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Deuxième ou troisième réforme ? Le XVIIe Siècle des Hétérodoxes
Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
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« Chrétiens sans églises », plus modestement sous-titré « La conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle », pour l'histoire de la pensée, pour l'histoire tout court, paraît marquer à tout prendre un jalon, très important dans les courants historiographiques actuels. Découverte tardive, en raison des pesanteurs sociologiques et des barrières linguistiques, nous nous en excusons.
L'Athènes sarmate ne pense plus latin, et le polonais échappe à la quasitotalité des historiens occidentaux. Ce livre achevé au début de 1964, publié à Varsovie en 1965, nous parvient, grâce à Anna Posner (qu'elle soit remerciée), à la Bibliothèque de Philosophie que dirigent, chez Gallimard, Jean-Paul Sartre et Pierre Verstraeten, dans une traduction d'une rare élégance et, sans doute, d'une grande précision, quatre ans plus tard. Supposons deux ans, encore, pour que ce livre, d'une exceptionnelle richesse, suscite partout, à l'ouest le dialogue qu'il appelle.
- Type
- Les Domaines de l'Histoire
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1970
References
page 1573 note 1. Swiadomosc Religijna i Wiez Koscielna, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, Warszawa, 1965.
page 1573 note 2. Leszek Kolakowski, Chrétiens sans église, La Conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle, traduit du polonais par Anna Posner, Paris, Gallimard, Bibliothèque de Philosophie, 1969, gr. in-8°, 824 pages (diffusion automne 1969).
page 1573 note 3. Le christianisme non confessionnel. Le problème, les difficultés d'interprétation, pp. 9-68.
page 1575 note 1. Les pesanteurs sociologiques ne jouent pas en sens unique. Cinq ans nous séparent de l'édition polonaise, six ans de la rédaction. « Ceci explique que certaines études récentes n'aient pas été mentionnées dans les références », plaide Anna Posner (p. 7). mais aussi, en dépit d'une prodigieuse maîtrise de toutes nos langues, Kolakowski a deux ou trois ans de retard sur les derniers états de la recherche occidentale, dans ses dernières démarches, au moment où il a écrit. Cela n'est pas un reproche, fasse le Ciel que nous soyons aussi rapides à assimiler ce qui nous vient de Pologne et de Russie, mais une simple constatation. Les pensées continuent en dépit de la mutation des moyens de communication, malgré l'électronique et les mass média, à butter sur le temps et l'espace. Le temps d'une lecture en profondeur, et, peut-être d'abord, le temps d'un tri. A tout prendre, l'Europe latine des pensées au XVIIe siècle, moins encombrée, communiquait au sommet, pour les pensées les plus fines, presque aussi vite, et aussi sûrement que nous ne le faisons.
page 1575 note 2. Kolakowski, p. 9.
page 1576 note 1. Paris, P.U.F., t. I, La Réformation, 1961, et t. II (1564-1700), 1961.
page 1576 note 2. Kolalowski, p. 72.
page 1576 note 3. Jean Séguy, Utopie coopérative et oecuménisme. Pieter Cornelisz Plockhoy van Zurik-Zee, 1620-1700, Paris, Mouton, E.P.H.E. VIe section, 1968, in-8°, 244 pages, p. 11.
page 1576 note 4. Kolakowski, p. 72.
page 1577 note 1. Kolakowski, p. 79.
page 1577 note 2. Kolakowski, p. 80.
page 1577 note 3. Kolakowski, p. 83. « Ce que l'on appelle la Remonstrance de 1610, apologie de leurs propres opinions, présentée par un groupe de prédicants des États de Hollande et de Frise occidentale, ne devait pas être dans les intentions de ses auteurs, le manifeste d'un parti ou d'une secte, mais seulement l'expression des opinions d'une partie des fidèles, dans le cadre de l'Église réformée : opinions que ses auteurs avaient l'espoir de faire triompher dans l'Église. »
page 1577 note 4. P. Chaunu, Civilisation de l'Europe classique, Paris, 1966, p. 129 sq, 472 sq.
page 1577 note 5. Cf. René Pintard, Le Libertinage érudit. Paris, 1943.
