Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Quelles ont été les attitudes des hommes d'église à l'égard de tous les personnages — jongleurs, mimes, saltimbanques, charlatans, dresseurs d'animaux, danseurs, bouffons, acrobates, écuyers — qui occupaient dans la société médiévale l'espace du jeu et du spectacle ?
Pour répondre à cette question, nous avons limité notre étude aux xiie et xiiie siècles. Car c'est le moment où l'affrontement entre culture cléricale et monde laïc est le plus vif : pression permanente d'une culture populaire jamais étouffée, émergence d'une culture urbaine, choc violent des hérésies. Les intellectuels (les clercs) se trouvent alors confrontés à la nécessité de renforcer ou de réorganiser, selon les cas, l'idéologie qui permettait de penser la réalité et de régler la vie des hommes. L'image du jongleur, situé tout au bas de l'échelle sociale dans le monde laïc, devient dans les textes des clercs la pierre de touche de l'ancien et du nouveau système de représentations.
The image of the jester elaborated by the priests in the XIIth and XIIIth centuries was that of a social figure placed outside the societas christiana. A number of charges are levelled at the jester : his improper and excessive use of speech and body, his vagrancy and his being socially useless and dangerous. Moreover histriones, mimi, joculatores are confined in a space at once real and symbolic, peopled by marginal and dangerous figures : prostitutes, charlatans of every kind, animais and demons. Often, the condemnation of the jester becomes the condemnation of his public too. While on the one hand these charges desmonstrate the marginal character of the jesters, on the other, they are used as a negative pattern, which shapes the figure and conduct of churchmen in particular. This hostile attitude undergoes a partial change with the rise of the Mendicant Orders. Franciscans and Dominicans, who enjoy a doser contact with the jesters, minstrels, buffoons because of their apostolic engagement, are led to face them in a more realistic fashion. This is the beginning of a revaluation of the jesters figure, which eventually leads to his reintegration into society (St Thomas). Furthermore, it is possible to observe, in the Franciscan milieu, a more ambiguous process, both imitative and competitive : when Franciscan preachers adopt the jester's techniques (St Francis, Roger Bacon), their impact on the audience in the public squares becomes more dramatic.
1 Plusieurs personnages font partie de l'univers de la jonglerie. Cuonrad, chantre de l'église de Zurich, en donne une longue énumération, très significative : « Preterea ex omni natione, professione, conditione que sub celo est ad curias principum confluunt et concurrunt... pauperes, débiles, ceci, ciaudi, manci, loripedes, vel alias corpore deformati, kalones, joculatores, saltatores,fidicines, tibicines, lyricines, tubicines, cornicines, hystriones, gesliculatores, nebulones, parasiti, umbre, mensiuagi, scurre, rlbaldi, buflardi, adulatores, carciones, proditores, traditores, detractores, susurrones, filii perditions apostate, lotrices, publiée mulieres quasi syrenes usque in exitum dulces. Predicti, et alla vilium hominum gênera, que longum est explicare... » (cité par Faral, E., Les jongleurs en France au Moyen Age, Paris, 1910, p. 323 Google Scholar). Ces personnages ne sont pas spécialisés ; chacun d'eux peut dans le même temps s'acquitter des fonctions spectaculaires des autres : celui qui dresse des animaux, celui qui vend des remèdes, celui qui fait des turpes gestus, celui qui joue d'un instrument et qui chante, celui qui exhibe son corps, etc., peut être la même personne. Pour désigner tous ces personnages, nombreux et indifférenciés, les clercs emploient souvent comme équivalents les termes, génériques et polysémiques, de joculator et hystrio. Nousmêmes avons travaillé sur les textes des clercs et nous employons leur vocabulaire : nous appelons « jongleur » ou « histrion » tous ceux qui appartiennent de quelque façon au monde du spectacle.
