Published online by Cambridge University Press: 26 October 2020
Cet article vise à éclaircir les logiques qui présidaient aux opérations d’identification et de revendication de l’identité personnelle dans la Monarchie espagnole d’Ancien Régime, en les contextualisant au sein de la culture juridique de leur époque. J’analyserai les sources produites par les Juzgados de bienes de difuntos (« Tribunaux des biens des défunts »), chargés d’adjuger les héritages d’attribution incertaine, en vérifiant l’identité et la parenté des personnes impliquées dans des successions à échelle mondiale. Au lieu d’interpréter la « preuve d’identité » de manière évolutionniste, je chercherai à comprendre sa production en partant de la constatation que, durant l’Ancien Régime, la personnalité juridique se concevait comme une possession, revendiquée activement par son usage, publiquement exercé et reconnu. Il s’agira donc de montrer que l’identité était détenue, comme tout autre droit, à travers des « actes de possession », et non simplement grâce à des titres de propriété, considérés plutôt comme une façon de transcrire les actes de possession d’état. L’article avance donc que, dans les sociétés d’Ancien Régime, il fallait continuellement produire la preuve de sa propre identité, en raison non seulement de l’insuffisance des procédures bureaucratiques et des pratiques d’archivage des données, mais, surtout, d’une manière différente de posséder la « chose identité », c’est-à-dire d’une autre façon de « tenir personne ».
This article aims to clarify the logics that governed operations of identification and claims to personal identity under the early modern Spanish Monarchy by contextualizing them within ancien régime legal culture. It analyses the sources produced by the Juzgados de bienes de difuntos (Tribunals of property of deceased persons), responsible for adjudicating successions of uncertain attribution and verifying the identity and kinship of those involved in inheritance transmissions on a global scale. Rather than adopting an evolutionist interpretation of “proof of identity,” this paper seeks to understand its development, starting from the observation that before the late eighteenth century legal personality was conceived as a possession—that is, as a thing that was owned and actively claimed by its use, publicly exercised and acknowledged. It will be shown that identity was held, like any other right, through “acts of possession” and not simply through title deeds, which were instead seen as a way of transcribing acts of possession of status. The article therefore suggests that in the early modern era it was necessary to continually produce proof of one’s identity, not only because of inadequate bureaucratic procedures and data archiving practices, but above all due to a different relation to the “thing of identity,” or, in other words, a different way of “possessing personhood.”
Cet article résulte de recherches financées par la Marie Skłodowska-Curie Individual Fellowship, que j’ai menées au CRH/LDHS de l'EHESS. Je remercie les relecteurs anonymes et le comité de rédaction des Annales HSS pour leurs critiques pertinentes et leurs commentaires utiles, et, tout particulièrement, Simona Cerutti, à qui je dois, comme toujours, des suggestions clairvoyantes.
Traduction de Joséphine Sales
1 Pour une définition des logiques propres à une monarchie juridictionnelle montrant combien elles diffèrent de celles de l’État administratif contemporain, voir António M. Hespanha, Introduzione alla storia del diritto europeo, trad. par L. Apa et L. Santi, Bologne, Il Mulino, [1999] 2003 ; Luca Mannori et Bernardo Sordi, Storia del diritto amministrativo, Bari, Laterza, 2001.
2 Les travaux de S. Cerutti sont d’une grande importance : Simona Cerutti, « À qui appartiennent les biens qui n’appartiennent à personne ? Citoyenneté et droit d’aubaine à l’époque moderne », Annales HSS, 62-2, 2007, p. 355-383 ; Simona Cerutti et Isabelle Grangaud, « Sources and Contextualizations: Comparing Eighteenth-Century North African and Western European Institutions », Comparative Studies in Society and History, 59-1, 2017, p. 5-33. En général, sur l’héritage vacant, voir Bartolomeo Dusi, La eredità giacente nel diritto romano e moderno, Turin, Fratelli Bocca, 1891 ; Barbara Biscotti, « Curatore e ‘amministrazione interimistica’ dell’eredità giacente. Spunti per una riflessione storico-comparatistica », in I. Piro (dir.), Scritti per Alessandro Corbino, Rome, Libellula Edizioni, 2016, p. 245- 276 ; Francisco Tomás y Valiente, « La sucesión de quien muere sin parientes y sin disponer de sus bienes », Anuario de historia del derecho español, 36, 1966, p. 189-254 ; Yan Thomas, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », Annales HSS, 57-6, 2002, p. 1431-1462 ; Alfonso Castro Sáenz, La herencia yacente en relación con la personalidad jurídica, Séville, Universidad de Sevilla, 1998 ; Miguel L. Lacruz Mantecón, La ocupación imposible. Historia y régimen jurídico de los inmuebles mostrencos, Madrid, Dykinson, 2011.
3 Pour une critique de l’hypothèse du grand partage entre oralité et écriture, voir David R. Olson, « Literacy as metalinguistic activity », in D. R. Olson et N. Torrance (dir.), Literacy and Orality, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p. 251-270 ; Daniel Fabre, « Introduction », in D. Fabre (dir.), Écritures ordinaires, Paris, Centre Georges-Pompidou/P.O.L, 1993, p. 11-27 ; id., « Introduction. Seize terrains d’écriture », in D. Fabre (dir.), Par écrit. Ethnologie des écritures quotidiennes, Paris, Éd. de la MSH, 1997, p. 1-56, en particulier p. 2-7.
4 Sur les droits de propriété à l’époque médiévale et moderne, voir Paolo Grossi, Il dominio e le cose. Percezioni medievali e moderne dei diritti reali, Milan, Giuffrè, 1992. Sur l’analogie entre les droits sur les personnes et les droits sur les choses, voir Emanuele Conte, Servi medievali. Dinamiche del diritto comune, Rome, Viella, 1996 et Marta Madero, La loi de la chair. Le droit au corps du conjoint dans l’œuvre des canonistes (xii-xv e siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015. Sur les actes de possession, voir Angelo Torre, Il consumo di devozioni. Religione e comunità nelle campagne dell’Ancien Régime, Venise, Marsilio, 1995 ; Osvaldo Raggio, « Costruzione delle fonti e prova. Testimoniali, possesso e giurisdizione », Quaderni storici, 91-1, 1996, p. 135-156 ; id., « Immagini e verità. Pratiche sociali, fatti giuridici e tecniche cartografiche », Quaderni storici, 108-3, 2001, p. 843-876 ; Renata Ago, Economia barocca. Mercato e istituzioni nella Roma del Seicento, Rome, Donzelli, 1998 ; Antonio Stopani, « Parola di esperto. Testimoniali e la prova per ‘fama’ in una disputa territoriale del xvie secolo », Quaderni storici, 142-1, 2012, p. 221-247. Voir également les essais réunis dans Emanuele Conte et Marta Madero (dir.), Entre hecho y derecho. Tener, poseer, usar, en perspectiva histórica, Buenos Aires, Manantial, 2010. En ce sens, je crois que les réflexions sur la whiteness (« blanchité ») comme propriété peuvent être étendues, de manière plus générale, à l’identité : Cheryl I. Harris, « Whiteness as Property », Harvard Law Review, 106-8, 1993, p. 1707-1791. L’analogie entre le statut personnel et la propriété, entre la revendication des terres et celle de l’identité est étudiée par Brenna Bhandar, Colonial Lives of Property: Law, Land, and Racial Regimes of Ownership, Durham, Duke University Press, 2018.
