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La Culture Généalogique dans L'italie du Seizième Siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Roberto Bizzocchi
Roberto Bizzocchi*
Affiliation:
École Normale Supérieure, Pise
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Extract

Il y a un héros négatif dans l'opuscule que Girolamo Tiraboschi, le père fondateur de l'histoire littéraire italienne, rédige à la fin du XVIIIe siècle afin de condamner la manie généalogique qui sévit depuis deux siècles:

« Jusqu'au milieu du seizième siècle, écrit-il, aucun ouvrage de généalogie n'a vu le jour. Mais vers cette époque, l'Italie connut l'un des imposteurs les plus rusés et les plus hardis qu'on ait vus au monde ».

Il s'agit d'Alfonso Ceccarelli, médecin originaire de l'Ombrie qui travailla à Rome comme généalogiste, antiquaire et astrologue dans la seconde moitié du XVIe siècle, et y laissa la vie, à cinquante ans, exécuté en 1583 comme faussaire.

Summary

Summary

The family histories and genealogies which flourished in 16th century Italy following a practice already common in the Middle Ages, and which would attribute remote and illustrious origins to the nobility of the time, were not only the work of worthless counterfeiters but also of respectable authors. Flattery and self-interest were not the only motives underlying historical writings, which would seem to have been inspired less by specific practical purposes than by idea of the continuity of power and of the existence of a special relation between the nobility and history, an idea typical of traditional, aristocratic Societies.

Type
La Culture Généalogique
Information
Annales. Histoire, Sciences Sociales , Volume 46 , Issue 4 , August 1991 , pp. 789 - 805
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1991

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References

Notes

* Sergio Bertelli, Christiane Klapisch-Zuber, Adriano Prosperi et Maurizio Sciuto ont discuté une première version de cet article.

1. Tiraboschi, G., Riflessioni su gli scrittori genealogici, Padoue, 1789, p. 7 Google Scholar.

2. Cf. l'excellent article d' Petrucci, A., Ceccarelli Alfonso, dans Dizionario biografico degli Italiani, 23, Rome, 1979, pp. 199–202 Google Scholar (abondante bibliographie).

3. L'ordinaire de son activité est mentionné dans sa correspondance, dans Biblioteca ApostolicaVaticana(= BAV), Vat. Lat. 12487-12488.

4. La Serenissima nobiltà dell'alma città di Roma, dans BAV, Vat. Lat. 4909, ff. 96-97.

5. Ibid., f. 106.

6. Ceccarelli, A., Dell'historia di casa Monaldescha, Ascoli, 1580, pp. 2–4 Google Scholar.

7. Cité par G. Sforza, , « Il falsario Alfonso Ceccarelli e Alberico Cybo Malaspina principe di Massa», Archivio Storico Italiano, série 5, 15, 1895, pp. 276–287 Google Scholar (284).

8. G. Tiraboschi, Riflessioni, op. cit., p. 38.

9. Ne pouvant ici faire référence de manière exhaustive à une imposante littérature, je m'appuie sur le dernier ouvrage de C. Klapisch-Zuber, La genèse de l'arbre généalogique, qui paraîtra dans « Les Cahiers du Léopard d'or ». Mais je cite au moins Bloch, H., Etymologies and Généalogies. A Literary Anthropology of the French Middle Ages, Chicago, 1983 Google Scholar (trad. frse: Etymologies et généalogies: une anthropologie littéraire du Moyen Age français, Paris, 1989, 317 p. ).

10. La tradition a été étudiée et réélaborée avec talent par un grand représentant de la littérature italienne du xixe siècle: Carducci, G., «Gli Aleramici. (Leggenda e storia)», dans Opère, Bologne, Edizione Nazionale, 22, 1939, pp.315–350 Google Scholar.

11. Mariani, M., « La favola di Roma nell’ ambiente fiorentino dei secoli xii-xv », Archiviodélia Società Romana di Storia Patria, 81, 1958, p. 1–54 Google Scholar (24).

12. Tradition qui se rattache à la Chronica de le Vite de Pontefici et Imperadori Romani, et largement attestée dans la première édition (Rome, 1506) des Commentari Urbanide Raffaele Maffei, f. CCCXV. Cf. également Biblioteca Nazionale di Firenze, II. VII. 82.

