Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
L'article qu'on va lire se présente comme le premier bilan de l'analyse, sociologique et quantitative, portant sur la correspondance de Jean-Jacques Rousseau, commencée en 1968 en collaboration avec Michel Launay, et qui a pu être poursuivie grâce à l'appui du Centre de Recherches Historiques de la VIe Section de l'École Pratique des Hautes Études. Les résultats présentés ici correspondent à une seconde étape de l'entreprise et permettent d'en souligner l'intérêt et les difficultés.
En voulant aborder avec des méthodes nouvelles l'étude d'un texte fondamental bien connu et souvent utilisé par les historiens de la littérature, on ne prétendait pas faire œuvre d'iconoclastes ni utiliser les moyens quantitatifs et sociologiques pour eux-mêmes. Au contraire, jeter un regard neuf sur les documents bruts qui sont les lettres d'un grand écrivain paraît être la meilleure façon de la mieux comprendre et, surtout, de le replacer dans son vécu historique.
page 152 note 1. Cf. Rousseau, J.-J., Œuvres complètes, Pléiade, t. 1, « Troisième Dialogue », p. 926Google Scholar.
page 152 note 2. Cf. Correspondance générale, éd. Dufour-Plan, t. XI, lettre au prince de Wurtemberg (15 avril 1764), pp. 13-14 ; cf. aussi dans OEuvres complètes, Pléiade, t. II, « Nouvelle Héloïse », lettre XVI, p. 241, lettre XXVII, pp. 297-298.
page 152 note 3. Cf. sur ce point Richet, Denis, « Autour de la Révolution française : élites et despotisme », dans Annales E.S.C., 1969, pp. 1–23 Google Scholar.
page 152 note 4. Cf. Roche, Daniel et Launay, Michel, « Vers une analyse historique de la correspondance de Jean-Jacques Rousseau », dans Revue Historique, 1968, pp. 339–360 Google Scholar.
page 152 note 5. Cf. Correspondance complète de Jean-Jacques Rousseau, publiée par R. A. Leigh, t. 1 à VIII, 1730 à mai 1751, Genève, 1965-1969.
page 153 note 1. Cf. Lecercle, J., « Rousseau et ses publics », dans Jean-Jacques Rousseau et son oeuvre, Paris, 1964. pp. 282–301 Google Scholar.
page 153 note 2. Cf. Launay, M., « Les problèmes politiques dans la correspondance de Rousseau », op. cit., pp. 265–282 Google Scholar, et plus particulièrement pp. 268-276.
page 153 note 3. Cf. Gagnebin, B., « Vérité et véracité dans les Confessions », op. cit., p. 9 Google Scholar.
page 153 note 4. Cf. Œuvres complètes, Pléiade, t. I, pp. 1911-1963.
page 153 note 5. Exactement 370.
page 154 note 1. Cf. A. Armengaud, M. Reinhard, J. Dupaquier, Histoire de la population mondiale, Paris, 1967. et plus particulièrement T. H. Hollingsworth, « The demography of the british peerage », (Population Studies, supplément), Londres, 1964 ; L. Henry, Anciennes familles genevoises, Paris, 1956. Sur la démographie des villes au XVIIIe, il faut attendre la publication des thèses de J.-C. Perrot sur Caen, et de M. Garden sur Lyon pour disposer d'un élément valable de comparaison, la majorité des travaux de démographie historique regardant surtout la campagne. On peut compter toutefois, avec C. Lévy et L. Henry, « Ducs et pairs sous l'Ancien Régime. Caractéristiques démographiques d'une caste », dans Population, 1960. Il faut recourir aussi à M. Lachiver, La Population de Meulan du XVIIe au XIXe siècle (1600-1870), Paris, 1969.
page 155 note 2. On a retenu le chiffre de dix lettres minimum contenu dans le dossier du correspondant, pour définir cette catégorie. Cf. tableaux VI et VII.
page 156 note 1. Il peut être intéressant de noter le souci de nombreux correspondants de donner leur âge, même approximativement. Cf. par exemple, manuscrit inédit (Neuchâtel, R 207 F 133-134), publié par C. Labrosse, dans J.-J. Rousseau et son temps, Paris, 1969, pp. 204-205 : « J'ai bientôt vingthuit ans… » Le cas n'est pas isolé et se retrouve même parmi des lettres anonymes ou non encore identifiées.
page 154 note 2. 6 %, 14 %, 20 %.
page 154 note 3. 34%.
page 158 note 1. Cf. sur ce point, Leigh, R. A., « Vers une nouvelle édition de la correspondance de Rousseau », dans Annales J.-J. Rousseau, Entretiens de Genève, 1962, Paris, 1963, pp. 263–287 Google Scholar, et M. Launay, « La Société française d'après la correspondance de J.-J. Rousseau », dans J.-J. Rousseau, Gap, 1963 (Publ. de la Soc. des Études Robespierristes).
