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Pour une approche figurative de l'alchimie

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Rien n'est plus difficile que de commencer un travail. Les alchimistes le savent bien, qui s'attaquent à l'Œuvre par excellence, mot dont le genre masculin et féminin suggère déjà une polarité constructive. Les réflexions qui suivent partent de cette constatation banale : le secret, dont les Adeptes ont presque toujours entouré la matière première avec laquelle ils disent se mettre à l'ouvrage, enveloppe une réalité moins matérielle que spirituelle, il voile une technique d'illumination. Aussi ne décrirai-je point ce qui se passe — ou devrait se passer — dans un creuset, dans un athanor, mais ce qui semble avoir lieu dans l'imaginaire, ou plutôt l'imaginai, au sens que deux des philosophes les plus intéressants de notre temps ont donné à ces termes.

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Autres Logiques
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Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1971

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References

page 841 note 1. Cf. surtout Henry Corbin, L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn Arabi, Paris, Flammarion, 1958; Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'Imaginaire, Paris, Bordas, 1969, 2e; éd.; et généralement, tous les exposés de ces deux auteurs, publiés dans les Eranos Jahrbûcher, Zurich, Rhein Verlag.

page 841 note 2. On appelle « souffleurs », ou spagyristes, ceux qui s'adonnent à l'alchimie dans des buts essentiellement utilitaires; ces mots, surtout le premier, ont souvent un sens péjoratif. Bien entendu, ce n'est pas de cela qu'il est traité dans le présent article.

page 842 note 1. Jung, C. G., Psychologie und Alchimie, Zurich, Rascher Verlag, éd. de 1944.Google Scholar Traduction française : Paris, Buchet-Chastel, 1970. Cf. pp. 316-318 (éd. de Zurich) le schéma d'ensemble, assez décevant, proposé par Jung. Je n'emploie ici le mot « structure » qu'avec prudence. Cf. à cet égard Lupasco, S., Qu'est-ce qu'une structure?, Paris, Bourgeois, 1967, p. 41 :Google Scholar « Une structure est l'intérieur, les parties d'un système, alors que le système constitue un tout »; cf. aussi p. 44. Ajoutons, avec G. Durand, que les « formes » dont il sera question plus bas sont dynamiques, c'est-à-dire sujettes à transformation par la modification de l'un des deux termes (pp. cit., p. 65 s).

page 842 note 2. Il référera à quelques centaines de traités alchimiques et arithmosophiques. Les études théoriques inséparables de ces recherches se poursuivent régulièrement depuis quatre ans au sein d'un séminaire groupant principalement MM. Jean de Foucauld, Gérard Mazeau, Robert Salmon et moi-même. Ajoutons que les travaux sérieux sur l'alchimie feraient un grand pas en avant si les historiens disposaient d'une bibliographie au moins presque complète des textes manuscrits et imprimés. M. Wallace Kirsop met actuellement au point une des premières grandes bibliographies concernant le domaine français (1550-1800).

page 842 note 3. Durand, G., « Structures et fonction récurrentes de la figure de Dieu ou la conversion herméneutique», in Eranos Jahrbuch, t. 37, 1968, p. 463.Google Scholar Eliade, Mircea, Forgerons et alchimistes, Paris, Flammarion, 1956.Google Scholar

page 842 note 4. Comme première approche, on se reportera aux textes anciens cités dans la bibliographie du livre de Burland, , Savoir caché des alchimistes, Paris, 1968.Google Scholar

page 843 note 1. Cf., entre autres ouvrages : Qu'est-ce qu'une structure ?, op. cit., L'énergie et la matière vivante, Paris, Julliard, 1962. La tragédie de l'énergie, Paris, Casterman, 1970.

