey, The Invention of the Passport: Surveillance, Citizenship and the State, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Arlette Farge, Le bracelet de parchemin. L’écrit sur soi au xviii e siècle, Montrouge, Bayard, [2003] 2014 ; Pierre Piazza, Histoire de la carte nationale d’identité, Paris, Odile Jacob, 2004 ; Brigitte Miriam Bedos-Rezak et Dominique Iogna-Prat (dir.), L’individu au Moyen Âge. Individuation et individualisation avant la modernité, Paris, Aubier, 2005 ; Xavier Crettiez et Pierre Piazza (dir.), Du papier à la biométrie. Identifier les individus, Paris, Presses de Sciences Po, 2006 ; Valentin Groebner, Who Are You? Identification, Deception, and Surveillance in Early Modern Europe, New York, Zone Books, 2007 ; Claudia Moatti et Wolfgang Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve et Larose, 2007 ; Gérard Noiriel (dir.), L’identification. Genèse d’un travail d’État, Paris, Belin, 2007 ; Colin J. Bennett et David Lyon (dir.), Playing the Identity Card: Surveillance, Security and Identification in Global Perspective, Londres, Routledge, 2008 ; Vincent Denis, Une histoire de l’identité. France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008 ; Natalie Zemon Davis, Le retour de Martin Guerre, Paris, Tallandier, [1982] 2008 ; Jane Caplan et John Torpey (dir.), Documenting Individual Identity, Princeton, Princeton University Press, 2001 ; Ilsen About, James Brown et Gayle Lonergan (dir.), Identification and Registration in Transnational Perspective: People, Papers and Practices, Londres, Palgrave Macmillan, 2011 ; Edward Higgs, Identifying the English: A History of Personal Identification, 1500 to the Present, Londres, Continuum, 2011 ; Keith Breckenridge et Simon Szreter (dir.), Registration and Recognition: Documenting the Person in World History, Oxford, British Academy/Oxford University Press, 2012 ; Simona Cerutti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Montrouge, Bayard, 2012 ; Claire Zalc, Dénaturalisés. Les retraits de nationalité sous Vichy, Paris, Éd. du Seuil, 2016, Rosa M. Salzberg et Claire Judde de Larivière. « Comment être vénitien ? Identification des immigrants et ‘droit d’habiter’ à Venise au xvie siècle », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 64-2, 2017, p. 69-92.
8 Chandak Sengoopta, Imprint of the Raj: How Fingerprinting was Born in Colonial India, Londres, Pan Books, 2007 ; Rosa Medina-Doménech, « Scientific Technologies of National Identity as Colonial Legacies: Extracting the Spanish Nation from Equatorial Guinea », Social Studies of Science, 39-1, 2009, p. 81-112 ; Ilsen About, « Surveillance des identités et régime colonial en Indochine, 1890-1912 », Criminocorpus, 2011, http://journals.openedition.org/criminocorpus/417 ; Keith Breckenridge, Biometric State: The Global Politics of Identification and Surveillance in South Africa, 1850 to the Present, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
9 Keith Breckenridge, « No Will to Know: The Rise and Fall of African Civil Registration in Twentieth-Century South Africa », in K. Breckenridge et S. Szreter (dir.), Registration and Recognition, op. cit., p. 357-383 ; id., « The Book of Life: The South African Population Register and the Invention of Racial Descent, 1950-1980 », Kronos, 40, 2014, p. 225-240 ; id., Biometric State, op. cit. Les travaux sur l’identification en Afrique du Sud sont, au regard du reste de l’Afrique, particulièrement nombreux. Voir notamment Michael Savage, « The Imposition of Pass Laws on the African Population in South Africa 1916-1984 », African Affairs, 85-339, 1986, p. 181-205 ; Julia C. Wells, We Now Demand! The History of Women’s Resistance to Pass Laws in South Africa, Johannesburg, Wits University Press, 1993 ; Lorena Rizzo, « Visual Aperture: Bureaucratic Systems of Identification, Photography, and Personhood in Colonial Southern Africa », History of Photography, 37-3, 2013, p. 263-282 ; Uma Dhupelia-Mesthrie (dir.), no spécial, « Paper Regimes », Kronos, 40, 2014.