13. D'ailleurs même cette absence de préjugés doit être replacée dans son contexte: cf. Céard, J., « La querelle des géants et la jeunesse du monde », The Journal of Médiéval and Renaissance Studies, 8, 1978, p. 3776 Google Scholar (47-54).

14. Celui du dialogue Il Gentilhuomo delMutio Justinopolitano, Venise, Valvassori, 1571, est très intéressant, en particulier pp. 52-59. L'un, appartenant à la région napolitaine, a été analysé et mis en relief par Croce, B., Uominie cose délia vecchia Italia, première série, Bari, 1927, pp. 26 Google Scholar

45. Cf., depuis, Vitale, G., «Modelli culturali nobiliari a Napoli tra Quattro e Cinquecento », Archivio Storico per le Provincie Napoletane, 105, 1987, pp. 27–103 Google Scholar (70-73).

15. Ligota, C. R., « Annius of Viterbo and historical method», Journal of the Warburg and CourtauldInstitutes, 50, 1987, pp. 44–56 Google Scholar. Pour une vision d'ensemble, Momigliano, A., « Ancient history and the antiquarians », dans Contributo alla storia degli studi classici, Rome, 1955, pp. 67– 106 Google Scholar; et, depuis, Ginzburg, C., « Ekphrasis and Quotation », Tijdschrift voor Filosofie, 50, 1988, pp. 3–19 Google Scholar. Je cite pour les Humanistes le très récent article de J. Petersohn, « Die Vita des Aufsteigers », Historische Zeitschrift, 250, 1990, pp. 1-31.

16. G. Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana, VII-2, Modène, 1778, p. 294.

17. G. B. Pigna, Historia de Principi di Este a Donno Alfonso secondo Duca di Ferrara, Ferrare, appresso Francesco Rossi stampator ducale, 1570, en particulier pp. 1-74 (citation, p. 2).

18. Santi, V., «La precedenza tra gli Estensi e i Medici e l'Historia de’ Principi d'Esté di G. Battista Pigna », Atti délia Deputazione Ferrarese di Storia Patria, 9, 1897, pp. 37–122 Google Scholar (70-76, 85-87).

19. Raccolta di prose florentine, partie IV, t. IV, Florence, 1745, pp. 132-133 (lettre de mars 1575).

20. V. Borghini, Discorsi, Florence, 1584-1585, par exemple vol. I, p. 253; vol. II, pp. 288- 290.

21. G. Tiraboschi, Storia ecc, cité à la note 16, p. 239.

22. F. Sansovino, L'Historia di casa Orsina, Venise, 1565, en particulier ff. lr.-18v. (citation, f.5r. ).

23. F. Sansovino, Délia origine et de’ fatti délieFamiglie Illustri d'Italia, Venise, 1582, ff. 13v et 202r v, 58r, 94r-95r, 367v.

24. Ibid., f. 36 r. Sansovino explique dans une lettre du 30 juillet 1575 à Alberico I Cibo prince de Massa ce qu'il doit également au matériel laissé par Giuseppe Betussi: Archivio di Stato di Massa, Carteggio dei Cibo, busta 290, cartella 1, nc 46. Un article moderne: Grendler, P. F., «Francesco Sansovino and Italian Popular History 1560-1600», Studies in the Renaissance, 16, 1969, pp. 139–180 CrossRefGoogle Scholar.

25. G. Tiraboschi, Storia ecc, op. cit, note 16, p. 182.

26. O. Panvinio, De Fabiorum familia, in Spicilegium Romanum, IX, Rome, 1843, pp. 547- 591 (citation, p. 576 ss). Le traité sur les noms des Romains se trouve en appendice au livre de O. Panvinio, Fastorum libri V, Venise, 1558, pp. 37-82 (en particulier pp. 71-76). De Kajanto, I. « The émergence of the late single name System », dans L'onomastique latine, Paris, 1977, pp. 421– 430 Google Scholar.

27. Pour Ceccarelli, cf. note 6; et BAV, Vaticano Latino, 4910, ff. 290-292, 307-314 (référence explicite ici à Panvinio). Le traité De Gente Frangepaniade Panvinio se trouve à la BAV, Barberiniano Latino, 2481, cf. particulièrement ff. 55r-58v. Sur Panvinio, D. A. Perini, Onofrio Panvinio e le sue opère, Rome, 1899.

