Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La reine de France existe-t-elle ? Pour saugrenue que paraisse la question, la réponse n'en est pas moins incertaine lorsqu'on se penche sur l'historiographie de ces deux derniers siècles. Les historiens du ou de la politique n'accordent à la reine qu'un regard distrait, la reléguant à une existence domestique à laquelle les nombreuses biographies sur les reines de France n'hésitent pas à la réduire.
Le traitement appliqué jusqu'ici à la loi salique n'est pas étranger à cette situation. Si, depuis Paul Viollet, d'excellents travaux ont montré le processus d'élaboration de cette « loi » et les modalités de l'exclusion des femmes du trône en fonction des impératifs politiques provoqués par la guerre de Cent Ans, aucune analyse n'a envisagé la signification de ce texte à l'égard des femmes. Ainsi, les études récentes, très précises, de Colette Beaune et de Jacques Krynen ont porté sur la construction juridique de la loi salique à partir de la réflexion politique des 14e et 15e siècles, afin de montrer la part qu'eut cette loi dans la formation d'un État monarchique qui puise ses formes modernes dans les deux derniers siècles du Moyen Age. En ce sens, c'est la genèse de ce texte plus que son contenu qui fait l'objet de l'analyse et, dans la perspective d'un renforcement du pouvoir royal, la focalisation qui s'exerce alors sur la personne du roi conduit spontanément à la mise à l'écart de celle qui n'a pas droit au trône. Le fait, dominant toute l'historiographie de la loi salique, qu'aucune réflexion sur la nature de l'exclusion des femmes n'ait été envisagée, laisse la voie ouverte aux interprétations les plus restrictives concernant la place de ces dernières dans la politique.
Although the role of the queen has always been acknowledged in French historiography, few studies have examined the specifie judicial and historical circumstances that established the queen as an essential person in the institutional history of the Ancien Regime. Following a chronological perspective imposed by the successive threats to succession beginning of the fourteenth century, this article examines how these crises led to a redefinition of the legal statute for the queen. Jurists, wanting to stabilize the Unes of succession, formed a specifie law, known as the Salie law, that prohibited women from rule; however, the laws devised for governing the regency, specifically the ordinance of 1407, paradoxically integrated the queen to the center of power. The ordinance of 1407, often misunderstood by historians, emerges as one of the key documents because it establishes the role of the queen in the monarchical System by linking the Salie law to the Regency. The Salie law prohibited direct succession and thus assured women could not usurp the throne; the ordinance of 1407 demonstrates the women could weld power and were therefore essential to the functioning of the monarchical System. Specifically, the queen assured passage of power from one king to another while simultaneously assuring the continuity of the dynasty.
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7. 27 mars 1317 : Eudes, au nom de Jeanne, fiancée au comte d'Évreux, abdique toute prétention sur le trône de France et de Navarre. Cf. « Documents inédits sur l'avènement de Philippe le Long », dans Annuaire-Bulletin de la société de l'histoire de France, 1864, p. 59.
8. Cf. Cazelles, Raymond, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève-Paris, Droz, 1982.Google Scholar
9. La formule est de Jacques Krynen.
10. Cf. Jacques Krynen, « Le mort saisit le vif. Genèse médiévale du principe d'instantanéité de la succession royale française », dans Journal des Savants, juillet-septembre 1984, pp. 187- 221.
11. Raymond Cazelles, op. cit., p. 512.
12. Cf. Descimon, Robert et Guery, Alain, Un État des Temps modernes ?, dans Burguière, André et Revel, Jacques, Histoire de la France, Paris, Le Seuil, 1989, t. II, p. 224.Google Scholar
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15. Ordonnance de 1407, publiée par Isambert, Decrusy et Taillandier, op. cit., t. VII.
16. Id.
17. Id.
18. Id.
19. Pierre Dupuy, op. cit., p. 26.
20. Du Haillan, De l'Etat & succès des affaires de France, 1570, f. 107 v.
21. Titulature officielle latine « Philippus régis francorum filius, regens régna Francie et Navarre ».
22. Sur toute cette question des titulatures et des sceaux, cf. F. Olivier Martin, Les régences et la majorité des rois (1060-1375), thèse de droit, Paris, 1931.
