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Exil et Conversion

Les trajectoires de vie d'émigrants tchèques à Berlin au 18e siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Marie-Elizabeth Ducreux*
Affiliation:
CNRS-CRH

Extract

En 1756, longtemps après avoir quitté leur pays, quelques centaines de paysans et d'artisans tchèques émigrés clandestins décident de s'affilier à Berlin à l'Unité des Frères renouvelée par Zinzendorf entre 1722 et 1727. Désormais, selon l'usage des Herrnhuter, ils consignent ou font noter par un tiers les détails de leurs itinéraires spirituels et la description de leurs derniers moments dans des récits de vie (Lebenslaüfe, en tchèque bêhy života). Quinze à vingt ans auparavant, certains d'entre eux, en route vers l'exil ou déjà installés à Berlin, avaient fait parvenir des lettres à leurs familles et amis demeurés en Bohême. Ces messages résonnent alors sans équivoque : ils invitent à partir et à venir rejoindre leurs auteurs en Prusse. Qui n'obéirait pas s'exposerait à la damnation éternelle.

Summary

Summary

Between 1717 and 1780, about 20 000 peasants and craftsmen emigrated from Moravia and Bohemia to Prussia. The reasons of their exile were at that time explained in different ways, but the religious motive always played the most important part in the contemporary representations. So did it in the 19th-century historiography, either in the confessionally related or in the academic one. In this way Crypto-protestantism in the Habsburg Monarchy and especially in the Czech Countries was established as a matter of fact, rather than a notion likely to be questionned. After reopening this case file, the article first analyses a set of manuscript letters sent in about 1738 to East Bohemia by a group of emigrants, all of them coming from two neighbouring estates. Then it follows some emigrants’ evolution, taking as a basis the Czech autobiographies they wrote 30 years later after joining the Rixdorf and Berlin communities of Zinzendorf's Unitas Fratrum. The comparison speaks in favour of an hypothesis of confessional discontinuity; pointing out a permanent possibility of recomposed non-conformist religious identities, under the influence of Pietism as well as of family memory.

Type
Conversions Religieuses
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999

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References

1. Sur Zinzendorf et l'Unitas Fratrum, Renkewitz, Heinz (éd.), Die Brüder-Unität, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk, « Die Kirchen der Welt », Band V, 1967 pp. 238269 Google Scholar, et la bibliographie ; Ward, W. R., The Protestant Evangelical Awakening, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, pp. 116159 Google Scholar ; T. Müller, article « Zinzendorf», dans Albert Hauck (éd.), Realencyklopädie für protestantische Théologie und Kirche, fac-similé de la 3e édition, Graz, Akademische Druck-u. Verlagsanstalt, 1971, vol. XXI, pp. 679-703. Sur les relations entre les émigrés tchèques, l'ancienne Unité des Frères et la nouvelle, voir Ducreux, M.-E., « Hussites et Frères moraves », dans Venard, Marc (éd.), Histoire du christianisme, t. 9, Paris, Desclée, 1997, chap. III (Les Églises issues de la Réformation), pp. 472-492, 498-499Google Scholar. L'Unitas Fratrum est aujourd'hui l'evangelische Brüder-Unität, connue aux USA sous le nom de Moravian Church.

