Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Les migrations des societés rurales ont longtemps été pensées par défaut, comme l'expulsion d'individus surnuméraires. Le modèle homéostatique, centré sur l'idée d'un équilibre précaire entre populations et ressources, en a donné une des formalisations les plus abouties. L'article met ses fondements à l’épreuve d'un terrain inédit, a savoir le suivi de 44 genealogies descendantes dans la France du xixe et du debut du xixe siècle. Individus et families sont observés non seulement à travers leurs attributs (profession, alphabétisation, patrimoine) mais aussi à travers leurs trajectoires de mobilité (géographique et sociale) et leurs liens (réseaux, endogamie et transmissions inter-générationnelles). II en découle une vision moins passive des comportements migratoires et, par contraste, une analyse des différents modes d'organisation familiale possibles. L'article ne s'en tient pas pour autant a ces determinations « micros » : tirant parti de sources longtemps négligées, il construit des variables macroscopiques valides à l'échelle de la commune. Les lignées, quelle que soit leurimportance, utilisent les infrastructures disponibles (écoles, gares, postes notamment) et se meuvent ainsi dans un espace structuré et hiérarchisé par des dynamiques économiques. Les logiques familiales pèsent par là sur la concurrence à laquelle se livrent les communes, soit pour se répartir des ressources de l'État, soit en investissant elles-mêmes dans des biens publics locaux.
This paper questions the traditional homeostatic model by focusing on the role of family dynamics on the scope and nature of migrations. By using genealogical data, which draw on the demographic, social, and economic situations of fourty-four French families, linked to local data, we show that mobility and wealth cannot be explained at the individual level. The interplay between individual trajectories, family network and local amenities in migration decisions must be reconsidered. We shed new light on the meaning and quantitative magnitude of local mobility on nineteenth century families' destinies.
Les auteurs remercient J. Dupâquier et D. Kessler, initiateurs de 1'enquête sur les « 3 000 families » et tous les collaborateurs de cette enquête collective. lis expriment particulièrement leur gratitude à Philippe Leroy, Eliane Fardouet, Charlotte Coutand et aux archivistes qui ont apporté leur concours à ce travail, ainsi qu’ à Arnaud Bringé et à Noël Bonneuil à l'INED, et Jean-Pierre Pelissier à l'inra. lis sont egalement redevables à Cecile Dauphin, Michel Demonet et Danièle Poublan qui leur ont permis d'utiliser les données de l'Enquête postale de 1847 rassemblées par le Centre de Recherches Historiques. Une première version de cet article à bénéficie des commentaires de J. Schlumbohm et de P. Sicsic. Jérôme Bourdieu, Gilles Postel-Vinay et Akiko Suwa-Eisenmann remercient de sa confiance D. Kessler qui leur a confié les données patrimoniales de l'enquête. Ce travail n'aurait pas été possible sans le soutien financier de la Poste.
1. Pour s'en tenir à des références franchises, voir, entre autres, Poitrineau, A., Remues d'hommes. Essai sur les migrations montagnardes en France aux xvne et xvine si è cles, Paris, Aubier-Montaigne, 1983;Google Scholar J.-P. Poussou, « Mobilité et migration », in Dupâquier, J. et alii, , Histoire de la population frangaise, t. 2, De la Renaissance à 1789, Paris, PUF, 1988, pp. 99–143.Google Scholar
2. Voir par exemple Kussmaul, A., Servants in Husbandry in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1986;Google Scholar Farcy, J.-C., Les paysans beaucerons au xixe siècle, Chartres, Société archéologique de FEure-et-Loir, 1989.Google Scholar
3. Dont on trouvera une preséntation synthétique dans moch, L. P., Moving Europeans. Migration in Western Europe since 1650, Bloomington, Indiana University Press, 1992.Google Scholar
4. Wrigley, E. A. et Schofield, R. S., The Population History of England, 1541-1871, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.Google Scholar
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6. Fontaine, L., Histoire du colportage en Europe, xve-xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1993;Google Scholar L. Lorenzetti, « Migration, stratégies economiques et réseaux dans une vallée alpine. Le val de Blenio et ses migrants (xixe-déebut du xxe siecle) », Revue Suisse d'Histoire, 49, 1999, pp. 87-104 ; M. R. Rosenzweig et O. Stark (éds), Handbook of Population and Family Economics, Amsterdam, Elsevier, 1997, 2 vols.