page 1577 note 6. Le Christianisme évangélique non confessionnel. Dirk Camphuysen (pp. 69-135).
page 1577 note 7. La Raison, la Loi et la Grâce dans la pensée irénique (pp. 136-249).
page 1577 note 8. Lucien Febvre aimait à opposer luthérisme et luthéranisme.
page 1578 note 1. Alexandre Koyré, Mystiques, Spirituels, Alchimistes du XVIe siècle allemand, Paris Armand Colin, 1955, X-116 p.
page 1578 note 2. Chapitre 4 : « Bredenburg, l'irrationalisation de la religion, produit du rationalisme » (pp. 250-298).
page 1578 note 3. Kolakowski, p. 20.
page 1578 note 4. Chapitre 5 : « L'échec de l'intégration chrétienne du rationalisme. L'affaire Frederik van Leenhof ». pp. 293-348.
page 1579 note 1. Georges Gusdorf, La Révolution galiléenne, Paris, Payot 1969, 2 vol., 404 p. et 485 p. ; t. Il, pp. 347-394.
page 1579 note 2. Kolakowski, pp. 305 et 343 : « Quod significare potest verbum id significat », « … hoc significare verba Spiritus Sancti quod valent… ».
page 1579 note 3. Henri De LU Bac, S. J., Exégèse médiévale. Les quatre sens de l'Écriture, Paris, Aubier, in-8°, 4 vol. 1959-1964.
page 1579 note 4. Kolakowski, p. 306.
page 1579 note 5. Histoire du protestantisme, t. Il, p. 222.
page 1580 note 1. Elle est largement l'aînée de Pierre Ignace Chavatte, ce sayetteur né vers 1634, dont le journal magnifiquement édité et étudié par Alain Lottin (Vie et mentalité d'un Lillois sous Louis XIV), Lille, Emile Raoust, 1968, gr. in-8°, 443 p. plus cartes et planches) constitue un témoignage extrêmement précieux sur le milieu dans lequel a vécu Antoinette Bourignon.
page 1580 note 2. Chapitre VI : « La religiosité dans sa structure réifiée. Pierre de Bérulle »,] pp. 349-435.
page 1580 note 3. Chapitre VIII : « Jean-Joseph Surin, la mystique orthodoxe dans sa phase de déclin », pp. 436-491.
page 1580 note 4. R. Mandrou, Magistrats et Sorciers en France au XVIIe siècle, Paris, Pion, 1968,ch. 4, pp. 210-218.
page 1580 note 5. Henri Brémond, Histoire littéraire du Sentiment religieux en France, le t. V (1 “ éd., Bloud et Gay, 1923 ; 2e éd., A. Colin, 1967) : La conquête mystique. L'École du Père Lallemandet la tradition mystique de la Compagnie de Jésus lui est pour l'essentiel consacré (pp. 148-310).
page 1581 note 1. Kolakowski, chapitre 8 : « La mystique condamnée. Le quiétisme” (pp. 492-566).
page 1581 note 2. Kolakowski, chapitre 9 : « Angélus Silesius. L'autonomie du panthéisme » (pp. 567-639).
page 1581 note 3. Angélus Silesius (de patrie silésienne), Johannes Scheffler de son vrai nom, né en 1624 dans la Confession d'Augsbourg, a trouvé refuge dans l'Église catholique. Il publie, avec un paradoxal imprimatur, son Pèlerin chérubinique, en 1657 ; condamné en 1661, il meurt en 1677.
page 1581 note 4. Sur Scheffler, dit Angélus Silesius, on peut se reporter, également à l'intéressante étude récente de J.-B. Neveux, Vie spirituelle et vie sociale entre Rhin et Baltique au XVIIe siècle, Paris, C. Klincksieck, 1967, gr. in-8°, XLVII, 933 p.
page 1582 note 1. Georg Gichtel, riche avocat né à Ratisbonne en 1638, élevé dans la Confession d'Augsbourg. Touché par la grâce prophétique, il distribue ses biens et finit à Amsterdam en 1710. Son oeuvre tient dans les quatre gros volumes de la Theosophia practica publiée après sa mort par Ueberfeld.