2. Archives de la Brüdergemeine, Berlin-Neukölln, Böhmischen Lebenslaüfe der Gemeine Riksdorf, A IV 1 et A IV 2. Ces curricula vitae n'ont pas attiré l'attention des historiens à l'exception de deux publications commémorant en 1987 les 250 ans du «village tchèque» (Böhmisches Dorf) de Berlin-Neukölln et du catalogue d'une exposition sur l'émigration tchèque, Bezirkamt Neukölln von Berlin (éd.), Dem Kelch zuliebe Exulant, 250 Jahre Böhmisches Dorf in Berlin-Neukölln, Begleitband zur Ausstellung 17.Mai-9.August 1987, Berlin, 1987 ; Werner Korthaase (éd.), Das Böhmische Dorf in Berlin-Neukölln, 1737-1987. Dem Kelch zuliebe Exulant, Stätten der Geschichte Berlins, Band 20, Berlin, Hentrich Berlin 1987 ; Edita Šteříková, Z nouze o spasení. Česká emigrace v 18. století do Pruského Slezska (A l'appel du salut. L'émigration tchèque en Silésie prussienne au 18e siècle), Prague, Kalich, 1992. Je remercie Mme Béate Motel qui m'a permis de consulter et de reproduire une partie de ces documents et Étienne François, directeur du Centre Marc Bloch de Berlin, qui a identifié pour moi le lieu de conservation de ces archives privées.

3. Prague, archives de l'État (SÚA), fonds de l'archevêché (APA), série H, carton H 5 2-3 4314, liasses nos 25 et 26, et f. 110.

4. Voir M.-E. Ducreux, « Affrontements et reconquêtes, églises et États. Dans les États des Habsbourg », dans Marc Venard (dir.), Histoire du christianisme, t. 9, L'âge de raison, 1620-1750, chap. I, Paris, Desclée, 1997, pp. 12-44, 152-153 ; id., «La reconquête catholique de l'espace bohémien », Revue des Études slaves, 60/3, Paris, 1988, pp. 685-702.

5. Le chantier, neuf, sauf erreur de ma part, en ce qui concerne la Bohême et la Moravie, vient d'être remarquablement défriché pour l'Autriche par l'historien britannique W. R. Ward dans une analyse sur le « réveil » piétiste, W. R. Ward, op. cit. Il donne aussi pp. 77-82 aussi un bon résumé du contexte en Bohême et en Moravie.

6. Frédéric II paie par exemple des pasteurs pour recruter des colons et des soldats, en soulignant, avec de prétendus avantages matériels, la liberté de conscience et de culte dont les nouveaux venus pourraient jouir en s'installant en Silésie et en Prusse.

7. Voir Ducreux, M.-E., «Entre catholicisme et protestantisme: l'identité tehèque», Le Débat, mars-avril 1990, 59, pp. 106125.CrossRefGoogle Scholar

8. Dans une démarche différente, la conversion générale et en profondeur au catholicisme est aussi la thèse que soutient Chaline, Olivier, La reconquête catholique de l'Europe centrale, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Le Cerf, 1998 Google Scholar.

9. David, Zdenêk V., « Bohemian Utraquism in the Sixteenth Century: The Distinction and Tribulation of a Religious “ Via Media ” », dans Folia Historica Bohemica, 17, Prague, 1994, pp. 2958.Google Scholar

10. La nouvelle interprétation, affirmant la présence continue en Bohême et en Moravie, du 15e siècle à la Patente de Tolérance, d'une communauté organisée — les « Tchèques fidèles » — ne s'étant jamais confondue avec l'ancienne Unité, est celle des publications de la Commission d'étude des déclarations d'adhésion aux confessions tolérées par la Patente de Tolérance, regroupant des membres du comité de recherche historique du conseil synodal de l'Église évangélique des Frères tchèques (née, comme son nom ne l'indique pas, de la fusion des Églises luthérienne et calviniste tehèques au début de ce siècle). Evangelícív rané toleranční dobê v Čechách a na Moravê (Les protestants au début de la Tolérance en Bohême et en Moravie), Prague 1995, 3, pp. 143-151, 4, pp. 153-194. Dans ces deux optiques, la thèse du maintien des formes institutionnelles est essentiel.

11. Par exemple K. A. Adámek, Listiny k dêjindm lidového hnuti náboženského na českém východê v XVIII. a XIX. vêku (Documents pour l'histoire du mouvement religieux populaire dans l'Est de la Bohême aux 18e et 19e siècles), Prague 1911 ; V. SCHULTZ, Listář nábozenského hnutí poddaného lidu na panstvé litomyšlském v století XVIII (Documents sur le mouvement religieux des sujets de la seingeurie de Litomyšl au 18e siècle), Prague 1915, et l'essai d'interprétation de A. REZEK, Dêjiny prostonárodního hnutí náboženského (Histoire du mouvement religieux populaire), Prague 1887.