7. Sans ignorer les effets dans un lieu donné de crises graves, qu'elles soient locales, nationales ou internationales, on ne les considère que de façon seconde, avec des indicateurs indirects comme ceux qu'on peut construire à partir de 1'évolution démographique des communes (voir infra). En revanche, il parait justifié de ne pas prendre en compte les phénomènes plus conjoncturels dans la mesure où les migrations que nous pouvons examiner sont fondées principalement sur la comparaison des lieux de résidence à la naissance et au décès.
8. Rosental, P.-A., Les senders invisibles. Espace, families et migrations dans la France du xixe siècle, Paris, Éditions de l'EHESS, 1999.Google Scholar
9. L'enquête dite « 3 000 families » repose sur une définition patronymique. Elle à recueilli les actes d'état civil relatifs aux individus dont le nom de famille commence par les lettres T, R, à (Travers par exemple). Du même coup, elle permet de suivre les descendances patrilinéaires ou celles qui passent par des femmes non mariées (pour plus de détails, voir Annexe).
10. Nadeau, M., Léonard, maçon de la Creuse, Paris, Maspéro, 1976;Google Scholar Corbin, A., Archaïsme et modernité en Limousin au xixe siècle, 1845-1880, Paris, Rivière, M., 1975.Google Scholar
11. P.-A. Rosental, Les senders invisibles…, op. cit.
12. Répartition de la population selon les lieux de naissance et de décès sur deux générations :
Enfant | Meurt la ou est ne son pere | Ensemble | |||
---|---|---|---|---|---|
Oui | Non | ||||
Pere immobile | Pere mobile | Pere immobile | Pere mobile | ||
Immobile | 18 | 3 | 0 | 19 | 40 |
Mobile | 0 | 5 | 21 | 34 | 60 |
Ensemble | 18 | 8 | 21 | 53 | 100 |
Chiffres en pourcentage par type de mobilités de l'enfant, sur un total de 357 observations.
13. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes individus qui passent par ces deux types de mobilités. En outre, les mobilités entre naissance et mariage peuvent pour partie intervenir dans l'enfance et sont done redevables aux parents. Si Ton compare les distances parcourues entre naissance et décès, le premier groupe (mobilité avant le mariage) parcourt en moyenne 40 km et le second (mobilité post-maritale) 44 km. La distance cumulée moyenne (naissancemariage plus mariage-décès) est de 60 km et excède la distance naissance-décès de 18 km : ceci peut etre le signe de trajectoires plus ou moins circulaires. Cependant, les migrations avec retour sont peu nombreuses dans notre échantillon puisque seuls treize individus parcourent au moins 20 km pour revenir à leur point de départ ou à proximité (moins de 6 km).
14. E. A. Wrigley le définit comme « à system of relationships between the fertility characteristics of à community and its socio-economic circumstances such as any movement away from an initial position of equilibrium tends to provoke changes elsewhere in the system which restore the original state ». Le terme « elsewhere » (souligné par nous) indique la plasticité du modele et correspond bien à la diversité de ses usages. (E. A. Wrigley, « Homeostatic Regime », in C. Wilson (éd.), The Dictionary of Demography, New York, Blackwell Reference, 1985, p. 97).
15. Nous empruntons le terme à la littérature économique qui entend par là que les agents precedent au « calcul » correspondant à ce mécanisme.