2 Dans cette direction, il faut considérer la classification des jongleurs donnée par Thomas de Chobham (Summa Confessorum, Broomheld, F. éd., Analecta Medievalia Namurcensia, 25, 1968, pp. 291 –293 Google Scholar). Cette classification n'est pas, à notre avis, une description, mais une normalisation de l'activité des jongleurs au début du xme siècle. En effet Thomas distingue les jongleurs selon un critère moral, déjà signalé par Faral, cité, p. 70 : il y a les « bons » et les « mauvais » jongleurs. Mais les « bons » jongleurs sont ceux qui ont renoncé à tous les instruments de leur activité, ceux qui pratiquement ne sont plus jongleurs.
3 Thomas de Chobham juge ad nihil utiles les jongleurs qui suivent les déplacements des cours. Un texte anonyme du xme siècle, cité par Faral (cf. p. 290), affirme que les oeuvres des jongleurs « nihil prosunt humanae vitae, sed obsunt ». Voir Aussi Chantre, Pierre Le, Verbum abbreviatum, PL 205, 155 Google Scholar; et Gilles de Corbeil, Hierapigra adpurgandos praelatos, éd. part, dans Vieillard, C, Gilles de Corbeil, essai sur la société médicale et religieuse au XIIIe siècle, Paris, 1909, VI, w . 63-69, p. 380.Google Scholar
4 Parmi les accusations que Pierre le Chantre adresse aux jongleurs, celle de ne pas travailler, a beaucoup d'importance. Contre les « curiosos non laborantes » (Verb. abbr., cité, pp. 153-156) il emploie le célèbre passage de saint Paul : « Si quis non vult operari, nec manducet » (II Thess., III, 10), et la tradition qui le commente. Les récompenses que les histrions obtiennent ne sont donc pas le gain d'un travail, mais le résultat d'une tromperie. Si le spectacle, parce qu'il est fiction, est considéré par le clerc comme une tromperie, l'association acteur/trompeur n'est pas seulement posée sur le plan symbolique; dans les textes on énumère souvent parmi les jongleurs, les charlatans, les simulateurs, les mystificateurs. Sur ce thème (jonglerie/tromperie), même pour les siècles suivants, voir Camporesi, P., II libro dei vagabondi, Turin, 1973.Google Scholar.
5 Fouilloy, Hugues de, De bestiis et aliis rébus, PL 177, 46; et Thomas De Chobham, citGoogle Scholaré.
6 En effet, les jongleurs ne s'organisent en corporations qu'assez tardivement (au début du xive siècle). Cf. à ce propos le chap. vi, « Les corporations et les confréries », dans Faral, E., cité, pp. 128–142.Google Scholar
7 Pour les textes de droit canonique, voir : Chartres, Yves de, Decretum, XXXI, PL 161, 167 Google Scholar; Gratien, Decretum, dans Corpus iuris canonici, E. Friedberg éd., I, repr. anast, Graz, 1959, I, Dist. XXXIII, c. 2, p. 123 et III, De consecr., Dist. II, c. 95, p. 1352; Rufin, Summa Decretorum, H. Singer éd., Aalen, 1963, Dist. LI, pp. 133-134. Pour les pénitentiels : les textes, plusieurs fois cités, de Thomas de Chobham, Robert de Flamborough et les pénitentiels anonymes cités par Faral, pp. 290-291. Enfin, les décrets des papes, des conciles, des synodes sont rassemblés dans Waddel, H., The wandering scholars, Londres, 1930 Google Scholar, Appendix E: Councils relating to the « clericus vagus » or « ioculator »; et Ogilvy, J. D. A., « “Mimi, scurrae, histriones”. Entertainers of the Early Middle Ages », Spéculum, 1963, pp. 603–619.CrossRefGoogle Scholar
8 Jean de Salisbury dit qu'on peut donner des aumônes aux jongleurs, mais seulement s'ils renoncent à leur malitia (Policraticus, C. Webb éd., Francfort, 1965, VIII, 4, p. 241). Mais si le jongleur ne renonce pas à son métier, il ne lui reste que la condamnation d'Honorius d'Autun : « Habent spem joculatores ? Nullam » (Elucidarium, PL 172, 1148).