12. M.-E. Ducreux, « Lire à en mourir. Livres et lecteurs en Bohême au XVIIIe siècle », dans Roger Chartier (éd.), Les usages de l'imprimé, Paris, Fayard 1987 pp. 253-303 ; id., « Le livre et l'hérésie, modes de lecture et politique du livre en Bohême au XVIIIe siècle », dans Hans Erich Bödeker, Gérald CHAIX, Patrice VEIT (éd.), Le livre religieux et ses pratiques. Études sur l'histoire du livre religieux en Allemagne et en France à l'époque moderne. Der Umgang mit dem Religiosen Buch. Studien zur Geschichte des religiösen Bûches in Deutschland und Frankreich in der frühen Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1991, pp. 131-155.

13. Sur l'émigration hors de Bohême au 17e siècle, voir M.-E. Ducreux, «L'émigration tehèque aux XVIIe et XVIIe siècles », dans Actes du colloque sur les migrations religieuses, Paris, IHMC, avril 1995, à paraître.

14. 4 500 s'installent dans le Brandebourg, 17 000 dans la Prusse entière (surtout en Silésie après 1740). Motel, Béate, Motel, Manfred, Evangelische Brüdergemeine Berlin 1, Berlin, 1994, p. 2.Google Scholar

15. Voir par exemple Jan Amos Komenský, Opera Omnia, 3, Prague, Academia 1978. Truchlivý (L'affligé), II, pp. 85-92, Truchlivý III, pp. 107-111, et Truchlivö IV ; en particulier p. 122, où il justifie le nicodémisme ; id., ibid., 2, Prague, Academia, 1971, Haggaeus redivivus, pp. 359-363 ; id., ibid., 9/1, Prague, Academia, 1989, Historia o težských protivenstvích církvc české (Histoire des dures persécutions de l'église tchèque), pp. 180-183, Historia persecutionum ecclesiae bohemicae, pp. 323-326.

16. Les interventions du Corpus Evangelicorum dans les affaires intérieures de la monarchie des Habsbourg ont brièvement été rediscutées (pour l'Autriche) par Klingenstein, Grete, « Modes of Religious Tolérance and Intolérance in Eighteenth-Century Habsburg Politics », Austrian History Yearbook, XIV, 1993, pp. 35 Google Scholar. Pour la Bohême, F. A. Slavík, « Ceská církev v Berlíne » (L'église tehèque à Berlin), Osvêta (L'instruction), 1876, pp. 321-339.

17. Les formes de contrôle mises en place depuis le règne de Charles VI conduisent à la difficulté d'évaluer au plus près le nombre de ces « faux » catholiques (?) qui sont en même temps en infraction contre les lois de l'État. Dès 1730, le gouvernement et l'archevêché de Prague cherchent à quantifier chaque année, selon les actes commis, toutes les catégories de suspects découverts. Une enquête rétrospective sur vingt ans est effectuée dans chaque paroisse en 1762, pour l'ensemble de la Bohême.

18. F. A. Slavík, art. cité ; E. Ŝteříková, op. cit.

19. Sur ces pétitions, il n'existe que des travaux anciens en tchèque comme ceux de Volf et de Slavík.

20. Ce qui n'empêche pas que la mémoire de Jean Hus ait pu être célébrée à l'occasion : un cantique composé en son honneur par un villageois est ainsi confisqué en 1746. Mais de tels cas paraissent rares au 18e siècle, au moins dans les fonds des archives pragoises.

