Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
John Winthrop, le futur gouverneur du Massachusetts, alors qu'il faisait route vers l'Amérique du Nord sur l'Arabella déclarait, dans une sorte de sermon laïque, à ses compagnons de voyage : « Nous devons considérer que nous serons comme une ville sur une colline et que les yeux de tous les peuples seront tournés vers nous. » Dans l'esprit des premiers groupes d'Anglais qui s'exilaient vers la Nouvelle-Angleterre, il s'agissait, sans aucun doute, de fonder une société exemplaire. Ces puritains allaient enfin saisir l'occasion de vivre selon la Loi et les Prophètes…
Cette volonté utopique des premiers immigrants, les historiens l'ont parfois négligée dans un souci de mettre l'accent sur les déterminations économiques de la migration. Parfois aussi on a vu les motifs religieux et politiques comme des incitations à la fuite.
1. « A Model of Christian Charity », The Winthrop Papers, Massachusetts, Historical Society, Boston, 1931, II, p. 282.
2. On trouve cette double perspective dans Hansen, Marcus Lee, The Atlantic Migration 1607-1860, Cambridge (Mass.), 1940.CrossRefGoogle Scholar
3. Cité par Aileen Kraditor dans une critique récente de l'histoire à base de mythes, libéraux ou « radicaux » : « American radical historians on their heritage », Past and Present, n°.56, août 1972, pp. 136-154.
4. Dans « The Germanie origin of New England towns », Johns Hopkins Studies in Historical and Political Science, vol. 1, Baltimore (Maryland), 1882.
5. O. Handlin présente notamment cette idée dans The Uprooted, New York, 1951.
6. Education in the Forming of American Society, New York, 1960.
7. B. Bailyn, op. cit., p. 22.
8. Savage, James, A genealogical dictionary of the first settlers of New England, 4 vol., Boston, 1860-1862 Google Scholar, est un bon exemple de ce genre d'ouvrages.
9. Les Irlandais-Américains, Italo-Américains, Russo-Américains, etc., dont les Yankees de vieille souche tenaient alors à se différencier.
10. Lockridge, Kenneth A., A New England Town : The First Hundred Years, New York, 1970 Google Scholar ; Greven, Philip J. Jr., Four generations : Population, Land and Family in Colonial Andover, Massachusetts, Ithaca (N.Y.), 1970 Google Scholar ; Demos, John, A Little Commonwealth : Family Life in Plymouth Colony, New York, 1970 Google Scholar ; Demos, John, « Families in Colonial Bristol, Rhode Island : An Exercise in Historical Demography », The William and Mary Quarterly, Third Séries, vol. XXV, n° 1, janvier 1968, pp. 40–57.CrossRefGoogle Scholar
11. Peter Laslett et John Harrison, «Clayworth and Cogenhoe», dans Bell, H. E. et Ollard, R. L., Historical Essays, 1600-1750, presented to David Ogg, Londres, 1963 Google Scholar ; Hoskins, W. G., The Midland Peasant, Londres, 1957 Google Scholar ; Wrigley, E. A., « Family limitation in pre-industrial England », Economic History Review, 1966 CrossRefGoogle ScholarPubMed ; « Mortality in pre-industrial England », Daedalus, Spring 1968.
12. Ces chiffres et ceux qui suivent sont tirés de Kenneth A. Lockridge, « The population of Dedham, Massachusetts, 1626-1726 », Economic History Review, 1966 et de Philip J. Greven Jr., « Family Structure in i7th Century Andover, Massachusetts », William and Mary Quarterly, 1966.
13. Lockridge, art. cité, p. 326.
14. Cf. John Demos, « Notes on life in Plymouth Colony », William and Mary Quarterly, 1965. Entre 1630 et 1675, Demos avance l'hypothèse que la population a doublé tous les quinze ans (p. 270).
15. E. A. Wrigley, « Family limitation… », p. 107.
16. Laslett, Peter, The World we have lost, Londres, 1965, p. 82.Google Scholar
17. Chaunu, Pierre, La Civilisation de l'Europe classique, Paris, 1966, p. 190.Google Scholar
18. Cité par Hill, Christopher, The Century of Revolution, Londres, 1961, p. 25.CrossRefGoogle Scholar
19. Pour tous ces chiffres, voir les articles cités ci-dessus, notes 11 et 12.
20. Perry Miller a donné un récit divertissant de la controverse religieuse sur la vaccination qu'a fait naître alors « le jugement de la variole » dans The New England Mind, II, From Colony to Province, Cambridge (Mass.), 1953.