28. A son sujet, le livre récent de Me Cuaig, W., Carlo Sigonio. The Changing World of the Late Renaissance, Princeton, Princeton Univ. Press, 1989 CrossRefGoogle Scholar.

29. C. Sigonio, Historiarum de Regno Italiae libri Quindecim, Venise, 1574, p. 280.

30. C. Sigonio, Ibid., pp. 320, 462.

31. Wittgenstein, L., Notesul«Ramo d'oro” diFrazer, Milan, 1986, p. 18 Google Scholar (éd. frse: Notes sur le « Rameau d'or» de Frazer, Paris, Age d'Homme, 1982, 128 p.)

32. C. Sigonio, Opéra Omnia, F. Argelati éd., vol. VI, Milan 1737, p. 998. La référence se trouve à Panvinio, O., Romani Pontifices et Cardinales S.R. E., Venise, 1557, p. 327 Google Scholar.

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35. Wittgenstein, L., Délia certezza, Turin, 1978, Google Scholar n° 94 (éd. frse: De la certitude, Paris, Gallimard, 1987, 154 p.)

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37. Pomian, K., « L'histoire de la science et l'histoire de l'histoire », Annales ESC, 30, 1975, pp. 935–952 Google Scholar.

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39. Outre le livre de Huppert lui-même, des exemples dans Burke, P., The Renaissance Sensé of the Past, Londres, 1969, pp. 50–76 Google Scholar. J'ai trouvé utile A. Schnapper, « Persistance des géants », Annales ESC, 41, 1986, pp. 177-200.

40. Montaigne, Oeuvres complètes, A. Thibaudet et M. Rat éds, Paris, 1962, pp. 921-922 (Essais, III, 8); HÉRodote, par exemple dans II, 123, 1.

41. Ibid., p. 828 (Essais, III, 5).

42. Sur ces questions, Moro, R., Il tempo dei signori. Mentalità, idéologie, dottrine délia nobiltà francese di Antico régime, Milan, 1981, Google Scholar en particulier pp. 179-217. Et pour les précédents, Gourevitch, A. J., Les catégories de la culture médiévale (1972), Paris, 1983, Google Scholar en particulier p. 111.

43. Bien que l'on puisse se sentir étranger à sa position, il est juste à ce propos de rendre hommage au livre de Cochrane, E., Historians and Historiography in the Italian Renaissance, Chicago- Londres, 1981 CrossRefGoogle Scholar. Je me suis également servi de la lecture de J. M. Moeglin, Les ancêtres du Prince. Propagande politique et naissance d'une histoire nationale en Bavière au Moyen Age (1180-1500), Genève, 1985.

44. J. Foresti, Supplemento délie croniche, Venise, 1540, f. CCVIIr; R. Maffei, Commentarii urbani, Lugduni, 1552, colonne 85; Alberti, L., Descrittione di tutta Italia, Bologne, 1550 Google Scholar, f. 339r v.

45. G. Sforza, Francesco Sansovino e le sue opère storiche, « Memorie délia Reale Accademia délie Scienze di Torino», série 2, 47, 1897, pp. 27-66 (40-45).

46. Orlando Furioso, 31, huitain 33; Bandello, nouvelle II, 27.

47. F. Sansovino, Délia origine ecc., cité à la note 23, ff. 295r-296v. Il manque pour l'Italie une étude comme celle de A. Jouanna , L'idée de race en France au Xvie siècle et au début du XVIIe siècle (1498-1614), Paris, 1976. Pour commencer, Jones, P., Economia e società nell'Italia médiévale, Turin, 1980, pp. 84–93;Google Scholar et dans le livre même de Mme Jouanna, pp. 1176-1183. Cf. Également A. Spagnoletti, Stato, aristocraziee OrdinediMalta nell'Italia moderna, Rome, 1988, p. 139-142.

48. Historia de Principi ecc, op. cit., note 17, pp. 1-2, 5, 24. Pour la tradition concernant la guerre d'Attila, Rajna, P., Lefonti dell'Orlando Furioso, Florence, 1900, pp. 134–137 Google Scholar. Pour l'inscription, E. Corradini, «Le raccolte estensi di antichità», dans J. Bentini et L. Spezzaferro éds, L'impresa di Alfonso II, Ferrare, 1987, pp. 163-187 (167-168).