21. E. Šyeříková, op. cit., p. 44. Václav Blanický a laissé une « Geschichte der in Schlesien etablierten Hussiten » manuscrite, dont est tirée cette citation ; elle est aujourd'hui conservée à l'Archivum Panstwowe de Poznan en Pologne (Akta Braci Czeskich (Actes des Frères Bohêmes), cote 535, msc S 294, information prise de id., ibid., pp. 176-177).

22. Cranz, David, Alte und neue Brüder-Historie oder kurz gefaßte Geschichte der Evangelischen Brüder-Unität, in den alten Zeiten und insonderheit in dem gegenwärtigen Jahrhundert, Barby, 1771, pp. 135136 Google Scholar. Les auteurs des lettres analysées plus loin proviennent de ces deux seigneuries.

23. Voir : M.-E. Ducreux, « Lire à en mourir… », art. cité, pp. 284-287.

24. Realencyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, article « Zinzendorf », op.cit., p.684 ; Ami Bost, Histoire ancienne et moderne de l'Église des Frères de Bohême et de Moravie, depuis son origine jusqu'à nos jours, Paris, 2e édition, 1844, pp. 201-224. On trouve à leur sujet les lignes suivantes dans la première histoire en français de l'Unitas Fratrum renouvelée par Zinzendorf : « Les premiers qui sortirent étoient des Catholiques ou des Calixtins qui, après avoir embrassé la Religion Evangélique cherchoient une retraite dans des Païs protestans, & qui furent adresses & recommandes par des amis charitables au Comte de Zinzendorf […]. Cependant, l'Emigration des veritables Descendans des anciens Frères de Moravie ne se fit que depuis 1724 jusqu'en 1733. Ceux-ci, sortant à petit bruit, les uns après les autres, vinrent se joindre aux premiers, pour s'y habituer […] » (Anonyme, Briève & fidèle exposition de l'origine, de la doctrine, des constitutions, usages et cérémonies ecclésiastiques de l'Église de l'Unité des Frères connus sous le nom de Frères de Bohême & de Moravie, tirée de leurs Actes & titres Authentiques, par un auteur impartial, Ami de la Verite. Avec XVI. Planches gravées en Taille douce, où le tout est représenté au naturel. S. 1, 1758, p. 19 ; cote BN Paris D 2 3241).

25. Les Tchèques auront trois Églises à Berlin : luthérienne, réformée et la Brüdergemeine qui, en 1756, se fondra dans l' Unitas Fratrum de Zinzendorf.

26. E. Šteříková, op. cit., développe abondamment les épisodes de ces querelles.

27. F. A. Slaviík, art. cité, p. 321, avait déjà remarqué ce fait.

28. Des contemporains mettent l'accent sur le rôle des rois de Prusse et sur celui des recruteurs particuliers, par exemple Matëj Servus, un émigré, mémorialiste des communnautés tchèques de Berlin : «Apprenant en Bohême comment le roi Frédéric Guillaume 1er s'était gracieusement fait le protecteur de leurs compatriotes, et que, d'après ce qu'on disait, il leur avait promis de se souvenir d'eux auprès de la cour d'Autriche, et de s'occuper de leur liberté religieuse, ou de celle de partir pour les pays prussiens, des fous, souvent sans attendre, se mirent tout de suite à se révolter ici et là, et à se préparer à partir pour Berlin, parce que quelques compatriotes étaient venus les visiter de Berlin, et leur avaient fait accroire de partir sur le champ, que le roi de Prusse obtiendrait pour eux ce pouvoir. Peu après, sept villages se soulevèrent dans le cercle de Hradec, et d'autres ailleurs, demandant la liberté religieuse et d'autres choses. Ceux qui agissaient ainsi étaient, disait-on, au moins 9000 ; ils furent d'abord rappelés à leurs devoirs, puis sévèrement châtiés […] ». Extrait du manuscrit O východu Čechů z vlasti (Du départ des Tchèques de leur patrie), publié par F. A. Slavík, art. cité, p. 325 (en 1876, ms. des archives de l'Église tchèque de Berlin, cote Acta historico-eccles. XVII ; Slavík signale aussi un second exemplaire au Musée national de Prague).

