Hostname: page-component-cd9895bd7-gxg78 Total loading time: 0 Render date: 2024-12-25T20:03:39.323Z Has data issue: false hasContentIssue false

État et société en France au XVIIe siècle. La taille en Languedoc et la question de la redistribution sociale

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

William Beik*
Affiliation:
Northern Illinois University

Extract

Un débat concernant la nature de l'État moderne est en cours. Étant donné la longueur de son évolution, sa complexité croissante tant dans sa forme que dans ses fonctions et ses nombreux caractères quantifiables, l'État peut être traité comme une structure de long terme, émergeant de la société, l'influençant, éventuellement la dominant. Mais à quel degré peut-on considérer l'État moderne comme un agent indépendant et quand est-il tout simplement l'expression des besoins d'un certain type de société ? Existe-t-il une contradiction entre un État, organisme analysé encore en termes de centralisation progressive, et une société dont les historiens reconnaissent la grande diversité régionale et un développement plutôt cyclique?.

Summary

Summary

The rise of the French state is often analyzed in terms of its ability to extract taxes from the population, especially in the seventeenth century when figures for the taille become relatively reliable. However these figures, usually drawn from the work of J. R. Mallet, require close scrutiny. Mallet's figures, representing net revenues to the crown, do not tell us how much money was spent by the king in the provinces without ever reaching the treasury or how much was redistributed to local notables, and his figures for the “pays d'états” are incomplete. This article attempts to set the record straight for Languedoc. It establishes the total amount imposed on the province each year form 1628 to 1686 by the Estates, criticizes Mallet on the basis of this information, and analyzes where the money went in 1647 and 1677. It argues for a social interpretation of the relationship between state and society in which the state is viewed as a distributor of wealth to the provincial élites and not merely as a centralizer of resources and power.

Type
Finance et Politique
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1985

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1. Cet article utilise les résultats d'un projet plus large qui sera bientôt publié par Cambridge University Press sous le titre Absolutism and Society in Seventeenth Century France : State Power and Provincial Aristocracy in Languedoc. La recherche dans les sources financières a été subventionnée par l'American Council of Learned Societies. Je remercie aussi le Collège of Libéral Arts and Sciences de Northern Illinois University qui a assumé les frais de traduction.

2. Chaunu, Pierre et Gascon, Richard, Histoire économique et sociale de la France, t. 1/1 : L'État et la ville, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, pp. 9228.Google Scholar

3. Les trois ouvrages de base sont Mallet, J. R., Comptes rendus de l'administration des finances du royaume de France, Londres, 1789 Google Scholar ; François VÉRON de Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de France depuis l'année 1595 jusqu'à l'année 1721, 2 vols, Bâle, 1758 ; Clamageran, Jean-Joseph, Histoire de l'impôt en France, 3 vols, Paris, 1867 Google Scholar, 1876.

4. Chaunu, op. cit., p. 184 ; Clamageran, op. cit., II, pp; 412, 454-455 ; Bonney, Richard, The King's Debts : Finance and Politics in France, 1589-1661, Oxford, 1981, pp. 304 Google Scholar, 311. Les chiffres en cause sont les suivants :

5. Chaunu, op. cit., p. 187 ; Clamageran, op. cit., II, pp. 495, 510 ; Mallet, op. cit., pp. 203-205, 234-235 ; Bonney, op. cit., pp. 304-305. Les chiffres donnés sont :

6. Chaunu, op. cit., p. 187. Le travail de Michel Caillard sur les Nu-Pieds montre que dans la généralité de Caen, 1643 représente aussi le plus haut niveau d'imposition et que les impôts de 1639 étaient inférieurs à ceux de 1638. Michel Caillard, « Recherches sur les soulèvements populaires en Basse-Normandie (1620-1640) », dans A travers la Normandie des XVIie et XVIIIe siècles, Cahiers des Annales de Normandie, n° 39, Caen, 1963, pp. 100-101.

