Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
Sur le pourtour de la Méditerranée, les conquêtes réalisées par la viticulture au cours de l'Antiquité classique avaient été effectuées en fonction des besoins croissants des grandes villes phéniciennes, grecques et romaines. Elles ne furent pas définitives. Le déclin de l'Empire romain d'Occident et de ses grandes villes eut pour conséquence une très nette régression de la viticulture. L'hostilité que manifesta l'Islam dès le début de son expansion à l'égard de la vigne remit en question tout l'aspect viticole de la civilisation rurale dans les pays méditerranéens. En condamnant les boissons fermentées, la religion musulmane vouait à la ruine les vignobles du Proche-Orient, de l'Afrique du Nord, de l'Espagne du Sud et de l'Italie du Sud.
page 316 note 1 R. Dion, Grands traits d'une géographie viticole de la France, dans Revue d'Histoire de la Philosophie et d'Histoire Générale de la Civilisation, 1944.
page 316 note 2 R. Dion, Grands traits d'une géographie…, art. cité.
page 316 note 3 Il importe du reste de noter que, sans paradoxe, on pourrait soutenir qu'il ne faut pas aux vignobles des grands crus un climat trop également favorable. Si les ceps poussent et fructifient à Penvi, ils donnent un vin abondant mais de qualité seulement moyenne et sans caractère ; si au contraire, la vigne produit peu et si elle souffre à produire, sous un climat qui lui convient tout juste, le vin aura plus de finesse et les qualités particulières du terroir se retrouveront dans son bouquet. Que la maturation puisse arriver à bon terme et le raisin aura gagné à élaborer lentement son sucre : le vin aura plus de corps au lieu de rester plat comme dans les pays de grosse production. Les qualités d'un grand vin ne peuvent se développer que par le vieillissement ; encore faut-il que ce vin puisse supporter les trois années de fût nécessaires à son « dépouillement », qu'il soit vigoureux et « bien pris », comme disent les maîtres de chai, qu'il soit riche en alcool et en éthers, qu'il porte en lui sa « noblesse » au sortir des cuves de fermentation. Ces qualités initiales des vins de cru n'apparaissent d'ailleurs que dans les bonnes années, et il faut, de mai à octobre, la complicité d'une heureuse succession de types de temps chauds et secs pour garantir un millésime supérieur. Nous ne sommes donc pas en présence d'un déterminisme géographique à rebours, les plus grands vins apparaissant à l'extrême limite du domaine écologique de la vigne, puisqu'il faut que le climat s'apparente de très près au type moyen de la Méditerranée pour que l'année viticole soit bonne dans les vignobles extra-méditerranéens.
page 318 note 1 Cité dans H. Pirenne, Un grand commerce d'exportation au moyen âge : les fins de France, dans Ann. d'Hist. Écon. et Soc, 1933. — Voir aussi Yves Renouard, Le grand commerce du vin au moyen âge, dans Rev. Histor. de Bordeaux, t. 1,1952, p. 5-18.
page 318 note 2 Boutruche, R., La crise d'une société. Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la guerre de Cent ans, Paris, 1947, livre I, 596 Google Scholar pages. — De même en Aunis et en Saintonge, à Oléron et à Ré, le vin exporté vers le Nord fut appelé par les Dantzicois du « vin de La Rochelle » (de Ritsel), parce que les Rochelais furent les organisateurs de la production et du commerce des vins charentais.
page 319 note 1 D'où l'importance des vignobles le long de 1? Loire navigable, du Sancerrois à Nantes (voir Dion, R., Le Val de Loire, Tours, 1934 Google Scholar). — Les vignobles de Haute et Basse-Bourgogne ont connu eux aussi, dès le moyen âge, une grande fortune, parce qu'ils pouvaient exporter leurs vins vers les grandes villes de Lyon, de Dijon et de Paris, voire, par la Seine, vers les pays du Nord. Bien qu'il soit très difficile d'évaluer la récolte moyenne antérieurement au xvme siècle, il ne semble pas que la Bourgogne ait produit des quantités de vin comparables à celles qui s'exportaient par Bordeaux.
page 320 note 1 Pour Bordeaux, voir Th. Malvezin, Histoire du commerce de Bordeaux, 1.1 et II, Bordeaux, 1892 ; — et Francisque Michel, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, 2 vol., Bordeaux, 1867. On pourra peut-être objecter que la littérature médiévale n'a pas eu autant de crédit que les oeuvres de Virgile et d'Horace et que les vins du moyen âge ont été desservis par les auteurs. On buvait ferme au moyen âge et on chantait le vin au temps de Villon.
page 320 note 2 Riol, J., Le (ignoble de Gaillac, Paris, 1910 Google Scholar.
page 321 note 1 Il était courant de vendre le vin « sur lie », c'est-à-dire sans aucun soutirage. — On sait que les vins nouveaux se ressemblent tous et que les qualités propres à chaque cru n'apparaissent qu'à la suite des nombreux soutirages (de douze à quatorze en trois ans pour un Saint-Ëmilion), que comporte la préparation d'un vin vieux. Cette technique n'ayant pas encore été mise au point, on n'avait pas de vins de qualité, parce qu'on n'avait pas des vins soutirés.
