Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
On Sait Qu'Avant L'Apparition du monnayage proprement dit, les Grecs du Péloponnèse, et plus spécialement de l'Argolide, ont utilisé comme monnaie des broches à rôtir en fer, semblables à nos broches à agneau, les obéloi (fig. 1 et 4). Six obéloi pouvaient tenir dans la main ; ils formaient ainsi une « poignée », ou drachme : telle est en effet l'étymologie probable du mot qui désigne, de nos jours encore, l'unité monétaire grecque. Le monnayage véritable conserva ces dénominations, — à cela près que le doublet obole fut généralisé, obèle gardant presque toujours son sens de broche, — et maintint la division de la drachme en six oboles. Ces persistances montrent bien que les drachmes d'obéloi avaient constitué à l'origine une authentique « proto-monnaie ».
A une date controversée, qui varie entre le début et la fin du VIIe siècle avant J.-C, mais que des travaux récents tendent à abaisser jusqu'aux dernières décades du VIIe siècle, les premières monnaies grecques furent frappées dans l'île d'Egine, sur le modèle des monnaies à'électrum inventées en Lydie : ce furent les fameuses tortues éginétiques. Mais le métal précieux utilisé en Grèce fut l'argent.
1. Cf. Brown, W. L. , Num. Chron., n˚ 10,1950, p. 197 Google Scholar et suiv. ; Robinson, E. S. G. , « Coins from the Kphesian Artemision reconsidered », Journal of Hellenîc Studies, n°71, 1951, p.166 Google Scholar et «The Date of the Earliest Coins », Num. Chron., n˚16,1956, p.1-8.
1. Plutarque, Lyc, 9.
2. Dès 1906, J. N. Svoronos avait essayé de déterminer ce rapport à l'aide des textes qui donnent une équivalence entre un poids de fer d'une mine éginétique (env. 480 g) et sa valeur en bronze ou en argent (Joum. Internat. d'Arch. Numism., n° 9, 1906, p. 191 et n. 2-5). Mais d'une part il attribuait à la mine sa valeur habituelle de 100 drachmes, alors qu'à l'origine elle n'en valait que 70 (cf. Aristote, Pol., 10) ; d'autre part, selon les textes, la valeur en bronze, quatre chalques, varie du simple au double, d'une demi-obole à une obole. Par suite, il estimait le rapport du fer à l'argent à 1 : 600 ou 1 : 1 200 selon le cas, alors qu'il aurait dû proposer 1 : 430 ou 1 : 860 respectivement. Mais de toute façon la mention de chalques dans ce calcul indique une époque relativement récente, les monnaies de bronze n'apparaissant pas en Grèce avant 406-405 avant J.-C. (cf. Ch. Seltman, Athens and its Coinage, p. 68, 70). Le rapport indiqué par ces textes ne saurait donc être celui du fer et de l'argent au moment de l'apparition du monnayage. Son attribution du rapport de 1 : 600 à l'époque de Lycurgue et du rapport de 1 : 1 200 à une époque plus tardive ne repose apparemment sur rien et paraît contraire à l'évolution du prix du fer au cours des siècles (cf. G. Glotz, Journal des Savants, n” 11, 1913, p. 27).
3. Cf. Caylus, , Recueil d'Antiquités…, t. 5 (1762), p. 113 Google Scholar et suiv., cité par Déchelette, J . , Revue Numismatique, 4 e sér., n° 15, 1911, p . 12 Google Scholar et suiv.
4. Cf. Waldstein, Ch. , Argive Heraeum, I, p. 61 Google Scholaret suiv., 77 ; — Svoronos, J. N. , Joum. Int. d'Arch. Num., n” 9, 1906, p. 192–202,Google Scholar pi. 10 (ici fig. 1),11 et 12.
1. Ch. Seltman, Athens and Us Coinage, p. 117-122.
2. Artemis Orthia (J.H.S. Suppl. 5), p. 391-393.
1. Fragments : Payne, H. et Dunbabin, T. J. , Pérachora, I, p. 187–189, pi. 86Google Scholar : 0-14 (cf. aussi infra n. 1, p. 214) ; — J . K. Brock, Fortetsa, p. 202, « Spits » ; — — Marinatos, Sp. , B.C.H., n° 60, 1936, p. 227;Google Scholar — Caskey, J. , Hesperia, n° 21, 1952, p. 188 CrossRefGoogle Scholar, pi. 47 : a, j , k ; — P . Courbin, B.C.H., n° 81, 1957, p. 324, 326, 368-370 et fig. 52-53 (Argos, tombe 45). Obéloi entiers : cf. ibid. 77, 1953, p. 260 (Argos, tombe 1) ; — Cl. Sestieri, Bolletino d'Arte, n” 40, 1955, p . 56, fig. 6 (pour l'identification, cf. P. Courbin, B.C.H., n° 81, 1957, p. 370 n. 2 et p. 379, n. 2). Les « tiges de fer cylindriques » trouvées à Delphes (cf. B.C.H. 68-69, 1944-1945, p. 37), pourraient appartenir à des obeloi, la corrosion masquant souvent la forme. De même, à Ithaque, cf. B.S.A. 48, p . 356, n° 1, 2, 4, 9, fig. 35. Sur les bases inscrites et les inscriptions mentionnant des obeloi, cf. ci-dessous p. 224 et n. 1. Du point de vue de la chronologie, si l'on met à part le fragment de là tombe VI de Fortetsa — proto-géométrique —, fragment sur lequel on ne sait rien et qui a disparu, tous les documents paraissent postérieurs à 750 avant J.-C. : les exemplaires de l'Héraion d'Argos (cf. p. 225) et de Pérachora sont postérieurs à 750, ceux d'Argos datent d'env. 730 (cf. p. 225), ceux de Dréros seraient un peu postérieurs ; les documents de Sparte appartiennent pour la plupart au v n e siècle, ainsi sans doute que les autres fragments de Fortetsa. Sur les obeloi de Paestum cf. ci-dessous p. 225. Nous ne traiterons pas ici des documents trouvés ailleurs en Italie, ou en Europe occidentale.
