Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Un livre important à bien des égards vient de paraître. Il a pour lui l'originalité d'avoir été d'abord dit dans un entretien radiophonique libre sans se parer des fastes rhétoriques de la démonstration universitaire ; il n'en est que meilleur. Cl. Gaignebet parla, M. C. Florentin a « mis en forme », et cette parole transcrite ne manque pas, par l'ampleur des révélations qu'elle suggère, d'évoquer l'oracle. La métaphore du voyage vient sous la plume de Cl. Mettra dans la préface où il désigne le discours de Gaignebet, en termes quelque peu lyriques, comme un parcours quasi-initiatique dans la pensée paysanne ; c'est en effet à un périple inachevé parmi les lieux — les topiques — du Carnaval que l'auteur nous invite ; le chapitre introductif, le chapitre final, le résumé au verso du volume nous livrent la direction générale et les étapes essentielles du trajet.
In this critical note, the author has tried to organize the profusion of ideas which Claude Gaignebet setsforth in Le Carnaval (Paris, 1974). He first identifies three major methods of analysis: the use of calendars, of mythologies and of ritual, ail of which converge to elucidate the Carnaval themes.
In passing, I would like to say that, with regard to specific examples, the breadth of the field covered by C. G. is greatly appreciated. On encounters saints' lives, tales from oral tradition, legends surrounding place names, and descriptions or depictions of rituals scattered throughout the history of the Western World.
The open-minded, comparative method is fortunately unlike the methods of a certain folklore-by-category, but it does have its limits and dangers : in particular, the too rapid negation of the spacio-temporal dimension which results in not grasping the different socio-cultural contexts of the Carnaval; the analysis of meaning from a purely empirical point of view; the failure to treat things symbolic. It may seem tempting to reduce the immense Carnaval complex to a hierarchically arrangea religion, but it is inexact and perhaps even anachronistic.
The accompanying illustrations show scènes which are too often left to the imagination: contemporary carnavals of Languedoc and Catalonia; these lend reality to Gaignebet's analysis of the high points of the rite.
* Planches : Les études sur le Carnaval sont le plus souvent habitées par la nostalgie de « la fête que nous avons perdue », trop de chercheurs s'exténuent à imaginer ce qu'ils n'ont jamais connu qu'à travers des compilations de folkloristes. Ici, en Languedoc et en Catalogne, à côté des musiques, des danses, des jeux les plus actuels, le jeu carnavalesque, loin de toute représentation pour touristes, est au coeur de la fête et les travaux les plus récents, conduits par des chercheurs autochtones, donnent à voir dans leur corporéité présente quelques-unes des très anciennes figures que Claude Gaignebet tente de révéler dans Le Carnaval, Paris, Payot, 1974. Les clichés sont de Jean-Pierre Piniès. Ils sont extraits de dossiers d'enquêtes menées depuis 1968 et auxquelles ont participé Ch. Camberoque, Claude Costes, Claudine Fabre, Daniel Fabre, Jacques Lacroix, Jacques Marrot et Gérard Salvaire.
1. Le très'justement célèbre Carnaval de Romans d'E. Le Roy Ladurie n'échappe pas à cette perspective-réductrice selon Gaignebet. L'inversion est surtout vue mais ce roi de l'arquebuse vêtu d'une peau d'ours qui est au centre de la fête, suscite d'autres significations « positives ». Paysans de Languedoc, éd. abrégée, 1969, pp. 223-230.
2. Gaignebet cite très peu, aussi les rappellerons-nous : Van Gennep, A., Manuel de Folklore Français Contemporain. Cycle de Carnaval-Carême-Pàques, Paris, 1947 ;Google Scholar Amades, J., Costumari Catala, t. I et II en partie, Barcelone, 1950 et ss. ;Google Scholar Toschi, P., Le origini del Teatro Italiano, Turin, 1955 ;Google Scholar Caro Baroja, J., El Carnaval, Madrid, 1965.Google Scholar
3. Hubert, H., Les Celtes depuis l'époque de la Tène…, Paris, rééd. 1974, pp. 257–259, 268- 269 ;Google Scholar Duval, P.-M., « Observations sur le calendrier de Coligny », Études Celtiques, vol. XI, 1966-1967.Google Scholar
4. Une formule de prévision du temps d'après la situation hebdomadaire de Noël se trouve dans Recettes médicales… du XVesiècle en langue vulgaire des Pyrénées, éd. C. Brunel, Toulouse, 1956, pp. 43-44. L'analyse des jours fastes et néfastes devrait aussi faire partie de cette recherche.
5. Il faut citer ici trois œuvres importantes de Saintyves, P., Essais de mythologie chrétienne -, les saints successeurs des dieux, Paris, 1907, 416 p. ;Google Scholar Les reliques et les images légendaires, Paris, 1912, 334 p . ; En marge de la Légende Dorée, Paris, 1931, 596 p.