10 Teresa Barnes, « ‘Am I a Man?’: Gender and the Pass Laws in Urban Colonial Zimbabwe, 1930-80 », African Studies Review, 40-1, 1997, p. 59-81 ; David Anderson, « Master and Servant in Colonial Kenya, 1895-1939 », The Journal of African History, 41-3, 2000, p. 459-485 ; Daniel Brückenhaus, « Identifying Colonial Subjects: Fingerprinting in British Kenya, 1900-1960 », Geschichte und Gesellschaft, 42-1, 2016, p. 60-85 ; Anthony Clayton et Donald C. Savage, Government and Labour in Kenya, 1895-1963, Londres, Frank Cass, 1974 ; Keren Weitzberg, « Biometrics, Race Making, and White Exceptionalism: The Controversy over Universal Fingerprinting in Kenya », The Journal of African History, 61-1, 2020, p. 23-43.
11 Voir notamment Laure Blévis, « La citoyenneté française au miroir de la colonisation. Étude des demandes de naturalisation des ‘sujets français’ en Algérie coloniale », Genèses, 53-4, 2003, p. 25-47 ; Alexis Spire, « Semblables et pourtant différents. La citoyenneté paradoxale des ‘Français musulmans d’Algérie’ en métropole », Genèses, 53-4, 2003, p. 48-68 ; Laure Blévis, « Sociologie d’un droit colonial. Citoyenneté et nationalité en Algérie (1865-1947) : une exception républicaine ? », thèse de doctorat, université d’Aix-en-Provence, 2004 ; Gregory Mann, Native Sons: West African Veterans and France in the 20th Century, Durham, Duke University Press, 2006 ; Emmanuelle Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français, entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007 ; Daouda Gary-Tounkara, « La dispersion des Soudanais/Maliens à la fin de l’ère coloniale », Hommes & Migrations, 1279, 2009, p. 12-23 ; id., « De Dakar à New York. Récits de marins de l’Afrique francophone à la ‘découverte’ de l’Amérique au tournant des années 1920 », Cahiers d’études africaines, 213-214, 2014, p. 155-180 ; Joël Glasman, « ‘Connaître papier’. Métiers de police et État colonial tardif au Togo », Genèses, 86-1, 2012, p. 37-54 ; Bénédicte Brunet-La Ruche, « ‘Crime et châtiment’ aux colonies. Poursuivre, juger et sanctionner au Dahomey de 1894 à 1945 », thèse de doctorat, université Toulouse II, 2013 ; Violaine Tisseau, Être métis en Imerina (Madagascar) aux xix e -xx e siècles, Paris, Karthala, 2017.
12 Il faut signaler l’essor récent de travaux en science politique et en anthropologie portant sur la période immédiate, notamment sous l’impulsion du programme ANR PIAF et du réseau Bhalisa (University of the Witwatersrand).
13 Frederick Cooper, « Voting, Welfare and Registration: The Strange Fate of the État-Civil in French West Africa, 1945-1960 », in K. Breckenridge et S. Szreter (dir.), Registration and Recognition, op. cit., p. 385-412 ; id., Citizenship Between Empire and Nation: Remaking France and French Africa, 1945-1960, Princeton, Princeton University Press, 2014 ; voir aussi son analyse comparée de la citoyenneté impériale menée avec Jane Burbank : Jane Burbank et Frederick Cooper, « Empire, droits et citoyenneté, de 212 à 1946 », Annales HSS, 63-3, 2008, p. 495-531.
14 Pour en saisir les usages et les nuances locales, voir Louise Barré, « ‘Mettre son nom’. Revendications familiales au sein de procédures d’identification (Côte d’Ivoire 1950-1970) », Genèses, 112-3, 2018, p. 12-36.
15 F. Cooper, Citizenship…, op. cit., p. 153.
16 Ibid., p. 158.
17 F. Cooper, « Voting… », op. cit., ici p. 388 (nous traduisons).
18 Paul-André Rosental, « Civil Status and Identification in Nineteenth-Century France: A Matter of State Control? », in K. Breckenridge et S. Szreter (dir.), Registration and Recognition, op. cit., p. 137-165, ici p. 147.
19 ANS, 21G182, le directeur de la Sûreté générale au directeur général des Affaires politiques, administratives et sociales de l’AOF, Dakar, 12 juin 1947.