5 Nous devons à Yan Thomas le démantèlement de l’interprétation individualiste et subjectiviste du droit romain, héritée du xixe siècle, et la révélation du reicentrisme et de l’objectivisme qui se trouvent au fondement de la pensée juridique occidentale : à cet égard, voir la réflexion sur le travail de Y. Thomas menée par Sarah Vanuxem, La propriété de la terre, Marseille, Wildproject, 2018. Pour un exemple de recherche fondée sur ces prémisses méthodologiques, voir Simona Cerutti, « Nature des choses et qualité des personnes. Le Consulat de commerce de Turin au xviiie siècle », Annales HSS, 57-6, 2002, p. 1491-1520 et id., Giustizia sommaria. Pratica e ideali di giustizia in una società di Ancien Régime (Torino xviii e secolo), Milan, Feltrinelli, 2003.
6 J’emprunte cette formule à Bartolomé Clavero, « La máscara de Boecio. Antropologías del sujeto entre persona e individuo, teología y derecho », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, 39-1, 2010, p. 7-40.
7 Je me réfère principalement, d’un côté, à la leçon de la microhistoire italienne d’Edoardo Grendi, qui soulignait que même « le document exceptionnel peut se révéler exceptionnellement ‘normal’, justement parce qu’il est significatif », et, de l’autre, à Y. Thomas, qui a montré dans un excellent essai que le cas dit extrême contient en soi, dès le début, l’ordinaire : Edoardo Grendi, « Micro-analisi e storia sociale », Quaderni storici, 35-2, 1977, p. 506-520, ici p. 512 ; Yan Thomas, « L’extrême et l’ordinaire. Remarques sur le cas médiéval de la communauté disparue », in J.-C. Passeron et J. Revel (dir.), Penser par cas, Paris, Éd. de l’EHEES, 2005, p. 45-73.
8 Sur le changement de paradigme, de l’identité à l’identification, voir Gérard Noiriel, « Introduction », in G. Noiriel (dir.), L’identification. Genèse d’un travail d’État, Paris, Belin, 2007, p. 3-26. En général, sur la crise du concept d’identité dans les sciences sociales, voir Rogers Brubaker et Frederick Cooper, « Beyond ‘Identity’ », Theory and Society, 29-1, 2000, p. 1-47 et Francesco Remotti, L’ossessione identitaria, Bari, Laterza, 2010.
9 Jane Caplan et John Torpey (dir.), Documenting Individual Identity: The Development of State Practices in the Modern World, Princeton, Princeton University Press, 2001 ; John Torpey, The Invention of the Passport: Surveillance, Citizenship, and the State, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Simon A. Cole, Suspect Identities: A History of Fingerprinting and Criminal Identification, Cambridge, Harvard University Press, 2001 ; David Lyon, The Electronic Eye: The Rise of Surveillance Society, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1994 ; id., Surveillance Society: Monitoring Everyday Life, Buckingham, Open University Press, 2001 ; id., Identifying Citizens: ID Cards as Surveillance, Cambridge, Polity Press, 2009 ; Chandak Sengoopta, Imprint of the Raj: How Fingerprinting Was Born in Colonial India, Londres, Macmillan, 2003 ; David Lyon et Colin J. Bennett (dir.), Playing the Identity Card: Surveillance, Security, and Identification in Global Perspective, Londres, Routledge, 2008 ; Ilsen About, James Brown et Gayle Lonergan (dir.), Identification and Registration Practices in Transnational Perspective: People, Papers, and Practices, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
10 Pour une analyse pertinente du paradigme dominant, voir Edward Higgs, Identifying the English: A History of Personal Identification, 1500 to the Present, Londres, Continuum, 2011, p. 4 et id., The Information State in England: The Central Collection of Information on Citizens Since 1500, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2004, p. 10-27. L’idée de l’immobilité de la société prémoderne a été démentie de nombreuses fois : Jan Lucassen et Leo Lucassen, « The Mobility Transition Revisited, 1500-1900: What the Case of Europe Can Offer to Global History », Journal of Global History, 4-3, 2009, p. 347-377 et Jan Lucassen, Leo Lucassen et Patrick Manning (dir.), Migration History in World History: Multidisciplinary Approaches, Leyde, Brill, 2010.
11 Valentin Groebner, Storia dell’identità personale e della sua certificazione. Scheda segnaletica, documento di identità e controllo nell’Europa moderna, trad. par A. Michler, Bellinzona, Casagrande, [2004] 2008 ; Claudia Moatti (dir.), La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et documents d’identification, Rome, École française de Rome, 2004 ; Claudia Moatti et Wolfgang Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve & Larose, 2007 ; Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser et Christophe Pébarthe (dir.), Le monde de l’itinérance en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Bordeaux, Ausonius, 2009.
12 G. Noiriel a commencé à s’intéresser à cette question dès la fin des années 1980 et ses travaux ont été pionniers en la matière, en particulier : G. Noiriel (dir.), L’identification, op. cit. et id., État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001. Sur l’identification biométrique, voir Xavier Crettiez et Pierre Piazza (dir.), Du papier à la biométrie. Identifier les individus, Paris, Presses de Sciences Po, 2006. Sur le retournement du xviiie siècle, voir Vincent Denis, Une histoire de l’identité. France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008. Il n’est pas possible de citer dans cet article toute la littérature sur le sujet, qui se trouve recensée dans la bibliographie exhaustive d’Ilsen About et Vincent Denis, Histoire de l’identification des personnes, Paris, La Découverte, 2010.
13 Ainsi, I. About et V. Denis décrivent et s’approprient l’hypothèse historiographique de G. Noiriel, dans I. About et V. Denis, Histoire de l’identification…, op. cit., p. 6. Une interprétation proche se trouve dans Claire Judde de la Rivière et Rosa Salzberg, « Comment être vénitien ? Identification des immigrants et ‘droit d’habiter’ à Venise au xvie siècle », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 64-2, 2017, p. 69-92.
14 Anne Lefebvre-Teillard, Le nom. Droit et histoire, Paris, PUF, 1990.
15 L’inversion du principe médiéval témoins passent lettres ne doit cependant pas être considérée comme unanimement acceptée durant toute l’époque moderne, même au niveau doctrinal : John Gilissen, « La preuve en Europe du xvie au début du xixe siècle. Rapport de synthèse », in Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, La preuve, vol. XVII, t. 2, Moyen Âge et temps modernes, Bruxelles, Éd. de la Librairie encyclopédique, 1965, p. 755-833, en particulier p. 820-827.
16 Bien que réduit désormais à une fonction subsidiaire et « souvent dénoncé comme absurde », le recours aux témoins instrumentaires ne fut aboli en France qu’en 1924 : Gérard Noiriel, « L’identification des citoyens. Naissance de l’état civil républicain », Genèses, 13, 1993, p. 3-28, ici p. 23.
17 Alessandro Buono, « Le procedure di identificazione come procedure di contestualizzazione. Persone e cose nelle cause per eredità vacanti (Stato di Milano, secoli xvi-xviii) », in L. Antonielli (dir.), Procedure, metodi, strumenti per l’identificazione delle persone e per il controllo del territorio, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2014, p. 35-65 ; id., « La manutenzione dell’identità. L’identificazione degli eredi legittimi nello Stato di Milano e nella Repubblica di Venezia (secoli xvii e xviii) », Quaderni storici, 148-1, 2015, p. 231-266 ; id., « Naturali, vassalli e forestieri. La presunzione di estraneità e la re-incorporazione degli individui nelle cause per eredità giacenti (Italia spagnola e Nuovo Mondo, sec. xvii) », in M. Meriggi et A. M. Rao (dir.), Stranieri. Controllo, accoglienza e integrazione negli Stati italiani (xvi-xix secolo), Naples, Federico II University Press, 2020, p. 49-75.
