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« Je suis une Africaine… j'ai vingt ans »: Écrits féminins et modernité en Afrique occidentale française (c. 1940-c. 1950)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Pascale Barthélémy*
Affiliation:
ENS-LSH (Lyon)

Résumé

À travers l’analyse des premiers textes produits par des Africaines en Afrique occidentale française dans les années 1940 et 1950, cet article explore les conditions et les usages de l’écriture par les femmes en situation coloniale ainsi que les rapports entre écrit et modernité. L’étude de manuscrits scolaires, de correspondances, d’articles de presse signés par une minorité de femmes diplômées de la section sages-femmes de l’École de médecine et de l’École normale de jeunes filles de Rufisque, permet de montrer l’émergence d’une culture de l’écrit partagée, fondée sur des réseaux tissés pendant les années d’études. Bien qu’elle soit le plus souvent suscitée par les autorités coloniales, la prise d’écriture féminine n’en comporte pas moins une dimension autonome et participe d’une subjectivité en construction.

Abstract

Abstract

Through the analysis of the first texts produced by African women in French West Africa (AOF) during the forties and fifties, this article explores the conditions and practices of writing during the colonial period. Also, it examines the connections between literacy and modernity in gender perspective. School manuscripts, handwritten letters, articles signed by a minority of alumnae from the Dakar Medical School of French West Africa and the Women Teacher's School, show that young African girls shared culture of literacy, based on networks established during boarding school. Although these texts were often a response to a demand from colonial authorities, they also appear as an individual and independent way for the construction of the self.

Type
Écritures africaines et sociétés coloniales
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2009

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References

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2- Cette entité administrative, créée le 16 juin 1895, a été organisée sous sa forme définitive entre 1902 et 1904, mais n’integre que progressivement les différentes colonies. Composée au début du XXe siècle de cinq territoires – le Sénégal, le Haut-Sénégal-Niger, la Côte-d’Ivoire, la Guinée et le Dahomey –, l’AOF se transforme en 1919 en détachant une partie du Haut-Sénégal-Niger, qui devient la Haute-Volta, d’un territoire rebaptisé Soudan français (actuel Mali). La Mauritanie est incorporée a l’ensemble en 1920, le territoire militaire du Niger en 1922. Les seules modifications importantes de cette structure sont la disparition, entre 1932 et 1947, de la Haute-Volta alors partagée entre la Côte-d’Ivoire, le Niger et le Soudan français, et l’adjonction de la partie française de l’ex-Togo allemand, sous mandat de la SDN a partir de 1919, mais qui dépend du gouverneur général de l’AOF a partir de 1936.

3- Keita, Aoua, Femme d’Afrique : la vie d’Aoua Keita racontée par elle-même, Paris, Présence africaine, 1975 Google Scholar. Sur le parcours politique d’A. Keita devenue la premiere députée du Mali indépendant, voir Turrittin, Jane, « Aoua Keita and the nascent women's movement in the French Soudan », African Studies Review, 36-1, 1993, p. 5889 CrossRefGoogle Scholar et, a titre de comparaison, le témoignage d’une pionniere de la lutte pour l’indépendance au Congo belge, Blouin, Andrée, My country, Africa: Autobiography of the black pasionaria, New York, Praeger, 1983 Google Scholar.

4- Diallo, Nafissatou, De Tilène au Plateau : une enfance dakaroise, Dakar/Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1976 Google Scholar.

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7- Voir Herzberger-Fofana, Pierrette, Littérature féminine francophone d’Afrique noire. Suivi d’un Dictionnaire des romancières, Paris, L’Harmattan, 2000 Google Scholar ; Ormerod, Beverley et Volet, Jean-Marie, Romancières africaines d’expression française, le Sud du Sahara, Paris, L’Harmattan, 1994 Google Scholar ; Miller, Christopher L., Theories of Africans: Francophone literature and anthropology in Africa, Chicago, The University of Chicago Press, 1990 Google Scholar et la présentation élargie aux auteures anglophones de Berrian, Brenda F., Bibliography of African women writers and journalists: Ancient Egypt-1984, Washington, Three Continents Press, 1985 Google Scholar.