16. E. A. Wrigley et R. Schofield, The Population History of England…, op. cit. ; Lee, R. D., « The Demographic Response to Economic Crisis in Historical and Contemporary Populations », Population Bulletin of the United Nations, 29, 1990, pp. 1–15.Google Scholar
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21. Boserup, E., The Conditions of Agricultural Growth. The Economics of Agrarian Change under Population Pressure, Londres, G. Allen et Unwin, 1965;Google Scholar Bonneuil, N., « Malthus, Boserup and Population Viability », Mathematical Population Studies, 5-1, 1994, pp. 107–119.CrossRefGoogle ScholarPubMed
22. « Relevé par dêpartement du nombre de communes et autres localités ayant une appellation propre en France, d'après le rêsultat de l'enquête générale faite au mois de novembre 1847 par les soins de 1'Administration des Postes », (BN, Ms. Fr. 9787-10129). Voir C. DAUPHIN et alii, « L'enquête postale de 1847 », in Chartier, R. (éd.), La correspondance. Les usages de la lettre au xixe siècle, Paris, Fayard, 1991, pp. 21–119 Google Scholar, ou Poublan, D., « L'enquête postale de 1847. Repérer des hameaux ou compter des lettres ? », Études héraultaises, 28/29, 1997-1998, pp. 105–112.Google Scholar Voir également Belloc, A., Les postes françaises, Paris, Firmin Didot, 1886.Google Scholar Les flux postaux distingués isolent le courrier qui circule à l'intérieur du ressort d'un bureau et celui qui en sort (un bureau à I'époque est souvent de la taille d'un canton).
23. II faut noter que les rénseignements demographiques par commune à une date donnée sont généralement disponibles, mais pas toujours. Outre les sources globales comme celles mentionnées ci-dessous, on s'est reporté aux nombreux volumes de la collection « Paroisses et communes de France » des Éditions du CNRS. On mesure done ici l’évolution de la population en distinguant trois périodes défmies au début et à la fin par le chiffre (ou la moyenne) de la population lors d'un ou plusieurs recensements :
l rc période : debut = recensement de 1806, 1821, 1826; fin = 1841 ou 1846 (selon que l'enquête postale se réfère à l'un ou l'autre), recensement de 1861 (tel que mentionné par GINDRE DE MANCY, M., Nouveau dictionnaire complet des communes de la France, Paris, Gamier frères) et de 1866.Google Scholar
2 C période : debut = fin de la précédente ; fin : 1891.
3 e période : debut = fin de la précédente ; fin : 1936. On le voit, les dates retenues ne font que transposer à l'échelle communale la périodisation (nationale) proposée par Lévy-leboyer, M. et Bourguignon, F., L'économie francaise au Xixe siècle. Analyse macro-économique, Paris, Economica, 1985 Google Scholar pour distinguer périodes de croissance et périodes de crise ou de décélération.
24. La source utilisée est ici Laurent, A., Dictionnaire des Postes, 2 vols, Paris, 1884.Google Scholar
25. Joanne, P., Dictionnaire géographique et administratif de la France, 7 vols, Paris, Hachette, 1891-1906.Google Scholar
26. Outre les références précédentes, voir Mincer, J., « Family Migration Decisions », Journal of Political Economy, 86, 1978, pp. 749–773 CrossRefGoogle Scholar ; Linshan, H. et Thireau, I., Enquête sociologique sur la Chine, 19J1-1949, Paris, puf, 1996.Google Scholar
27. Stark, O., « On the Role of Urban-to-Rural Remittances in Rural Development», Journal of Development Studies, 16-3, 1980, pp. 369–374;CrossRefGoogle Scholar id., The Migration of Labor, Oxford, Basil Blackwell, 1991 ; LAMBERT, S., Modèles d'économie paysanne dans les pays en voie de développement: applications au cas de la Côte-d'Ivoire, These EHESS, Paris, 1992,Google Scholar et « La migration comme instrument de diversification intrafamiliale des risques : une application au cas de la Cote-d'Ivoire », Revue d'Économie du Développement, 2, 1994, pp. 3-38.
28. H. Linshan et I. Thireau, Enquête sociologique…, op. Cit
29. Une première étude sur un département (sans la source détaillée des RMD) se trouve dans Blanchet, D. et Kessler, D., « The Seven Generation Survey in France: Issues and Preliminary Results », Franco-American Conference, 15/16-07-1993, Cambridge, NBER, 1993.Google Scholar
30. Daumard, A., Les fortunes francaises au xixe siécle, Paris, Mouton, 1973.Google Scholar
31. Cependant, on observe une décroissance du patrimoine avec l'âge au-delà de soixante ans avant 1890 et une légère croissance après. Ce phénomène pourrait traduire un changement des comportements de financement de la vieillesse au cours du xixe siécle.