49. R. Maffei, Commentarii ecc, op. cit., note 44, colonne 666-667; F. Sansovino, L'Historia di casa Orsina, op. cit., note 22, f. 7r.

50. O. Panvinio, De Fabiorum familia, op. cit., note 26, pp. 575-576, 586, 587-588.

51. Je me sers d'une édition en langue vulgaire, très diffusée au xvie siècle, de Lucio Fauno: Roma ristaurata e Italia illustrata di Biondo da Forli, Venise, 1548, f. 64r. Il faut au moins rappeler, pour la vision d'ensemble, le livre de Weiss, R., The Renaissance Discovery of Classical Antiquity, Oxford, 1988, Google Scholar 2° édition.

52. Muratori, L. A., Délie Antichità Estensi edltaliane, Milan, 1717-1740, 1, pp. 70–78.Google Scholar Pour l'allusion entre parenthèses, cf. par exemple Werner, K. F., « L'impero romano-cristiano e le origini della nobiltà in Occidente», Bolletino deU'Istituto Storico Italiano per il Medio Evo e Archivio Muratoriano, 92, 1985-1986, pp. 381–408.Google Scholar

53. Le fond se trouve dans Costa, G., Le antichità germaniche nella cultura italiana da Machiavelli a Vico, Naples, 1977 Google Scholar.

54. F. Sansovino, Della origine ecc, op. cit., note 23, préface.

55. Guenée, B., Politique et histoire au Moyen Age, Paris, 1981, pp. 265–278 Google Scholar; U. Eco, « Tipologia della falsificazione», dans Fälschungen im Mittelalter (Monumenta Germaniae Historica, 33), Hanovre, 1988, I, pp. 69-82; et les exemples historiques dans H. Fuhrmann, Von der Wahrheit der Fàlscher, ibid., pp. 83-98.

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58. C. R. Ligota, Annius ecc, op. cit., note 15, p. 44; Riegl, A., «Alfonso Ceccarelli und seine Falschungen von Kaiserurkunden», Mitteilungen des Instituts für Osterreichische Geschichtsforschung, 15, 1894, pp. 193–236 Google Scholar (194-198).

59. Imbert, G., «Origini leggendarie e origini storiche della famiglia Medici», Nuova Rivista Storica, 27, 1943, pp. 39–48.Google Scholar

60. Lettere storichepolitiche ed erudite raccolte da Antonio Bulifon, Pozzuoli, 1685, pp. 182- 185; (J. Nestor), Histoire des hommes illustres de la maison de Medici, Paris, 1564, ff. lv.-2v.

61. Strozzi, G. B., Della famiglia Medici, Florence, 1610, pp. 3–4;Google Scholar S. Ammirato, dans Biblioteca Nazionale di Firenze, Ginori Conti, n° 20 (cf. Kristeller, O., Iter Italicum, II, Londres, 1967, p. 515 Google Scholar). Pour Borghini cf. également sa Storia della nobiltàfiorentina. Discorsi inediti o rari, J. R. Woodhouse éd., Pise, 1974, pp. 75-76.

62. N. Luhmann, Struttura della società e semantica, éd. it., Bari, 1983.

63. R. Koselleck, Futuro passato. Per una semantica dei tempi storici, éd. it., Gênes, 1986 (éd. frse: Le futur passé: contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, EHESS, 1990).

64. Cf., pour l'Italie, l'étude récente de C. Donati, L'idea di nobiltà in Italia. Secolixiv-xvii, Bari-Rome, 1988.

65. L. Wittgenstein, Della certezza, op. cit., note 35, n° 167. Je me suis également appuyé sur le livre de C. Geertz, Interpretazione di culture, éd. it., Bologne, 1987, en particulier pp. 245- 292 (éd. frse: Bali. Interprétation d'une culture, Paris, Gallimard, 1983, 264 p.)

66. A. DE Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, II, 2 (Paris, 1961, p. 105).

67. L'anecdote se trouve dans Ceccarius (G. Ceccarelli), IMassimo, Rome, 1954, p. 7.