8- Thiam, Awa, La parole aux négresses, Paris, Gonthier-Denoël, 1978.Google Scholar

9- Mariama Bâ, Une si longue lettre, Dakar/Abidjan/Lomé, Nouvelles éditions africaines, 1979. Une biographie romancée a été récemment publiée par une fille de l’écrivaine : N’Diaye, Mame Coumba, Mariama Bâ ou les allées d’un destin, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal, 2007.Google Scholar

10- Notes africaines, revue trimestrielle de l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) était destinée a assurer le contact entre l’IFAN et ses correspondants a travers l’AOF. Elle accueillait essentiellement des textes d’ethnologie et d’anthropologie dont 30% furent signés par des Africains entre 1939 et 1948. Voir Hans-Jürgen LÜSEBRINK, La conquête de l’espace public colonial. Prise de parole et formes de participation d’écrivains et d’intellectuels africains dans la presse à l’époque coloniale (1900-1960), Francfort, IKO-Verlag, 2003, p. 33-34.

11- Mounier, Emmanuel, L’éveil de l’Afrique noire, Paris, Presses de la Renaissance, [1948] 2007, p. 6366 Google Scholar.

12- Genevoix, Maurice, Afrique blanche, Afrique noire, Paris, Éd. Grandvaux, [1949] 2003, p. 118119 Google Scholar.

13- Gamble, Harry, « The national revolution in French West Africa: Dakar-Jeunes and the shaping of African opinion », International Journal of Francophone Studies, 10-1, 2007, p. 85103 CrossRefGoogle Scholar. Le quotidien Paris-Dakar, dont Dakar-Jeunes fut le supplément hebdomadaire a partir de 1942, tirait a 4 500 exemplaires avant la Seconde Guerre mondiale et atteignit 20 000 exemplaires a la fin des années 1950 : Lüsebrink, H.-J., La conquête de l’espace public colonial…, op. cit., p. 14 Google Scholar.

14- Mudimbe, Vumbi Yoka, The invention of Africa: Gnosis, philosophy and the order of knowledge, Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, 1988 Google Scholar ; Hawkins, Sean, Writing and colonialism in Northern Ghana: The encounter between the LoDagaa and « the world on paper », Toronto, University of Toronto Press, 2002 CrossRefGoogle Scholar et Goody, Jack, La logique de l’écriture. Aux origines des sociétés humaines, Paris, Armand Colin, 1986 Google Scholar.

15- Voir Barber, Karin (dir.), Africa's hidden histories: Everyday literacy and making the self, Bloomington, Indiana University Press, 2006 et Breckenridge, Keith, « Love letters and amanuenses: Beginning the cultural history of the working class private sphere in Southern Africa, 1900-1933 », Journal of Southern African Studies, 26-2, 2000, p. 337348 CrossRefGoogle Scholar. L’ouvrage coordonné par K. Barber traite non seulement de la diffusion d’une culture de l’écrit chez les gens ordinaires, mais du souci de conservation et de « mise en archive » personnelle des textes produits, ainsi que des pratiques de lecture individuelles ou collectives.

16- Pour un bilan historiographique, voir Dulucq, Sophie et Goerg, Odile, « Le fait colonial au miroir des colonisées. Femmes, genre et colonisation : un bilan des recherches francophones en histoire de l’Afrique subsaharienne (1950-2003) », in Hugon, A. (dir.), Histoire des femmes en situation coloniale, Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004, p. 4370 Google Scholar et Coquery-Vidrovitch, Catherine, Les Africaines. Histoire des femmes d’Afrique noire du XIXe au XXe siècle, Paris, Éditions Desjonqueres, 1994 Google Scholar.

17- Westermann, Diedrich, Onze autobiographies d’Africains, Lomé/Paris, Éd. Haho/Les presses de l’UB/Karthala, [1938] 2001, p. 9 Google Scholar. Le titre original était Des Africains racontent leur vie : onze autobiographies d’indigènes africains de tous niveaux scolaires, tous métiers et toutes régions de l’Afrique.

18- Par exemple l’Africa Morning Post, le Daily Times ou l’Accra Evening News. Voir Denzer, LaRay, « Gender and decolonization: A study of three women in West African public life », in Cornwall, A. (dir.), Readings in gender in Africa, Bloomington/Oxford, Indiana University Press/James Currey, 2005, p. 217224 Google Scholar. Voir également le parcours exceptionnel d’une femme militante et journaliste de Sierra Leone dans Adélaide Cromwell, M., An African Victorian feminist: The life and times of Adelaide Smith Casely-Hayford (1868-1960), Londres, Franck Cass, 1986 Google Scholar.