32. L'argument selon lequel les migrations supposent des ressources économiques minimales est à la fois intuitif et présent dans la littérature : voir Goess, E. P. et Schoening, N. C., « Search Time, Unemployment and the Migration Decision », Journal of Human Resources, 19, 1984, pp. 570–579,CrossRefGoogle Scholar et Greenwood, M. J., «Internal Migration in Developped Countries », in Rosensweig, M. R. et Stark, O. (éds), Handbook of Population and Family Economics, vol. IB, Amsterdam, North Holland, 1997.Google Scholar Voir aussi L. Fontaine, Histoire du colportage…, op. cit.
33. M. R. Rosenzweig et o. Stark, handbook of population…, op. Cit.
34. sur les formes progressives de transmission, voir notamment Sabean, d. W., Property, Production and Family in Neckarhausen, 1700-1870, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.Google Scholar
35. Les départements de l'échantillon se situent tous dans des zones de règies successorales égalitaires avant la Révolution. II arrivait cependant que les families mettent en œuvre des arrangements afin d'aboutir à un partage inégal, par exemple en excluant les filles (cf. DEROUET, B., « Le partage des frères. Héritage masculin et reproduction sociale en Franche- Comté aux xvne et xixe siècles », Annates ESC, 48-2, 1993, pp. 453–474 Google Scholar).
36. Benheim, B. D., Schleifer, A. et Summers, L. A., « The Strategic Bequest Motive », Journal of Political Economy, 93-6, 1985, pp. 1045–1076.CrossRefGoogle Scholar
37. Burguière, A., Bretons de Plozevet, Paris, Flammarion, 1977 Google Scholar; Johnston, R. J. et Perry, P. J., « Déviation directionnelle dans les aires de contact: deux exemples de relations matrimoniales dans la France rurale du xrxe siècle », Études rurales, 45, 1972, pp. 23–33 CrossRefGoogle Scholar ; Ogden, P. E., « Expression spatiale des contacts humains et changement de la societe : l'exemple de l'Ardeche, 1860-1970 », Revue de Géographie de Lyon, 79-3, 1974, pp. 191–209.CrossRefGoogle Scholar
38. Pour éviter que des effets d'échelle n'écrasent la répartition observée, nous avons adopté une échelle des distances logarithmiques qui dilate les distances proches et rapproche les distances lointaines
39. Sur le cas de la capitale, voir Louis Chevalier, La formation de la population parisienne, Paris, Ined/Puf, 1950. Dans notre échantillon, les migrations vers Paris représentent moins de la moitié des migrations à plus de 100 km.
40. Pour les individus qui meurent après 1890, les mobilités longues augmentent et représentent alors le tiers de l'effectif des célibataires.
41. On en trouvera une synthèse récente dans Zimmermann, K. F., « European Migration: Push and Pull», International Regional Science Review, 19-1/2, 1996, pp. 95–128,CrossRefGoogle Scholar et une application à la France du xix” siècle dans Hohenberg, P., « Les migrations dans la France rurale (1836-1901) », Annates ESC, 29-2, 1974, pp. 461–497 Google Scholar ; Heffer, J., « Du “pull” et du “ push “ », in ROUGÉ, R. (éd.), Les immigrations européennes aux États-Unis (1880-1910), Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1989, pp. 21–48,Google Scholar presénte l'historique de ce modéle.
42. Harris, J. R. et Todaro, M. P., « Migration, Unemployment and Development: à Two- Sector Analysis », American Economic Review, 60, 1970, pp. 126–142.Google Scholar Ce modèle expliquait la persistance du chômage dans les villes américaines, malgré les opportunités d'emplois qu'elles créaient. La base est un modèle dual où le marché du travail est segmenté entre une partie flexible (l'agriculture, par exemple, avec salaire de subsistance) et une partie rigide (l'industrie, avec des salaires plus élevés et en partie fixes). Les individus maximisent leur utilité et, avant de migrer, comparent l'écart de revenu espéré entre campagne et ville (ils tiennent compte notamment de leurs possibilités d'embauche en ville). Cette analyse constitue le modèle de base des migrations pour les économistes, les apports ultérieurs découlant en fait du travail plus général sur ce qu'est réellement l'utilité pour un individu en ajoutant de l'aversion au risque ou en considérant une utilité familiale avec des sentiments d'altruisme envers son conjoint ou ses enfants, etc.