page 158 note 2. Cf. M. Launay, « La Nouvelle Héloïse, son contenu et son public », dans J.-J. Rousseau et son temps, op. cit., pp. 179-184, et Labrosse, C., « Quelques lettres inédites sur La Nouvelle Héloïse: essai de définition d'une lecture », op. cit., pp. 185–210 Google Scholar.
page 159 note 1. A titre d'hypothèse, nous ne pensons pas que l'identification d'un plus grand nombre de cas indéterminés bouleverse beaucoup ce premier trait. Une part importante de ce groupe devrait grossir le salariat, une autre part aller à la noblesse et la dernière se ventiler entre les différentes catégories de la bourgeoisie. Le fait majeur, c'est l'égalité approximative sans rapport avec la représentation réelle. Par contre, il paraît important de noter que les pasteurs protestants et leur famille, dont la situation sociale est très proche de la meilleure bourgeoisie, en tout cas pour certains pasteurs de Genève, sont 30, soit 5,7 % qu'il faut pratiquement placer dans la bourgeoisie.
page 161 note 1. 28 % et 23 % de la catégorie.
page 161 note 2. 15 %.
page 161 note 3. Cf. Lecercle, J., op. cit., pp. 202 Google Scholar à 299. (75 % des nobles sont des « grands » entre 1728 et 1744.; de 1745 à 1754 ils sont près de 85 % ; de 1755 à 1764, 65 % encore ; plus de 62 % entre 1765 et 1774, et enfin 50 % de 1775 à 1778).
page 161 note 4. De 1728 à 1744, 24 % ; de 1745 à 1754,15 % ; de 1755 à 1764, 9 % ; entre 1765 et 1774, 10 % ; de 1775 à 1778, 60 % (cf. tableaux IV et V). Les officiers de justice et de finance sont au nombre de six, soit 5 %.
page 161 note 5. Cf. Launay, M., « La Société française », op. cit., p. 407 Google Scholar. On y retrouve les Seguin, d'Astier, d'Odelot, de Fains, de Bâillon, Duchamps d'Assaut, le Cointe, Toustain, de Cossé.
page 162 note 1. Cf. en particulier la correspondance avec M, de Saint-Germain ou M. de Francoeur.
page 162 note 2. Le moine antonin Claude Boudet, l'abbé Arnaud, le curé Cordonnier de l'Étang, l’ « oncle » Léonard, l'oratorien Rousseau (3 lettres), l'abbé Muly de Montmorency, Martin, curé de Deuil, si la lettre que lui adresse Rousseau lui est bien destinée, l'abbé Grumet d'Ambérieu (5 lettres), Gairet curé de Limeuil, le Père Berthereau, l'abbé Serpillon, l'abbé Maydieu. On ne trouve que quelques chanoines : Borin, de Cahagne, Carondelet.
page 162 note 3. Les abbés Alary, Condillac, Mably, Raynal, Trublet, de la Porte, Dom Deschamps, peutêtre le Père de Menou, l'abbé Morellet.
page 162 note 4. Coindet, par exemple, banquier chez Necker et dont le traitement annuel s'élève à 3 000 F, ce qui est déjà très important dans la hiérarchie socio-professionnelle parisienne. Cf. Daumard, A. et Furet, F., Structure et relations sociales à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1961, pp. 26–36 Google Scholar.
page 162 note 5. Forney est également un pasteur, mais son rôle à l'Académie de Berlin, sa fortune liée à ses publications innombrables permettent de l'évoquer ici.
page 163 note 1. Par exemple Freron, Belloy, Corancez, Deshoulmières, Ducis, Deleyre, Dusaulx, Kenrick Lesuire, Bitaubé, de Boissy, Champfort, Huber .
page 163 note 2. Une seule femme, Mme Corrancez ; 15 entre 1755-1764, 14 de 1765 à 1774, seulement 10 de 1745 à 1754, dont bien entendu, Diderot, d'Alembert, Duclos, Grimm et Voltaire (17 lettres).
page 163 note 3. A peu près 60 % de la bourgeoisie.
page 163 note 4. Cf. Kraft, O., « Les classes sociales à Genève et la notion de citoyen », dans J.-J. Rousseau et son oeuvre, op. cit., pp. 219–227 Google Scholar.
page 163 note 5. Cf. Luthy, H., La Banque Protestante en France, 2 t., Paris, 1961, t. II, pp. 73 Google Scholar et 344.
page 163 note 6. Cf. Luthy, H., op. cit., t. II, pp. 138–438 Google Scholar, 440-450, 525-540, 556, 558, 641. Étienne Delessert, d'origine vaudoise, hérite d'une maison de négoce prospère de Lyon. Représentant lyonnais de la « Nation suisse » et des intérêts neuchâtelois, il développe considérablement ses affaires, installe une filiale à Paris, participe à la fondation de la Caisse d'Escompte, pratique le change et participe avec les Boy de la Tour, Clavières, etc. à de très grosses opérations de crédit. On ne saurait donc être trop prudent quand on parle de l'hostilité de la grande bourgeoisie financière et commerçante à Jean-Jacques. Cf. Launay, M., Les problèmes politiques dans la correspondance de Rousseau, p. 208 Google Scholar.
