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Témoignage et Justice : un épisode Sicilien

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Maria Pia Di Bella*
Affiliation:
CNRS, Paris

Extract

Le mensonge, selon l'Enciclopedia italiana di scienze, lettere ed arti, est « la négation ou l'altération consciente de la vérité empirique, accomplie avec l'intention d'induire en erreur. A la différence de la fraude qui a toujours une intention agressive, le mensonge peut en être totalement dépourvu, et le dommage qu'il cause peut simplement consister dans le jugement erroné dans lequel il induit. La fraude est toujours mensongère, tandis que le mensonge n'est pas nécessairement frauduleux. Il s'agit en tout cas de concepts empiriques qui échappent à une détermination plus précise. Psychologiquement, le mensonge est une manifestation égoïste due soit à une défense contre le monde extérieur (et donc à un sentiment plus ou moins inconscient d'infériorité), soit à la vanité et au désir de paraître différent de ce que l'on est (ce sont aussi des formes de faiblesse morale). Particulièrement enclins au mensonge sont, en effet, les enfants, les sauvages, les femmes, les vieux, les malades de corps ou d'esprit ».

Summary

Summary

Through the analysis of an episode hinging on testimony related by L. G. Cockburn after his trip to Sicily (1810-1811), I sustain that the use of lies made by Sicilians differs from the definition provided by the Encyclopedia Treccani (1934), according to which lying is an “empirical” fact to which “children, savages, women, the elderly, and those whose bodies or minds are sick are inclined”.

Lies, on the contrary, were part of a coherent strategy that the “poor”, in their Social Struggles, used against the “rich”. Inasmuch as that strategy was based on the certainty that the authorities were, in turn, lying, this strategy evolved, in time, into a philosophy of life.

Type
Dire le Vrai
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1991

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References

Notes

1. «Menzogna», Enciclopedia italiana di scienze, lettere ed arti, Rome, Istituto Treccani, 1934, vol. XXII, p. 872. Cette encyclopédie (1929-1939) est l'oeuvre de G. GENTILE (1875-1944), le représentant le plus éminent, avec B. Croce, de la pensée italienne de la première moitié du xxe siècle. Il fut ministre de l'Instruction publique à partir de 1922, dans le gouvernement formé par Mussolini, et jusqu'au moment de la conciliation entre le fascisme et le Vatican (1929), sénateur, président de l'Institut national fasciste de culture, fondé en 1924, où il inspira un grand nombre de publications et contrôla trente-cinq instituts culturels qu'il créa ou réorganisa (Encyclopaedia Universatis, Paris, 1975, vol. 19, pp. 770-771). La «réforme Gentile“ du système didactique selon De Grazia, V., Consenso e cultura di massa nell'Italia fascista, Bari, Laterza, 1981 Google Scholar (The Culture of Consent. Mass Organizing in Fascist Italy), p. 218, perpétue la séparation existante entre éducation d'élite et instruction populaire, tandis que l'organisation de centres culturels spécifiquement fascistes reproduit cette dichotomie dans la séparation entre institutions de culture fasciste «supérieure” et «inférieure». La culture fasciste «supérieure»; était associée à l'oeuvre monumentale de l'Encyclopédie Treccani, qui fit appel aux notables de la culture, membres de l'Académie d'Italie, et aux intellectuels mineurs de l'Institut national fasciste de culture. Salsano, A. (Enciclopedia, Turin, Einaudi, 1977, vol. 1, pp. 4748 Google Scholar), souligne que cette oeuvre contribuait à établir une hégémonie culturelle sur des intellectuels de bords différents, qu'elle était un projet politique d'organisation culturelle et qu'elle véhiculait, plus ou moins ouvertement, les idéologies implicites dans les conditions de sa réalisation. Pour toutes ces raisons, nous avons choisi l'entrée « mensonge » de cette Encyclopédie conçue dans le style « dix-neuvième siècle » (ibid., p. 47) dans la mesure où elle était à même de nous donner le point de vue des notables italiens « supérieurs », fortement influencé par l'idéologie ambiante.

2. Cockburn, L. G., A Voyage to Cadiz and Gibraltar up the Mediterranean to Sicily and Malta in 1810-11 including a Description of Sicily and the Lipari Islands and an Excursion in Portugal, Londres, 1815, vol. I, pp. 402406 Google Scholar. La traduction italienne de ce texte se trouve dans le livre de M. C. MARTINO, Viaggiatori inglesi in Sicilia nella prima meta dell'Ottocento, Palerme, Edizioni e Ristampe Siciliane («Viaggiatori», 2), 1977, pp. 146-148.

3. La mort des femmes et les lieux du corps féminin que cette mort investit, dans les suicides ou bien dans les sacrifices relatés par la tragédie grecque, sont au coeur de l'étude de Loraux, N., Façons tragiques de tuer une femme, Paris, Hachette (” Textes du XXe siècle »), 1985 Google Scholar.

4. A ce sujet, voir Di Bella, M. P., « Manquer de parole: omertà et dénonciation en Sicile », Le genre humain, 1987-1988, n° 16-17, pp. 229242 Google Scholar.

5. Sciascia, L., 1912 + 1, Milan, Adelphi, 1986, p. 81 Google Scholar.

6. Sur le problème du témoignage et de l'aveu, une table ronde a été organisée à Rome, du 28 au 30 mars 1984, par l'École française de Rome, avec le concours du CNRS et de l'Université de Trieste, et publiée, en 1986, sous le titre: L'aveu. Antiquité et Moyen Age, dans la collection de l'École française de Rome (n° 88).

7. Pour une meilleure connaissance des us et coutumes des Siciliens, la lecture des quatre volumes de G. PITRE, Usi e costumi credenze epregiudizi del popolo siciliano, publiés entre 1870 et 1913, et disponibles depuis 1980 chez Forni de Bologne, est recommandée ainsi que celle du livre de S. Salomone-Marino, Costumi ed usanze dei contadini di Sicilia, publié en 1879 et disponible, depuis 1970, toujours chez Forni de Bologne.

8. S. A. Guastella, Le parità morali, introduction de G. Cocchiara, Florence, Cappelli editore, 1968 (lre éd., 1884) ; sur ce texte, voir M. P. Di BELLA, « La “ violence ” du silence dans la tradition sicilienne », Études rurales, 1984, n° 95-96, pp. 195-203.

9. Dans un de ces apologues (parità), les paysans de la Sicile orientale situent d'emblée « l'opposition fondamentale entre paysannerie et bourgeoisie rurale: au niveau du corps, à la fois de son contenu et de son contenant, opposition qui subsume, sur le registre métaphorique, la difficulté des relations entre ces deux groupes sociaux, identifiés par leurs couvre-chefs respectifs: les “bérets” et les “chapeaux”, ibid, p. 196.

10. S. A. Guastella, op. cit., p. 233.

11. Ibid., p. 235.

12. Ibid., p. 245.

13. Dans l'interview que L. SCIASCIA a accordée à Padovani, M., publiée dans La Sicile comme métaphore, Paris, Stock, 1979 Google Scholar, il explicite de façon limpide l'utilisation que les Siciliens font de la métaphore.

14. Pour en savoir plus sur l'utilisation du châtiment public dans les villes, voir Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Rome, École Française de Rome (” Collection de l'École Française de Rome », 79), 1984, et Arasse, D., La guillotine et l'imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 Google Scholar.