page 843 note 2. Pratiquement, le mot Sel n'est employé que depuis Paracelse. Mais, bien entendu, l'archétype est indépendant de la dénomination. Cf. aussi infra, note 2, page 849. Le problème abordé dans cet article pourrait encore, remarque Gilbert Durand (lettre à l'auteur, 24 XI 1970), être éclairé par la prise en considération de la médecine paracelsienne (issue de l'alchimie), et de la médecine chinoise (cf. les ouvrages de Jacques Lavier) qui consiste toujours dans le rétablissement de la tension Yin- Yang et de l'équilibre potentialisation-actualisation.

page 843 note 3. Les limites de cet article sont évidemment trop restreintes pour permettre d'exposer les rapports entre les quatre éléments, les quatre qualités élémentaires, le jeu entre éléments et qualités, éléments et substances, etc. Ces rapports seraient pourtant d'un grand intérêt pour illustrer les propos de la présente étude. Signalons au passage le rôle des nombres 3 (substances) et quatre (éléments), d'où celui du nombre 7 (métaux, planètes) et les possibilités d'interprétation symbolique qui en découlent.

page 843 note 4. D'autant que l'alchimie ne procède ni par postulats, ni par hypothèses, ni par tâtonnements — contrairement à la science expérimentale — mais par un comportement quasi instinctif.

page 844 note 1. Ces remarques ne doivent pas être comprises dans un sens péjoratif. Au sujet des travaux consultés, cf. supra, p. 842, note 2.

page 844 note 2. A rapprocher, sans doute, de l'alternance dynamique des condensations taoïstes.

page 844 note 3. Ces étapes ne sont pas « absolument » chronologiques. Cf. infra, à propos du diachronisme et du synchronisme.

page 844 note 4. Le « Soufre dans le Mercure » est illustré par l'image maçonnique de l'oeil au centre du triangle. La pierre est « cubique », car Mercure + Soufre + Corps + Sel (ou + Eau) = 4. On retrouve d'ailleurs le 7 sous les cendres, puisqu'elles symbolisent aussi les quatre éléments (4+3=7).

page 845 note 1. Lupasco, Cf. S., Les Trois matières, Paris, Julliard, 1960.Google Scholar

page 846 note 1. Ibid,, pp. 306-313. Toutefois, ceci n'est vrai qu'au sein des fines interprétations microphysiques. Mais on peut citer, à ce propos, l'oeuvre de Gaston Bachelard, qui dans La Formation de lyEsprit scientifique montre comment la science expérimentale a dû se débarrasser de l'interpénétration sujet-objet; on voit, par contre, dans sa Psychanalyse du feu comment la poétique récupère cette interpénétration.

page 846 note 2. Des expressions de ce genre sont fréquentes dans les textes. Cf. notamment Geheime Figuren der Rosenkreuzer, Altona, 1785-1786.

page 846 note 3. Ils sont souvent « situés » au stade de l'acquisition du feu. Cf. supra.

page 846 note 4. S. Lupasco, Qu'est-ce qu'une structure?, op. cit., p. 79, fait cette remarque à propos de l'énergie.

page 846 note 5. « Les notions usuelles de matière et d'esprit sont des constructions de la logique classique, engendrées elles-mêmes par certaines fonctions biologiques » ( Lupasco, S., L'énergie et la matière vivante, op. cit., p. 267 Google Scholar). A propos de l'antagonisme, notons que dans le système atomique, et même nucléaire, il se révèle comme constitutif : les protons se repoussent selon les lois de Coulomb et s'attirent selon le principe de cohérence. On sait, d'autre part, le succès que connaît la « synthèse » hégélienne. Mais à Hegel on pourrait opposer Proudhon — et bien d'autres penseurs — pour qui toute synthèse du couple antinomique est artificielle ou mortelle, et en tout cas négation de la liberté : « L'antinomie ne se résoud pas. Là est le vice fondamental du système de Hegel », qui n'a pas compris que « l'antinomie ne fait qu'exprimer un fait et s'impose impérieusement à l'esprit ». Ainsi, « les termes antinomiques ne se résolvent pas plus que les pôles opposés d'une pile électrique ne se détruisent » (citations présentées par Jean Bancal, in Proudhon, pluralisme et autogestion, Paris, Aubier, 1970,1.1, pp. 106 s, 112 s; t. II, pp. 45,170 s. D'autre part, il est significatif que Jean Bancal ajoute, en matière de commentaire : « Il est curieux de constater […] comme la théorie de la particule et de l'anti-particule constitue en physique moderne une confirmation de la théorie proudhonienne de l'organisation antinomique du monde » (ibid., 1.1, p. 118).