7. Chaunu, op. cit., p. 190.

8. Ibid., pp. 148-150.

9. Chaunu, op. cit., p. 189 ; Clamageran, op. cit., II, p. 541.

10. Les chiffres pour le Languedoc proviennent des recherches décrites plus loin. Clamageran a eu seulement accès aux comptes irréguliers des impôts levés par les divers états provinciaux, et il en usa de manière inconséquente. Ainsi, il affirme que les états du Languedoc ont fourni au roi une aide de 960 000 livres en 1636 et 1 650 000 livres en 1640. Mais la première somme était payable sur trois ans et la seconde était un quartier d'hiver payé aux troupes dans la province et non au roi. Clamageran, II, pp. 493, 515. Sa source principale a été Y Histoire générale de Languedoc, citée plus loin.

11. Chaunu, op. cit., pp. 166, 169.

12. ladurte, Emmanuel le Roy, Les paysans de Languedoc, Paris, 1966, pp. 465485 Google Scholar ; 489- 491.

13. Chaunu remarque par exemple qu'un tiers à un quart du revenu de l'État va au service de la dette en 1588, mais ne demande pas qui a reçu ces paiements d'intérêt élevé, Chaunu, op. cit., p. 175.

14. Guery, Alain, « Les finances de la monarchie française sous l'Ancien Régime », Annales E.S.C., n° 2, 1978, pp. 216239.Google Scholar

15. Collins, James B., « Sur l'histoire fiscale du XVIie siècle : les impôts directs en Champagne entre 1595 et 1635 », avec commentaire de Roger Chartter, Annales E.S.C., n° 2, 1979, pp. 325347.Google Scholar

16. Par exemple, doren, L. S. Van, « War Taxation, Institutional Change and Social Conflict in Provincial France : the Royal Taille in Dauphiné, 1494-1559 », dans Proceedings of the American Philosophical Society, 121, 1977, pp. 9394 Google Scholar ; cité par Knecht, R. J. ; Francis I, Cambridge, 1982, p. 122 Google Scholar ; Buisseret, David, Sully and the Growth of Centralized Government in France, 1598-1610, Londres, 1968, p. 76 Google Scholar ; et Wolfe, Martin, The Fiscal System of Renaissance France, New Haven, 1972, pp. 207213 Google Scholar. Cependant ces discussions concernent toutes la période précédant Louis Xiii qui n'est pas couverte par les chiffres de Mallet.

17. Richard Bonney, op. cit. Une autre discussion récente de ce problème se trouve dans Lubllnskaya, A. D., La France au temps de Richelieu : l'absolutisme français, 1630-1642 (en russe), Leningrad, 1982.Google Scholar

18. Bonney, op. cit., pp. 297-303.

19. Bonney, op. cit., pp. 310-311.

20. Mallet, op. cit., pp. 211-216. Tant au revenu net qu'au revenu brut, Mallet exclut de ses chiffres les 2 000 000 livres qu'il attribue aux parties casuelles pour 1640, bien qu'il inclue cette somme pour le revenu brut, p. 216, ce qui le monte à 78 268 359 livres.

21. B.N., ms. fr. nouv. acq. 173.

22. Il est important de ne pas confondre revenu brut et revenu net après 1661, comme le fait Bonney dans le graphique de la page 173 de son livre Political Change in France under Richelieu andMazarin, 1624-1661, Oxford, 1978.

23. Mallet, op. cit., pp. 280-285 ; 308-313. Je ne suis pas sûr de l'origine des « charges » que Mallet soustrait du don gratuit payable à la couronne, mais de toutes façons, elles sont assez petites. Elles représentent probablement les frais de collecte du trésorier de la bourse.

24. L'équivalent était un impôt indirect sur la viande, le poisson frais et le vin vendu au détail, affermé par les états.