18 Outre les dizaines de procès consultés aux Archives d’État de Milan et de Venise (qui ne sont pas l’objet de cette étude), je m’attarderai ici sur la moitié des 230 procès des Juzgados de bienes de difuntos que j’ai analysés. Conservés à l’Archivo General de Indias (ci-après AGI) à Séville (également disponibles en version numérique sur le Portal de Archivos Españoles [ci-après PARES] : http://pares.culturaydeporte.gob.es/inicio.html), ils proviennent des archives de la Casa de la Contratación, datent de la deuxième moitié du xviie siècle et ont été sélectionnés au hasard.
19 La littérature sur le sujet est infinie. Il suffit de citer : Carlos Martínez Shaw, La emigración española a América (1492-1824), Colombres, Fundación Archivo de Indianos, 1994 ; Auke P. Jacobs, Los movimientos migratorios entre Castilla e Hispanoamérica durante el reinado de Felipe III, 1598-1621, Amsterdam, Rodopi, 1995 ; Gregorio Salinero, « Sous le régime des licences royales. L’identité des migrants espagnols vers les Indes (xvie-xviie siècles) », in C. Moatti et W. Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée…, op. cit., p. 345-367 ; Tamar Herzog, « Naming, Identifying, and Authorizing Movement in Early Modern Spain and Spanish America », in K. Breckenridge et S. Szreter (dir.), Registration and Recognition: Documenting the Person in World History, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 191-209.
20 Ordenanzas Reales para la Casa de la Contratación de Sevilla, 1552, chap. 65 (Madrid, archives du Musée naval, Ms. 0012/005, source électronique disponible sur le site Cátedra de Historia y Patrimonio Naval, Armada Española /Universidad de Murcia : https://catedranaval.com/2016/09/16/ordenanzas-reales-para-la-casa-de-la-contratacion-de-sevilla/).
21 Pour une reconstruction normative, voir José L. Soberanes Fernández, « El Juzgado general de bienes de difuntos », Revista chilena de historia del derecho, 22, 2010, p. 637-660. La documentation du Juzgado de bienes de difuntos a servi à d’innombrables spécialistes d’histoire sociale et économique, comme Carlos A. González Sánchez, Dineros de ventura. La varia fortuna de la emigración a Indias (siglos xvi-xvii), Séville, Universidad de Sevilla, 1995 ou Delphine Tempere, Vivre et mourir sur les navires du Siècle d’Or, Paris, Presses de la Sorbonne, 2009. Sur la procédure et pour une riche bibliographie, voir Francisco Fernández López, « El procedimiento y los expedientes de bienes de difuntos en la Casa de la Contratación de Indias (1503-1717) », Tiempos modernos, 30-1, 2015.
22 Recopilación de Leyes de los Reynos de las Indias, Liv. 2, Tit. 32, Loi 44, Madrid, Iulian de Paredes, 1681.
23 Parmi les dossiers que j’ai consultés, j’ai trouvé la mention explicite d’un contrôle des registres des pasajeros afin de vérifier qu’un migrant mort dans les Indes avait eu une licence en règle, l’autorisant à partir, dans un seul cas (celle du chirurgien milanais, Juan Rosso de Campos) de la fin du xviiie siècle : Séville, AGI, Contratación, 5593, N. 6, bienes de difuntos, Juan Rosso de Campos, 1732 et Séville, AGI, Contratación, 5668, N. 4, bienes de difuntos, varios, 1772. À cet égard, voir Alessandro Buono, « Archiviare per amministrare ? A proposito della produzione e dell’uso della documentazione nell'Impero spagnolo », in A. Buono et M. Giuli (dir.), Archivi e modernità. Pratiche, conflitti, convergenze, Rome, Carocci, à paraître.
24 Jean-Pierre Dedieu, « L’Inquisition et le droit. Analyse formelle de la procédure inquisitoriale en cause de foi », Mélanges de la casa de Velázquez, 23, 1987, p. 227-251 ; María E. Martínez, Genealogical Fictions: Limpieza de Sangre, Religion, and Gender in Colonial Mexico, Stanford, Stanford University Press, 2008. Le modèle du « triangle vigilant » se révèle d’une grande utilité. Il a été proposé par Arndt Brendecke, Imperio e información. Funciones del saber en el dominio colonial español, trad. par G. Mársico, Madrid/Francfort-sur-le-Main, Iberoamericana/Vervuert, [2009] 2012 ; voir aussi id., « Attention and Vigilance as Subjects of Historiography: An Introductory Essay », Storia della storiografia, 74-2, 2018, p. 17-27.
25 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 251v-252r.
26 Voir V. Groebner, Storia dell’identità personale e della sua certificazione, op. cit., p. 191-192 et l’analyse de la legibility (« lisibilité ») de Bernhard Siegert, « Ficticious Identities: On the interrogatorios and registros de pasajeros a Indias in the Archivo General de Indias (Seville) », in W. Nitsch, M. Chihaia et A. Torres (dir.), Ficciones de los medios en la periferia. Técnicas de comunicación en la literatura hispanoamericana moderna, Cologne, Universität und Stadtbibliothek Köln, 2008, p. 19-30, en particulier p. 20-21.
27 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 2r, copie des actes du procès concernant l’héritage de Juan Antonio Pastoriza, transmis par l’alcalde mayor (« juge ordinaire ») de la ville de Cadix à la Casa de la Contratación, 1697.
28 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 2v-3r, certificat de baptême de Juan Antonio de Pastoriza, 1er mars 1697.
29 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 7r, déposition de Gregorio Palmares, 17 juin 1697.
30 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 6v, déposition de Diego Mariño Sotomayor, 17 juin 1697.
31 Sur les concepts de vecindad (« citoyenneté locale ») et de naturaleza (« naturalité »), voir Tamar Herzog, Defining Nations: Immigrants and Citizens in Early Modern Spain and Spanish America, New Haven, Yale University Press, 2003. Sur l’appartenance et le statut d’étranger, les travaux de S. Cerutti sont incontournables : Simona Cerutti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Montrouge, Bayard, 2012 ; Sami Bargaoui, Simona Cerutti et Isabelle Grangaud (dir.), Appartenance locale et propriété au nord et au sud de la Méditerranée, Aix-en-Provence, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, 2015.
32 Sur la causa (« cause ») des connaissances des témoins, voir Marta Madero, « Façons de croire. Les témoins et le juge dans l’œuvre juridique d’Alphonse X le Sage, roi de Castille », Annales HSS, 54-1, 1999, p. 197-218 ; id., « Logiques des faits et pertinence des preuves. Un procès castillan du xiiie siècle », in J. C. Garavaglia et J.-F. Schaub (dir.), Lois, justice, coutume. Amérique et Europe latines (xvi e -xix e siècles), Paris, Éd. de l’EHESS, 2005, p. 15-28 ; Yves Mausen, Veritatis adiutor. La procédure du témoignage dans le droit savant et la pratique française (xii e -xiv e siècles), Milan, Giuffrè, 2006, p. 610-627 ; Alessandra Bassani, Sapere e credere. La veritas del testimone de auditu alieno dall’alto medioevo al diritto comune, Milan, Giuffrè, 2012 ; id., Udire e provare. Il testimone de auditu alieno nel processo di diritto comune, Milan, Giuffrè, 2017.
33 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 8r, déposition de Pedro de Soto, 17 juin 1697.
34 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 8v, déposition de Domingo Pateiro, 17 juin 1697 ; Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 9v, déposition d’Antonio García, 17 juin 1697.
35 Cette situation est bien connue, surtout de ceux qui s’occupent de filiation comme Sylvie Steinberg, « Le droit, les sentiments familiaux et les conceptions de la filiation. À propos d’une affaire de possession d’état du début du xviie siècle », Annales de démographie historique, 118-2, 2009, p. 123-142. Des travaux comme ceux de T. Herzog ou de Jane E. Mangan ont montré que la force de la pratique parvenait à dépasser la nature des personnes, en légitimant la descendance par la réputation auprès des voisins : Tamar Herzog, « La Naturaleza, legitimidad y estructura de la familia colonial (Quito, xvii-xviii) », Mar Océana. Revista del humanismo español e iberoamericano, 2, 1995, p. 231-241 ; Jane E. Mangan, Transatlantic Obligation: Creating the Bonds of Family in Conquest-Era Peru and Spain, Oxford, Oxford University Press, 2016.