43. Dans un article pionnier, Goreux, L. M., « Les migrations agricoles en France », Études et Conjoncture, 10, 1956, pp. 327–376,Google Scholar avait montré le rôle des différences de revenus sur les migrations internes au monde rural en raisonnant à 1'échelle départementale. Plus généralement, le chapitre II de la thèse de P. SICSIC met en évidence Finfluence de la distance et des salaires sur les migrations internes (Labor Markets and Establishment Size in Nineteenth Century France, Harvard University, 1991).
44. Nous tirons ici les conséquences des observations de Akerman, S., Kronborg, B., B. et Nilsson, T., « Emigration, Family and Kinship », American Studies in Scandinavia, 9, 1977, pp. 105–122.Google Scholar Les auteurs montrent que Ton peut partir seul, et done être compté comme « migrant isolé », alors que Ton rejoint en fait un petit noyau familial déja installé ailleurs.
45. P.-A. Rosental, Les sentiers invisibles…, op. cit.
46. Dans Fanalyse précédente, l'autocentrage de la lignée était calculé sans tenir compte des migrants à longue distance. En effet, l'effet négatif de celle-ci surlè choix des témoins (M. GARDEN, « Manages parisiens à la fin du xixe siecle : une micro-analyse quantitative », Annates de Démographie historique, 1998, pp. 111-113 ; P.-A. Rosental, « Scomposizione spaziale di una migrazione internazionale: l'integrazione dei belgi nel nord della Francia nel xix secolo », Memoria e Ricerca, 8, 1996, pp. 33-56) fait en sorte que l'indicateur individuel d'autocentrage est statistiquement lié (négativement) à la mobilité de i'individu (comme variable indicatrice). II est également lié au fait d'être isolé ou non (e'est-à-dire distant de plus de trois kilometres d'un membre de sa fratrie), à la taille de la fratrie et au departement de naissance. Cependant, le fait que l'autocentrage soit endogène à la décision dichotomique de migrer ou non veut seulement dire que des facteurs communs sont à l'origine à la fois du fait de rester au même endroit et d'entretenir des liens plus étroits dans sa parenté. Précisons que. comme l'indicateur n'a de sens que pour les individus mariés, il est utilisé dans nos régressions avec une variable indicatrice de l'état marital.
47. Kessler, D., Masson, A. et PESTIEAU, P., «Trois vues sur l'héritage : la famille, la propriété, l'État », Économie et Prévision, 4/5,Google Scholar dossier spécial « Héritage », 1991.
48. Mccloskey, D., « English Open Fields as Behaviour Toward Risk », in Uselding, P. (éd.), Research in Economic History, 1, 1976, pp. 124–171.Google Scholar
49. Que la famille se constitue en groupe de référence implique qu'elle devienne un lieu potentiel pour des confrontations internes. La migration peut alors en être un mode de résolution, comme le montre Stark, O., « Labour Migration as à Response to Relative Deprivation », Journal of Population Economics, 1-1, 1988, pp. 57–70.CrossRefGoogle ScholarPubMed Cette inégalité d'accès à l'éducation peut aussi expliquer le fait que les migrants à longue distance soient plus qualifiés tout en étant originaires de communes relativement moins bien dotées en écoles.
50. Le changement d'échelle ne peut etre fructueux que s'il débouche sur une économie des échanges interpersonnels, comme le démontrent les récherches ré sur la circulation monétaire au sein du couple, et les tensions dont elle s'accompagne ( Calvi, G. et CHABOT, I. (éds), Le ricchezze delle donne, Turin, Rosenberg et Sellier, 1998;Google Scholar voir également le dossier « Femmes, dots et patrimoines », réuni dans Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, 7, 1998).
51. Stouffer, S. A., « Intervening Opportunities: à Theory Relating Mobility and Distance », American Sociological Review, 5-6, 1940, pp. 845–867.CrossRefGoogle Scholar
52. Si Ton peut adapter ainsi le titre de LEVI, G., L'eredità immateriale, Turin, Einaudi, 1985 Google Scholar (trad. fr. Le pouvoir au village, Paris, Gallimard, 1989).