page 1582 note 2. Jacob Bril (ou Brill) est né le 21 janvier 1638 à Leyde où il meurt en 1700. Son « panthéisme spiritualiste conséquent dans son non-confessionnalisme pratique et conceptuel » le place en dehors de l'Église Réformée.
page 1582 note 3. Loin de reprocher à Kolakowski ces retours aux sources de la deuxième Réforme, on pourrait souhaiter une mise en place dans la plus longue durée.
page 1582 note 4. Pierre Pascal, Avvakum et les débuts du Raskol, lre éd., Paris, Istina, 1938 ; 2e éd., Paris, Mouton, 1962.
page 1582 note 5. Kolakowski est polonais. Pour lui, donc, qui lit le russe, aucune barrière linguistique. Le barrage est autre. Au point de perdre le continuum des deux chrétientés.
page 1582 note 6. Pierre Pascal a résumé, en peu de pages, la dégradation dramatique de ce sectarisme sans le vouloir : « …les prêtres incontestables, baptisés et ordonnés avant Nicon ou du moins avant 1666, et demeurés fidèles disparaissent… » (Avvakum, p. 577). De la solution empirique préconisée par Avvakum « quiconque célèbre selon les anciens rites, ne cherchez pas de quelle ordination ni de quel baptême il est… Ainsi les fidèles auraient indéfiniment sinon la hiérarchie parfaite du moins le sacerdoce indispensable à la vie chrétienne et au culte ». Les conciles de Novgorod (1692 et 1694) affirment leur renonciation définitive au sacerdoce.
Bientôt, aux popovcy (presbytériens) s'opposent les bezpopovcy (sans prêtres). Rites d'exaltetion, rites d'inhibition, ici, qui pourront aller jusqu'à la castration, chezles skopcy.
page 1583 note 1. Jusqu'à 5 %, environ, au XIXe. On sait le rôle des Raskolniks, ces puritains de l'Est dans le développement économique de la Russie.
page 1583 note 2. Les catholiques sont plus nombreux aux Provinces-Unies (1/4 environ), la proportion anglaise dans la deuxième moitié du XVIe siècle, mais ils sont concentrés dans les pays de la Généralité et d'Utrecht. La proportion est sensiblement la même en Hollande et en Angleterre, tout au long du XVIIe siècle.
page 1583 note 3. Francis Johnson et Henri Ainsworth fondèrent même, à Amsterdam (naturellement) une communauté qui publia, en 1596, une Confession de foi de certains Anglais vivant en exil aux Pays-Bas (Emile G. Léonard, t. Il, p. 256).
page 1583 note 4. Sigmund Diamond, « Le Canada français au XVIIe siècle : une société préfabriquée » Annales, E.S.C., 1960, n. 2, pp. 317-354.
page 1584 note 1. Desroches, Henri, Les Shakers américains, Paris, 1955, Éditions de Miniut 330 p.Google Scholar
page 1584 note 2. Henri Desroches, ibid., p. 7.
page 1584 note 3. Henri Desroches, ibid., pp. 18-19.
page 1584 note 4. Sur les Levellers, une mise au point récente, Roger Howell Jr. and David E. Brewster, « Reconsidering the Levellers. The Evidence of the Moderate », Past and Présent février 1970, n° 46, pp. 68-86.
page 1584 note 5. Kolakowski, p. 352.
page 1584 note 6. Jean Orcibal, principalement son Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, Paris, Vrin, 1947, t. Il de son grand livre Les origines du Jansénisme, Paris, Vrin, 5 vol. 1947-1962.
page 1584 note 7. Lucien Goldmann, Le Dieu caché, Paris, Gallimard, 1954.
page 1585 note 1. R. H. Tawney, La Religion et l'essor du capitalisme. Trad. française, Paris, Marcel Rivière 1951 ; Max Weber, dont les essais classiques ont été repris par Pion, en 1964, L'éthique protestante et l'éthique du capitalisme.
page 1585 note 2. Pierre Chaunu, « Réflexions sur le tournant des années 1630-1650 », Cahiers d'Histoire. Lyon, 1967, t. XII, n° 3, pp. 249-268. et La Civilisation de l'Europe classique, Paris, Arthaud, 1966.
