Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Dans nos sociétés, les inégalités intellectuelles qui dérivent de la disparité des niveaux d'instruction sont encore grandes. Il y a là un défi aux principes mêmes de la démocratie et un obstacle à une accélération systématique du progrès : celle-ci suppose, en effet, beaucoup plus de spécialistes que nous n'en préparons actuellement. Ces inégalités néanmoins tendent à diminuer, grâce aux transformations, réelles bien que limitées, de nos systèmes d'enseignement. A cet égard, quelle était en Europe la situation au début de l'ère industrielle ? Nous ne possédons guère de données précises et certes pas autant que pour des périodes moins éloignées, comme la fin du xixe siècle ou le début du xxe. D'où notre propos : contribuer à combler cette lacune en étudiant de façon aussi systématique que possible le cas particulier de Genève (ville et territoire rural) durant la première moitié du xixe siècle
1. Les recherches qu'a nécessitées cette étude ont été faites avec le concours de M. Michel Flegenheimer. L'auteur de ces lignes le remercie de sa précieuse collaboration. Il exprime aussi sa gratitude à M. Gustave Vaucheb, archiviste de l'Etat, et à M. Louis Binz, son adjoint. Il a reçu de son collègue Paul-F. Geisendorf, professeur d'histoire à l'Université de Genève, de très sympathiques encouragements.
1. Voici des indications sur la population totale des régions distinguées dans le tableau I (en 1814-1816) : ville de Genève, 21 812 habitants ; communes de l'ancien territoire entourant la ville, 3 930 ; communes rurales de l'ancien territoire, 5 291 ; Carouge, 3 546 ; communes ex-savoyardes, 10 280 ; communes ex-gessiennes, 3 812 ; soit en tout 48 671 habitants. D'après Robert Steimer, « L'évolution démographique genevoise », dans le recueil collectif intitulé Genève, le pays et les hommes, Société de Géographie de Genève, 476 p., 1958, p. 202.
2. Les registres d'état civil des communes du nouveau territoire sont conservés aux Archives de l'Etat de Genève, non seulement pour ce qui est de la période qui suit 1815-1816, mais aussi pour celle qui précède, ce qui nous a permis de faire partir nos observations de 1809-1812. D'ailleurs, à cette époque, Genève était annexée à la France. Elle était la préfecture du département du Léman dont faisaient partie, en particulier, les communes en cause.
1. D'après les registres de l'état civil des différentes communes, conservés aux Archives de l'Etat de Genève. Dans chaque cas, l'observation a porté sur la totalité des mariages enregistrés pendant la période considérée. En ce qui concerne la ville de Genève, on s'est borné aux cent premiers mariages de 1810 (le dernier est du 23 août) et aux cent premiers mariages de 1845 (le dernier est du 1e r juillet). Pour la signification des divisions entre l'ancien et le nouveau territoire, voir le texte
1. Vanalphabétisme dans le monde au milieu du XXe siècle, Unesco, Paris, 216 p., 1957, p. 23.
1. Compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat, 1829, p. 54.
2. « Rapport fait au Conseil représentatif par M. Macaire-Prinsep au nom de la Commission nommée pour l'examen du projet de loi sur les écoles primaires » (4 mai 1835), Mémorial des séances du Conseil Représentatif, Genève, 1835-1836, tome I, 423 p., 5e partie, p. 53.
1. Depuis la rédaction du présent article, nous avons fait de nouvelles observations statistiques sur les illettrés à Genève à la fin du xviiie et au début du xixe siècle. Les résultats de ces recherches doivent paraÎtre dans les « Mélanges d'histoire économique et sociale », publiés en hommage au professeur Antony Babel.
2. Premier rapport fait à la Compagnie académique dans sa séance du 19 mai 1830 au nom de la Commission nommée pour la révision des institutions du Collège de Genève, Genève, 67 p., 1830, p. 9. De Roches, rapporteur.
3. Voir compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat, années 1886-1889.
1. Voir notamment le rapport De Roches de 1830, déjà cité, ainsi que L. Veillard, De l'enseignement primaire à Genève, 54 p., 1831, p. 28, et le Rapport présenté à la Commission des écoles primaires du canton de Genève le 30 novembre 1841, par M. J. Martin, 112 p., Genève, p . 57.
2. Op. cit., p. 55. 8. L'obligation scolaire fut introduite à Genève en 1850, pour les enfants de six ans révolus à treize ans révolus. La limite inférieure n'a pas changé depuis lors. En 1886, la limite supérieure fut portée à quinze ans révolus, mais les deux dernières années n'étaient pas soumises au plein temps dans toutes les écoles. L'école à plein temps est devenue obligatoire pour tous les enfants jusqu'à quatorze ans révolus en 1911 et jusqu'à quinze ans révolus en 1933. Cette norme est toujours en vigueur. Henri Grandjean, « L'instruction publique dans la République et Canton de Genève », Archiv fur das Schweizerische Unterrichtswesen, Frauenfeld, 1956, 22 p. et renseignements fournis par l'administration scolaire.