29. Ceci depuis 1635. Auparavant, la Haute et la Basse-Lusace faisaient partie de la couronne de Bohême depuis le 14e siècle.

30. Sur la collaboration de Bél et de Krmann, pourtant ennemi du piétisme dans son pays, au sujet des éditions des Bibles tchèques de Halle, Hubert Rösel, op. cit., pp. 14-32. Voir aussi Oberuc, Jean, Matthieu Bél, un piétiste en Slovaquie au 18e siècle, Strasbourg, 1936, p. 130.Google Scholar

31. Sur ce mouvement Schmidt, Martin, Wiedergeburt und neuer Mensch. Gesammelte Studien zur Geschichte des Pietismus, Luther-Verlag, Duisburg, 1969, en particulier pp. 129, 169-194.Google Scholar

32. M.-E. Ducreux, « Lire à en mourir… », art. cité, pp. 263-291.

33. Wolfgang Zoufall, « Von Böhmisch-Rothwasser (Čermna) nach Böhmisch-Rixdorf ». dans Werner Korthaase (éd.), op. cit., pp. 112-122.

34. Jaroslav PáNek, « Der Weg nach Rixdorf», ibid., p. 64.

35. Archivní správa ministerstva vnitra (Direction des archives du ministère de l'Intérieur). Teresianský katastr český (La cadastre de Bohême de Marie-Thérèse), Prague, 1970 (abrégé désormais en TK), cercle de Chrudim, n° 577 et n° 578. Les données concernant les paroisses ont été collectées en 1713.

36. SÚA Prague, APA, carton H 5/2-3 4314 (17). La consignation, établie et signée par le curé de Čermna, signale l'existence de deux filiales, et non d'une seule, comme dans le TK. Elle donne les noms et qualités des individus. Le mot négligentes s'applique en principe à ceux qui ne se sont pas confessés et/ou n'ont pas communié au temps pascal. Les heretici sont divisés en deux sous-catégories : ceux qui ont pris la fuite au moment de Pâques, et ceux qui ont fait une communion sacrilège et sont partis ensuite. C'est donc leur départ qui les faii qualifier d'hérétiques. Une dernière liste énumère les communiants malgré tout suspects d'hérésie pour d'autres raisons. Les « négligents », les « hérétiques » et les communiants suspects du bourg de Čermna portent parfois les mêmes patronymes, souvent ceux que l'on retrouve à Berlin : Dušek, Bednář, Motl, Marek, Coufal, Jandera, Anderle, Peškař, Zalman, Pecháček, Balcar, Macák, Mareš, Sponár, Faltejsek, Zedník, Kubka, Vejprachtickř, etc.

37. D'après le Lebenslauf de Pavel Vejprachtický, laboureur aisé né en 1709 à Čermna et mort en 1781 à Rixdorf où il fut le premier chef (Schultz, rychtář) de la Brüdergemeine, le départ des émigrants de 1742 aurait été directement organisé par le général prussien occupant Lanškroun. Vejprachtický écrit que lui-même et sa famille vivaient au village comme des membres fidèles de l'ancienne Unité des Frères, qu'il avait fait deux séjours en prison pour hérésie, qu'il avait passé des livres de Saxe en Bohême avant 1726, que Jan Janáček, Martin Pitman et Václav Nêmec avaient séjourné à Čermna, venant de Gerlachsheim, après la Saint-Michel de 1736, et que lui-même, sa première femme et ses quatre enfants étaient partis avec eux le 2 octobre 1736 pour Gerlachsheim. Ils parviennent en mars 1737 à Berlin, via Cottbus, avec toute la colonie de Gerlachsheim. Cité dans Bezirkamt Neukölln von Berlin (éd.), op. cit. pp. 33-35.