20 ANS, 21G182, direction des Affaires politiques au gouverneur de l’AOF, Dakar, s. d. (été 1949).
21 L’approche classique – et linéaire – de l’histoire des technologies identificatoires voit plutôt l’effacement progressif des dispositifs oraux de l’attestation sociale dans les espaces limités de l’interconnaissance au profit des dispositifs documentaires (puis biométriques) qui se sont développés avec l’intensification des mobilités, participant aux processus de formation et de centralisation de l’État moderne. L’article d’Alessandro Buono dans ce numéro propose une tout autre perspective sur les sociétés d’Ancien Régime : Alessandro Buono, « Tener persona. Sur l’identité et l’identification dans les sociétés d’Ancien Régime », Annales HSS, 75-1, 2020, p. 75-111. Voir également, sur l’enchevêtrement des logiques orales, écrites et biométriques dans l’Afrique contemporaine, Séverine Awenengo Dalberto, Richard Banégas et Armando Cutolo, « Biomaîtriser les identités ? État documentaire et citoyenneté au tournant biométrique », Politique africaine, 152-4, 2018, p. 5-29.
22 Sean Hawkins, Writing and Colonialism in Northern Ghana: An Encounter between the LoDagaa and “the World on Paper”, Toronto, University of Toronto Press, 2002.
23 ANS, 21G37, émigration et circulation des indigènes, 1928.
24 Voir notamment ANS, 21G182, sous-dossier « Réglementation de la circulation des indigènes ».
25 Décret no 45-137 du 22 décembre 1945, Journal officiel de la République française (ci-après JORF), 15 février 1946, p. 233 ; décret no 46-277 du 20 février 1946, JORF, 1er avril 1946, p. 413 ; voir également ANS, 21G182, sous-dossier « Réglementation de la circulation des indigènes avant 1946. Liberté du travail ».
26 ANS, 21G182, le gouverneur général de l’AOF et, par délégation, le secrétaire général, note pour le procureur général, Dakar, 5 avril 1946.
27 ANS, 21G182, le Haut-Commissaire de la République, gouverneur général de l’AOF, à Messieurs les gouverneurs du groupe, Dakar, 20 octobre 1946.
28 ANS, 21G182, le directeur du service général de Prophylaxie au gouverneur de la Côte d’Ivoire, Bobo-Dioulasso, 8 mai 1946.
29 ANS, 21G182, Conseil général, délibération no 28 instituant un droit fixe pour la délivrance des cartes d’identité dans le territoire de Haute-Volta, 21 novembre 1948.
30 Gregory Mann, « What was the Indigénat? The ‘Empire of Law’ in French West Africa », The Journal of African History, 50-3, 2009, p. 331-353.
31 ANOM, 1Affpol 3655, le ministre de l’Intérieur à Monsieur le ministre de la France d’Outre-mer, Paris, 9 novembre 1946.
32 P. Piazza, Histoire de la carte nationale…, op. cit., p. 163-270.
33 ANS, 21G182, Conseil général de la Guinée Française, procès-verbal de la séance du 15 novembre 1949, Conakry, 23 novembre 1949.
34 J. Burbank et F. Cooper, « Empire… », art. cit., ici p. 496.
35 ANS, 21G182, le directeur général de la Papeterie générale de l’AOF au directeur général de l’Intérieur, Dakar, 10 novembre 1949.
36 ANS, 21G182, note du service d’Études au directeur général de l’Intérieur, Dakar, 2 septembre 1949.
37 ANS, 21G182, lettre confidentielle du gouverneur général de l’AOF au ministre de la France d’Outre-mer, Dakar, 9 avril 1946.
38 ANS, 21G182, direction des Affaires politiques au gouverneur de l’AOF, Dakar, s. d. (été 1949).
39 Sur les papiers de la famille Faye-Kamara, voir Séverine Awenengo Dalberto, « Fragments de vies ordinaires. Papiers d’identité au Sénégal », Sociétés politiques comparées, 46, 2018.
40 ANS, 21G182, le ministre de la France d’Outre-mer au gouverneur général de l’AOF, Paris, 25 mars 1950.
41 En fonction des lieux, les stocks du premier modèle s’épuisèrent à des rythmes différents.
42 L. Barré, « ‘Mettre son nom’ », art. cit.
43 James C. Scott, John Tehranian et Jeremy Mathias, « The Production of Legal Identities Proper to States: The Case of the Permanent Family Surname », Comparative Studies in Society and History, 44-1, 2002, p. 4-44 ; Olivier Bouquet et Benoît Fliche (dir.), no spécial « Politique du nom. La réforme des noms propres en Turquie et ses enjeux », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 60-2, 2013.