21. Frederick J. Turner, « The Significance of the Frontier in American History », Annual Report of the American Historical Association for the Year 1893.
22. Op. cit., p. 12.
23. Op. cit., p. 67.
24. John Demos affirme que, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas la sexualité mais l'agressivité que la société puritaine refusait et forçait au refoulement. Dans des habitations paysannes de dimensions réduites, des familles avec parfois des serviteurs (6 à 8 personnes) devaient cohabiter. C'est une théorie séduisante, mais l'habitat en Europe était-il plus spacieux ? Chez Demos, comme chez les historiens du xixe siècle, on trouve la tentation d'expliquer l'évolution historique par quelques idées-forces. La tentative est vouée à l'échec. Entre la minutieuse étude démographique de Plymouth et la « théorie » de la famille, l'écart est trop grand et le réel s'enfuit.
25. Dans The Puritan Family, New York, 1944. Cet ouvrage est une synthèse basée sur toutes les sources littéraires relatives à la famille et sur les papiers de la famille Winthrop.
26. Dans la gentry anglaise, la primogéniture était la règle. Les cadets, certains qu'ils recevraient une part minime de l'héritage paternel, n'étaient pas tenus à une obéissance sans limites par leurs « espérances ». Cette situation leur assurait une certaine indépendance.
27. Chiffres dans les articles cités supra, notes II et 12.
28. John Winthrop, A Model of Christian Charity.
29. A Boston, la création rapide d'un groupe de marchands qui ont très vite contesté la « fermeture » de la société puritaine et son étroitesse a entraîné la formation d'une société beaucoup plus différenciée. Cf. Rutman, Darrett B., Winthrop's Boston, a portrait of a puritan town 1630-1649, Williamsburg, 1963.Google Scholar Boston n'a jamais été la « Ville sur la Colline » de l'utopie puritaine.
30. Dans American Puritanism : Faith and Practice, Philadelphia, 1970, Darrett B. Rutman avance la même idée : selon lui, le traditionalisme en matière de pensée sociale était aussi caractéristique du Puritanisme que l'intensité religieuse. Rutman affirme que la société puritaine était plus traditionaliste encore que la société anglaise. Il attribue cela à l'importance des utopies paysannes auxquelles s'accrochaient les immigrants. Pour cet auteur la migration entraîne une régression, un retour au passé. C'est le contraire de la thèse migration-libération-progrès chère aux historiens libéraux, par exemple à O. Handlin.
31. Sur la jérémiade et son destin politique, cf. Perry Miller, op. cit. et « From the Covenant to the Revival », dans Smith, James W. et Jamison, A. L. eds., The Shaping of American Religion, Princeton, 1961.Google Scholar
32. L'idée d'une filiation entre la pensée et le langage du Great Awakening et la révolution américaine est à la base de l'ouvrage Heimert, d'Alan, Religion and the American Mind, Cambridge (Mass.), 1966.Google Scholar
33. David Grayson Allen, « The Zuckerman Thesis and the Process of Legal Rationalization in Provincial Massachusetts » (et la réponse de Zuckerman), The William and Mary Quarterly, juillet 1972, p. 453.
34. John Demos, « Bristol… », art. cité.
35. Clarence Ver Steeg a décelé une crise générale des colonies américaines au tournant du siècle dans The Formative Years 1607-1763, New York, 1964. Il note ainsi la simultanéité des révoltes (très variées dans leurs causes) de Bacon en Virginie et de Leisler à New York, avec l'épisode des sorcières de Salem. Ces faits traduisent un ébranlement de la société coloniale.
36. Sudbury est le village dont Summer Chilton Powell a étudié l'histoire dans Puritan Village : the Formation of a New England Town, Middletown (Conn.), 1963.
37. Pour le Connecticut, cf. Bushman, Richard L., Front Puritan to Yankee, Cambridge (Mass.), 1967.Google Scholar
38. Cette thèse a d'abord été défendue par Rowland Berthoff dans « The American Social Order : a Conservative Hypothèse », The American Historical Review, vol. LXV, n° 3, avril 1960. Kenneth Lockridge l'a reprise et approfondie dans « Land, population and the évolution of New England Society 1630-1790 », Past and Présent, Summer 1968.
39. L'expression est de Kenneth Lockridge, art. cité, note 38.