19- Herzberger-Fofana, P., Littérature féminine francophone d’Afrique noire…, op. cit., p. 36 Google Scholar, fait le lien entre la création de l’École normale de jeunes filles et la multiplication des écrits féminins : « Nous pouvons affirmer que les premieres publications remontent a l’année 1942. En effet, des cette date, nous notons un nombre impressionnant de jeunes femmes qui s’adonnent a l’écriture sous forme de récits, de contes, d’articles ou de traductions de mélopées africaines qui servent a animer les soirées récréatives de l’école normale. »

20- Chartier, Roger (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1991 Google Scholar.

21- L’expression est empruntée a Irene Assiba D’Almeida, « Femme ? Féministe ? Misovire ? Les romancieres africaines face au féminisme », Notre Librairie, 117-1, 1994, p. 48-51, ici p. 49.

22- Le terme « d’évolué-e-s » est employé par les colonisateurs aussi bien dans le domaine colonial français que belge, mais aussi par les Africain-e-s qui se définissent comme tel-le-s. Parmi une historiographie abondante sur les groupes que les chercheurs désignent plus volontiers comme des « catégories lettrées », voir Johnson, G. Wesley (dir.), Double impact: France and Africa in the age of imperialism, Wesport, Greenwood Press, 1985 Google Scholar ; Lawrance, Benjamin N., Osborn, Emily L. et Roberts, Richard L. (dir.), Intermediaries, interpreters and clerks: African employees in the making of colonial Africa, Madison, University of Wisconsin Press, 2006 Google Scholar, et Wilder, Gary, The French imperial nation-state, negritude and colonial humanism between the two world wars, Chicago, The University of Chicago Press, 2005 Google Scholar. Sur leurs équivalents féminins : Barthel, Diane L., « The rise of a female professional elite: the case of Senegal », African Studies Review, XVIII-3, 1975, p. 117 CrossRefGoogle Scholar, et Pascale Barthélémy, « Femmes, Africaines et diplômées, une élite auxiliaire a l’époque coloniale. Sages-femmes et institutrices en AOF (1918-1957) », these de l’université Paris Diderot-Paris 7, 2004.

23- K. Barber (dir.), Africa's hidden histories…, op. cit.

24- Le concept de modernité renvoie ici a la représentation que s’en fait une catégorie particuliere d’acteurs et d’actrices africains dans les dernieres années de la colonisation en AOF. Sur les multiples emplois possibles de ce terme, voir Cooper, Frederick, Colonialism in question: Theory, knowledge, history, Berkeley, University of California Press, 2005, p. 113149.Google Scholar

25- Davies, Carol Boyce, « Private selves and public spaces: Autobiography and the African women writer », Neohelicon, 17-2, 1990, p. 183210.CrossRefGoogle Scholar

26- Voir, par exemple, Denise Bouche, « L’enseignement dans les territoires français d’Afrique occidentale de 1817 a 1920. Mission civilisatrice ou formation d’une élite ? », these de l’université Paris-I, 1975 ; Desalmand, Paul, Histoire de l’éducation en Côted’Ivoire. Des origines à la Conférence de Brazzaville, 1944, Abidjan, Éd. CEDA, 1983 Google Scholar ; Moumouni, Abdou, L’Éducation en Afrique, Paris, Présence africaine, 1963 Google Scholar et, pour une analyse de la « mission civilisatrice » sous la IIIe République, Conklin, Alice L., A mission to civilize: The republican idea of empire in France and West Africa, 1885-1930, Standford, Standford University Press, 1997 Google Scholar.

27- Furet, François et Ozouf, Jacques, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éd. de Minuit, 1977 Google Scholar.

28- Les calculs, fondés sur les statistiques fournies par l’administration coloniale et donc de ce fait a manier avec une grande prudence, ont été effectués sur la base d’une population scolarisable (de 5 a 15 ans) estimée a 20% de la population totale, alors que les rapports statistiques scolaires adoptent un taux de 15% et fournissent donc des résultats légerement supérieurs. Voir Haut-Commissariat de la République en Afrique Occidentale Française, Annuaire statistique de l’AOF, Dakar, s. n., 1957, p. 115-120.

29- Haut-Commissariat de la République en Afrique Occidentale Française, Annuaire statistique de l’AOF, Paris, Imprimerie nationale, 1951, p. 80.