1. J.-J. Riqaud, Renseignements sur les Beaux-Arts à Genève, Genève, 383 p., 1876, p. 94.
2. Voir compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat et Mémorial du Conseil municipal.
3. Matériaux et hypothèses : dans le recensement de 1843 (Tableaux de la population du Canton de Genève, extraits du recensement de l'année 1843, Genève, 34 p., 1843), la population n'est pas classée par groupes d'âge d'une année, mais seulement par groupes quinquennaux (enfants de 5 ans ou moins, de 6 à 10 ans, etc.). Nous avons calculé à partir de là l'effectif moyen des groupes d'âge d'un an. Seuls ont été pris en considération les garçons, puisque les filles étaient exclues des établissements considérés. D'autre part, nous avons estimé l'âge qu'avaient en général les élèves de chaque établissement, d'après les règlements relatifs à l'âge normal d'entrée et à la durée des études. Ecoles d'art : les élèves pouvaient y entrer dès 12 ans ; durée des études de 2 à 4-5 ans suivant les sections. (Nous avons admis par hypothèse que les élèves de ces écoles appartenaient en général aux groupes d'âge de 12 à 16 ans). Ecole d'horlogerie : entrée dès 13 ans et demi, durée des études de 3 à 5 ans, suivant les sections, à en juger par le nombre de mois que les élèves devaient consacrer à chaque partie du programme (l'hypothèse a été que les élèves de cette école devaient appartenir en général aux groupes d'âge de 14 à 18 ans). Ecole industrielle : entrée dès 14 ans révolus ; durée des études : 3 ans (hypothèse : les élèves de cet établissement devaient appartenir en général aux groupes d'âge de 15 à 17 ans). Sources : Règlements contenus dans le « Recueil des lois », 7 août 1826, 9 mars 1835, 16 juin 1841, 6 janvier 1841.
1. Règlement sur les études académiques du 28 novembre 1825, Genève, 30 p. ; Recueil des lois, 29 mai 1885, 4 avril et 24 août 1836, 30 août 1839. En outre Rapport fait à la Compagnie académique dans sa séance du 13 mars 1828, au nom d'une commission chargée d'examiner les réformes à faire au Collège, et dirigée par M. Chenevière, Recteur de l'Académie, Genève, 1828, 48 p. ; Charles Borgeaud, Histoire de l'Université de Genève, Volume III, Genève, 1934, 578 p. ; L. J. Tmévenaz et divers, Histoire du Collège de Genève, 1896, Genève, 402 p. ; Henri Grandjean, op. cit.
1. Compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat, années 1842, 1848 et 1846.
2. Voir aussi une statistique relative à l'âge moyen des élèves des différentes classes du Collège de Genève en 1845. Compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat, 1845.
3. Indicateur de la ville de Genève et de ses environs, Genève, 1844, 828 p.
4. Centenaire de VEcole Privât (1814-1914), Genève, 1914, 30 p.
1. Jeunes gens seulement, les jeunes filles étant exclues, à l'époque des établissements considérés. Pour les établissements publics, répartition par âge en fonction de moyennes données dans le texte, et compte tenu par ailleurs de la distribution des élèves selon les degrés, d'après le compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat. Pour les établissements privés, voir texte.
2. Les étudiants réguliers se soumettaient à l'obligation de suivre un ensemble déterminé de cours et de subir des examens fréquents. Les externes organisaient leurs études à leur gré, mais avaient la faculté de se présenter aux épreuves dont dépendaient l'attribution des grades.
3. La répartition de ces étudiants selon l'âge n'ayant pas pu être établie avec exactitude, nous n'avons pas calculé de pourcentages. Mais on peut penser que les étudiants du cycle préparatoire entreprenaient en général des études plus poussées dans les Facultés. Les pourcentages que l'on obtiendrait seraient donc vraisemblablement voisins de ceux du groupe C.
1. Voir compte rendu de l'administration du Conseil d'Etat et rapport Chenevière de 1828, op. cit.
2. Charles Bobgeaud, op. cit., p. 271.
1. C'est-à-dire aux professions libérales et à la magistrature.
2. Op. cit., p. 9.
1. La liste des étudiants débutants, c'est-à-dire nouvellement immatriculés pour les études préparatoires de l'Université de Genève (qui s'intitulait alors Académie) a été établie à partir du Livre du Recteur publié sous la direction de S. Stelling-Michaud, Genève, 1959, 501 p. Tous les cas ont été pris en considération. Les renseignements relatifs à l'origine sociale, etc. de ces étudiants, ont été ensuite recherchés dans les dossiers manuscrits des recensements de 1822 et 1848. Dans ces recensements, les habitants sont groupés par foyers. La famille des étudiants qui ne vivaient pas au foyer de leur père (pensionnaires, etc.) a pu être identifiée néanmoins dans certains cas, grâce à des généalogies et à des documents officiels complémentaires (registres d'état civil divers). Il est vraisemblable que tous les étudiants issus du groupe des « notables, professions libérales et situation analogues » ont pu être classés. Les étudiants non classés appartiennent donc sans doute, en règle générale, aux autres catégories. Sous « notables, professions libérales et situations analogues », on a rangé, par exemple, les fils de magistrats, les étudiants dont le père vivait de sa fortune, sans travailler, les enfants de banquiers, et ceux des théologiens, médecins, juristes, hommes de science, littérateurs, maÎtres au Collège. Les étudiants « de Genève » sont ceux qui appartiennent à une famille installée dans le canton. Il y a parmi eux des étrangers. Les étudiants « venant d'ailleurs » (peu nombreux parmi les débutants) sont des confédérés ou des étrangers en séjour à Genève pour suivre les cours de l'Université. Sous « autres cas » : étudiants à propos desquels les renseignements sont vagues et qui n'ont pu être attribués avec certitude à l'une ou l'autre des deux catégories dont il vient d'être question. On a compté avec les fabricants et marchands horlogers, artisans horlogers, ouvriers horlogers ceux des métiers voisins (graveurs, bijoutiers, etc.).