23. Isambert, Decrusy et Taillandier, op. cit., t. Vii, p. 426.
24. Le « droit de nature baille le premier d'iceux (rois) héritier & successeur audit royaume » rappelle le texte de 1407.
25. Cf. Jacques Krynen, «Le mort saisit le vif… », art. cité, Journal des Savants, 1984, pp. 187-221.
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27. Ordonnance des Roys de France, t. IX, 1775.\
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30. Depuis Anne de Beaujeu, soeur du roi, qui dispute la régence au duc Louis d'Orléans, cousin du roi et plus proche héritier de la couronne, jusqu'à Philippe d'Orléans, le plus proche cousin de Louis XV.
31. Jacques Krynen, L'empire du roi, op. cit., p. 145.
32. Cf. Lewis, Andrew W., Le sang royal. La famille capétienne et l'Etat. France Xe-Xive siècle, Paris, Gallimard, 1986 (éd. anglaise, 1986).Google Scholar
33. Du conseil des Roys, et du gouvernement de leur Estât. Avec quelques observations sur la régence, dans le fonds Morel de Thoisy de la Bibliothèque nationale, t. Ciii, f. 1. Voir le passage sur les princes du sang comme naturels conseillers du jeune roi.
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40. Id., f. 24 v.
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43. Il en fait une « coustume invétérée qui passe comme en nature, et outrepasse toute loy », Les observations de diverses choses remarquées sur l’Estât, couronne et peuple de France, 1597, p. 64.
44. Pouvoir de régence donné par Charles IX à Catherine de Médicis le 30 mai 1574, cité par P. Dupuy, op. cit., p. 447.
45. Pierre Dupuy, op. cit., p. 455.
46. Du conseil des Roys, et du gouvernement de leur Estât. Avec quelques observations sur la régence, dans le fonds Morel de Thoisy de la Bibliothèque nationale, t. Ciii, f. 1.
47. Paris, P. Mettayer, 1620.
48. Paris, J. Mettayer, 1597.
49. S.l.n.d., f. 45 v.
50. Cf. Paul Viollet, op. cit.
51. Robert Luyt, Le sceptre de France en quenouille, 1652.
52. Pierre Dupuy, op. cit., pp. 268-269.
53. De l’Estât et succès, op. cit., p. 138.
54. Pierre Dupuy, op. cit., t. II, p. 275.
55. Une des justifications de la loi salique porte sur le fait que les femmes ne pouvant porter la lance, elles ne sont pas en mesure de garder le royaume, donc de monter sur le trône. Ici on relève les corrélations qui existent entre régence et loi salique.
56. La reine Claude n'apparaît pas davantage qu'en 1515. Est-ce seulement à cause de sa mauvaise santé que François Ier ne l'intègre pas au gouvernement ?
57. Edit de François Ier pendant sa captivité, novembre 1525. Dans Pierre Dupuy, op. cit., t. II, p. 301.
58. Depuis le 15e siècle toutes les régences ont été exercées par des femmes à l'exception de celle de Philippe d'Orléans en 1715, lequel bénéficie de l'absence de princesses dans la famille royale susceptibles de gouverner pendant la minorité de Louis XV.
59. Histoire générale de France, Paris, L. Sonnius, 1628, p. 631.
60. L. G. Oudart Feudrix de Brequigny, op. cit., p. 547.
61. Voir la séance du Parlement rapportée par Pierre Dupuy, op. cit., p. 497.
62. Compte rendu de la séance du 15 mai 1610, cf. Pierre Dupuy, op. cit., p. 490.
63. Mémoires de Mr de la Chastre, publiées avec les mémoires de la Rochefoucauld, Cologne, P. Van Dyck, 1662, p. 227.
64. Rochefoucauld, LA, Mémoires, Cologne, Dyck, P. Van, 1662, p. 1.Google Scholar