9 Les animaux deviennent souvent symbole et personnification des vices des histrions. Guillaume de Bar cité par Faral, p. 320, compare les jongleurs aux porcs, qui « Ubentius ponunt linguam ad stercora mundi quam ad lapides pretiosos coeli ». Cuonrad, chantre de Zurich, dit que les histrions et leurs compagnons sont » velud vultures ad cadaver, et velud musce sequentes unguenti suavitatem… » (dans Faral, cité, p. 323). Mais l'animal qui, plus que les autres, représente la turpitudo du jongleur est le singe. Le singe, qui d'ailleurs était réellement employé dans les spectacles de jonglerie, représente, avec son habilité dans le déguisement et sa gesticulation, l'hypocrisie et la lascivité du jongleur ( Neckam, A., De naturis rerum, Wright, M. T. éd., Londres, 1863, p. 210 Google Scholar). L'animal, compagnon ou symbole du jongleur, et surtout le singe, figura diaboli (cf. Janson, H. W., Ape and Ape Lore in the Middle Ages and the Renaissance, Londres, 1952 Google Scholar) est le lien entre le monde de la jonglerie et le monde diabolique. Le diable, lui aussi accompagné ou symbolisé par des animaux, réels ou imaginaires, est pour le clerc toujours présent dans le spectacle du jongleur : Honorius d'Autun appelle les jongleurs ministri Satanae (Elue, cité, 1148), Abélard définit le spectacle de la jonglerie comme une diabolica praedicatio et parle en même temps de curia daemonum et conventus histrionum (Theologia christiana, II, PL 178, 1210-1211). D'ailleurs, le diable se déguise, comme le jongleur, pour tenter les hommes ( Lecoy de La Marche, A., Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Etienne de Bourbon, dominicain du XIIIe siècle, Paris, 1877, p. 196 Google Scholar). Dans les exempla d'Etienne de Bourbon, le diable se déguise en Christ, en chevalier, en clerc, en paysan, en moine, en goliard (p. 198), en Vierge Marie (p. 199), en singe (p. 284). Sur les rapports jongleur-animal-diable, voir notamment l'article de C. SETTIS FRUGONI, « La rappresentazione dei giullari nelle chiese fino al xn sec. », dans II contributo dei giullari alla drammaturgia italiana délie origini, Atti dei II Convegno dei centro di studi sul teatro médiévale e rinascimentale, Viterbe, juin 1977, Rome, 1978, pp. 131-134.
10 Voir surtout le livre I du Policraticus de Jean De Salisbury. Le même thème chez Adam De Perseigne, Epistola XV, PL 211, 655.
11 Cité par Faral, p. 278.
12 Cf. les textes déjà cités de Abélard, Jean de Salisbury, Pierre le Chantre, Gilles de Corbeil, l'Epistola XV de Pierre De Blois (PL 207, 58-59), et la Dist. LXXXVI, VII-VIII, de la 1re partie du Decretum de Gratien (cité, p. 299) avec les commentaires d'Etienne de Tournai (Die Summa ùber das Decretum Gratiani, J.-F. von Schulte éd., Aalen, 1965, p. 107) et de Rufin de Bologne (Summa Decretorum, H. Singer éd., Aalen, 1963). De nombreux textes sont rassemblés dans MôNckeberg, A., Die Stellung der Spielleute im Mittelalter, Berlin-Leipzig, 1910.Google Scholar
13 Vitry, Jacques de, Historia Occidentalis, Hinnebusch, J.-F. éd., Fribourg, 1972, p. 153.Google Scholar
14 Vital, Orderic, Hist. Eccl. XII, 19.Google Scholar
15 Flamborough, Robert de, Liber Poenitentialis, Firth, J. J. F. éd., Toronto, 1971, pp. 165–166 Google Scholar; Jacques de Vitry, , op. cit., p. 81.Google Scholar
