Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Le crédit est à la fois bien connu des historiens parce que toujours mentionné et méconnu parce que peu analysé dans la diversité de ses pratiques. L'attention a surtout été portée sur l'analyse des transferts de propriété qu'il a permis, partant sur son rôle d'instrument économique. Pourtant, le crédit ne se réduit pas à ce seul aspect : il est aussi un lien social, culturel et parfois un instrument politique. L'objectif de ce texte est de montrer — à travers l'analyse des pratiques de crédit que l'on observe dans les communautés montagnardes du haut Dauphiné aux XVIIe et XVIIIe siècles— la diversité des espaces géographiques que dessinent les relations de crédit et les différents rôles qu'assume le lien de la dette.
This study would like to enter into the complexity of the “spider's web of credit” in villages of the high alpine valleys. In the first part, it presents the geographical diversity of the spaces of credit in which the village elites are involved, taking the case of two different kinds of elites: one mainly protestant and merchant and the other catholic and turned towards the use of the State and of local resources. In the second part, it analyses the various kinds of credit which are at work inside the villages, stressing the diversity of needs and the variety of relations they create, seen through the interest rates, the time allowed for reimbursement, and the warranties required to secure the debt, in order to show the complexity of the economie and social roles of credit in the villages. In the third part, it tries to show the effect of certain dynamics (the lack of currencies, the actors’ wish to escape the interpersonal relations, the rivalries among elite families, the inability of women, particulary widows, to deal with certains kinds of debts) on these personal links. Those transformations create market dynamics.
1. Cortes, L., L'Oisans, recherches historiques, tourisme, Grenoble, 1926, pp. 96–112.Google Scholar
2. Fontaine, L., « Le marché contraint, la terre et la Révocation dans une vallée alpine », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 38, 1991, pp. 275–294.Google Scholar
3. Une première analyse de ces dynamiques a été donnée dans Fontaine, L., Histoire du colportage en Europe, Paris, Albin Michel, « L'évolution de l'humanité », 1993.Google Scholar
4. AD Isère, U 1102, Livre de raizon apartenant à Moy Jean Giraud de Lagrave où est contenu mais affaires emparticulier. Comancé le 17 janvier 1670 à Lion. Son livre de raison est malheureusement très incomplet : il ne reprend qu'une partie de ses affaires. Celles-ci sont normalement inscrites dans cinq livres différents qui ne sont pas conservés : le « grand livre » qui traite des affaires commerciales officielles, le « brouillard », le « livre secret » dans lequel il inscrit tout ce qui a trait à la constitution, aux transformations et aux comptes entre les associés des compagnies commerciales successives qu'il forme, le « carnet de voyage » et le « livre de La Grave » réservé aux affaires avec le haut pays.
5. AD Rhône, série B, inventaire après décès de Jacques Bérard du 8 mai 1690.
6. Martin, O., La conversion protestante à Lyon (1659-1687), Genève-Paris, Droz, 1986, pp. 50–65.Google Scholar
7. Arnaud, E., Histoire des protestants du Dauphiné aux xvi', XVIe et XVIIIe siècles, 3 vols, Paris, 1875, vol. I, pp. 499–510.Google Scholar
8. En Suisse (Bâle, Berne, Chaffouze, Genève, les Grisons, Morges, Vevey, Winterthur, Yverdon) ; en Allemagne (Barret, Cassel, Erlang) ; en Angleterre (Londres) ; en Irlande (Dublin) ; en Italie (Aoste, Turin) ; en Espagne (Barcelone) et en Hollande (Amsterdam).
9. Le prêt est octroyé le 13 novembre 1670, sans intérêt pendant trois ans. Jean Monnet se retire de la compagnie en 1674 et est réembauché en 1677 comme commis de Jean Giraud ; cette fois-ci il touche un salaire de 300 livres par an.
10. AD Isère, U 1102.
11. Il est très difficile de comprendre les opérations commerciales de Jean Giraud puisqu'il ne donne de ses différents livres de comptes que des résumés ou des états partiels, mêlant les informations des uns et des autres. Il ressort toutefois que le capital qu'il a investi dans l'entreprise, en 1670, est de 6000 livres et qu'il se monte à 8000 livres en 1674. Entre 1671 et 1678, le compte courant de la compagnie varie entre 12 000 et 18 000 livres. Pour la même année 1674, il note que son compte courant est de 18 046 livres sur son grand livre et de 31 048 « à son livre secret » qui inclut normalement aussi sa fortune personnelle.
12. 1679 est la date la plus tardive indiquée dans son livre et concernant ces prêts. Les archives notariales relèvent d'autres obligations (Me Rome, AD Hautes-Alpes, 1E 7274 et 1E 7275 ; Me Berthieu-Sartre, 1E 4839) que nous n'analysons pas dans ce cadre car la source est trop partielle.
13. Sur ses propres créances vis-à-vis d'autres fournisseurs et négociants, le livre de raison ne donne aucune indication.
14. Il est le représentant du châtelain.
15. Il a ceux de M” Lantelme de Bourg d'Oisans depuis 1593 (sa famille a repris la charge en 1659), ceux de M’ Roux-Turc et un registre de Me Nallard (1623-1629).