30- Cette formule rend compte de la spécificité de ces institutions dans le contexte du développement de l’enseignement féminin en AOF. Diop, Papa Momar, « L’enseignement de la fille indigene en AOF (1903-1958) », in Becker, C., Mbaye, S. et Thioub, I. (dir.), AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960, Dakar, Direction des Archives du Sénégal, 1997, p. 10811096, ici p. 1092.Google Scholar

31- L’histoire de l’École normale William Ponty a donné lieu a de nombreux travaux : Peggy R. Sabatier, « Educating a colonial elite: The William Ponty school and its graduates », Ph. D. de l’université de Chicago, 1977 ; Id., « ‘Elite’ education in French West Africa: The era of limits, 1903-1945 », International Journal of African Historical Studies, 11-2, 1978, p. 247-266 ; Id., «Did African really learned to be French? The francophone elite of the ecole William Ponty », in G. W. Johnson (dir.), Double impact…, op. cit., p. 179-187. L’analyse de cette institution a été enrichie par Jean-Hervé JÉZÉQUEL, « Les mangeurs de craies. Socio-histoire d’une catégorie lettrée a l’époque coloniale. Les instituteurs diplômés de l’École Normale William Ponty (c. 1900-c. 1960) », these de l’EHESS, 2002.

32- Comme lors du vote de la loi Camille Sée sur la création des lycées de jeunes filles en 1879 en métropole, l’objectif des autorités coloniales était de réduire le « divorce intellectuel » entre les époux en offrant aux jeunes gens instruits des compagnes susceptibles de partager un certain nombre de valeurs. Voir la these fondatrice de Mayeur, Françoise, L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la IIIe République, Paris, Presses de la FNSP, 1977 Google Scholar, et la récente mise au point historiographique sur ces questions par Rebecca Rogers, « L’éducation des filles. Un siècle et demi d’historiographie », in P. Caspar, J.-N. Luc et R. Rogers (dir.), « L’éducation des filles, XVIIIe-XXIe siècle : Hommage a Françoise Mayeur », no spécial d’Histoire de l’éducation, 115-116, 2007, p. 37-79.

33- Les Subalterns Studies ont peu traité des femmes instruites comme catégorie intermédiaire dans les sociétés colonisées. Voir Pouchepadass, Jacques, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité », L’Homme, 156, 2000, p. 161186 Google Scholar et Diouf, Mamadou (dir.), L’historiographie indienne en débat. Colonialisme, nationalisme et sociétés postcoloniales, Paris/Amsterdam, Karthala/SEPHIS, 1999.Google Scholar

34- Archives nationales du Sénégal (dorénavant AS) O515 (31), lettre de Sambou Diminga a G. Le Goff, 6 aout 1940. Voir par exemple l’analyse du journal intime d’un catéchiste ghanéen par Miescher, Stephan, « ‘My own life’: A. K. Boakye Yiadom's autobiography. The writing and subjectivity of a Ghanaian teacher-catechist », in Barber, K. (dir.), Africa's hidden histories…, op. cit., p. 2752 Google Scholar.

35- Sur les journaux intimes de jeunes filles dans la France du XIXe siècle, voir Lejeune, Philippe, Le moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Éd. du Seuil, 1993 Google Scholar. Sur G. Le Goff, voir Barthélémy, Pascale, « Nanan du plaisir, Germaine Le Goff (1891-1986), premiere directrice de l’École normale de jeunes filles de l’AOF », in Chanson-Jabeur, C. et Goerg, O. (dir.), « Mama Africa ». Hommage à Catherine Coquery-Vidrovitch, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 275300 Google Scholar.

36- Des les lendemains de la Premiere Guerre mondiale, des récits de voyage ont été rédigés par des Africains, notamment apres un séjour en métropole : H.-J. Lüsebrink, La conquête de l’espace public colonial…, op. cit., p. 109.

37- A partir de 1945, les éleves voyagent plus souvent par bateau ou voie aérienne.

38- AS O515 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Chra [Togo], 27 aout 1940. L’année suivante, de Lomé, la meme jeune fille rédige une nouvelle lettre de onze pages : AS O119 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Lomé [Togo], 26 aout 1941.

39- AS O118 (31), lettre d’une ancienne éleve en poste a Djenné [Mali] a G. Le Goff, 27 février 1945.