page 847 note 1. Rappelons que, selon le principe d'exclusion de Pauli, les protons et les neutrons se placent sur les différentes couches et sous-couches en états quantiques diversifiés de l'énergie du noyau. Ainsi, l'interpénétrabilité des objets est due au principe d'exclusion de Pauli, c'est-à-dire à l'hétérogénéisation organisatrice des atomes et des molécules. Remarquons que dans la physique quantique — comme dans les étapes de l'Œuvre alchimique — les électrons ne passent pas d'une orbite à l'autre, ils « sautent », c'est-à-dire disparaissent dans l'intervalle; la règle générale est ici la discontinuité, la mutation brusque, bien plutôt que la maturation diachronique. Stéphane Lupasco hasarde l'hypothèse : « L'espace est une création plutôt de la vie que du temps, à rencontre des conceptions à peu près générales, et notamment d'un Bergson, qui en fait le siège, sinon la création, d'une matière morte » (La tragédie de l'énergie, op. cit., p. 74).

page 847 note 2. « Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité — non qu'elle l'eût voulu, mais à la cause de celui qui l'y a soumise — c'est avec l'espérance d'être, elle aussi, libérée de la servitude et de la corruption pour entrer dans la liberté des enfants de Dieu. Nous le savons, en effet, toute création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement » (Romains, VIII, 19-22).

page 848 note 1. « Les systèmes énergétiques sont soumis à un devenir, qui tend à les abolir » (S. Lupasco, Qu'est-ce qu'une structure?, op. cit., p. 90).

page 848 note 2. « Dans le domaine « mental » […] il n'y a de polarité véritable que s'il y a tension hétérogène entre des systèmes de représentation séparément homogènes. Telle semble être, entre autres, la loi de l'esprit humain » ( Durand, G., « Les structures polarisantes de la conscience psychique et de la culture », in Eranos Jahrbuch, t. 36, 1967, p. 289 Google Scholar).

page 848 note 3. Lupasco, S., Qu'est-ce qu'une structure?, op. cit., p. 87 s.Google Scholar

page 848 note 4. En ce domaine précis, il a eu de nombreux prédécesseurs, parmi lesquels Maître Eckhart. Il est significatif que ces penseurs aient toujours été contestés par l'Église. Au xxe siècle, Nicolas Berdiaeff a hérité de ce legs, ce qui est moins surprenant chez un penseur russe, bien que Berdiaeif doive à Boehme et à Franz von Baader l'essentiel de sa philosophie, et que l'Église orthodoxe, pourtant plus accessible à ces spéculations, l'ait tenu en suspicion.

page 848 note 5. Cf. ibid., surtout pp. 84-90.

page 849 note 1. Selon certains textes la spagyrie — contrairement à l'Œuvre entier — s'arrête au Feu.

page 849 note 2. Cf. supra, p. 843, n. 2. On peut rapprocher ce schéma (Sel unissant Soufre centrifuge à Mercure centripète) des théories (Teckartshausen sur Naturschwefel et Naturstoff (cf. Antoine Faivre, Eckartshausen et la théosophie chrétienne, Paris, Klincksieck, 1969, table des matières. On trouvera aussi dans ce livre de nombreuses références à l'idée, courante au xvme siècle, de « force actionréaction »).

page 849 note 3. « Dans le creuset », c'est-à-dire, pour nous, avant tout dans l'esprit du mystique lui-même.