44 ANOM, 1AffPol 2170, ministère de la France d’Outre-mer, « Étude en vue de la réorganisation de l’état civil dans les territoires dépendant du ministère de la France d’Outre-mer qui connaissent le régime de la pluralité des états civils », 1956, p. 82.
45 En effet, la carte d’identité pouvait valoir pour preuve de nationalité et n’était pas, pour cette raison, accessible aux personnes étrangères vivant dans la fédération, soumises à un autre régime d’identification.
46 Voir notamment ANS, 11D1 259, le gouverneur du Sénégal à Messieurs les commandants de cercle, les chefs de subdivision, le délégué du gouverneur à Dakar, le chef du service Sûreté, 28 mai 1954.
47 Voir notamment Megan Vaughan, « Scarification in Africa: Re-Reading Colonial Evidence », Cultural and Social History. The Journal of the Social History Society, 4-3, 2007, p. 385-400 ; Camille Lefebvre, « Ganin ya fi ji/Voir est mieux qu’entendre. Lire l’identité sur la peau (Sahel central, xixe siècle) », Critique internationale, 68-3, 2015, p. 39-59.
48 SRAD, 1D17, le commissaire de police à Monsieur le chef de la Sûreté de la délégation de Dakar, Rufisque, 2 novembre 1954.
49 ANS, 11D1 1042, registre destiné à l’enregistrement des cartes d’identité de la subdivision de Nioro du Rip, du 8 décembre 1955 au 27 janvier 1956.
50 Docteur Jouenne, « L’identification dactyloscopique et son utilisation en Afrique occidentale française », Bulletin du comité des études historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale française, 1924, p. 11-30.
51 ANS, 20G19, note pour le directeur des Affaires politiques et administratives, Dakar, 9 juillet 1937.
52 ANS, 21G182, note du service d’Études au directeur général de l’Intérieur, Dakar, 2 septembre 1949.
53 ANS, 21G182, arrêté général no 4403, 17 juin 1953.
54 Érika Nimis, Photographes d’Afrique de l’Ouest. L’expérience yoruba, Paris/Ibadan, Karthala/IFRA, 2005, p. 61 ; G. Mann, Native Sons, op. cit., p. 21 ; Jennifer Bajorek, Unfixed: Photographies and Decolonial Imagination in West Africa, Durham, Duke University Press, 2020, p. 229-230. Voir aussi, sur les photographes sénégalais, dont certains furent initialement formés au Sénégal auprès des photographes français Étienne Lagrange puis Oscar Lataque : Frédérique Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in P. M. Saint Leon, J. L. Pivin et S. Njami (dir.), Anthologie de la photographie africaine, de l’océan Indien et de la diaspora de 1840 à nos jours, Paris, Revue Noire, 1998, p. 49-50 ; Gilles-Éric Foadey, Bouna Medoune Seye et Jean Loup Pivin (dir.), Mama Casset et les précurseurs de la photographie au Sénégal, 1950. Meïssa Gaye, Mix Gueye, Adama Sylla, Alioune Diouf, Doro Sy, Doudou Diop, Salla Casset, Paris, Revue Noire, 1994.
55 Voir ANS, 21G179 (v. 165), dossier « Suppression du certificat de bonne vie et mœurs », 1952-1953.
56 ANS, 11D1 1159, circulaire, le gouverneur du Sénégal à tous cercles et subdivisions, Saint-Louis, 6 janvier 1950.
57 ANS, 21G182, le secrétaire général pour le gouverneur du Sénégal absent au Haut-Commissaire de la République, gouverneur général de l’AOF, Saint-Louis, 7 mai 1954.
58 Dans le cadre de cet article, il n’est pas possible de présenter l’ensemble de ces mesures.
59 Arrêté général n° 5241/AP du 17 octobre 1949, JOAOF, p. 1527. Le nombre de témoins stipulé dans l’arrêté renvoyait aux règles habituelles en métropole concernant l’attestation orale comme preuve de l’identité d’un tiers, lorsqu’elle se substituait à la justification documentaire. Voir notamment Pierre Piazza, « Septembre 1921 : la première ‘carte d’identité de Français’ et ses enjeux », Genèses, 54-1, 2004, p. 76-89. Cette réglementation de la preuve testimoniale pour la carte d’identité, qui reprenait celle du jugement supplétif, marque certainement la permanence des dispositions énoncées à cet effet dans le décret instaurant en France l’état civil républicain ; voir le décret du 20 septembre 1792 « qui détermine le mode de constater l’état civil des citoyens », Titre III, article premier.