53. La corrélation calculée sur Fensemble des binômes est de l'ordre de 0,4. Sur ces questions, voir D. Kessler, A. Masson et P. Pestieau, « Trois vues sur l'heritage… », art. cit.
54. Rappelons pour mémoire que cette diversification peut aussi s'accomplir en sortant du seul rapport parents/enfants, pour puiser dans les ressources professionnelles disponibles dans le cadre de la parenté.
55. Les liens qu'une mobilité entretient avec la profession et le niveau d'éducation sont cependant difficiles à caractériser: le niveau d'éducation plus faible des migrants proches traduit-il un rejet dont ferait l'objet cette categorie de migrants ou une forme d'accumulation de capital différente et potentiellement complémentaire de capital spatial ? La pauvreté de l'indicateur éducatif dont nous disposons (l'aptitude à signer), qui est aggravée par 1'élévation générate du niveau d'instruction au cours du siècle, rend hasardeuses les deux intérpretations. Outre l'éducation, d'autres différences se dessinent entre les deux périodes : la qualité de la transmission s'estompe pour des variables comme 1'autocentrage, la richesse, la profession.
56. Les résultats sont peu différents si le patrimoine du parent est corrigé du nombre d'enfants qui bénéficient de la transmission (en rapportant done la richesse finale de l'individu à l’héritage regu de la part d'un seul des deux ascendants).
57. Yavada, K. N. S., «Determinants of Rural-Urban Migration in India: à Micro Approach », Rural Demography, 14-1/2, 1987, pp. 1–20;Google Scholar Le Bras, H., « La dynamique régionale », in DUPÂQUIER, J. (éd.), Histoire de la population française, t. 3, op. cit., pp. 145–162.Google Scholar
58. On trouvera une formulation du problème chez HÄGerstrand, T., « Migration and Area. Survey of à Sample of Swedish Migration Fields and Hypothetical Considerations on their Genesis », in Hannerberg, D., HÄGerstrand, T. et Odeving, B. (éds), Migration in Sweden. A Symposium, Lund, CWK Gleerup, 1957, pp. 27–158;Google Scholar et des mesures chez Neuman, A. R., « The Influence of Family and Friends on German Internal Migration », Journal of Social History, 13-2, 1979, pp. 277–288,CrossRefGoogle Scholar ou Y. Murayama, « Emigrants: Interprefectural Differences of Japanese Emigration to the Pacific Northwest, 1880-1915 », Journal of Economic History, 51-1, 1991, pp. 125-147.
59. Cf. Hvidt, K., « Emigration from Denmark », in Les migrations internationales de la fin du XVIII’ siècle à nos jours, Paris, Éditions du CNRS, 1980, pp. 331–348.Google Scholar On notera que l'enquête postale est peu informative sur les migrants saisonniers car, effectuée pendant une quinzaine de jours, elle est un observatoire dont la qualité dépend du moment dans l'année ou les saisonniers quittent la commune. Sur ce point, voir C. Dauphin et alii, qui citent la correspondance des saisonniers du village de Saint-Hilaire-la-Treille en Haute-Vienne (” L'enquête postale de 1847 », art. cit., p. 40).
60. On retrouve ici l'argument de la privation relative avancé par O. STARK, The Migration of Labour…, op. cit., 1988.
61. Dans un contexte différent, nous songeons en particulier à Fouvrage de Garcia, A., Libres et assujettis. Marche du travail et formes de domination au Nordeste, Paris, Éditions de la MSH, 1989,Google Scholar qui montre que la mobilité des travailleurs des plantations brésiliennes au debut du siècle est restée faible tant que les propriétaries demeuraient sur place et les controlaient directement, alors que leur départ à coincidé avec l'émigration lointaine.
62. C. Dauphin et alii, « L'enquête postale de 1847 », art. cit.
63. Krugman, P., Geography and Trade, Louvain-Cambridge, Leuven UP/MIT Press, 1991.Google Scholar
64. Agulhon, M., La République au village, Paris, Plon, 1970.Google Scholar
65. Sur ces questions, voir J. REVEL, , Jeux d'échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil/Gallimard, 1996.Google Scholar
66. Mayer, A. J., The Persistence of the Old Regime: Europe to the Great War, New York, Pantheon Books, 1981 Google Scholar (trad, fr., IM persistance de I'Ancien Régime. L'Europe de 1848 à la Grande Guerre, Paris, Flammarion, 1983).