page 850 note 1. « Tâches de l'esprit et impératifs de l'être », in Eranos Jahrbuch, t. 34, 1965, p. 330 s. Dans ces pages, sa critique d'un échange de vues entre Paul Ricoeur et Claude Lévi-Strauss apparaît assez significative à cet égard. Toutefois, dans une lettre à l'auteur (24 XI 1970), Gilbert Durand précise sa position, beaucoup plus nuancée qu'elle n'apparaît dans le présent article. S'il renvoie dos à dos, explique-t-il, Paul Ricoeur et Claude Lévi-Strauss, c'est qu'à son avis la vérité anthropologique est, elle aussi, dualitude d'un certain « témoignage » dans le temps (mais ponctuel, non déterministe) et d'un certain « modèle » dans le Ciel (ou dans les révélations prophétiques du Livre sacré).

page 850 note 2. Op. cit., supra. Sur la définition du mot « régime », cf. p. 66.

page 850 note 3. Cf. ibid., index alphabétique des thèmes, mot « alchimie ».

page 851 note 1. Ibid., p. 147.

page 851 note 2. Ibid., p. 259.

page 851 note 3. Cf. ibid., p. 409, et M. ÉLiade, op. cit., p. 179.

page 851 note 4. Cf. supra, p. 842 n. 2. Citons seulement, à propos de la période alexandrine, la Collection des alchimistes grecs, de Berthelot-Rueixe (Paris, 1887-1888, 3 vol.), actuellement complétée par le Catalogue des manuscrits alchimiques grecs publiés sous la direction de J. Bidez. Pour une approche bibliographique en ce domaine précis, cf. A. J. FestugiÈRE, Hermétisme et mystique païenne, Paris, Aubier, 1967, p. 205 ss.

page 851 note 5. Cf., parmi bien d'autres exemples, Karl Christoph Schmoeder, Geschichte der Alchemie, Halle, 1832, p. 595 ss (rééd. Ulm, Arkana, 1959).

page 852 note 1. Pernety, Dom, Dictionnaire Mytho-Hermétique, Paris, 1758, p. 271 (rééd. Milan, Arche, 1969)Google Scholar.

page 852 note 2. Ibid., p. 441. Ainsi les termes énumérés par Dom Pernety pour signifier le Sel (cf. note précédente) ont été employés par de nombreux alchimistes pour signifier le Soufre. Mais, psychologiquement, ils évoqueraient aussi bien le Mercure… On voit combien la prudence s'impose quand il s'agit d'interpréter des mots qui ne sauraient, en aucun cas, être détachés de leur contexte. L'alchimiste Michel Maier nous met en garde : « En effet si les discours allégoriques sont en eux-mêmes difficiles à saisir et causes d'erreurs nombreuses, ils le deviennent tout particulièrement là où les mêmes termes sont appliqués à des réalités diverses, et des termes différents aux mêmes réalités » (Atalante fugitive (1617), traduit et publié par Etienne Perrot, Paris, Librairie de Médicis, 1969, p. 122). C'est pourquoi il est si important d'étudier, pour eux-mêmes, les thèmes et les variations. Hélène Metzger l'avait bien vu : « Quelques-uns d'entre Des alchimistes] se désintéressèrent alors des transmutations sans cesser de se considérer comme alchimistes. Paracelse fut le plus illustre d'entre ces chercheurs. Nous voyons là, d'une manière saisissante, comment la variation sur le thème peut devenir le thème principal reléguant le thème d'autrefois au rôle modeste de variation » (« Alchimie », in Revue de Synthèse, Paris, 1938, t. XVI, n° 1, p. 51).

page 853 note 1. Je fais allusion ici, en me permettant de le critiquer, à une page de Todorov, Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, Collection poétique, 1970, p. 21 s.Google Scholar

page 853 note 2. G. Durand, Tâches de l'esprit, op. cit., p. 345. C'est pourquoi je souscris tout à fait à l'affirmation suivante (ibid., p. 438) : « N'étant ni des formes vides ni des événements objectifs, les régimes de l'Imaginai nous semblent bien répondre au concept de structure (Aufbau) ».