40- La parution en 1897 du roman de Léon Frapié, L’institutrice de province, qui décrit l’isolement et la détresse des premieres enseignantes républicaines, conduit Francisque Sarcey a lancer, dans les Annales politiques et littéraires, un appel a témoignages afin de contredire cette vision pessimiste de la profession. Or, les réponses obtenues confirment le malaise des enseignantes qui affrontent des communautés paysannes hostiles, des conditions matérielles sordides et un néant affectif douloureux. Pour un état des lieux tres complet de l’historiographie tant anglophone que francophone sur l’histoire des enseignantes voir Essen, Mineke Van et Rogers, Rebecca, « Écrire l’histoire des enseignantes : enjeux et perspectives internationales », Histoire de l’éducation, 98, 2003, p. 535 CrossRefGoogle Scholar. Sur les écoles normales républicaines, le livre militant de Delhome, Daniele, Gault, Nicole et Gonthier, Josiane (dir.), Les premières institutrices laïques, Paris, Mercure de France, 1980 Google Scholar, a été complété par Jacques et Ozouf, Mona, La République des instituteurs, Paris, Le Seuil, [1992] 2001, p. 392404 Google Scholar et, plus récemment, par Anne Quartararo, T., Women teachers and popular education in nineteenth century France: Social values and corporate identity at the normal school institution, Newark, University of Delaware Press, 1995 Google Scholar.

41- AS O118 (31), lettre d’une ancienne éleve en poste a Djenné [Mali] a G. Le Goff, 27 février 1945.

42- AS O119 (31), lettre de Massan a G. Le Goff, Lomé [Togo], 15 septembre 1942.

43- AS O119 (31), lettre de J. Turpin a G. Le Goff, M’Backé [Sénégal], 14 janvier 1942.

44- AS O119 (31), lettre de Massan a G. Le Goff, Lomé [Togo], 15 septembre 1942.

45- AS O118 (31), lettre d’une ancienne éleve en poste a Djenné [Mali] a G. Le Goff, 27 février 1945.

46- AS O119 (31), lettre de J. Turpin a G. Le Goff, M’Backé [Sénégal], 14 janvier 1942.

47- AS O118 (31), lettre d’une ancienne éleve en poste a Djenné [Mali] a G. Le Goff, 27 février 1945.

48- Bayart, Jean-François, « En finir avec les études postcoloniales », Le Débat, 154, 2009, p. 119140, ici p. 135CrossRefGoogle Scholar.

49- AS O119 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Palimé [Togo], 4 septembre 1942.

50- AS O515 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Chra [Togo], 27 aout 1940.

51- R. Chartier, La correspondance…, op. cit., p. 9. K. Barber aboutit aux memes conclusions a propos de l’Afrique coloniale britannique : K. Barber (dir.), Africa's hidden histories…, op. cit., p. 9 sq.

52- Béart, Charles, « Intimité : les lettres de la fiancée », Présence africaine, 8-9, 1950, p. 271288 CrossRefGoogle Scholar. Je remercie Jean-Marie Volet de m’avoir fait connaître ce texte. Les lettres originales sont pour le moment restées introuvables. Leur authenticité fait évidemment probleme, mais leur confrontation a d’autres écrits de normaliennes ainsi qu’a d’autres correspondances amoureuses entre adolescents africains les rend crédibles. L’article publié ne fait figurer que des extraits de 43 lettres écrites par la jeune fille. Il est présenté comme un « essai d’analyse de la pensée secrete des jeunes filles instruites au Dahomey, d’apres les lettres que l’une d’elles écrit a son fiancé » : Plisnierladame, Francine, La condition de l’Africaine en Afrique noire, Bruxelles, CEDESA, 1961, p. 25 Google Scholar.

53- C. Béart, « Intimité… », art. cit., p. 275 et, pour les citations suivantes, p. 276, 278 et 279.

54- Ibid., p. 273-274.

55- Cette correspondance aurait été déposée aux archives par le pere de la jeune fille. Confronté a la justice coutumiere, le jeune homme fut obligé de payer 680 shillings kenyans de dédommagement. Lynn M. Thomas, « Schoolgirl pregnancies, letterwriting and ‘modern’ persons in late colonial East Africa », in K. Barber (dir.), Africa's hidden histories…, op. cit., p. 180-207 et Cole, Jennifer et Thomas, Lynn M. (dir.), Love in Africa, Chicago, The University of Chicago Press, 2009 CrossRefGoogle Scholar.