16 Voir surtout le Policraticus de Jean de Salisbury et le chap. III de l'Historia Occidentalis de Jacques de Vitry.
17 Ailred de Rievaux décrit les gestes illicites des moines pendant les chants sacrés (Spéculum Charitatis, PL 195, 171). Le texte est ensuite repris par Gilbert de Tournai, Sermones ad omnes status, Ad monacos nigros, sermo I, Lyon, 1511. Sur les gestus histrionici des moines pendant la marche, cf. le Tractatus de ordine vitae, attribué à saint Bernard (PL 184, 564); Alain de Lille dans l'Anticlaudianus construit le modèle de la gestualité licite en recourant à celui de l'homme idéal : bienfait de la Pudicitia et de la Modestia qui lui assurent les gestes mesurés (PL 210, 551). Pierre le Chantre énumère chaque geste turpe au cours d'une dispute ( Verbum abbreviatum, V, De modo disputandi, PL 205, 35). GIRAUT DE CAMBRAI décrit les gestus histrionici auxquels les moines recourent à table pour remplacer la parole, interdite par la règle (De rébus a se gestis, dans Giraldus Cambrensis, Opéra, J. S. Brewer éd., Londres, 1861-1891, I, p. 51).
18 Saint-Victor, Hugues de, De institutione novitiorum, XII, PL 176, 938–943.Google Scholar Sur la correspondance gestes du corps/passions de l'âme, cf. Schmitt, J.-C, « Le geste, la cathédrale et le roi», L'Arc 72, 1978, pp. 9–11.Google Scholar
19 Bourbon, Etienne de, cité, p. 231 « … ad similitudinem illorum joculatorum qui ferunt faciès depictas, que dicuntur artificia gallice, cum quibus ludunt et homines deludunt… » Google Scholar
20 Chantre, Pierre le, Verbum abbreviatum, PL 205, 255 Google Scholar; Bernard, Saint Sermones in cantica, XXXIII, PL 183, 958.Google Scholar Dans plusieurs textes les jongleurs et les prostituées sont associés dans la même condamnation : selon Jean de Salisbury ils font partie des monstres humains qui doivent être exterminés par le prince (Pol, cité, IV, 4, p. 245); Gratien, suivant saint Augustin (In Psalm. 102, 13), condamne ensemble ceux qui donnent de l'argent aux histrions et ceux qui entretiennent les prostituées (Decretum, I, d. 86, VIII).
21 Vitry, Jacques de, Historia Occidentalis, cité, p. 152 Google Scholar, « … homo pictus non est homo ». Voir aussi Etienne de Bourbon, cité, pp. 231-232. Le thème du masque et du déguisement ouvre toute une série de problèmes sur les rapports entre les jongleurs et la culture folklorique. Le masquecomme image des morts et le déguisement comme bouleversement de toute règle renvoient aux fêtes collectives populaires (Carnaval, Fête du début de Janvier ou de Mai, Fête des Fous, etc.) étudiées par E. K. Chambers, The médiéval stage, Oxford, 1903, et par Toschi, P., Le origini del teatro italiano, Turin, 1955.Google Scholar Ces textes des clercs ne permettent pas de définir avec exactitude le rôle joué par les jongleurs dans ces rites. Mais la vagatio reprochée aux jongleurs et la variabilité de leur répertoire en font des éléments de circulation importants entre les différentes cultures; tandis que d'autres accusations (l'obscénité, la gesticulation, la scurrilitas, l'idolâtrie même) sont directement reliées aux interdictions des rites et des fêtes populaires ( Abélard, P., Theologia Christiana, PL 178, 1210–1211 Google Scholar; Romans, Humbert de, De erudilione praedicatorum, « Bibliotheca Maxima Patrum », t. XXV, Lyon, 1677, XCIV, In quibusdam festis, p. 563 Google Scholar; Fribourg, Jean de, Summa Confessorum, Lyon, 1518, q. 279, 280, 286 Google Scholar; cf. aussi la Decretale du pape Innocent III du 1207, dans le Corpus Juris Canonici, E. Friedberg éd., cité, II, 1. III, tit. I, XII, p. 451 ). Ce qui confirmerait l'hypothèse de Bakhtine du bouffon médiéval comme véhicule permanent du Carnaval ( Bakhtine, M., François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, trad. frse, Paris, 1970, introductionGoogle Scholar).