page 322 note 1 En 1662, il est intersdit à Bordeaux de fabriquer de la bière, cette boisson étant susceptible de diminuer le débit du vin.
page 322 note 1 Jean Ëon, Le commerce honorable, Nantes, 1646, p. 28.
page 323 note 1 H. Enjalbert, Le commerce de Bordeaux et la vie économique du Bassin aquitain au XVIIe siècle, dans Annales du Midi, 1950.
page 323 note 2 Jean ÉON, Le commerce honorable, ouvr. cité, p. 109, p. 119.
page 323 note 3 Jean ÉON (ouvr. cité) précise : « Les Hollandais ont introduit en France un certain usage de tirer, soutirer, muetter ou frelater les vins pour les mieux conserver dans le transport et les débiter dans les pays septentrionaux» (p. 90).
page 324 note 1 L'expression « vin muscat » ne correspond d'ailleurs pas à un type unique, mais désigne tous les vins préparés avec des raisins dont le parfum plus ou moins musqué reste sensible dans le vin. Ces vins muscats étaient bien connus dans le Midi languedocien. Jean Racine a dû les apprécier pendant son séjour à Uzès ; il en fait offrir un demi-quartaut au juge Dandin parChicaneau dans Les Plaideurs. Les Hollandais les trouvaient aussi à leur goût pour préparer les mistelles. Ils en firent transiter par Bordeaux de grandes quantités, qu'ils exportaient vers les pays du .Nord après les avoir fortement mutés et épicés.
page 325 note 1 En 1617, chez le notaire Goussan à La Rochelle, on trouve trace de deux ventes de 110 et de 100 barriques d'eau-de-vie. C'est en 1643 qu'est fondée à Cognac la plus ancienne maison d'exportation d'eau-de-vie, la maison Augier ; c'est en 1640 qu'apparaît à La Rochelle le premier impôt sur les eaux-de-vie, dit « droit de barrage » de 10 sols par muid d'eau-de-vie. (Ravaz et Vivier, Le pays de Cognac, p. 240.)
page 325 note 2 On peut saisir un aspect de cette prépondérance hollandaise dans le commerce des eauxde- vie à travers l'histoire du vocabulaire. Le terme hollandais qui signifie eau-de-vie, brandwijns, se répand dans toute l'Europe au xvne siècle et s'impose même en France, dans les ports et jusqu'à Paris, où son emploi est noté par Savary (Dictionnaire du commerce). S'il ne supplanta pas le mot français eau-de-vie, c'est qu'à la fin du xvnr3 siècle le mot « cognac » remplaça à son tour « brandevin ».
page 325 note 3 Jean ËON, Le commerce honorable, ouvr. cité, p. 206 : « Ils ont absolue nécessité de nos eauxde- vie, principalement pour se maintenir contre les excessives chaleurs de la zone torride qui causent ordinairement une certaine examination et défaillance aux personnes qu'on y envoie de notre zone tempérée, ce qui faisait périr la plupart des soldats et mariniers jusqu'à ce que l'expérience ait fait connaître que l'usage de l'eau-de-vie était un souverain remède à ce mal. »
page 325 note 4 Les privilèges de Bordeaux furent rétablis par la suite, mais la nouvelle fiscalité royale les rendait assez illusoires.
page 326 note 1 Jean ËON (ouvr. cité, p. 205) nous dit en 1646 : « Les vins d'Espagne ne sont guère bons pour l'usage (après avoir navigué) ni si propres que les nôtres pour faire des eaux-de-vie dont on a si grand besoin pour la navigation. »
page 326 note 2 Le grand amateur de vins qu'est l'Anglais Samuel Pepys a dans sa cave, en juillet 1665, outre deux tiersons de vin de Bordeaux, deux feuillettes de vin des Canaries, un tonneau d'Alicante et un tonneau de Malaga. Il a aussi un tonneau plus petit de « vin d'Espagne » : peut-être s'agit-il de Xérès ( Pepys, , Journal, Paris, N. R. F., t. II, p. 34 Google Scholar).
page 326 note 3 Les chiffres cités sont extraits des Anaïs de l'Institut du Vin de Porto, t. II et V (1942-1944) et de Th. Malvezin, Histoire du commerce de Bordeaux, ouvr. cité, t. II et III.
page 326 note 4 Les chiffres que nous possédons en ce qui concerne les importations anglaises de 1692 sont à ce sujet caractéristiques : 25 900 barriques de vin viennent du Portugal (presque toutes de Porto), 28 000 viennent d'Espagne et 450 a'ftalie. Il n'en vient pas de France. Les vins français de La Rochelle et de Bordeaux sont remplacés par des vins de Xérès et de Porto.
page 327 note 1 H. Enjalbert, Le commerce de Bordeaux…, art. cité.
page 327 note 2 La ville de Porto tirait ses vins forts de l'arrière-pays douriense où les banlieues viticoles de quelques petites villes, Lamego, Villa Real et le pays de Baixa Corgo sur le Douro, autour de Regua, avaient quelques excédents de vins. La production encore faible allait être vivement stimulée par les achats des puissances maritimes.
page 328 note 1 H. Enjalbert, L'Alto Douro, dans Les Cahiers d'Oulre-Mer, 1949.