36 Pour une synthèse, voir Florence Demoulin-Auzary, Les actions d’état en droit romano-canonique. Mariage et filiation (xii e -xv e siècles), Paris, LGDJ, 2004, p. 7-38.
37 Voir à ce sujet le chapitre « Nomen, tractatus, fama, variation sous un même terme » dans Anne Lefebvre-Teillard, Autour de l’enfant. Du droit canonique et romain médiéval au Code Civil de 1804, Leyde, Brill, [1988] 2008, p. 207-219, ici p. 208 et 214-215.
38 F. Demoulin-Auzary, Les actions d’état…, op. cit., p. 271. Dans les territoires ibériques, ce principe ne s’affirme même pas avec les codes civils du xixe siècle : J. Gilissen, « La preuve en Europe du xvie au début du xixe siècle. », art. cit., ici p. 820-827.
39 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, vol. 17, Bruxelles, M. Tarlier, 1827, p. 352-353 ; voir également A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit., ici p. 218.
40 La citation est tirée du Dictionnaire italien latin et françois d’Annibale Antonini, qui connut de nombreuses réimpressions au cours du xviiie siècle (entre autres, à Paris, en 1735, 1738, 1743 [édition citée ici] ; à Venise, en 1745 et en 1755 ; à Amsterdam et à Leipzig, en 1760) : consulter les entrées « Mémoire » et « Lettre ». Si les actes publics sont des monumenta (conformément au droit romain C.7.52.6, voir Jean-Philippe Levy, La hiérarchie des preuves dans le droit savant du Moyen Âge. Depuis la renaissance du droit romain jusqu’à la fin du xiv e siècle, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1939, p. 12), comme le remarque G. Noiriel, encore lors du débat sur l’institution de l’état civil (1792), « le terme ‘acte’ est […] quasiment synonyme d’‘action’, bien plus que de ‘document écrit’ et le mot ‘public’ évoque le groupe des citoyens-spectateurs, qui peuvent, le cas échéant, témoigner de la vérité de l’acte » (G. Noiriel, « L’identification des citoyens », art. cit., ici p. 6).
41 A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit., ici p. 217-219.
42 Henri François d’Aguesseau, par exemple, n’hésite pas à parler de la possession d’état comme de « la loi la plus sûre et la plus inviolable », Œuvres complètes du chancelier d’Aguesseau. Nouvelle édition... Par M. Pardessus, Paris, Fantin et Cie, 1819, p. 91.
43 Sur la « capacité de certification des pratiques », je renvoie, de nouveau, à S. Cerutti, qui a traité de cette question dans de nombreux travaux. Les canonistes qui conçoivent la théorie de la possession d’état sous l’influence « du concept médiéval de saisine […] admettent très largement la possession des choses incorporelles dans nombre de domaines » (A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit., ici p. 208). Sur ce sujet, voir également les travaux déjà cités de Conte et Madero.
44 Le thème de la personne n’a cessé d’attirer l’attention de la philosophie, de l’anthropologie, du droit, de la psychologie et des sciences humaines en général. Dans l’impossibilité de citer l’intégralité de ce riche débat, je signalerai quelques classiques qui ont analysé en particulier le sens du terme latin persona : Marcel Mauss, « Une catégorie de l’esprit humain. La notion de personne, celle de ‘moi’ », The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 68, 1938, p. 263-281 et Maurice Nédoncelle « Prosopon et persona dans l’Antiquité classique. Essai de bilan linguistique », Revue des sciences religieuses, 22-3/4, 1948, p. 277-299. Pour une brève histoire de la notion juridique de personne, je renvoie à Olivier Cayla et Yan Thomas, Du droit de ne pas naître. À propos de l’affaire Perruche, Paris, Gallimard, 2002, p. 124-135 et à Yan Thomas, « Le sujet de droit, la personne et la nature. Sur la critique contemporaine du sujet de droit », Le Débat, 3, 1998, p. 85-107. De parution plus récente, j’ajouterai l’intéressante réflexion de Jérôme Baschet, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016.
45 B. Clavero l’a souligné dans diverses études : « Qui legitimam personam in iudiciis habent vel non, qui a ou n’a pas personne [persona] conformément au droit pour agir en justice ; qui peut et qui ne peut pas légitimement porter le masque qui donne accès à la justice ; qui a ou n’a pas capacité à cet effet. [...] Juridiquement, donc, la personne est quelque chose qu’on a, et non qu’on est. La personne concerne l’avoir et non l’être. La personne se porte et s’enlève, tout comme le masque » (B. Clavero, « La máscara de Boecio », art. cit., ici p. 15).
46 Significativement, persona et dignitas apparaissent comme synonymes autant dans les sources du xiiie siècle que dans celles de la fin du xviie siècle : comme l’office, un rôle destiné à être rempli, « personnes » et « droits des personnes » désignent donc davantage des positions juridiques que des sujets de droits. Voir Hasso Hofmann, Rappresentanza-Rappresentazione . Parola e concetto dall’antichità all’Ottocento, trad. par C. Tommasi, Milan, Giuffrè, [1974] 2007, p. 183-184 ; Bartolomé Clavero, Tantas personas como estados. Por una antropología política de la historia europea, Madrid, Tecnos, 1986 ; António M. Hespanha, « Dignitas nunquam moritur. On a durabilidade do poder no Antigo Regime », in A. Iglesia Ferreirós et S. Sánchez-Lauro Pérez (dir.), Centralismo y autonomismo en los siglos xvi-xvii. Homenaje al Profesor Jesús Lalinde Abadía, Barcelone, Universitat de Barcelona, 1990, p. 445-455.
47 Séville, AGI, Contratación, 470, N. 1, R. 1, 8r (je souligne).
48 A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit. et F. Demoulin-Auzary, Les actions d’état…, op. cit.
49 La sociologie contemporaine a montré que la famille se conçoit moins comme une institution sociale que comme un ensemble de pratiques qui, dans un contexte donné, sont comprises et considérées par les acteurs sociaux comme familiales et peuvent donc produire des liens de type familial. Selon David Morgan, « les pratiques, qui comprennent non seulement ce qui est fait, mais aussi la manière de le faire, déterminent qui fait partie de la famille, du moins tant que ces pratiques sont suivies » (David H. J. Morgan, Rethinking Family Practices, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2011, p. 6). De plus, comme le souligne Janet Finch, « les familles ont besoin d’être ‘exposées’ en même temps que ‘faites’. L’exposition est le processus par lequel des individus, et des groupes d’individus, transmettent les uns aux autres, ainsi qu’au public pertinent, qu’une partie de leurs actions constituent pleinement ‘faire des choses de famille’ et, par là, ils confirment que leurs relations sont des relations ‘familiales’. » (Janet Finch, « Displaying Families », Sociology, 1, 2007, p. 65-81, ici p. 66). Sur le sujet, voir également Florence Weber, Penser la parenté aujourd’hui. La force du quotidien, Paris, Rue d’Ulm, 2013. Comme dans le cas de la production des « natifs » et de la « localité », la famille se produit et se défend par sa pratique : Arjun Appadurai, Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996, p. 178-199 et, pour une de ses applications, voir Angelo Torre, « ‘Faire communauté’. Confréries et localité dans une vallée du Piémont (xviie-xviiie siècles) », Annales HSS, 62-1, 2007, p. 101-135.