67. Et notamment à Peter Laslett au moment ou ce dernier lancait son programme d'histoire de la famille. Voir J. GOODY, « The Evolution of the Family », in Laslett, P. et Wall, R. (eds), Household and Family in Past Time, Cambridge, Cambridge University Press, 1972, pp. 103–124.CrossRefGoogle Scholar
68. Gotman, A., La dilapidation, Paris, Nathan, 1996 Google Scholar
69. Les attendus et les methodes de l'enquête sont explicités, depuis son lancement, dans un bulletin semestriel : 3 000 families. L'enquête des généalogistes sur la mobilité sociale en France aux xixe et xxe siècles, Paris, Éditions de l'Ehess, Laboratoire de Démographie Historique. Voir également, DUPÂQUIER, J. et Kessler, D. (eds), La société francaise au xixe siécle, Paris, Fayard, 1992.Google Scholar
70. Sur ces sources, voir D. Blanchet et D. Kessler, « The Seven Generation… », art. cit.; A. Daumard, Les fortunes francaises…, op. cit. ; Baudrin, R., Des droits de mutation à titre gratuit — de la loi du 22 frimaire an VII à Vheure actuelle, Paris, 1929;Google Scholar Leroy-Beaulieu, P., Traité de la science des finances, Paris, 1912;Google Scholar Planiol, P. et Ripert, G. (éds), Traité pratique de droit civil français, Paris, 1928,Google Scholar t. IV ; Stourm, R., Systèmes généraux d'impdts, Paris, 1912.Google Scholar
71. P.-A. Rosental, Les senders invisibles…, op. cit.
72. Notons toutefois que si Ton n'observe pas la descendance des filles nées TRA, on peut suivre ces déèrnieres jusqu'a leur deces car elles apparaissent dans les sources sous leur nom de jeune fille.
73. En reprenant la hièrarchie professionnelle numèrique donnee par N. BONNEUIL et P.-A. Rosental, « Changing Social Mobility in xixth-Century France », Historical Methods, 32-2, 1999, pp. 53-73. à partir d'une analyse du taux d'alphabetisation par profession au cours du xixe siecle — corrige de l'effet des èvolutions temporelles —, l'article propose une evaluation quantitative du niveau de qualification associè à chaque activite.
74. P.-A. Rosental, Les senders invisibles…, op. cit.
75. Cela signifie que nous disposons en réalité de 932 individus différents : 81 individus sont des pères (3 sont en fait des mères) dont on n'a pas identifié l'ascendant (pour l'essentiel ce sont des «individus souches » à l'originé des families), 639 individus (à peu près autant d'hommes que de femmes) ont un père identifie mais on ne connaît pas leur progéniture, et 212 individus sont présents dans notre échantillon à la fois comme pere èt comme fils (ce sont à 95 % des hommes).
76. 67% des individus de l'échantillon décèdent dans un village, 26 % dans des villes de moins de 100 000 habitants et 7 % seulement dans des villes de plus grande taille. En outre, certaines régions ont ici plus de poids que d'autres.
77. La proportion de femmes augmente légèrement au cours du temps. L'âge moyen au décès également: en ne considérant que les individus qui ont atteint au moins l'âge de 15 ans, il passe de 44 ans avant 1860 à 62,5 ans après 1890. La mortalité précoce (avant 5 ans) concerne 30 % des individus, et diminue de 48 % avant 1860 à moins de 14 % après 1890. Parmi les plus de 20 ans, 13 % sont célibataires, pour 78 % de mariés et 9 % de remariages. Les femmes se marient à 24 ans, les hommes à 27. L'âge moyen au décès du père (calculé pour ceux qui survivent à leur pere) est de 29 ans. Les individus ont 3,5 enfants en moyenne, un peu plus de gar§ons que de filles, dont seuls 2 enfants parviennent à dépasser l'âge de 15 ans.
78. M. Levy-Leboyer, F. Bourguignon, L'économie frangaise au xixe siecle…, op.