22 Lille, Alain de, Summa de arte praedicatoria, PL 210, 163–164 Google Scholar; « Sermo quippe risorius ex vanitate est et ad vanitatem tendit », Ardent, Raoul, Spéculum universale, cité par Baldwin, J. W., Masters, princes and merchants, Princeton, 1970, II, p. 140.Google Scholar
23 Neckam, A., De naturis rerum, cité, pp. 316 et 327Google Scholar; voir aussi Salisbury, Jean de, Policraticus, cité, III, 4, p. 178.Google Scholar Alain de Lille, , Summa…, cité 164–165.Google Scholar
24 Bernard, Saint, De consideratione, II, XII, PL 182, 756.Google Scholar Cf. aussi Damien, P., Apologeticus ob dimissum Episcopatum, PL 145, 453–454.Google Scholar
25 Saint-Victor, Hugues de, De claustro animae, PL 176, 1080.Google Scholar Rievaux, Ailred de, Spéculum Charitatis, PL 195, 171.Google Scholar Alain de Lille, dans la Summa de arte praedicatoria met en garde contre toute prédication theatralis et mimica, qui recherche l'applaudissement plus que la vérité et le salut des auditeurs (PL 210, 112-114).
26 Tout cela est dit très explicitement dans un passage de Robert Grosseteste. S. Wenzel, « Robert Grosseteste's treatise on confession, “Deus est” », Franciscan studies, 1970, R. 290.
27 Bernard, Saint, Epistola, LXXXVII, PL 182, 217.Google Scholar
28 C'est le thème paulinien de la croix comme scandale et folie (I Cor., I, 21-25), qui se répète dans la tradition chrétienne; on peut voir sur ce sujet : Mollat, D., Derville, A., « Folie de la croix », dans Dictionnaire de spiritualité, Paris, 1962, V, 635–650 Google Scholar, avec indication des textes les plus significatifs. Références de textes et riche bibliographie dans l'article de J. LECLERCQ, « L'idiot à la lumière de la tradition chrétienne », Revue d'histoire de la spiritualité, 1973, pp. 288-304. Le thème de la sainte folie est amplement traité aussi par Swain, B., Fools andfolly during the Middle Ages and the Renaissance, New York, 1932.Google Scholar
29 Maur, Raban, De universo, XXXVI, PL 111, 553; XVI, PL 111, 547-548.Google Scholar A partir de saint Paul (I Cor. IV, 9) le thème du monde comme théâtre est repris par Tertullien (De spectaculis, VII), Saint Augustin (Sermo LI, cap. I, PL 38, 333), Honorius D'Autun (De gemma animae, PL 172, 570), CéSaire de Heisterbach, Dialogus miraculorum, J. Strange éd., Cologne-Bonn-Bruxelles, 1851,1, p. 359. Voir encore Salisbury, Jean de, Policr., cité, VIII, 8.Google Scholar Dans ce genre, un texte tout à fait extraordinaire est le passage de Roger de Wendover, Flores historiarum, H. G. Hewlett éd., Londres, 1886-1889, II, pp. 24-30.
30 La page de saint Bernard acquiert sa pleine signification lorsqu'elle est mise en relation avec l'image traditionnelle du jongleur comme le plus turpis des hommes, ainsi que l'a fait Jean Leclercq en y joignant une recherche iconographique (cf. J. Leclercq, « “Joculator et saltator”. Saint Bernard et l'image du jongleur dans les manuscrits», dans Translatio studii, Toronto, 1973, pp. 124-148; id., « Le thème de la jonglerie dans les relations entre saint Bernard, Abélard et Pierre le Vénérable », dans Pierre Abélard-Pierre le Vénérable, Colloque international du CNRS, juillet 1972, Cluny, Paris 1975, pp. 671-687). La page de saint Bernard est reproduite presque intégralement par Bonaventure, Saint, « Quaestiones disputatae », dans Opéra Omnia, Ad Claras Aquas, 1901, V, 122 Google Scholar, b et par Gilbert de Tournai, Eruditio regum et principum, A. de Poorter éd., Louvain, 1914, p. 33.
31 Sur le problème, très discuté, de la présence du théâtre au Moyen Age, on renvoie à R. S. Loomis, « Were there théâtres in the twelth and thirteenth centuries ? », with commentary by G. Cohen, Spéculum, 1945, pp. 92-98; et D. Bigonciari, « Were there théâtres in the twelth and thirteenth centuries ? », Romanic review, 1946, pp. 201-224.