56- H. Gamble, « The national revolution… », art. cit., nuance l’analyse de Ruth Ginio dont il considere qu’elle conclut un peu vite a l’effet de la propagande de Vichy sur les lettrés africains. Il montre que les prises de position de ces élites sont plus complexes, et que l’on peut meme parler d’une contestation de plus en plus nette du pouvoir colonial. Ginio, Ruth, French colonialism unmasked: The Vichy years in French West Africa, Lincoln, University of Nebraska Press, 2006 Google Scholar ; Id., « Les élites européennes et coloniales face au nouveau régime en Afrique occidentale française », in Cantier, J. et Jennings, E. (dir.), L’empire colonial sous Vichy, Paris, Odile Jacob, 2004 Google Scholar.

57- Cette pratique des « enquetes » initiées par les autorités coloniales est ancienne. Déja en 1929, le Bulletin de l’enseignement en AOF lançait un appel a contribution aupres des instituteurs africains invités a écrire sur le theme de « L’enfant noir ».

58- H. Gamble, « The national revolution… », art. cit., p. 87-89, revient sur l’émergence de ce débat dans le contexte du Front populaire et sur la complexité des prises de positions de Senghor.

59- Le premier article de Karamoko est publié le 8 janvier 1942 et intitulé « Vous de France, nous d’Afrique ». Dakar-Jeunes a diffusé au total 22 articles sur « l’évolution culturelle » entre le 8 janvier et le 18 juin 1942.

60- Anonyme [attribué a Frida Lawson], « Je suis une Africaine… j’ai vingt ans », Dakar-Jeunes, 12 mars 1942.

61- M. BÂ, «Ma petite patrie », art. cit.

62- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

63- M. Bâ, «Ma petite patrie », art. cit.

64- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

65- M. Bâ, «Ma petite patrie », art. cit.

66- En 1943, 36% des normaliennes sont des filles d’instituteurs, de sages-femmes, d’employés des postes ou de chemin de fer, tandis que 28%appartiennent a des familles de petits commerçants. AS O118 (31), G. Le Goff, rapport de fin d’année scolaire 1942-1943.

67- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

68- Gayibor, Nicoué L. (dir.), Histoire des Togolais, Lomé, Presses de l’université du Bénin, 1997-2005Google Scholar ; Lange, Marie-France, L’école au Togo. Processus de scolarisation et institution de l’école en Afrique, Paris, Karthala, 1999 Google Scholar.

69- Codo Bellarmin, Coffi, « La presse dahoméenne face aux aspirations des ‘évolués’ : La Voix du Dahomey, 1927-1957 », these de l’université Paris 7-Diderot, 1978, p. 43 Google Scholar.

70- Akuété Zankli Lawson, membre d’une famille commerçante dont la prospérité était déja célebre au XVIIIe siècle, partit étudier en Angleterre avant de revenir a Aného : Jones, Adam et Sebald, Peter (dir.), An African family archive: The Lawsons of little Popo/ Aneho (Togo), 1841-1938, Oxford, Oxford University Press, 2005 Google Scholar.

71- A titre de comparaison sur les écoles normales de jeunes filles en métropole, voir A. Quartararo, Women teachers…, op. cit. et, sur les premieres générations de sévriennes, Margadant, Jo Burr, Madame le professeur: Women educators in the Third Republic, Princeton, Princeton University Press, 1990 Google Scholar. Rebecca Rogers, a travers l’étude des carnets intimes d’Eugénie Servant, la fille d’un officier français d’Algérie scolarisée a l’école de la Légion d’honneur dans les années 1875-1880, montre la construction d’une culture et d’une identité féminines au travers de l’écriture. Rebecca ROGERS, « School, discipline, and community: Diary-writing and schoolgirl culture in late nineteen century France », Women's History Review, 4, 1995, p. 525-554.

72- AS 0119 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Lomé [Togo], 26 aout 1941.

73- Au sein du cours normal de Bouzaréah en Algérie, l’emploi du temps est réglé par demi-heure de 5 heures a 21 heures : Colonna, Fanny, Instituteurs algériens, 1883-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1975, p. 127138 Google Scholar. En métropole, les normaliennes ont également des journées minutées de 5 heures a 21 heures, avec cependant davantage de temps consacré a l’étude. Voir A. Quartararo, Women teachers…, op. cit., p. 126-127. A Rufisque, G. Le Goff offre symboliquement une montre aux éleves en fin d’études : entretien avecMme Kadidiatou Diallo (promotion 1944-1948), Conakry, 22 janvier 2002.