50 Selon les informations recueillies par le defensor general de bienes de difuntos (« défenseur général des biens des défunts ») à l’Audience de Manille, le capitaine Gaspar de Gaya et le pilote Juan Bernardo de Fontidueña partirent de Manille au mois de mars 1612 « à la recherche d’une île qui, disaient-ils, avait de l’argent et se trouve près de la Chine et de Canton ». Les nouvelles différaient et, selon certains, « on disait et savait publiquement dans le royaume du Japon qu’ils étaient détenus » dans les prisons de Canton. Mais le 13 juin 1614, Alonso Gómez, le défenseur, affirmait devant le juez general de bienes de difuntos (« juge général des biens des défunts ») que les deux hommes « avaient été tués sur la côte de la Chine, où on leur avait coupé la tête » et que, pour découvrir la vérité, des habitants de Manille, amis des susdits, avaient envoyé des sangleyes (« métis chinois ») les chercher (Séville, AGI, Contratación, 470, N. 1, R. 1, 17r-19r).
51 Séville, AGI, Contratación, 470, N. 1, R. 1, 10r, déposition de Diego Ximénez, 7 décembre 1615.
52 Siete Partidas, Part. 4, Tit. 19, Loi 2, Madrid, Imprimerie royale, 1807.
53 Álvaro Gutiérrez Berlinchez, « Evolución histórica de la tutela jurisdiccional del derecho de alimentos », Anuario mexicano de historia del derecho, 16, 2004, p. 143-176. Il est possible d’interpréter ces liens soi-disant naturels comme des liens de responsabilité et de solidarité institués par la gestion commune d’un patrimonium, comme l’a montré Angela Groppi, « Il diritto del sangue. Le responsabilità familiari nei confronti delle vecchie e delle nuove generazioni (Roma, secoli xviii-xix) », Quaderni storici, 92-2, 1996, p. 305-333. Sur le droit commun d’Ancien Régime entendu comme droit dérivé – où les devoirs théologiques et moraux, ainsi que les sentiments, se transforment en obligations juridiques – et sur la place des émotions dans ce système, de nombreux auteurs se sont exprimés, parmi lesquels Bartolomé Clavero, Antidora. Antropología católica de la economía moderna, Milan, Giuffrè, 1991 ; António M. Hespanha, La Gracia del Derecho. Economía de la cultura en la edad moderna, trad. par A. Cañellas Haurie, Madrid, Centro de estudios constitucionales, 1993 ; Carlos Petit (dir.), Pasiones del Jurista. Amor, memoria, melancolía, imaginación, Madrid, Centro de estudios constitucionales, 1997 ; Pedro Cardim, « O poder dos afetos. Ordem amorosa e dinâmica política no Portugal de Antigo Regime », thèse de doctorat, Universidade Nova de Lisboa, 2000. La possibilité que des faits anthropologiques deviennent des présomptions juridiques capables d’engendrer des droits et des devoirs se trouve au cœur du processus de qualification qui amène les raw facts (« faits bruts ») à devenir des facts-in-law (« faits juridiques ») selon Max Gluckman, « The Reasonable Man in Barotse Law », in Order and Rebellion in Tribal Africa: Collected Essays with an autobiographical introduction, Londres, Cohen & West, 1963, p. 178-206.
54 Par exemple, la preuve d’auditu alieno était reçue pour attester des liens de parenté, mais à condition que les témoins jurassent d’avoir vu les personnes en question se comporter et se considérer comme parents : A. Bassani, Sapere e credere, op. cit., p. 128-129. Sur la fama, Jean-Philippe Lévy, « La preuve dans les droits savants du Moyen Âge », in Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, La preuve, vol. XVII, t. 2, op. cit., p. 137-167, ici p. 160-167. Pour une perspective plus générale, je renvoie à la bibliographie publiée dans A. Stopani, « Parola di esperto », art. cit., ici p. 243-244.
55 L’évaluation de la qualité des personnes et de la valeur de choses se déroule exactement de la même manière : Monica Martinat, « Chi sa quale prezzo è giusto ? Moralisti a confronto sulla stima dei beni in età moderna », Quaderni storici, 135-3, 2010, p. 825-856 et A. Stopani, « Parola di esperto », art. cit.
56 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 7r-v, déposition de Gregorio Palmares, 17 juin 1697.
57 Ce cas a été étudié par María B. García López, « Los Autos de Bienes de Difuntos en Indias », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, 30 mai 2010, https://journals.openedition.org/nuevomundo/59829, ici § 78.
58 Par exemple, Alançaro Velázquez, un homme de soixante-dix-huit ans, vecino de son village natal, disait qu’« Il y aura plus de trente ans que Juan Gómez Castellano envoya à son frère Pedro Gómez Castellano quantité de pièces de huit depuis le royaume du Pérou, par un voisin de las Majadas de la Vera de Plasençia » (Séville, AGI, Contratación, 560, N. 1, 9v, « Información », déposition d’Alançaro Velázquez, 1er juin 1680).
59 Bernard Derouet, « Parenté et marché foncier à l’époque moderne. Une réinterprétation », Annales HSS, 56-2, 2001, p. 337-368, ici p. 353.
60 J’ai déjà cité ce document dans A. Buono, « La manutenzione dell’identità », art. cit., ici p. 262, n. 84. Sur l’identification à Venise, voir également R. Salzberg et C. Judde de Larivière, « Comment être vénitien ? », art. cit. et surtout Teresa Bernardi, « Mobilità femminile e pratiche di identificazione a Venezia in età moderna », thèse de doctorat, Scuola Normale Superiore, 2019-2020.
61 Archives d’État de Venise, Ufficiali al Cattaver, b. 239, « Convention et accord privé entre les frères Santo et Giacomo Betini dits Mori, 13e jour du mois de juin 1740 ». Le document se trouve dans un dossier du 17 juin 1791 intitulé « Édits imprimés, l’un concernant les héritages jacents, l’autre les choses trouvées ». Qu’un tel accord figure parmi les archives des Ufficiali al Cattaver amène à penser qu’il a servi de preuve dans un procès de revendication héréditaire.
62 Les recherches en anthropologie ont montré que l’argent envoyé par les émigrés à leur famille formait un véritable impôt : Sara L. Skar, Lives Together-Worlds Apart: Quechua Colonization in Jungle and City, Oslo, Scandinavian University Press, 1994, p. 113-120.
63 Jean-Baptiste Denisart, Collection des décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, Desaint, 1771 ; cité par A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit., ici p. 219.
64 La production de localité et de natifs, au sens « des acteurs qui appartiennent légitimement à une communauté située de parents, de voisins, d’amis et d’ennemis », nécessite un entretien rituel continu et soutenu, comme l’a montré A. Appadurai, Modernity at Large, op. cit., p. 179-181. En s’appuyant sur les réflexions d’A. Appadurai, A. Torre a étudié la production de localité (entendue comme champ de pratiques partagées, territorialement localisées et analysables topographiquement, capables d’engendrer des droits) dans Angelo Torre, Luoghi. La produzione di località in età moderna e contemporanea, Rome, Donzelli, 2011.
65 En ce sens, le concept de display (« exposition ») me semble d’un grand intérêt. J. Finch, qui l’a forgé, souligne qu’il est plus utile que celui de performance pour expliquer comment les pratiques familiales exercées à distance servent au maintien des relations familiales : J. Finch, « Displaying Families », art. cit. Sur l’application de ce concept au cas des familles trans-locales, voir par exemple Julie Seymour et Julie Walsh, « Displaying Families, Migrant Families and Community Connectedness: The Application of an Emerging Concept in Family Life », Journal of Comparative Family Studies, 44-6, 2013, p. 689-698.