16. Il possède ainsi des archives de six communautés : registres d'assemblées, terriers, rôles d'impôts et pour l'une d'entre elles, Livet, il a même la reconnaissance de la communauté datant de 1404.
17. Je remercie Robert Descimon qui m'a signalé ces Piques de Paris.
18. Nicolas Giraud paye l'apprentissage de deux de ses neveux chez des marchands émigrés à Tarbes en 1702. En 1686, il signe une convention, dont on n'a pas la teneur, qui l'associe avec Etienne Pierra « marchand en Bigorre ».
19. A diverses reprises, il avance l'argent des impôts pour Ornon, Huez, Livet, Villard Reculas et bien sûr Bourg d'Oisans.
20. A partir de 1691, Nicolas est l'un des munitionnaires généraux de l'armée d'Italie. Il avance à certaines communautés l'argent nécessaire à l'armement de leur milice ou pour fournir les soldats requis.
21. En 1683, les trésoriers généraux de France donnent commission à Crépin Giraud pour la grande et la petite voirie dans le mandement d'Oisans mais dès 1675, on trouve trace de prix faits pour la construction de chemins.
22. Il est secrétaire de plusieurs communautés, a des affaires communes avec Nicolas, en particulier celle de s'occuper de la fourniture des mulets nécessaires au blocus de Pignerol.
23. Le capitaine-châtelain est, en outre, informé de toute succession concernant des mineurs. Les papiers des Giraud renferment 26 « assemblées de parents, voisins et amis » chargées de régler le sort des mineurs et 15 originaux d'inventaires de succession dans lesquels il a servi d'expert.
24. L. Fontaine, « Le marché contraint… », art. cit.
25. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 12 juin 1680.
26. L. Fontaine, « Le marché contraint… », art. cit.
27. AD Isère, B 627, les prises de récoltes pour dettes sont rares dans l'inventaire de Nicolas Giraud : on en dénombre 5. L'accès aux récoltes se fait à travers la vente.
28. AD Isère, B 627, Crépin Giraud utilise les 50 livres que Paul Betton lui doit pour lui louer pour 3 ans à raison de 24 livres par an la montagne du Grand Galbert.
29. AD Isère, B 627, 10 habitants endettés envers les Giraud prennent ainsi des animaux en commande ou les mettent en gage. Jean Collet se charge de 3 vaches, de 3 brebis et de 3 agneaux ; il doit 204 livres. Hugues Piera fait hiverner, lui, un poulain pour les 12 livres 12 sols qu'il doit et pour éteindre sa dette de 20 livres, Jean Vieux se charge de 4 brebis, de 2 agneaux et de deux agnelles.
30. AD Isère, 4E 26 GG9, 13 mars 1668.
31. AD Isère, B 627, n° 721, 23 juillet 1693.
32. AD Isère, 3E 846, 9 juin 1684.
33. AD Isère, B 627, n° 607.
34. AD Isère, B 627, n° 718.
35. AD Isère, B 627, n° 678,18 février 1686. Jean Bérard fait partie du grand réseau des marchands protestants et il est associé avec son frère qui tient une florissante boutique à Lyon.
36. AD Isère, B 627, n° 620, 22 août 1676.
37. 4E24 1G69, 3 et 20 novembre 1675.
38. 4E24 S13 : le 8 juin 1687, Auris « demande permission d'asseoir et péréquer » les 334 livres 1 sol qu'elle doit à Jean Jeune. Les procès traduisent cette personnalisation des luttes par delà les revendications des villageois. 4E24 S36, 1700-1701. Dans le procès qui oppose la communauté d'Auris et le châtelain Nicolas Giraud, le procureur d'Auris précise qu'il ne s'attachera pas « aux cruelles injures professées par ledit sieur Giraud contre maître Etienne Guillet, leur député, parce que l'animosité qu'il a contre lui y paraît trop ».
39. Luria, Keith P., Territories of Grâce. Cultural Change in the Seventeenth-Century Diocèse of Grenoble, Berkeley, University of California Press, 1991, pp. 181–183.Google Scholar
40. Jusqu'à la mi-xvnc siècle, le crédit est d'abord entendu dans ce sens. Le sens économique ne devient premier qu'autour du XVIIIe siècle. Sur l'honneur : Castan, Yves, Honnêteté et relations sociales en Languedoc, Paris, Pion, 1974.Google Scholar
41. Keith P. Luria, op. cit., pp. 91-93.
42. Sanchis, Pierre, « The Portuguese Romanias » dans Saints and their Cuits. Studies in Religious Sociology, Folklore and History, Stephen Wilson éd., Cambridge, 1983, pp. 261–289.Google Scholar
43. Keith P. Luria, op. cit., p. 111. Voir aussi les avatars de la châsse de sainte Geneviève à Paris que l'on suit dans la série des journaux de bourgeois de Paris : Pierre DE L'Estoile, Journal d'un bourgeois de Paris sous Henri 111, Journal d'un bourgeois de Paris sous François 1”, Barbier, E. J. F., Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de Louis XV, Paris, Union Générale d'Edition, « 10/18 », 1963.Google Scholar
44. Bloch, M. et Parry, J., Money and the Morality of Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, pp. 1–32.Google Scholar
45. Goff, Jacques le, La bourse et la vie, Paris, Hachette, 1986.Google Scholar