2. Cependant, pour les obéloi de Paestum, M. et Mme Cl. Sestieri ont bien voulu me communiquer et m'autoriser à citer les mesures utilisées dans cet article. J e les en remercie chaleureusement.
3. Les obéloi de la tombe 45 d'Argos (cf. ci-dessus n. 1) avaient très probablement une structure identique, à ceci près que les palettes, de dimensions variables, étaient de forme ovale. Leur poids moyen actuel paraît plus élevé que celui des obéloi de la tombe 1 ; mais il faut sans doute déduire de leur poids global celui de deux entretoises (cf. B.C.H., n° 81, 1957, p. 378) qui devaient avoir une longueur un peu plus faible, mais au total peu différente de celle des obéloi : dans cette hypothèse, le calcul donne pour les obéloi un poids moyen de 1,510 kg, légèrement inférieur à celui des obéloi de la tombe 1, Dans les deux cas, cette disparité des poids entre la tombe 1 et la tombe 45, très voisines dans le temps, est significative : elle paraît indiquer que les obéloi n'avaient pas encore été standardisés. Sur la possibilité que les obéloi de ces deux tombes, ou de l'une d'entre elles, aient été périmés lors dî leur mise en place, cf. p. 228.
1. Greek Coins, 2” éd. (1955), p. 37 et n. 2.
2. Sinon par W. L. Brown, Num. Chron., n° 10, 1950, p. 203, n. 59, qui récuse peut-être un peu trop catégoriquement ces documents.
1. Perachora, I, p. 256-260, pi. 132.
2. A moins que le mot spears, Arg. Her., I, p. 77, ne réponde à ces palettes ?
3. Revue Numismatique, 4° série, n° 15, 1911, p. 42.
4. La « pointe de javelot » de Perachora (l. I., pi. 86, 7) et les « fers de lance » de Delphes (B.C.H., n° 68-69,1944-45, p. 37) seraient-ils des palettes ï Cf. pour l'Héraiond'Argos, ci-dessus n. 2. La présence ou l'absence d'une douille permettrait de s'en assurer.
1. Athens and Us Coinage, p. 117-118.
1. Artemis Orthia, p. 392.
2. Greek Coins, 2” éd., p. 87, n. 2.
1. Wade-Gery avait posé la question de savoir comment se présentait l'offrande de Pérachora, dont on n'a retrouvé que le support inscrit en poros, fragmentaire : stèle, ou base ? Obéloi fixés verticalement à la manière d'un thermomètre, ou reposant horizontalement sur des chenets (Pérachora, I, p. 258) ? Tout dépend de la nature de l'offrande : si elle était réellement monétaire, la présentation verticale des obéloi de l'Héraion peut fournir une indication.
2. Cf. W. L. Bbown, Num. Chron., n° 10, 1950, p. 191 et suiv.
1. Base de Pérachora : cf. Perachora, I, p. 256-260 ; cf. n. 1, p. 212 et n. 1, p.214. Base de « Phanaristos » à Krisa : cf. Raubitschek, Yale Classical Studies, n° 11,1950, p. 295 et suiv. ; — Roehx, Imagines…, p. 88 (dessin). Inscription de Chorsiae : cf. B.C.H., n” 62,1988, p . 149-166 ; Ibid., n° 81,1957, p. 378 (où elle est dite à tort « de Thespies »). Sur les exemples des mots obelos, odelos dans les textes épigraphiques, cf. N. M. TOD, Num. Chron., n” 7, 1947, p . 1-3, 17 ; Ibid., n” 15, 1955, p . 125-130, et W. K. Pritchett, Hesperia, n° 25, 1956, p. 313. Sur l'attribution d'un fragment de bloc inscrit à la base de l'offrande de Rhodopis (?) cf. B.C.H., n” 78, 1954, p. 133.
2. Cf. n. 1, p. 228, pour la base de Pérachora; pour cette dernière et pour la base de Phanaristos, cf. W. L. Brown, Num. Chron., n° 10, 1950, p. 203, n. 62.
