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Les communautés monastiques remplissaient deux fonctions religieuses vitales pour l'ensemble de la société des xie et xiie siècles. D'une part, les religieux priaient pour le salut et pour le bien-être de la population locale, en particulier pour leurs donateurs et bienfaiteurs. Être mentionné dans les prières des religieux pendant sa vie et après sa mort était fondamental pour une population obsédée par l'insécurité de la vie d'ici-bas et par l'incertitude de l'au-delà. D'autre part, par l'office divin, la messe et le culte des saints dont les reliques étaient honorées dans l'église de la communauté, le clergé régulier accomplissait les actes susceptibles d'entretenir la bienveillance de ces puissances spirituelles à l'égard de la société humaine.
In the eleventh and twelfth centuries many monastic communities employed ritual humiliation of relies in order to pressure adversaries. These rituals established physically and liturgically three interdependent structures: inversion of the proper hierarchy between God and man; interdiction of access to cult objects; and punishment of saints for having failed to protect their communities. Analysis of actual uses of the ritual indicates that it effectively focused public opinion on the crisis created by the dispute and subséquent mistreatment of the saints, and in all cases the dispute was settled through third party arbitration. The ritual physically resembles popular beatings of relies by peasants undertaken to gain saints ' protection. The practice was condemned by the Second Council of Lyons (1274) in the context of forbidding arbitrary cessation ofliturgy and of requiring the use of legal, hierarchical channels to obtain justice.
- Type
- Les Domaines de l' Histoire
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1979
References
1. Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux départements d'histoire et de religion, ainsi qu'au Comité de sciences sociales de l' Université de Washington avec les membres desquels j'ai discuté une première ébauche de cet article.
2. Lester Little, K., « Formules monastiques de malédiction aux ixe et xe siècles », Revue Mabillon, LVIII, 1975, pp. 377-399 Google Scholar. Et ici même, pp. 43-60.
3. Presque toutes les discussions récentes sur l'humiliation des reliques se sont basées sur la collection d'exemples de cette pratique publiée par Du Cange dans son article « Reliquiae », Glossarium mediae et infimae Laiinitatis V, Paris, 1845, p. 690, cols. 1-3. La brève discussion sur ce sujet dans Les reliques des saints. Formation coutumière d'un droit de Nicole Herrmann-Mascard, Paris, 1975, pp. 226-228, ne va pas plus loin que l'article de Du Cange.
4. « Pride cornes before avarice: social change and the vices in latin Christendom », American historical review, vol. 76, 1971, pp. 16-49.
5. Bruno Albers (éd.), Consuetudines monasticae, I, Stuttgart-Vienne, 1900; II, Xxxvii, « Pro adversia preces faciendam », pp. 172-173. La véritable origine de ces Consuetudines a été démontrée par Ildefonse Schuster, dans « L'abbaye de Farfa et sa restauration au xie siècle sous Hugues Ier », Revue bénédictine, vol. 24, 1907, pp. 17-35, 374-402, en particulier pp. 374-385.
6. Ed. Martène, De antiquis ecclesiae ritibus, III, Rouen, 1702, pp. 431 -432; 2e éd. II, Anvers, 1737, cols. 898-899.
7. Les prières de la clameur, les psaumes et les collectes ressemblent étroitement à celles que le professeur Little a trouvées dans la liturgie de la malédiction (” Formules », en particulier pp. 378-380). La collecte Hostium nostrorum apparaît dans le missel romain parmi les prières contre les persécuteurs et les prières des temps de guerre. Bruylants, P., Les oraisons du missel romain, II, Orationum textus et usus juxta fontes, Louvain, 1952, n° 628, p. 174.Google Scholar
8. Leroquais, V., dans Les sacramentaires et les missels manuscrits des bibliothèques publiques de France, 4 volumes, Paris, 1924 Google Scholar, dénombre onze manuscrits contenant des clameurs commençant in spiritu humilitatis. La plus ancienne se trouve dans un sacramentaire de Saint- Martin de Tours du xe siècle, B. N., nouv. acq. lat. 1 589, et c'est le texte qu'a utilisé Martène dans son édition. Si le manuscrit vient de Saint-Martin, la prière doit avoir été copiée d'un manuscrit de Saint-Maurice de Tours, puisque les saints nommés dans la clameur sont la Vierge et Maurice. D'autres copies anciennes de la clameur ont également été écrites au début, à la fin ou dans le corps de manuscrits antérieurs, comme le texte sur le fol. 3v° du Pontifical de Langres (Dijon, Bibl. mun., ms. 122) rajouté au xie siècle. Aux xiie et xiiie siècles, la clameur était fréquemment insérée au milieu des prières en guise de protection contre l'invasion ou pour la Terre sainte, comme à Valenciennes, Bibl. mun., ms. 108, dans un collectionnaire de Saint-Amand du xiie siècle, fol. 50v°; on peut la trouver également parmi les excommunications, comme dans un missel du xiiie de Sainte-Courneille de Compiègne, B. N., ms. latin 17 319, fol. 216. Dans le manuscrit le plus tardif, un missel de Riermont du xve siècle, B. N., ms. latin 14 283, fol. 81r°, la clameur a été placée comme une prière à dire immédiatement après le Fax Domini. Dans cette version, comme dans celle de Sainte-Courneille, aucune place n'est réservée pour l'insertion du nom des malfaiteurs, et la prière semble être une partie régulière de l'ordinaire plutôt qu'une invocation spéciale en période de difficulté. Peut-être ce changement résulte-t-il de la condamnation de l'humiliation à l'époque du Moyen Age tardif.