6. Ces quelques notes sont extraites d'un essai en préparation ; Van Gennep fournit, dans son Manuel, t. IV, pp. 459-460, une bibliographie jusqu'en 1937 environ. Il faut compléter par J. Vézian, « Les coutumes relatives à Sainte Agathe dans la région toulousaine », Revue de Folklore Français et de Folklore Colonial, 8e année, n° 4, oct.-déc. 1937, pp. 147-152. J. Amades, op. cit., t. I, pp. 723-738. Interprétation psychanalytique de Geza Roheim, « Saint Agatha and the Tuesday woman », Int. Journal of Psycho-analysis, t. XXVII, 1946, pp. 119-126. De nombreux documents descriptifs pour la zone Pyrénées-Languedoc-Provence ont depuis été mis à jour, le chap. xn de J. Caro Baroja, La Fiesta de Santa Agueda, op. cit., est important.
7. Amades, J., op. cit., p. 737.Google Scholar
8. Benoît, F., « Les cloches de Sainte-Agathe en Provence », R.F.F.F.C., t. VII, n° 3, p. 143.Google Scholar
9. C'est l'interprétation, juste à mon avis, que C. Gaignebet propose de La Tentation. Sur ce thème et son émergence, voir Y. Lacarrière, Les hommes ivres de Dieu, 1960, rééd. 1975, Paris.
10. La permanence encore actuelle du bufali en Languedoc m'a amené à entreprendre une enquête précise sur le sujet ; elle doit réunir une cinquantaine de descriptions détaillées.
11. Sur le sujet, il faut lire G. Dumézil, Le problème des centaures, Paris, 1929 ; J. Baumel, Le masque-cheval, préf. d'A. Van Gennep, Toulouse, 1955.
12. Delarue, P. et Tenèze, M.-L., Le conte populaire français, t. II, Paris, 1964, pp. 414–433.Google Scholar Une version enregistrée en 1969 se trouve dans D. Fabre et J. Lacroix, La tradition orale du conte occitan, t. II, pp. 25-30 ; Le conte de la faveta, P.U.F., 1975.
13. Bibliographie et références dans Fabre, D., Jean de l'Ours, Toulouse, 1969.Google Scholar
14. La thèse du carnaval–retour des morts, est développée par Varagnac, A., Civilisation traditionnelle et Genres de Vie, Paris, 1948, chap. iii.Google Scholar
15. Très abondante bibliographie sur la Chasse Sauvage dans A. Van Gennep; Manuel de Folklore Français, t. IV, pp. 632-642. Un dossier récent sur le sujet dans Nouvelle École, n° 16 : « La chasse sauvage, mythe exemplaire » par J. Mourreau.
16. Bakhtine, M., L'œuvre de François Rabelais, Paris, 1969, p. 315.Google Scholar
17. Polain, E., il était une fois… contes populaires entendus en français à Liège, Liège-Paris, 1942, conte n° 11 (Jean de l'Ours).Google Scholar
18. La thèse en cours de rédaction de Claudine Fabre, La Fête du cochon en Languedoc, fournit de nombreux éléments d'interprétation. L'analyse du lexique est possible à partir des atlas linguistiques et de l'énorme enquête de J.-L. Fossat partiellement exploitée dans La formation du vocabulaire gascon de la boucherie et de la charcuterie. Essai de lexicologie historique et descriptive, Toulouse, imp. Ménard, 1971.
19. Sur ce démembrement et son interprétation (démembrement symbolique du Christ, du Carnaval), voir l'article C. Fabre et D. Fabre, « Le Testament du Cochon », sous presse.
20. L'ethnoscience en général et les ethnobotanistes en particulier sont confrontés à ce problème. Citons aussi J.-L. Fossat, op. cit., pour le lexique des viandes ; Larzac, J., Ensag subre lo vocabulari de la folia, Obradors, Montpellier, 1974 ;Google Scholar Lefebvre, Y., Les fols et la folie, Paris, 1968 Google Scholar, pour l'analyse du champ sémantique de la folie en occitan et en moyen-allemand.
21. Éd. Georg, Genève, p. 53.
22. Citons outre le monumental travail de J. Amades, déjà mentionné, les recherches bien connues de B. Collier et V. Alford et surtout les deux thèses de Dinguirard, J.-C., Ethnolinguistique d'une vallée commingeoise (Toulouse, 1975)Google Scholar, et X. Ravier, Mythologie pyrénéenne. La dernière, en particulier, met à jour un complexe de récits mythiques carnavalesque au sens large, ignoré jusqu'à ce jour. Un travail du type de celui que nous indiquons permettra aussi de cerner le thème du chevauchement (ou de la non-adéquation) des limites linguistiques et culturelles.