3. Cf. Hérodote, II, 134-135. Sur la date de Rhodopis et de son offrande, cf. Perachora, I, p. 259 et suiv. (Wade-Gery). L'indication d'Hérodote selon laquelle Rhodopis avait désiré faire une offrande « sans précédent », si on l'entend pour la Grèce entière et non pour Delphes seulement, suggérerait une date antérieure à l'offrande de Phidon : cette conclusion ne serait pas faite pour simplifier le problème de la date de Rhodopis ni de celle de Phidon.
4. Cf. Ibid., p. 194-198.
5. Cf. Ibid., p. 204, n. 71 début. Mais nous pensons en revanche que l'offrande des obéloi de l'Héraion peut bien être attribuée à Phidon lui-même.
1. Cf. B.C.H., n° 77, 1953, p. 260.
2. Il faut noter que si des obéloi font partie d'un système de poids et de mesures, et en outre d'un système monétaire, le meilleur moyen de les étalonner, comme de les vérifier, est de fixer leur longueur : la densité du métal, en effet, est pratiquement invariable, et les dimensions de la section, pour des raisons évidentes, ne peuvent guère changer.
1. Aristote, Pol. Ath., 10.
2. Cf. Daremberg et Saglio, t. III, p. 1350 b.
1. Cf. Cavaignac, L'Economie grecque, p. 35. A l'époque mycénienne, l'argent était peut-être plus précieux que l'or ; cf. Seltman, Athens and its Coinage, p. 116 n. 4. Sur l'évolution du rapport or/argent, cf. Heichelheim, Wirtschaftsgeschichte des Altertums, t. I, p. 202.
2. Cf. Cavaignac, op. cit., p. 25 et suiv.
3. Cf. Ibid., p. 93“; — J. Labarbe, La loi navale de Thémistocle, p. 37.
4. Cf. T. J . Dunbabin, The Western Greeks, p. 24 et suiv. — Sur la signification originelle des instruments monétaires, cf. Ed. Will, Revue Numismatique, 5e série, n˚ 17, 1955, p. 1-21.
1. Cf. en dernier lieu Ed. Wiix, Korinthidka, p. 346-357 ; — G. L. Huxley, B.C.H., n° 82, 1958, p. 588-601.
2. Cf. Num. Chron., n” 10, 1950, p. 196-197.
1. Johnston, J. , J.H.S., n° 54, 1934, p. 183 Google Scholar, propose une valeur sensiblement identique, qu'il déduit du rapport attesté entre le médimne phidonien et le médimne delphique. Mais la capacité du médimne delphique est inconnue ; il l'assimile au médimne éginétique : c'est supposer que le médimne éginétique n'est pas le médimne phidonien, ce qui est précisément en question (cf. Ibid., p. 182). Le médimne delphique a pu aussi avoir une valeur propre.
2. Aristote, Pol. Ath., 5-10 ; — Plutarque, Sol., 13 et suiv.
3. Aristote, Pol., 4, 5.
4. Plutarque, Sol., 13.
5. Cf. Tiiaion, Germaine , « Dans l'Aurès, le drame des civilisations archaïques », Annales, n° 3,1957, p. 393–402.Google Scholar
1. Aristote, Pol., 10.
2. Cf. Athens and its Coinage, p. 17, n. 1.
3. Cf. Plutahque, Solon, 24. II est intéressant de comparer avec ce que Lucien Febvee disait des petits bourgeois du xvie siècle (Combats pour l'Histoire, p. 93).
1. Cf. J.H.S., n° 54, 1934, p. 181, 183 et suiv.
1. Si une unité de longueur . est augmentée de 10 %, l'unité de volume correspondante passe de n3 à
, soit une augmentation de 33,1 %. De même, si l'on appelle Mle poids de la mine d'argent (qui n'est pas affectée par la dévaluation) la drachme présolonienne est exprimée par
, la drachme solonienne par
et le taux de la dévaluation
est de 30 %.
2. On sait que Solon avait établi dans ses lois l'équivalence 1 dr = 1 médimne (Plut., Sol., 23). Si l'on admet qu'il s'agit là de la drachme nouvelle et du médimne nouveau, on voit qu'avant Solon le médimne de blé pouvait coûter une demi-drachme ou trois oboles ; que la dévaluation a porté ce prix à 4 oboles, et que la nouvelle capacité du médimne correspondait à un prix supérieur à 5 oboles, donc proche d'une drachme. On obtiendrait ainsi le prix du blé avant Solon. L'augmentation apparente du prix du médimne ancien est de 30 %, celle du médimne nouveau est de 69 %.
1. Abistote, Pol., 7, 3-4.
2. La question des redevances en nature pose un problème, car l'augmentation de la capacité du médimne entraînait une augmentation de la redevance globale en nature : à moins qu'à l'occasion de cette réorganisation générale, métrologique et politique, les redevances fixées en nature aient été réajustées en tenant compte des nouvelles mesures de capacité.
3. Aristote, Pol., 11, 2.