page 1585 note 3. Cum grano salis, ce vocabulaire n'est pas de Kolakowski, son usage lui répugne. Il a servi souvent à désigner à la fois les élèves de Max Weber et… une partie de l'école historique des Annales.
page 1585 note 4. Emmanuel Le ROY Ladurie, Histoire du climat depuis l'an mil, Paris, Flammarion, 1967, 379 p. in-8°, 31 pi. hors texte.
page 1585 note 5. Cf. notre note, « Le Climat et l'histoire, à propos d'un livre récent », R.H., t. CCXXXVIIL fasc. 2, n. 484, oct.-déc. 1967, pp. 365-376.
page 1586 note 1. E. Le ROY Ladurie, Climat, p. 13. Faisant le bilan d'une longue série d'échecs, il dénonce « … une certaine démarche intellectuelle, commune aux premiers historiens du climat ; ceux-ci n'ont pas étudié dès l'abord et pour lui-même le climat fluctuant ; mais ils se sont lancés d'emblée dans une entreprise différente et toute périlleuse : l'explication climatique de l'histoire humaine… ».
page 1586 note 2. L'expression est de Lucien Febvre. Reconnaissons que, depuis les années 50, l'histoire sans problématique et sans projet a beaucoup reculé.
page 1586 note 3. Avec C. B. Hylkena, Rufus M. Jones, R. A. Knox, sans doute et bien d'autres.
page 1586 note 4. Pierre Chaunu, « Le XVIIe siècle religieux. Réflexions préalables », Annales E.S.C., 1967, n° 2, pp. 279-302.
page 1586 note 5. Table ronde, mars 1960, n° 147 ; Revue Historique, 1962, n° 1 ; 1962, n° 2 ; 1965 n° 1 ; Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 1965, n° 1 ; Revue Suisse d'Histoire. 1965, n° 1 ; Annales E.S.C., 1967, n° 2, et dans les chapitres religieux de la Civilisation de l'Europe classique, Paris, Arthaud, 1966 ; 2e éd. 1970. Cf. en outre, la Civilisation de l'Europe des Lumières, sous presse.
page 1587 note 1. Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, P.U.F., 1965, 2e éd., 1969.
page 1587 note 2. Pierre Pascal, Avvakum, op. cité.
page 1588 note 1. Voyez les réflexions ici même. Annales E.S.C., 1963, n° 1, pp. 75-80, du R. P. Chenu, « Orthodoxie et Hérésie. Le point de vue du théologien ».
page 1588 note 2. Annales E.S.C., 1963, n° 1, p. 79.
page 1588 note 3. Europe classique, pp. 487-502.
page 1588 note 4. Kolakowski, pp. 729-757.
page 1588 note 5. Europe classique, ibid.
page 1589 note 1. Kolakowski, p. 25.
page 1590 note 1. Kolakowski, p. 25.
page 1590 note 2. R. H., 1965, n° 1, article cité.
page 1590 note 3. Une ultime remarque. Le champ d'étude et d'expérience des chrétiens sans église se place en Hollande. Il nous est apparu souhaitable d'étendre l'expérience aux pays anglo-saxons, particulièrement au prolongement américain. Hollande - États-Unis. Notons une analogie de structure, sur le plan de la Sociologie religieuse, à laquelle répugne Kolakowski. Des églises multitudinistes issues de la Réforme faiblement majoritaires. Un fort courant sectaire et une minorité catholique rapidement croissante en raison des natalités différentielles. Hollande - États- Unis au terme de la décennie 60 et au seuil de la décennie 70 du XXe siècle, deux catholicités nombreuses et en pleine crise. Il est facile d'évoquer les hauts niveaux de développement ; la corrélation existe, elle est insuffisante. Une analyse plus fine montrerait le pouvoir d'érosion au sein de la communauté catholique des ferments issus de l'insinuante nébuleuse du christianisme sans église.
Face aux grandes églises de la Réforme, le catholicisme gagne, au prix d'infiltrations le plus souvent d'origine sectaire, au prix donc, de dangereuses tensions internes. Kolakowski, bien involontairement nous aide à déchiffrer, en deux secteurs névralgiques, une des crises les plus graves de notre temps.
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- Cited by