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Dieu par décret: Les écritures d'un prophète africain

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Julien Bonhomme*
Affiliation:
Musée du quai Branly/Université Lyon 2

Résumé

Cet article s’intéresse à d’étranges graffitis qui couvrent les murs de Libreville (Gabon). Leur scripteur, André Ondo Mba, est un personnage excentrique, prophete autoproclamé qui prétend accomplir la création divine à travers ses écritures publiques. Ses graffitis manifestent, sous une forme excessive, une idéologie de l’écriture dont l’origine est à chercher dans la situation coloniale, notamment dans les deux pivots du pouvoir colonial que sont la mission et l’administration. Situés au croisement du document officiel et des Écritures saintes, les graffitis d’Ondo Mba possedent en outre une forte charge contestataire : ils défient les autorités en place. Toute la question est alors de savoir si Ondo Mba parvient à faire entendre son message. L’article s’intéresse ainsi à la réception des graffitis. Aussi extravagante soit-elle, la mythologie personnelle d’Ondo Mba fait appel a un imaginaire, notamment politico-religieux, qui trouve en réalité de nombreux échos dans la société gabonaise contemporaine.

Abstract

Abstract

This article deals with odd graffiti covering the public walls of Libreville (Gabon). Their writer, André Ondo Mba, is an eccentric character, a self–proclaimed prophet who claims to perform the divine creation through his public writings. His graffiti reveal, in an excessive manner, an ideology of writing that finds its origin in the colonial situation and its two main pillars, the mission and the administration: they are indeed Holy Scriptures and official documents at the same time. Ondo Mba's graffiti are also protest writings: they challenge the authorities. But does Ondo Mba succeed in communicating his message to the public? In order to answer this question, the article examines the readers’ reception of the graffiti. Ondo Mba's personal mythology, though extravagant, resorts to a political and religious imagination which finds in fact many echoes in postcolonial Gabon.

Type
Écriture de soi, écrits publics
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2009

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References

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13- Le Melan est un rite de passage masculin lié au Byéri, le culte des ancetres. L’initiation repose sur l’ingestion d’alan (Alchornea floribunda), un psychotrope végétal qui permet d’avoir des visions grâce auxquelles le néophyte peut aller au village de ses ancetres.

14- Le Mbiri (litt. « esprits ») est un rite initiatique de guérison reposant sur l’ingestion d’iboga (Tabernanthe iboga), un psychotrope végétal qui permet d’avoir des visions grâce auxquelles l’initié peut découvrir l’origine de son mal.

15- S’il souffre manifestement d’une psychose, il est difficile de trancher entre une schizophrénie paranoide tardive, une paraphrénie, une psychose hallucinatoire chronique ou même une psychose paranoïaque. La précarité et les divergences des nosologies limitent de toute façon l’intérït d’un tel exercice diagnostic.

16- Ntsime désigne la planche de bois en fang.

17- Pour transcrire les écrits d’Ondo Mba, j’adopte la convention suivante : ses graffitis sont en capitale, les extraits de ses carnets intimes, en italique, les extraits de nos carnets ethnographiques, en romain.

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21- L’« esprit » (nsisim en fang) désigne d’abord un double optique : l’ombre ou le reflet.

22- C’est pourquoi Ondo Mba accorde une bien plus grande valeur à ses graffitis qu’à ses cahiers, qu’il néglige au bout de quelques années, si bien que ses fils, excédés par cette accumulation de paperasse délirante, s’en débarrassent à sa place.

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45- Il est notable que le terme pour désigner les Blancs dans les langues du Gabon (mintangen en fang) pourrait signifier étymologiquement « celui qui compte ». La comptabilité est donc typiquement une affaire de Blanc.

46- Cette liste ésotérique laisse deviner son procédé de composition. Chaque sigle reprend les initiales du titre qui suit (sur le modele, courant au Gabon, de l’abréviation des titres officiels) : GPIH pour Gardien de Prison, CHIH pour surveillant-CHef, GIH pour Greffier comptable, HIV pour Homme de Dieu (HV et VIH font exception). Ce jeu d’acronymes suscite en outre des connotations additionnelles : ainsi VIH/HIV qui évoque le sida.

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