38. Voir Josef Volf, « Soupis nekatoliků uprchlých z Čech z roku 1735 » (Une liste des non-catholiques fugitifs en 1735), Vêstník Královské české společnosti nauk (Bulletin de la Société royale des sciences de Bohême), 1907, tř. historická, III, pp. 1-45.

39. Édition dans id. ibid., pp. 19-41. Sur les 45 « séducteurs » énumérés, 31 proviennent de la seigneurie de Litomyšl, dont 6 de Heřmanice, et 3 de la seigneurie voisine de Lanškroun, dont 1, Jan Dušek, de Čermna (p. 18).

40. Id., ibid., pp. 22-23.

41. Jan Liberda, Harfa nová na hoře Sion znêjící (La harpe nouvelle résonnant sur la montagne de Sion), lre édition Lauban, 1732, 12. J'ai vérifié l'identité de ses cantiques avec ceux de Freylinghausen. Cette « Harpe », souvent rééditée, a aussi été recopiée et a fait l'objet de contrefaçons (Josef Volf, ibid., p. 11, n. 20, paragraphe 4).

42. E. Šteříková, op. cit., p. 17.

43. SÚA Prague, APA, carton H 5/2-3 4314 (deux liasses non foliotées).

44. Jakub Popelář, le 19.2. 1751, Archives de l'État (SÚA), Prague, AS, 42/369.

45. SÚA Prague, APA, carton H 5/2-3 4314 (25), (26), (110). Les noms des auteurs sont 1 ) liasse (25) : Václav Nêmec (une écriture), un anonyme, une main anomyme pour Anna Andrleová, Jakub Andrle, Martin Pitman en présence de Pavel Vejprachtický, deux anonymes (autre écriture ?) ; Pavel Hnátek (à remettre à Jiří Dušek), Jiří Kubka (à remettre à Václav Dušek) (une autre main, peut-être la même que la seconde), Jan Hnátek (pour sa femme restée à Čermna), Anna Pavlášková, Martin Pekárek ; 2) f. (110) : Václav Motl, Jan Hnátek (d'une autre main) ; 3) liasse (26) : Martin Pitman (à ses parents), Jan Pitman qui les salue de la part de Pavel Vejprachtický (cette lettre doit être remise à Jiří Bednář) ; Karel Papež, sa femme el sa fille (même lettre, à remettre à Jiřík Tchoř). Les Lebenslaüfe de beaucoup d'entre eux se trouvent aux archives de la Brüdergemeine de Berlin-Neukolln.

46. Catalogus seductorum haereticorum prout et eorum, qui ad partes haereticas profugerunt, SÚA, APA, n° inv. 5485 (manuscrit non paginé, postérieur à 1748). Josef Volf, ibid., p. 13, l'appelle « l'âme du mouvement évangélique dans la région de Litomyšl ».

47. Archives de l'État, Prague (SÚA), fonds de la cour d'appel royale (AS), cote 41/363. Repris plus tard, emprisonné à Litomyšl, Capek est condamné à mort le 28.8.1751 (SÚA Prague, AS, 41/363).

48. Localité non identifiée. Son Lebenslauf précise qu'il est parvenu à Rixdorf en 1738, et relate sa déception de ne pas y avoir trouvé le bien-être matériel qu'il avait « imaginé » : « Tout était en pièces, et ruiné » (cité dans Bezirkamt Neukölln von Berlin (éd.), op. cit., p. 29).

49. D'après le Lebenslauf de. Pavel Vejprachtický, les Pitman, Martin et Jan (celui-ci alors déjà quinquagénaires) étaient sortis de Bohême en 1736.