60 ANS, 21G 182, le ministre de la France d’Outre-mer au gouverneur général de l’AOF, Paris, 25 mars 1950.
61 ANS, 11D1 1020, arrêté no 7231/AP, modifiant l’arrêté no 5141/AP, Saint-Louis, 29 décembre 1951.
62 Ce corpus ne couvre pas l’ensemble des formulaires de la subdivision pour l’année 1954. Sur les 669 formulaires, 662 ont été établis entre le 12 novembre et le 29 décembre. Si la numérotation des cartes était effectuée par année, ce qui semble très probable, c’est en fait au moins 1 274 cartes qui furent délivrées dans la subdivision de Diourbel en 1954. En 1957, la subdivision rurale de Diourbel comptait officiellement 45 168 habitants : ANS, 11D1 344, service de la Statistique, répertoire des villages du Sénégal, Saint-Louis, 1957, p. 13.
63 Il n’a pas été possible de retrouver dans les archives d’autres séries de formulaires dont l’exploitation aurait aidé à remettre en perspective cet échantillon. Les registres de cartes d’identité ne sont pas mobilisables sur la question des preuves d’identité présentées, puisqu’ils n’en font qu’exceptionnellement mention.
64 Entretien avec Aliou Thiokh, Ngognick, 17 novembre 2018 et entretien avec Amath Ndour, Godaguène, 18 novembre 2018.
65 Entretien avec Aliou Thiokh, Ngognick, 17 novembre 2018.
66 Entretien avec Waly Faye, Sambe Tocossone, 18 novembre 2018.
67 Entretien avec Alassane Sène, chef de village de Thiébo, 13 janvier 2019 et entretien avec Birama Sène, Ndoffène, 13 janvier 2019.
68 ANS, 21G182, Léopold Sédar Senghor à Monsieur le Haut-Commissaire de la République en AOF, Dakar, novembre 1953.
69 ANS, 21G182, pour le Haut-Commissaire, par délégation, le gouverneur secrétaire général à Monsieur le gouverneur du Sénégal, Dakar, 26 octobre 1953.
70 SRAD, 1D 17, le gouverneur du Sénégal à Messieurs les commandants de cercle, les chefs de subdivision, le délégué de Dakar, Saint-Louis, 18 décembre 1953. Cette mesure fut également prise en Côte d’Ivoire en 1955.
71 ANS, 11D1 710, le chef de subdivision à Monsieur le chef de canton du Gandiolais, Saint-Louis, 1er avril 1955.
72 ANS, 11D1 1159, fiche de renseignements destinée au contrôle d’une carte d’identité, no 8914, délivrée le 12 août 1955 à Kaolack.
73 ANS, 11D1 1159, fiche de renseignements destinée au contrôle d’une carte d’identité, no 8617, délivrée le 30 mars 1955 à Kaolack.
74 SRAD, 11D17, rapport de l’inspecteur Aujas au commissaire central de la ville de Dakar, 10 août 1954.
75 SRAD, 11D17, rapport de l’inspecteur Aujas au commissaire central de la ville de Dakar, 10 août 1954.
76 SRAD, 11D17, le commissaire de police chargé du Ve arrondissement à Monsieur le chef de la Sûreté, Dakar, 23 septembre 1954.
77 Selon le recensement démographique de 1955, Dakar comptait alors 230 579 habitants.
78 ANS, 20G129 (v. 165), le délégué du gouverneur du Sénégal au gouverneur du Sénégal, Dakar, 8 octobre 1955.
79 Kenneth Robinson, « Senegal: The Elections to the Territorial Assembly, March 1957 », in K. Robinson et W. J. M. Mackenzie, Five Elections in Africa: A Group of Electoral Studies, Oxford, Clarendon Press, 1960, p. 297-303, ici p. 346.
80 Notamment ANOM, 1AffPol 3641, question orale 13442 au ministre de la France d’Outre-mer, 8 février 1950 ; ANS, 20G129 (v. 165), le délégué du gouverneur du Sénégal au gouverneur du Sénégal, Dakar, 8 octobre 1955.
81 ANS, 20G129 (v. 165), le délégué du gouverneur du Sénégal au gouverneur du Sénégal, Dakar, 8 octobre 1955.
82 ANS, 17G540 (v. 144), Sûreté du Sénégal, renseignement sur une réunion politique du BDS à Diourbel, 6 octobre 1954. Je remercie Juliette Ruaud de m’avoir mise sur cette piste.