25. Ce sujet commence à être étudié pour diverses provinces. En supplément au livre classique d' Esmondj, Edmond, La taille en Normandie au temps de Colbert, 1661-1683, Paris, 1913 Google Scholar, qui, toutefois, ne traite pas de la première moitié du XVIIe siècle, il existe diverses études en cours qui n'abordent pas la période de Louis Xiv. Daniel Hickey a complété un manuscrit, « Dauphiné : the Taille Controversy, Social Structures, and Absolutism 1540-1640 » ; et Llewain Scott VAN Doren a publié des parties de son étude sur le Dauphiné : « War Taxation, Institutional Change, and Social Conflict in Provincial France », citée plus haut en n. 16 et « Civil War Taxation and the Foundations of Fiscal Absolutism : the Royal Taille in Dauphiné, 1560-1610 », dans Proceedings ofthe Third AnnualMeeting ofthe Western Society for French History, déc. 4-6,1975, pp. 35-53. James B. Collins a achevé un manuscrit, « The Sinews of the State : Taxation in Early Seventeenth Century France ». Albert Hamscher travaille sur les frais de justice en tant que charges pesant sur les revenus locaux des généralités de France 1670-1789.

26. En plus de Dom Devic, Claude et Vaissete, Dom J., Histoire générale de Languedoc, tome 11, 1443-1643, Toulouse, 1889 Google Scholar, et tome 13, 1643-1790 par Ernest Roschach, Toulouse, 1876, il y a peu d'ouvrages sur les états de Languedoc : Gachon, Paul, Les états de Languedoc et l'édit de Béziers, 1632, Paris, 1887 Google Scholar ; Monin, Henri, Essai sur l'histoire administrative de Languedoc pendant l'intendance de Basville 1685-1719, Paris, 1884 Google Scholar ; et Trouvé, Baron, Essai historique sur les états généraux de la province de Languedoc, Paris, 1818 Google Scholar. Voir aussi Bonney, Political Change, pp. 344-383 ; et FRÊChe, Georges, « Compoix, propriété foncière, fiscalité et démographie historique en pays de taille réelle, XVIe-xVIIIesiècles », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 18, 1971, pp. 337348.Google Scholar

27. FRÊChe, Georges, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au Siècle des lumières vers 1670- 1789, Paris, 1974, pp. 495501 Google Scholar. Les parts de chaque diocèse sont cataloguées dans l'ouvrage de Basville, Nicolas de Lamoignon de, Mémoires pour servir à l'histoire de Languedoc, Amsterdam, 1736, p. 166.Google Scholar

28. Diocèse de Toulouse : Archives départementales de la Haute-Garonne, C 988-990 ; diocèse de Castres : FRÊChe, Toulouse, pp. 517-518 ; ville de Toulouse : Arch. Mun. CC 2060-2149 ; ville de Montpellier : leRoy Ladurie, Paysans, p. 869 et Archives de la ville de Montpellier, inventaires et documents, tome 9, Montpellier, 1939, pp. 149-174 ; ville de Nîmes : Arch. Mun. NN 11-17.

29. Archives Mun., Toulouse CC 1528, 1532, 1540, BB 30-40 ; Arch. Mun. Nîmes OO 58, RR 11-17, LL 21, 49, NN 11-17.

30. Archives départementales de la Haute-Garonne, C 988 à C 990. Les procès-verbaux des états fournissent davantage de détails et une confirmation : Archives départementales de la Haute- Garonne C 2301 à C 2339, de même que les comptes des syndics généraux : A. D. Hérault, C 8290-8292, 8308, 8312-8314.

31. Cette méthode n'est pas sans faille. Si pour quelque raison un impôt n'était pas imposé dans le diocèse de Toulouse, ou était totalement supprimé par l'administration diocésaine, il pouvait être omis. Il y a aussi le problème de l'interprétation des subventions à buts militaires qui étaient imposées par les intendants ou le commandement militaire, mais jamais accordées en session régulière des états. De telles levées ont été imposées dans plusieurs diocèses entre 1636 et 1642 avant la ratification des étapes et quartiers d'hiver par les états. Cependant même ces levées extraordinaires étaient incluses dans les comptes de l'assiette de Toulouse, souvent comme part du diocèse à l'ensemble de ce que payait la province entière. Dans de tels cas, j'ai simplement additionné les sommes extraordinaires aux totaux provinciaux pour l'année considérée. Les impositions extraordinaires étaient habituellement discutées aux états, et les subventions militaires étaient bien réglementées après 1640. Il semble probable par conséquent que presque tous les impôts directs de la province entière soient inclus.