50. Pour toutes ces citations, APA, H 3/ 1-2 4314, liasse (25). La lettre citée est la 5e.

51. Id., ibid., 7e lettre.

52. Id., ibid., liasse (25) : « Celui auquel Dieu donne sa grâce, il l'instruit aussi dans l'Esprit saint et lui révèle la route sur laquelle il devrait marcher en ce monde pour plaire à Dieu en ce monde et ceci est le début, lorsque Dieu se manifeste ou bien châtie dans la conscience le mal fait ou en train d'être fait, et provoque l'attention à sa pensée et à ses désirs et à ce qui fait le cours de ses pensées. Celui qui fait ainsi attention à sa propre conscience, l'Esprit de Dieu lui apprend et lui confirme ce qui est bien et mal, ce qu'il doit faire et ne doit pas faire ; celui qui dans son cœur obéit à l'Esprit de Dieu se détourne du mal et se convertit au bien ; il lui demande son aide, car celui qui prête attention à soi-même voit qu'il ne peut s'aider lui-même à quitter le mal, et se demande qui l'aidera devant Dieu. Alors Jésus lui-même se manifeste à cette âme par son aide et par sa grâce, il cause en elle de bons désirs, lui donne la force de vaincre le mal et la joie dans le bien, et exauce ainsi les prières et les demandes de cette âme sincère et l'aide à sortir de toutes les difficultés physiques et spirituelles, car il n'y a rien en ce monde qui puisse revivifier ou apaiser, rien que le Seigneur Dieu Créateur de toutes choses, du ciel et de la terre. C'est cela mon fondement, je me donne à ce Dieu Créateur de toutes choses et à mon Sauveur le Seigneur Jésus, qui est mort pour moi et est ressuscité, je me donne à Celui-ci, qu'il me confirme de son Esprit saint comme il a daigné le promettre, pour que je vive en ce monde pour l'honneur et la gloire de Dieu et participe ainsi à la vie éternelle. Je vous souhaite, mes chers parents, de vous convertir à Dieu en ce inonde et d'y être vivants en lui […] ».

53. APA, H 3/ 1-2 4314, liasse (25), 4e lettre.

54. Id, ibid., 7e lettre.

55. Id., ibid., 5e lettre, de M. Pitman à quatre femmes.

56. Martin Schmidt, op. cit., pp. 342, 349-351, 354-356.

57. APA, H 3/ 1-2 4314, liasse (25), 3e lettre.

58. Id, ibid, 6e lettre.

59. Id, ibid, 7e lettre.

60. Sur la justification dans le protestantisme et sur la spiritualité du piétisme, voir aux articles « Justification », et « Spiritualité », Encyclopédie du Protestantisme, Paris, Le Cerf, Labor et Fides, 1995, pp. 813-814, 1476-1479 ; voir aussi surtout l'excellent article « Wiedergeburt » de la Realencyklopädie, op. cit., pp. 246-256, qui expose les différentes conceptions et les modifications que Spener, Francke et Zinzendorf apportent à la doctrine luthérienne orthodoxe de la justification.

61. Id., ibid., p. 252.

62. Martin Ohst, article « Halle », Encyclopédie du protestantisme, op. cit., pp. 649-650.

63. Sur la conversion de Francke (1663-1727), voir Sattler, Gary R., Nobler than the Angels, Lower Than a Worm. The Pietist View of the Individual in the Writings of Heinrich Müller and August Hermann Francke, Lanham, New York-Londres, University Press of America, 1989, pp. 1929.Google Scholar

64. F. A. Slavík, art. cité, pp. 321-324, donne tous les détails de leurs tribulations à travers la Saxe et la Prusse.

65. Cette église, nommée d'après la chapelle où prêchait Jean Hus, au début du 15e siècle, dans la Vieille Ville de Prague, a été détruite par un bombardement en 1943.

66. F. A. Slavík, art. cité, p. 324.

67. Ce que Frédéric-Guillaume 1er leur permettra en 1739. F. A. Slavík, op. cit., p. 330.

68. Sur tous ces points, je renvoie à F. A. Slavík et à E. Šteříková ; voir aussi Winter, Eduard, Die tschechische und slowakische Emigration in Deutschland im 17. und 18. Jahrhundert, Berlin, 1955 Google Scholar, et Werner Korthaase (éd.), op. cit. L'auteur d'une des lettres analysées plus haut, Václav Nêmec, donne dans son Lebenslauf une version divergente des faits, puisqu'il fait remonter les débuts de la Brüdergemeine des Tchèques à leur séjour à Gerlachsheim, en 1735, Bezirkamt Neukölln von Berlin (éd.), op. cit., p. 25.