83 Entretien avec Mbaye Sébane Faye, chef de quartier de Ndayane, 13 janvier 2019 et entretien avec Mbissane Ngom, Ndigalène, 14 janvier 2019. Adjoindre le prénom maternel était alors une pratique courante de nomination chez les Sereer, qui permettait de différencier les homonymes dans une famille polygame, en identifiant l’enfant par sa lignée maternelle.
84 Entretien avec Moussa Marone, Thialy, 19 novembre 2018.
85 Séverine Awenengo Dalberto et Richard Banegas, « Citoyens de papier : des écritures bureaucratiques de soi en Afrique », Genèses, 112-3, 2018, p. 3-11.
86 Entretien avec Adama Thione, Cambérène, 5 février 2019.
87 SRAD, 1D17, le gouverneur du Sénégal au chef du service local de la Sûreté, Saint-Louis, 27 novembre 1954.
88 Entretien avec Mamadou Sène, Cambérène, 1er octobre 2018.
89 Entretien avec Alhassane Ane, Cambérène, 5 février 2019. Dans les anciennes Quatre Communes, l’administration fit valoir à plusieurs reprises que les individus qui avaient été dotés de la citoyenneté française avant 1946 devaient présenter un acte de naissance, puisqu’ils étaient censés avoir été enregistrés sur les registres de l’état civil.
90 ANS, 20G136, le gouverneur du Sénégal à Monsieur le Haut-Commissaire de la République en AOF, Dakar, 6 avril 1953.
91 « Interview de M. Senghor », Paris-Dakar, 5983, 21 septembre 1955, p. 1.
92 ANS, 20G129 (v. 165), le gouverneur du Sénégal à Monsieur le sénateur Mamadou Dia, Saint-Louis, 24 octobre 1955.
93 ANS, 20G129 (v. 165), note pour les présidents des commissions de distributions des cartes électorales dans la commune de Dakar à l’occasion des élections municipales du 13 novembre 1955, Dakar, octobre 1955.
94 ANS, 20G129 (v. 165), le délégué du gouverneur du Sénégal au gouverneur du Sénégal, Dakar, 8 octobre 1955.
95 ANS, 11D1 1395, le gouverneur du Sénégal à Monsieur le délégué du gouverneur à Dakar, à Messieurs les commandants de cercles, les chefs de subdivision, Monsieur le chef de la sûreté à Saint-Louis, Saint-Louis, 7 janvier 1957.
96 Voir notamment Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process », in A. Appadurai (dir.), The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 64-91 ; Janet Hoskins, Biographical Objects: How Things Tell the Stories of People’s Lives, New York, Routledge, 1998.
97 Ces catégories restent toutefois inadéquates pour saisir la complexité des frontières générationnelles, qui ne relevaient pas, ou pas seulement, de l’âge, mais, surtout, du statut – le mariage et, dans une mesure moindre, le travail salarié permettant notamment de sortir de la condition de cadet social.
98 Entretien avec Arame Diène, Rufisque, 11 novembre 2018. En principe, les documents d’état civil suffisaient.
99 Voir notamment P.-A. Rosental, « Civil Status and Identification… », op. cit.
100 Le montant de la taxe, au bénéfice du budget local, fut l’objet de variations et de discussions dans les différents territoires de l’AOF tout au long des années 1950. Au Sénégal, le coût de production, par 10 000 exemplaires, était établi à 9,15 F l’unité en 1954. Voir SRAD, 1D17, le commissaire de police à Monsieur le chef de la Sûreté de la délégation de Dakar, Rufisque, 18 novembre 1954.
101 Au milieu des années 1950, un manœuvre gagnait en moyenne 10 000 FCFA par mois dans les centres urbains du Sénégal. Voir Yvon Mersadier, Budgets familiaux africains. Étude chez 136 familles de salariés dans trois centres urbains du Sénégal, Saint-Louis-du-Sénégal, IFAN, 1957, p. 42.