66 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 188v-189v, déposition de María Ramos, Fregenal de la Sierra, 20 novembre 1693. Veuve de Marcos Gonçáles, cette femme de soixante-quatre ans était un des témoins appelés par Blas García dans l’intention de contester l’identification de Francisco Martínez Flores, décédé dans les Indes, avec son homonyme originaire d’Aracena et oncle de Tomás de Valladades, qui en avait revendiqué les biens à la Casa de la Contratación.
67 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 212v, déposition de María de la Osa Navarro, 4 décembre 1693 ; Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 234v, déposition d’Alonso Guerra del Fato, vecino de Aracena, 14 novembre 1686.
68 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 142r, pétition de Pablo Ramirez de Aguilar, procureur de Blas García, 28 juillet 1693.
69 Pensons, par exemple, à la nécessité pour les membres d’une communauté d’être représentés à l’assemblée, de « garder le feu allumé » ou de payer les impôts pour ne pas être exclus de la citoyenneté locale : Simona Cerutti, Robert Descimon et Maarten Prak (dir.), no spécial « Cittadinanze », Quaderni storici, 89-2, 1995, ici p. 281-513. Sur le thème de la représentation des absents, voir Francesca Chiesi Ermotti, « Les biens des émigrants. Représentation et interchangeabilité dans des communautés de la Suisse italienne (xviie-xviiie s.) », in A. Buono et L. Gabbiani (dir.), no spécial « Sous tutelle. Biens sans maîtres et successions vacantes dans une perspective comparative (Europe, Amérique ibérique, Afrique du Nord, Moyen-Orient et Asie orientale, xiiie-xxe siècles) », L’Atelier du Centre de recherches historiques, à paraître.
70 J’ai essayé de réfléchir à ces questions dans Alessandro Buono, « ‘Tratándole como paysano y él a ellos’. Pertenencia local, redes supralocales y transmisión de bienes entre el Nuevo y el Viejo Mundo (siglo xvii) », Tiempos modernos, 39, 2019, p. 131-155.
71 Depuis l’article de Francesca Trivellato (Francesca Trivellato, « Is There a Future for Italian Microhistory in the Age of Global History? », California Italian Studies, 2-1, 2011), le débat sur la possibilité d’adopter une approche microhistorique en histoire globale s’enrichit rapidement d’interventions et de propositions. La revue Quaderni storici a accueilli une discussion sur ce thème à partir de 2015. Y sont intervenus Christian De Vito, Guido Franzinetti, Dagmar Freist, Sigurður Gylfi Magnússon, Osvaldo Raggio, István Szijártó et Angelo Torre. Pour un résumé critique de ce débat, je renvoie à l’introduction du dossier « Micro-analyse et histoire globale », dirigé par Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale. Affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-18 et à Angelo Torre, « Micro/macro : ¿ local/global ? El problema de la localidad en una historia especializada », Historia crítica, 69, 2018, p. 37-67.
72 Diccionario de la lengua castellana publié par l’Académie royale espagnole entre 1726 et 1739 (disponible sur https://web.frl.es/DA.html).
73 Cité dans Fernando Bouza, « Introducción. Escritura en cartas », Cuadernos de historia moderna. Anejos, 4, 2005, p. 9-14, ici p. 10.
74 Séville, AGI, Contratación, 560, N. 1, bienes de difuntos, Juan Gómez Castellanos, 9r, « Información », déposition d’Alançaro Velázquez, 1er juin 1680. Très souvent, les émigrés accompagnent de lettres leur envoi d’argent et d’objets, ce qu’a relevé D. Fabre : « ces lettres font foi, elles traduisent la contrainte coutumière dans une forme qui la renforce et la garantit, elles prennent valeur de contrats, d’où le caractère très impersonnel de leur contenu » (D. Fabre, « Introduction. Seize terrains d’écriture », op. cit., ici p. 24). Par comparaison, le cas chinois, où le maintien des liens multilocaux y prend la forme du clapi (lettres envoyées avec une somme d’argent) est intéressant : Gregor Benton et Hong Liu, Dear China: Emigrant Letters and Remittances, 1820-1980, Oakland, University of California Press, 2018.
75 Antonio García-Abásolo soutient que dans la moitié des 200 cas qu’il a étudiés, la correspondance entre parents est explicitement mentionnée, tandis que Werner Stangl a constaté au cours d’un échantillonnage que, dans au moins 10 % des cas, les lettres sont insérées dans le dossier des bienes de difuntos : Antonio García-Abásolo, La vida y la muerte en Indias. Cordobeses en América (siglos xvi-xviii), Cordoue, Monte de piedad y Caja de Ahorros de Córdoba, 1992, p. 60 et Werner Stangl, Zwischen Authentizität und Fiktion. Die private Korrespondenz spanischer Emigranten aus Amerika, 1492-1824, Cologne, Böhlau Verlag, 2012, p. 49. Pour une reconstitution approfondie de la littérature concernant les cartas privadas (« lettres privées »), après le célèbre travail d’Enrique Otte, je renvoie toujours à W. Stangl : Enrique Otte, Cartas privadas de emigrantes a Indias, 1540-1616, Séville, Consejería de Cultura, 1988 et Werner Stangl, « Un cuarto de siglo con Cartas privadas de emigrantes a Indias. Prácticas y perspectivas de ediciones de cartas transatlánticas en el Imperio español », Anuario de estudios americanos, 70-2, 2013, p. 703-736. L’usage de la correspondance comme preuve de parenté existe également dans les procédures de concession de la licence pour le passage aux Indes et dans les expedientes de vida maridable (« instances de vie conjugale ») : G. Salinero, « Sous le régime des licences royales », op. cit. ; Amelia Almorza Hidalgo et Reyes Rojas García, « Los expedientes de vida maridable del archivo general de indias : análisis de un estudio de caso », in J. Vassallo et N. García (dir.), América en la burocracia de la monarquía española. Documentos para su estudio, Cordoue, Universidad Nacional de Córdoba/Brujas, 2015, p. 111-130. Cet usage est de longue durée : il est attesté autant dans la Rome antique (Claudia Moatti, « Reconnaissance et identification des personnes dans la Rome antique », in G. Noiriel, L’identification, op. cit., p. 27-55, ici p. 43) qu’au xxe siècle : après la Seconde Guerre mondiale, les familles des soldats italiens morts ou disparus joignaient leur correspondance aux demandes de pension et de médaille de valeur militaire, comme en témoignent les centaines de lettres conservées aux archives du Comando Militare Esercito « Lombardia » – Centro Documentale di Milano, ex Distretto Militare (« Commandement militaire Armée ‘Lombardie’ – Centre de documentation de Milan, ex-District militaire »).
76 Séville, AGI, Contratación, 982, N. 3, R. 1, bienes de difuntos, Antonio de Araujo, 1701, 6v. Pour Juan Antonio Pastoriza, Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 8r.
77 L’anthropologie des écritures ordinaires a montré que la correspondance pouvait susciter la coprésence physique des acteurs impliqués dans l’échange grâce à un « usage oral de l’écriture » : Patrick Williams, « L’écriture entre l’oral et l’écrit. Six scènes de la vie tsigane en France », in D. Fabre (dir.), Par écrit, op. cit., p. 59-78, ici p. 65-66. La littérature sur le sujet est très étendue. À part les travaux déjà cités, les ouvrages dirigés par D. Fabre, l’analyse de W. Stangl, le numéro spécial de Cuadernos de historia moderna de 2005 dirigé par Bouza, voir les numéros des Cahiers du GRHIS consacrés à la correspondance : Daniel-Odon Hurel (dir.), « Correspondance et sociabilité » ; Daniel-Odon Hurel (dir.), « Regards sur la correspondance » ; Anne-Marie Sohn (dir.), « La correspondance, un document pour l’Histoire », Les Cahiers du GRHIS, respectivement no 1, 5 et 12 en 1994, 1996 et 2002 ; ainsi que Mireille Bossis et Charles A. Porter (dir.), L’épistolarité à travers les siècles. Geste de communication et/ou d’écriture, Stuttgart, Steiner, 1990 ; Roger Chartier (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au xix e siècle, Paris, Fayard, 1991 ; Mireille Bossis (dir.), La lettre à la croisée de l’individuel et du social, Paris, Kimé, 1994 ; Adriana Chemello (dir.), Alla lettera. Teorie e pratiche epistolari dai greci al Novecento, Milan, Guerini studio, 1998 ; Regina Schulte et Xenia von Tippelskirch (dir.), Reading, Interpreting, and Historicizing: Letters as Historical Sources, Fiesole, European University Institute, 2004.