69. Otmar Lieol, « Die böhmischen Gemeinden und ihre Prediger in Berlin und Rixdorf », dans Werner Korthaase (éd.), op. cit., pp. 176-178 ; Reichardt, Hans J., Die Böhmen in Berlin, 1732-1982, Berlin, Ausstellung des Landesarchivs Berlin, 1982, pp. 4647.Google Scholar

70. Cité par F. A. Slavík, art. cité, pp. 331-332.

71. C'est-à-dire leurs compatriotes venus de Groß Hennersdorf qui choisissent le luthéranisme en 1747, avec à cette date Andréas Macher pour prédicateur.

72. Archives de Merseburg, DZA Merseburg, Rep. IX D 10, Fasz. 5/3, reproduit par : E. Winter, op. cit., pp. 451-452.

73. Les conflits éclatent à Herrnhut dès 1726 : « Nous voulions sortir de Babel, et ne pas retomber sous le joug d'un Joch clérical après avoir quitté le Joch de l'Église catholique. Nous ne voulions que la liberté de venir publiquement aux assemblées que nous avions dû tenir secrètes depuis des générations », cité par T. Müller, article « Zinzendorf », Realencyklopädie…, op. cit., p. 695.

74. Les derniers moments du frère qui retourne au Christ sont rédigés par une tierce personne. Je n'ai trouvé nulle part mention d'une utilisation quelconque des Lebenslaufe. Ces autobiographies sont conservées dans des recueils allant de Pâques à Pâques, usage qui me paraît souligner l'importance attachée au symbolisme de la Résurrection du Sauveur pour ceux qui se sont endormis « dans son coeur », comme les représentent ces récits de vie. D'autre part, les frères et soeurs de la Brüdergemeine allaient (et vont toujours) au cimetière le jour de la Résurrection, en cortège et en musique, commémorer leurs défunts décédés depuis Pâques de l'année précédente, dont ils lisaient à haute voix les noms pour marquer leur liens avec ceux qui les attendaient dans leur patrie céleste. Cf. Hans Reichhardt, op. cit., p. 29.

75. Jäschke, descendant des premiers fondateurs moraves de Herrnhut, envoyé en 1744 à Rixdorf comme sous-prédicateur et maître d'école des frères tchèques.

76. Ici, l'Église luthérienne tchèque de Berlin.

77. Daniel Pakosta, prédicateur de l'Église luthérienne tchèque de Berlin, successeur d'Andréas Mâcher. Il est le fils d'un émigrant de la seigneurie de Litomyšl parti en 1734. Cf. Josef Volf, ibid., pp. 18, 39, 42.

78. Archiv der Brüdergemeine, Berlin, A IV 2, n° 10, pp. 46-48.

79. Le comté de Glatz, en Silésie, fait alors encore partie du diocèse de Prague.

80. Sans doute faut-il comprendre un pasteur luthérien.

81. Archiv der Brüdergemeine, Berlin, A IV 2, N° 6, pp. 18-21.

82. Idem, A IV 1, n° 124, pp. 174-176.

83. Idem, A IV 2, n° 20. Son village natal et les environs regorgent alors de suspects d'hérésie.

84. La littérature sur Zinzendorf est presque aussi abondante que son oeuvre (excepté en français). Les lignes qui suivent renvoient à Stoeffler, Ernest, Germait Pietism during the Eighteenth Century, Leyde, J. Brill, 1973, pp. 143147 Google Scholar, livre qui fournit aussi une bibliographie détaillée du fondateur de Herrnhut.

85. Archiv der Brüdergemeine, Berlin,. A IV 1, n° 110.