102 Entretien avec Seydina Sarr, Cambérène, 14 février 2019.
103 Entretien avec Baba Marone, Thialy, 19 novembre 2018.
104 Entretien avec Alassane Sène, Thiébo, 14 janvier 2019.
105 Entretien avec Babacar Cissé, Gandoul, 17 avril 2018.
106 A. Farge, Le bracelet…, op. cit. ; V. Denis, Une histoire de l’identité, op. cit.
107 A. Farge, Le bracelet…, op. cit., p. 44.
108 Jean-Marie Adiaffi, La carte d’identité, Paris, Hatier, 1980 ; János Riesz, « Identité ‘à la carte’. Représentations littéraires de papiers d’identité en Afrique » [1997], in J. Riesz, De la littérature coloniale à la littérature africaine, Paris, Karthala, 2007, p. 189-208 ; Didier Nativel, « ‘Réversibilités documentaires’. Les matérialités affectives du papier en histoire de l’Afrique (xixe-xxe siècles) », Cahiers d’études africaines, 236, 2019, p. 993-1024, ici p. 998-1000.
109 Jean-François Werner, « Photographie et dynamiques identitaires dans les sociétés africaines contemporaines », Autrepart, 24, 2002, p. 21-43, ici p. 28.
110 John Tagg, The Burden of Representation: Essays on Photographies and Histories, Basingstoke, Macmillan, 1988 ; Pierre Piazza (dir.), Aux origines de la police scientifique. Alphonse Bertillon, précurseur de la science du crime, Paris, Karthala, 2011.
111 Patricia Hayes et Gary Minkley, « Africa and the Ambivalence of Seeing », in P. Hayes et G. Minkley (dir.), Ambivalent: Photography and Visibility in African History, Athens, Ohio University Press, 2019, p. 1-32, ici p. 12.
112 Allan Sekula, « The Body and the Archive », in R. Bolton (dir.), The Contest of Meaning: Critical Histories of Photography, Cambridge, MIT Press, [1989] 1996, p. 343-379.
113 Tanya Elder, Capturing Change: The Practice of Malian Photography, 1930s-1990s, Linköping, Linköping University, 1997 ; L. Rizzo, « Visual Aperture », art. cit. ; John Peffer et Elisabeth L. Cameron (dir.), Portraiture and Photography in Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2013 ; John Peffer et al., « Réflexions sur la photographie sud-africaine et l’extra-photographique », Africultures, 88, 2012, p. 210-226 ; J. Bajorek, Unfixed, op. cit.
114 J. Bajorek, Unfixed, op. cit., p. 239.
115 Entretien avec Babacar Cissé, Gandoul, 17 avril 2018.
116 Entretien avec Waly Faye, Sambe Tocossone, 18 novembre 2018.
117 Je remercie Ibou Diallo, dont l’aide au traitement quantitatif de ce corpus a été déterminante et qui a attiré mon attention sur cet aspect.
118 Entretien avec Adama Thione, Cambérène, 5 janvier 2019. Salla Casset et son frère aîné Mama, photographes populaires auprès de la bourgeoisie africaine de Dakar, n’étaient pas encore les photographes portraitistes internationalement reconnus qu’ils devinrent – surtout Mama – dans les années 1990. Voir notamment G. E. Foadey, B. Medoune Seye et J. L. Pivin (dir.), Mama Casset…, op. cit. ; Bourama Diemé, « La sociologie de la photographie. Étude du rôle et des professionnels de la photographie à Dakar », mémoire de maîtrise, Université Cheikh Anta Diop, 2005.
119 Entretien avec Birama Sène, Ndoffène, 13 janvier 2019.
120 ANS, 21G182, Conseil général de la Guinée Française, extrait du PV de la séance du 15 novembre 1949, Conakry, 23 novembre 1949.
121 Entretien avec Arame Diène, Rufisque, 11 novembre 2018.
122 Keith Breckenridge, « État documentaire et identification mathématique. La dimension théorique du gouvernement biométrique africain », Politique africaine, 152-4, 2018, p. 31-49 ; S. Awenengo Dalberto, R. Banégas et A. Cutolo, « Biomaîtriser les identités ? », art. cit.
123 Reynald Abad, « La falsification d’identité en France, du règne personnel de Louis XIV à la veille de la Révolution », French Historical Studies, 39-3, 2016, p. 471-508, ici p. 477.
124 S. Awenengo Dalberto, « Fragments de vies ordinaires », art. cit.
125 ANS, VP 121, République du Sénégal, exposé des motifs du projet de loi instituant une carte d’identité nationale, Dakar, février 1962.
126 ANS, VP 121, République du Sénégal, exposé des motifs du projet de loi instituant une carte d’identité nationale, Dakar, février 1962 (souligné dans le texte).