page 163 note 7. Cf. H. Luthy, op. cit., t. II, et index t. 1 et t. 2, où l'on retrouve les Chappuis, Cornabez, Comparet, Boy de la Tour, Delessert, du Peyrou, Dangirard, Dutens, Favre, Ivernois, Lemaistre, Mollet, Necker, Perret, Sellon, Vieusseux, Voullaire.
page 164 note 1. Il y a peu de chose à dire de la communication au titre prometteur de M.-R. Villiers, « J.-J. Rousseau, la Finance et les Financiers », dans Études sur le Contrat Social, Actes des Journées d'Études tenues à Dijon les 3, 4, 5 et 6 mai 1962, Paris, 1964, pp. 329-342.
page 164 note 2. Cf. Luthy, H., op. cit., t. II, pp. 839–855 Google Scholar.
page 164 note 3. Forney, Roustan, Kluppfel.
page 164 note 4. Nous ne sommes pas d'accord sur l'aspect petit-bourgeois que Lecercle, M., op. cit., p. 286 Google Scholar, tend à noter chez les pasteurs. Les fidélités et les ruptures s'éclairent mieux si l'on admet les liens du corps des pasteurs avec l'oligarchie, et même si quelques individus font exception.
page 164 note 5. On ne peut négliger l'hypothèse de la communauté d'intérêts entre le grand négoce et une partie de l'aristocratie, cf. sur ce point, Richard, G., « La Noblesse de la France et les Sociétés par actions à la fin du XVIIIe siècle », Revue d'Histoire Économique et Sociale, 1962, pp. 44, 59Google Scholar
page 165 note 1. Cahouet, secrétaire de Mme d'Ëpinay ; l'intendant du Bettier ; La Roche, intendant du maréchal de Luxembourg, Manoury.
page 165 note 2. Leblond, secrétaire de la Marine ; Sabatier, secrétaire d'ambassade ; Revilliod, collecteur d'impôt à Genève ; Haward, directeur du Domaine à Strasbourg ; Pesselier, Bontemps, Berthoud ; Poujol, receveur à Uzès.
page 165 note 3. Cf. Launay, M., « La Société française », op. cit., p. 402 Google Scholar. Il importerait de préciser également tout ce que Rousseau doit sur ce plan aux leçons genevoises ; l'exemple de Romilly, horloger de Genève réfugié à Paris, paraît très significatif.
page 168 note 1. Moultou, Coindet, Du Peyrou, Rey et Duchesne.
page 167 note 1. De 1728 à 1744, 66 % des correspondantes sont nobles, pour seulement 50 % de correspondants ; entre 1745 et 1754, sept femmes nouvellement inscrites dans la correspondance sont nobles, soit 70 %, 21 % pour les hommes dans la même période ; de 1755 à 1764, les proportions sont respectivement de 48 % et 38 % ; enfin, de 1765 à 1774, on trouve 50 % et 32 %.
page 167 note 2. Deux femmes de la noblesse ont plus de six lettres, dont Julie Bondelli de Berne, petite-fille de Simon Bondelli, anobli par le roi de Prusse (neuf lettres).
page 167 note 3. Nous avons retenu le domicile le plus fréquent sauf pour ceux dont on n'a retrouvé qu'une seule lettre. Dans ce cas c'est le lieu d'origine de cette lettre qui a été indiqué. Pour Paris, comme pour Genève, le problème du double domicile n'est pas tranché.
page 167 note 4. Lyon et Toulouse (1), Montauban (1), Nîmes (1), Montpellier (1), Marseille (1), Rouen (5), Amiens (2) pour ne citer que les villes académiques.
page 167 note 5. Sans oublier la Corse déjà dans l'orbite française depuis l'expédition Maillebois.
page 167 note 6. Cf. F. Jost, dans Essai de littérature comparée, I, Fribourg (Suisse), « Rousseau et Kichberger », pp. 60-98, donne un bon exemple d'étude d'un milieu rousseauiste précis.
page 169 note 1. Cf. Luthy, H., Le passé présent, Monaco, 1965, pp. 226–246 Google Scholar ; «Rousseau le Genevois».
page 169 note 2. Cf. L'importante communication de M. Biou au Colloque Le Roman au siècle des Lumières : « Le Rousseauisme, idéologie de substitution. » Le cas Girardin sera éclairé dans ses aspects socioéconomiques par l'excellente thèse de J.-C. Hervé sur les Vauvray.
page 169 note 3. Cf. Soboul, A., « J.-J. Rousseau et le Jacobinisme », dans Études sur le Contrat Social, op. cit., pp. 405–424 Google Scholar et Lecercle, J., op. cit., pp. 286–287 Google Scholar.
page 172 note 1. Cf. Trénard, Louis, « La diffusion du Contrat Social (1702-1832) », dans Études sur le Contrat Social, Paris, 1964, pp. 425–458 Google Scholar.