32. Sur ce sujet, Bonney, Political Change, pp. 214-237.

33. Mallet, op. cit., pp. 212, 268-273. Les chiffres de Vauban sont tirés de Goubert, Pierre, L'Ancien Régime, tome I, Paris, 1969, p. 48 Google Scholar. On a ainsi :

Bien évidemment les chiffres de population de Vauban sont sujets à critique et les totaux seraient bien différents dans les années précédentes.

34. Gachon, op. cit., pp. 264-265 ; analyse pp. 262-273. Roland Mousnier reprend les conclusions de Gachon dans Les institutions de la France sous la monarchie absolue, tome 1, Paris, 1974, p. 483.

35. Bonney, Political Change, pp. 381, 443.

36. Chaunu, Histoire économique, p. 47 ; Goubert, L'Ancien Régime, II, pp. 136-137.

37. Ces généralisations sont basées sur une étude minutieuse des procès-verbaux des états, de la correspondance entre les agents royaux et les ministres à Paris, et d'autres sources narratives.

38. E. Le Roy Ladurie situe le commencement du tour de vis fiscal dans les années 1620, mais il reconnaît le plus grand saut de 1628-1633. La série fiscale de la ville de Montpellier reflète très bien des tendances plus longues, mais est sujette aux petites distorsions discutées ci-dessus, particulièrement pour les coûts sur place des guerres de religion. leRoy Ladurie, Paysans, pp. 426, 481- 482. On notera son rappel de l'augmentation des gabelles et des impôts indirects au même moment.

39. Les montants d'impôts sont cités pour les années où ils ont été levés, les résolutions des états pour les années où elles ont été votées.

40. Sur ces troubles, leRoy Ladurie, Paysans, pp. 495-498 ; Beik, William, « Magistrates and Popular Uprisings in France before the Fronde : the Case of Toulouse », Journal of Modem History, 46, 1974, pp. 585608 Google Scholar ; Beik, W., « Two Intendants face a Popular Revolt : Social Unrest and the Structure of Absolutism in 1645 », Canadian Journal of History, 9, 1974, pp. 243262.Google Scholar

41. En supplément aux procès-verbaux des états et aux comptes du diocèse de Toulouse, cités plus haut, voir « L'état des finances » de 1677, B.N. Mélanges Colbert 243 ; « État de la gabelle » pour 1677 et 1678 : A. N. H. 748 252, 79 et B. N. Mél. Colbert 253 ; « État du domaine, 1675 et 1677 » : B. N. Mél. Colbert 248, 316-336, A. N. H. 748 252, 135 ; taillon, 1677 : A. N. 748252, 71 ; papiers de Joubert, syndic-général des états : A. N. 748208, 237-238 ; augmentations des gages, 1677 : B. N. Mél. Colbert 250, 301. Un budget similaire pour 1686 est analysé en détail dans Monin, Essai, pp. 58-63. La distribution pour 1647 provient de « l'état des finances » de 1647 : B. N. ms. fr. nouv. acq. 173.

42. Pour être plus précis, les impôts directs consistent en 4 719 957 livres imposées sur la province par les états, 115 839 livres transférées aux états par le roi des fonds des gabelles pour le canal des Deux-Mers, 385 137 livres ajoutées (somme hypothétique) par les assiettes et 30 000 livres ajoutées (approximativement) par les sénéchaussées, formant ensemble un total de 5 250 933 livres. Les impôts « mixtes » commencent avec cette même somme à laquelle s'ajoutent les 2 635 127 livres des gabelles de Languedoc (n'incluant pas les sommes déjà transférées plus haut), 315 000 livres de revenu de la ferme de l'équivalent et 26 106 livres de revenu du domaine royal en Languedoc, formant un total de 8 227 166 livres.

43. Ce chiffre de gabelle de Mallet semble être exact. Il donne 2 757 666 livres de revenu brut pour les gabelles de Languedoc en 1677 et 1 644 736 pour leur revenu net. L'état de la gabelle (A. N. H. 748 252, 79) a le même chiffre brut, avec 1 482 490 au net, Mallet, op. cit., pp. 257, 321, 333.