78 Réflexion riche exposée dans H. Hofmann, Rappresentanza-Rappresentazione, op. cit.
79 Sur l’interaction entre vox viva et vox mortua, voir également Y. Mausen, Veritatis Adiutor, op. cit., p. 709 et suivantes. L’association entre discours et image se retrouve dans les conceptions des juristes comme dans celle des théologiens : Brigitte Bedos-Rezak, When Ego was Imago: Signs of Identity in the Middle Ages, Leyde, Brill, 2011, p. 166-167.
80 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 12r, notification de Juan Antonio de Herrera, padre general de menores y defensor de ausentes (« père général des mineurs et défenseur des absents »), 19 juin 1697. Les échanges épistolaires pouvaient tenir lieu de promesse et de preuve de l’intention de se marier. Enric Porqueres i Gené, Individu, personne et parenté en Europe, Paris, Éd. de la MSH, 2015, p. 159-160.
81 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 12v, pétition de Joachin de Arau, 19 juin 1697.
82 La détermination des prix, comme celle du salaire, résulte de la « ‘communis aestimatio’ de la communauté concernée », selon « les ‘usages’ ou […] le ‘style’ du métier, soutenus et sanctionnés, en cas de conflit, par les témoignages concordants de membres importants de la communauté » (R. Ago, Economia barocca, op. cit., p. 195 ; id., « Rome au xviie siècle. Un marché baroque », Genèses, 50, 2003, p. 4-23, ici p. 13). Plus récemment sur ce sujet, voir Michela Barbot, Jean-François Chauvard et Luca Mocarelli (dir.), no spécial « Questioni di stima », Quaderni storici, 135-3, 2010.
83 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 13r, déposition de Francisco Rubiños, 19 juin 1697.
84 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 14r, déposition de Francisco Rubiños, 19 juin 1697.
85 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 13v, déposition d’Antonio Lodero, 19 juin 1697.
86 Séville, AGI, Contratación, 567, N. 2, R. 4, 14r, déposition d’Antonio Decanba, 19 juin 1697.
87 A. Stopani, « Parola di esperto », art. cit., ici p. 221 ; Y. Mausen, Veritatis Adiutor, op. cit., p. 618.
88 La première famille qui prétendit à l’héritage, celle de Thomas de Valladares, ses sœurs et son frère, fournit des informations d’abord considérées comme suffisantes par le tribunal de la Casa de la Contratación, qui décida d’attribuer aux requérants les biens de Francisco Martínez Flores à la fin de 1686 (Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 91r, acte de la Casa de la Contratación, 11 décembre 1686).
89 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 120r, requête de Blas García, 25 juin 1693.
90 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 151v, Pablo Ramirez de Aguilar, procureur de Blas García, 13 octobre 1693.
91 Cité dans Raul Merzario, « La buona memoria. Il ricordo familiare attraverso la parola e il gesto », Quaderni storici, 51-3, 1982, p. 1001-1026, ici p. 1020. Sur la nature changeante des noms, voir Gregorio Salinero et Isabel Testón Núñez (dir.), Un juego de engaños. Movilidad, nombres y apellidos en los siglos xv a xviii, Madrid, Casa de Velázquez, 2010.
92 Séville, Agi, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 175v, Fregenal de la Sierra, 1693, « Información » faite dans la ville de Fregenal de la Sierra sur demande de Blas García Macho Flores et de Mme Francisca Sánchez Flores.
93 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 166r.
94 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 187v, déposition de Benito Vázquez Feria, âgé de quatre-vingts ans.
95 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 234v, témoignage d’Alonso Guerra del Fato, 14 novembre 1686.
96 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 2, 251v.
97 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 211v, déposition de María de la Ossa (alias Osa) Navarro, 4 décembre 1693.
98 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 215r-v, déposition de Juan Martínez Granado, 4 décembre 1693.
99 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 157r, pétition de Juan Joseph Moreno, 21 janvier 1694. Le recours aux vecinos en qualité d’experts est également décrit dans W. Stangl, Zwischen Authentizität und Fiktion, op. cit., p. 75-78.
100 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 161r, lettres envoyées par Esteban Fernández Escudero aux religieuses du monastère d’Aracena, en particulier à sœur Polonia María del Espíritu Santo, de Cusco, le 24 août 1690.
101 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 166r.
102 Séville, AGI, Contratación, 564, N. 1, R. 2, bienes de difuntos, Francisco Martínez Flores, 251r-252r.
103 Ce cas a déjà été analysé par W. Stangl, mais je crois qu’à la lumière de notre réflexion, il peut être compris de manière inédite : W. Stangl, Zwischen Authentizität und Fiktion, op. cit., p. 72-79. W. Stangl a examiné la copie numérique (PARES) du procès qui se trouve dans l’Archivo Histórico Nacional (« Archives historiques nationales », Madrid, ci-après AHN), Inquisición, 1733, exp. 12, Procès de foi de Francisco Alberto, 1664, d’où je tirerai les citations que sa reconstitution n’inclut pas.
104 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 55r-v.
105 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 57r.
106 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 55v. Toujours selon la déposition de Francisco, un des religieux, père Bernabé Múñoz, « avait montré les lettres au maître d’école de cette église » afin qu’il donnât son avis sur l’affaire (56v). Les lettres avaient ensuite été présentées à l’archevêque de Mexico.
107 W. Stangl, Zwischen Authentizität und Fiktion, op. cit., p. 75, n. 234.
108 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 73r.
109 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 73v.
110 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 74r.
111 Madrid, AHN, Inquisición, 1733, exp. 12, 74r-75v.
112 Cité dans W. Stangl, Zwischen Authentizität und Fiktion, op. cit., p. 74, n. 233.
113 Javier Barrientos Grandón, « Lágrimas de mujer. Una nota sobre el llanto en el Sistema del Derecho Común », in O. Condorelli (dir.), Panta Rei. Studi dedicati a Manlio Bellomo, Rome, Il Cigno, 2004, p. 191-212, ici p. 193.
114 Sur la conception empiriste de l’expérience humaine qui imprègne le droit commun, voir Y. Mausen, Veritatis Adiutor, op. cit., p. 610-627.
115 Archives d’État de Milan, Finances partie ancienne, cart. 674, héritages vacants, fasc. 1, Bonifacio et Giulio Litta, 1618, déposition d’Antonio Tizzoni, fils du défunt Giuseppe, habitant de Cassano Magnago, juridiction de Gallarate, 22 mars 1616.
116 J. Barrientos Grandón, « Lágrimas de mujer », art. cit., ici p. 195 : « tempore mortis viri dicta Agatha non lachrymabatur ».