74- L’uniforme des normaliennes a la fin du XIXe siècle en France est particulierement sévere : une robe noire en cachemire ou croisé de laine unie, une jupe unie, un corsage uni, un mantelet de meme étoffe fait sur le modele de l’école, un manteau de drap noir, un tablier noir a empiecement montant et manches boutonnées. D. Delhome, N. Gault et J. Gonthier (dir.), Les premières institutrices laïques…, op. cit., p. 34.

75- E. Mounier, L’éveil de l’Afrique noire, op. cit., p. 66.

76- AS O515 (31), lettre de Aissata Coulibaly, Kati [Soudan], 29 juillet 1940.

77- AS O515 (31), lettre de Sambou Diminga a G. Le Goff, 6 aout 1940.

78- Discours du gouverneur général Brévié, session du Conseil de gouvernement, novembre 1932, Journal officiel de l’Afrique occidentale française, Gorée, 1932, p. 1045. Jules Brévié et l’Inspecteur général de l’enseignement André Charton furent les représentants emblématiques de la tension entre « modernisation » et « africanisation » du systeme éducatif dans l’entre-deux-guerres. Voir G. Wilder, The French imperial nationstate…, op. cit., chap. 5.

79- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

80- J.-H. Jézéquel, « Les mangeurs de craies… », op. cit., p. 147-156 ; F. Colonna, Instituteurs algériens…, op. cit., p. 56-62. La politique scolaire en Indochine obéit aux memes logiques : Marie-Paule HA, « From ‘Nos ancetres les Gaulois’ to ‘Leur culture ancestrale’: Symbolic violence and politics of colonial schooling in Indochina », French Colonial History, 3, 2003, p. 101-117.

81- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

82- Annette M’Baye d’Erneville (promotion 1942-1945), interviewée dans le magazine Amina. Revue de la femme, 83, 1975, p. 21-23.

83- Zabus, Chantal, « La langue avant la lettre, Une si longue lettre de Mariama Bâ », Notre Librairie, 117-1, 1994, p. 9597 Google Scholar.

84- Lüsebrink, Hans-Jürgen, «Du journal de voyage au témoignage. Autobiographies fragmentaires d’auteurs africains dans la presse ouest-africaine a l’époque coloniale (1916-1950) », in Riesz, J. et Schild, U. (dir.), Genres autobiographiques en Afrique, Berlin, D. Reimer, 1996, p. 83100 Google Scholar.

85- Smith, Étienne, « La nation par le côté. Le récit des cousinages au Sénégal », Cahiers d’Études Africaines, 184, 2006, p. 905967 Google Scholar.

86- Ibid., p. 927.

87- Chanet, Jean-François, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996 Google Scholar.

88- Ibid., p. 926.

89- Goff, Germaine Le, « L’éducation des filles en AOF», Oversea Education. A journal of educational experiment and research in tropical and sub-tropical areas, XVIII-4, 1947, p. 547563, ici p. 561Google Scholar.

90- AS O515 (31), lettre du chef de service de l’Éducation générale et du sport scolaire et universitaire a la directrice de l’École normale de jeunes filles, 11 mars 1943.

91- AS O119 (31), lettre de la directrice de l’École normale au directeur général de l’Instruction publique, Rufisque, 10 avril 1946.

92- Les cauris sont de petits coquillages a usages multiples (monnaie, présages, ornements).

93- Jézéquel, Jean-Hervé, « Le théâtre des instituteurs africains en AOF. Pratique socio-culturelle et vecteur de cristallisation des nouvelles identités », in Goerg, O. (dir.), Fêtes urbaines en Afrique. Espaces, identités et pouvoirs, Paris, Karthala, 1999, p. 181200 Google Scholar.

94- Dulucq, Sophie « Des yeux africains derriere des lunettes européennes ? Historiographie coloniale et logiques autochtones en AOF (c. 1900-c. 1930) », Outre-Mers, 352-353, 2006, p. 1532, ici p. 32CrossRefGoogle Scholar.

95- M. Genevoix, Afrique blanche, Afrique noire, op. cit., p. 128-129.

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97- Bayart, Jean-François, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1990, p. 54 Google Scholar.