9. Consuetudines monasticae, I, II, xi, p. 149.
10. Comme par exemple dans Raban Maur, De Universo, XXII, 19, PI, CXI, col. 518: « Spina vero est omne peccatum, quia dum trahit delectationem quasi pungendo lacérât mentem. » Au sujet des psaumes prosternés, voir par exemple les Décréta Lanfranci, éd. David Knowles, The monastic constitutions of Lanfranc, Londres, 1931, pp. 19-20.
11. Mabillon, qui a publié un récit partiel de cet événement dans Aassosb, IV, p. 108, le date incorrectement en 997, donc du vivant de Foulques III Nera et de l'évêque Rainaldus d' Angers (973-1010). Mabille, dans La pancarte noire de Saint-Martin de Tours, Paris, 1866, p. 206, indique que le magister scholarum Secardus mentionné dans ce récit apparaît également dans un diplôme de Louis VI daté de 1119. Le texte complet du récit de l'humiliation se trouve dans B. N., coll. Baluze T 76, fol. 257, et dans coll. Dom. Housseau, aujourd'hui coll. Touraine et Anjou, 4, 1318, qui avait été copiée ex archivis ecclesiae S. Martini Turonensis. Les portes de l'église étaient fermées jour et nuit, castrensibus etiam non introeuntibus, solis peregrinis patuere.
12. Noter la progression (fig. 1) de la périphérie de la basilique vers la nef et vers le choeur. Sur la relation entre les comtes d' Anjou et Saint-Martin de Tours, voir Chroniques des comtes d' Anjou et des seigneurs d' Amboise, éd. L. Halphen et R. Poupardin, Paris, 1913, passim. Furent enterrés à Saint-Martin de Tours, Enjuger, le fondateur de la famille, ainsi que Foulques le Roux, Foulques le Bon, Geoffroi Grisegonelle, et Maurice. Ainsi, en excluant le comte de l'église, les chanoines l'avaient aussi coupé de ses ancêtres.
13. Lothar Bornscheuer, Miseriae regum. Untersuchungen zum Krisen-und Todesgedanken in den herrschaftstheologischen Vorstellungen der ottonisch-salischen Zeit, Berlin, 1968, pp. 76-93 et en particulier pp. 194-207.
14. B. N., nouv. acq. lat. 1 219, pp. 170-174 (copie du xixe siècle du cartulaire de Saint-Amand, Archives départementales du Nord, 12, H,, fol. 99v°-102). Une copie partielle de la lettre figure dans Martène, Thésaurus, I, pp. 429-433.
15. Un manuscrit de Saint-Amand du xiie siècle, Valenciennes, Bibl. mun., ms. 121, fol. 89r°, contient un ordo Quo modo fit clamor pro tribulatione, qui appelle la communauté à se prosterner et contient quelques psaumes et collectes communs aussi aux liturgies de Tours et de Cluny. Cependant, aucune mention n'est faite de l'humiliation des reliques. A Valenciennes, Bibl. mun. ms. 108, un collectionnaire du xiie siècle qui contient la clameur In spiritu humilitatis, fol. 50 v°, ne donne pas de rubrique décrivant son utilisation ou mentionnant l'humiliation.
16. Comme lorsque Saint-Médard de Soissons humilia ses reliques contre le duc Goscelin de Lorraine pendant une année, RHF, XI, pp. 455-456.
17. Aassosb, I, p. 161.
18. Du Cange, Glossarium, V, 690. Semblablement, un advocatus de Saint-Éloi de Noyon fut convaincu de parvenir à un règlement, après une humiliation, par amicis suis sapienter consultus, B. N., ms. lat. 12 669, vol. 109v°.
19. Ibid.
20. PL, Clxxxvii, col. 1 090.
21. « Zum Reliquienwesen im früheren Mittelalter », Mitteilungen des ôsterreichisches Institut fur Geschichtsforschung, vol. 60, 1952, p. 68.
22. Miracula S. Carilefi ad ipsius sepulchrum facta, Aassosb, I, pp. 650-651.
23. Pour une excellente étude générale de la valeur des miracula et, plus spécifiquement, d'exempla, pour l'étude de la culture populaire, voir Jean-Claude Schmitt, « Jeunes et danse des chevaux de bois. Le folklore méridional dans la littérature des exempta (xiiie-xive siècle) », La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle, Toulouse, Privât, « Cahiers de Fanjeaux », 11, 1976, pp. 127-158.
24. Les miracles de saint Benoît, Paris, E. de Certain, 1858, pp. 282-283.
25. RHF, XI, pp. 455-456.
26. Hefele-Leclercq, , Histoires des conciles, vol. 6, Paris, 1914, can. 17, p. 195 Google Scholar.
27. « Ceterum detestabilem abusum horrendae indevotionis illorum, qui crucis, beatae Virginis aliorumve sanctorum imagines, seu statuas, irreverenti ausu tractantes, eas in aggravationem cessationis huiusmodi prosternunt in terram, urticis spinisque supponunt, penitus reprobantes: aliquid taie de cetera fieri districtius prohibemus. » Ibid.
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