117 Les actions raisonnables révèlent la nature des choses et, si elles se répètent, elles créent des coutumes qui ont force de loi, comme le décrit Samuel Carter, à la fin du xviie siècle, dans une splendide définition de la coutume : « Parce qu’une coutume s’instaure et arrive à la perfection de cette manière. Quand un acte raisonnable, une fois accompli, est jugé bon, bénéfique pour le peuple et agréable à sa nature et sa disposition, alors si le peuple en a l’usage et la pratique, encore et encore, de manière fréquente, répétée et multiple, cet acte devient une coutume ; et étant poursuivi sans interruption, depuis toujours, il acquiert la force d’une loi » (cité dans Edward P. Thompson, Customs in Common, Londres, Penguin Books, 1993, p. 97). Sans être repris explicitement, ces mots trouvent leur écho dans les raisonnements sur le reasonable man (« l’homme raisonnable ») de M. Gluckman, mentionné plus haut, qui confrontait son champ de recherche africain avec les cours britanniques de common law.
118 J. Barrientos Grandón, « Lágrimas de mujer », art. cit., ici p. 197 : déjà, chez Augustin, les larmes étaient des témoins de la douleur.
119 Jean de Coras, Arrest memorable du Parlement de Tolose, Lyon, éd. par A. Vincent, 1561, Annotation xcv, p. 106.
120 Sur ce sujet, voir O. Raggio, « Costruzione delle fonti e prova », art. cit. ; id., « Immagini e verità », art. cit. ; R. Ago, Economia barocca, op. cit.
121 Sur ce sujet, voir A. Torre, Il consumo di devozioni, op. cit. et Marta Madero, « Penser la physique du pouvoir. La possession de la juridiction dans les commentaires d’Innocent IV et d’Antonio de Budrio à la décrétale Dilectus », Clio@Thémis, 11, 2016, https://www.cliothemis.com/IMG/pdf/Varia_Madero.pdf. La question des frontières a été analysée par A. Stopani : Antonio Stopani, La production des frontières. État et communautés en Toscane, xvi e-xviii e siècles, Rome, École Française de Rome, 2008. Dans le cadre colonial, elle a une longue tradition et a suscité un intérêt renouvelé depuis les années 1990 : F. Morales Padrón, « Descubrimiento y toma de posesión », Anuario de estudios americanos, 12, 1955, p. 321-380 ; Patricia Seed, Ceremonies of Possession in Europe’s Conquest of the New World, 1492-1640, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 ; Stephen Greenblatt, Marvelous Possessions: The Wonder of the New World, Chicago, The University of Chicago Press, 1991 ; Tamar Herzog, Frontiers of Possession: Spain and Portugal in Europe and the Americas, Cambridge, Harvard University Press, 2015 ; B. Bhandar, Colonial Lives of Property, op. cit. ; Allan Greer, Property and Dispossession: Natives, Empires and Land in Early Modern North America, Cambridge, Cambridge University Press, 2018.
122 C. Moatti, « Reconnaissance et identification… », op. cit., ici p. 54 ; voir aussi I. About et V. Denis, Histoire de l’identification…, op. cit., p. 4.
123 O. Raggio, « Costruzione delle fonti e prova », art. cit., ici p. 151-152. Sur la « formation de l’usage », voir Alain Cottereau, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d’après les audiences prud’homales (1806-1866) », Le Mouvement social, 141, 1987, p. 25-59 ; A. Lefebvre-Teillard, « Nomen, tractatus, fama… », op. cit., ici p. 218. En traitant de l’attestation des droits sur la terre et le bétail, Darío Barriera a révélé la « tension existante entre ce que nous pouvons appeler des preuves légales et des preuves de force » : Darío Barriera, Abrir puertas a la tierra. Microanálisis de la construcción de un espacio político, Santa Fe, 1573-1640, Santa Fe, Museo Histórico Provincial de Santa Fe, 2013, p. 376-377.
124 D. Fabre, par exemple, souligne que l’anthropologie de l’écriture a mis l’accent sur l’« universalité humaine de l’écriture » et sur le fait que l’écriture alphabétique « n’est pas le tout de l’écriture mais un moment tardif de son histoire » (D. Fabre, « Introduction. Seize terrains d’écriture », op. cit., ici p. 2-3). Sur ce sujet, voir aussi les critiques de K. Breckenridge et S. Szreter, qui s’appuient surtout sur les études de l’alphabétisation en Afrique : K. Breckenridge et S. Szreter, « Editors’ Introduction », Registration and Recognition, op. cit., p. 1-36, ici p. 4.
125 B. Bhandar, Colonial Lives of Property, op. cit., p. 81 : « L’imposition contradictoire et inégale, dans différents contextes de colonie de peuplement, d’un système d’enregistrement des titres remet en question un récit évolutionniste de la loi de propriété, selon lequel la possession, en tant que fondement de la propriété, a été lentement remplacée par ce système. »
126 C. I. Harris, « Whiteness as Property », art. cit.
127 De ce point de vue, le travail d’Allan Greer est éclairant : A. Greer, Property and Dispossession, op. cit.
128 Je pense surtout aux travaux importants réunis dans Gregorio Salinero et Christine Lebeau (dir.), « Pour faire une histoire des listes à l’époque moderne », Mélanges de la casa de Velázquez, 44-2, 2014, p. 9-13 et dans Gregorio Salinero et Miguel Angel Melon Jimenez (dir.), Le temps des listes. Représenter, savoir et croire à l’époque moderne, Bruxelles, Peter Lang, 2018.
129 Pour une critique de ce paradigme, voir A. Brendecke, Imperio e información, op. cit. Les travaux de Carmen B. Loza montrent de manière éclatante comment les enregistrements du début de l’époque moderne ne peuvent être vus simplement comme l’expression de l’État moderne émergent : Carmen B. Loza, « De la classification des Indiens à sa réfutation en justice (Yucay, Andes péruviennes, 1493-1574) », Histoire and Mesure, 3-4, 1997, p. 361-386. F. Cooper a souligné que la question de l’identification des personnes était au centre du paradigme de la modernité : Frederick Cooper, Colonialism in Question: Theory, Knowledge, History, Berkeley, University of California Press, 2005, p. 113-149. Ce n’est pas par hasard que les critiques les plus efficaces des grandes narrations de la modernisation viennent des chercheurs africains et asiatiques, comme le montrent les essais réunis dans K. Breckenridge et S. Szreter (dir.), Registration and Recognition, op. cit. Ces deux œuvres critiquent fortement l’œuvre influente de James Scott. J’ai essayé de réfléchir à ces questions dans Alessandro Buono, « Identificazione e registrazione dell’identità. Una proposta metodologica », Mediterranea. Ricerche storiche, 30, 2014, p. 107-120.
130 En d’autres termes, comme le souligne Markus Friedrich dans The Birth of the Archive: A History of Knowledge, trad. par J. N. Dillon, Ann Arbor, University of Michigan Press, [2013] 2018, p. 5 : « une histoire du savoir archivé […] ne doit pas se contenter d’examiner les inventaires et les ordres de la connaissance, mais déterminer si, et si oui comment, ce savoir emmagasiné pouvait être et était utilisé dans la vie quotidienne », et donc éviter d’instituer une relation simplificatrice entre savoir et pouvoir.
131 C’est la thèse, convaincante en tout point, d’A. Brendecke, Imperio e información, op. cit. ; à ce propos, je me permets de renvoyer à : Alessandro Buono, « Il ‘triangolo vigilante’. Un modello per la storia della relazione tra sapere e dominio in antico regime (a proposito di Imperium und Empirie di Brendecke) », Quaderni storici, 159-3, 2018, p. 837-850.
132 L’interprétation juridictionnelle des listes se trouve dans Giuliano Milani, « À quoi servent les listes ? Quelques exemples tirés de l’Italie communale », in G. Salinero et M. A. Melón Jiménez (dir.), Le temps des listes, op. cit., p. 183-196.
133 Par exemple, la limpieza de sangre devait être continuellement attestée, même si elle avait déjà été prouvée par le passé, comme le montre M. E. Martínez, Genealogical Fictions, op. cit.