98- Manchuelle, François, « Assimilés ou patriotes africains ? Naissance du nationa-lisme culturel dans l’Afrique française (1853-1931) », Cahiers d’Études Africaines, 138-139, 1995, p. 333368 CrossRefGoogle Scholar. De façon emblématique, F. Manchuelle met en exergue de son article une citation de M. Bâ – « nous étions pleins de nostalgie, mais résolument progressistes » – et fait ainsi le lien entre les premiers intellectuels africains et la romanciere sénégalaise.

99- Voir également sur ce sujet, Coquery-Vidrovitch, Catherine (dir.), « Les femmes, le droit et la justice », no spécial des Cahiers d’Études Africaines, 187-188, 2007 Google Scholar.

100- Pour une mise au point sur l’histoire des intellectuelles dans les sociétés occidentales, voir Dubesset, Mathilde et Rochefort, Florence (dir.), « Intellectuelles », Clio, 13, 2001 Google Scholar, auxquelles nous empruntons cette définition.

101- Voir Barthélémy, Pascale et Jézéquel, Jean-Hervé, « Marier ‘les demoiselles frigidaires’ et les ‘mangeurs de craies’ : l’idéal du ménage lettré et l’administration coloniale en Afrique Occidentale Française (AOF) », in Goerg, O. (dir.), Perspectives historiques sur le genre en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 7796 Google Scholar.

102- K. Breckenridge, « Love letters and amanuenses… », art. cit.

103- Houbre, Gabrielle, La discipline de l’amour, l’éducation sentimentale des filles et des garçons à l’âge du romantisme, Paris, Plon, 1997 Google Scholar.

104- C. Béart, « Intimité… », art. cit., p. 276.

105- Ibid., p. 278 et, pour les citations suivantes, p. 280, 285, 286 et 288.

106- Ibid., p. 285-286.

107- L. M. Thomas, « Schoolgirl pregnancies… », art. cit., p. 191 sq.

108- Anonyme [attribué a F. Lawson], « Je suis une Africaine… », art. cit.

109- AS O119 (31), lettre de F. Lawson a G. Le Goff, Lomé [Togo], 26 aout 1941.

110- Coulibaly, Ouezzin, « Sur l’éducation des femmes indigenes », L’Éducation africaine, 99-100, 1938, p. 3336 Google Scholar.

111- Pagnon, Estelle, « Une oeuvre inutile ? La scolarisation des filles par les missionnaires catholiques dans le Sud-Est du Nigéria (1885-1930) », Clio, 6, 1997 Google Scholar : http://clio.revues.org/index375.html. Au Nigéria, les filles éduquées par les Peres du Saint-Esprit dans la région d’Onitsha a partir des années 1890 sont accusées de devenir des « demoiselles a robes et a pommade » et de trop dépenser « en bottes, en chapeaux et perles ».

112- « Aissata répond a Karamoko », Dakar-Jeunes, 29 janvier 1942.

113- Gabriel Sulet Ekongo, « La femme congolaise au travail », La Voix du Congolais, avril 1949, p. 141, cité par Mianda, Gertrude, « Colonialism, education and gender relations in the Belgian Congo: The Évolué case », in Allman, J., Geiger, S. et Musisi, N. (dir.), Women in African colonial histories, Bloomington, Indiana University Press, 2002, p. 144163, ici p. 150 Google Scholar. Et aussi Kadima-Nzuji, Mukala, La littérature zaïroise de langue française (1945-1965), Paris, Karthala, 1984 Google Scholar, dont les premiers chapitres sont consacrés a La Voix du Congolais.

114- Le meme débat a lieu dans le bulletin mensuel des étudiants catholiques africains publié a partir de 1952 en métropole. Le point de vue des filles instruites est défendu par une normalienne Jacqueline Coulibaly (future épouse de Joseph Ki-Zerbo) : Kaya, Paul, Coulibaly, Jacqueline et Ki-Zerbo, Joseph, « La femme africaine, victime ou espoir de l’Afrique ? », Tam-Tam, 5, 1956, p. 918 Google Scholar.

115- Voir par exemple les actes du colloque sur La civilisation de la femme dans la tradition africaine, Paris, Présence africaine, 1975 ou les articles parus dans Awa, le magazine de la femme noire créé en 1963 par A. M’Baye d’Erneville, une ancienne normalienne.

116- M. Bâ, Une si longue lettre, op. cit., p. 129.