32 Saint-Victor, Hugues de, Didascalicon, II, XXI et XXVIII, PL 176, 760–763;Google Scholar cf. aussi Saint-Victor, Richard de, Liber exceptionum, Chatillon, éd., Paris, 1958, I, XIV-XXI, 104–111.Google Scholar Pour une rapide histoire de la theatrica, cf. Tatarkiewicz, W., « “Theatrica”, the science of entertainment from the Xllth to the XVIIth century », Journal ofhistory of ideas, 1965, pp. 263–272.CrossRefGoogle Scholar
33 Hugues de Saint-Victor, , Didascalicon, I, VI, De ortu theoricae practicae et mechanicae, PL 177, 745.Google Scholar Plus ample la théorie de tria bona, tria mata, tria remédia dans Richard de Saintvictor, cité, pp. 104-105. Sur l'origine des artes mechanicae selon l'école de Saint-Victor, cf. Alessio, F., «La fllosofia e le “artes mechanicae” nel secolo XII», Studi Medievali, 1966 et Baron, R., Science et sagesse chez Hugues de Saint Victor, Paris, 1957, pp. 36–37.Google Scholar
34 Saint-Victor, Geoffroy de, Microcosmus, Delhaye, P. éd., Lille-Gembloux, 1951, p. 74 Google Scholar; Kilwardby, R., De ortu scientiarum, Judy, A. G. éd., Toronto, 1976, XL, p. 373 Google Scholar; Beauvais, Vincent de, Spéculum doctrinae, Strasbourg, 1477, LXII, XCII.Google Scholar
35 Romans, Humbert de, De eruditione praedicatorum, cité, p. 428.Google Scholar
36 Saint-Amour, Guillaume de, « De periculis novissimorum temporum », dans Opéra omnia, Constance, 1632, p. 49, et pp. 61–62, 66, 68.Google Scholar
37 Adam, Salimbene de, Chronica, Bari, 1966, p. 616.Google Scholar
38 Spéculum perfectionis, P. Sabatier éd., Paris, 1898, IX, 100, p. 197. Tamassia, N., S. Francesco d'Assisi e la sua legenda, Padoue-Vérone, 1906, pp. 170–171 Google Scholar, a retrouvé la source de l'expression joculator Domini dans les Dialogi de Césaire de Heisterbach (cité, p. 359). Dans la littérature critique le thème revient souvent (cf., parmi les autres, Joergensen, J., Den hellige Frans af Assisi, Gyldendale, 1907, IIIe partieGoogle Scholar; Stefano, A. de, Riformatori ed eretici del Medio Evo, Palerme, 1938, pp. 112 ssGoogle Scholar), mais l'expression est surtout employée pour indiquer l'activité poétique de saint François ou des franciscains (cf. L. F. Benedetto, II cantico di Frate Sole, Florence, 1941, IV, et D'Ancona, A., Jacopone da Todi, il giullare di Dio nel secolo XIII, Todi, 1914 Google Scholar). Très intéressante est la suggestion de C. Ginzburg qui voit dans cette désignation l'adhésion de saint François au patrimoine folklorique du Moyen Age, « Folklore, magia, religione », dans Storia d'Italia, I, I.caratteri originali, Turin, 1972, p. 615.
39 Spéculum perfectionis, cité, pp. 22 et 185; Celano, Thomas de, Vita II dans Analecta Franciscana X, Ad Claras Aquas, 1926-1941, III, 29 Google Scholar; Legenda Trium Sociorum, M. Da Civezza, T. Domenichelli éd., Rome, 1899, p. 122.
40 Lemmens, L., Testimonia minora saeculi XIII de S. Francisco Assisiensi, Ad Claras Aquas, 1926, p. 9 Google Scholar; cf. aussi Nantes, R. de, « La première prédication franciscaine », Études franciscaines, 1913, pp. 357–377.Google Scholar
41 Dans le chap. 145 des Fioretti, saint François prend comme thème du sermon un petit refrain populaire en langue vulgaire.
42 Thomas de Celano, Vita I, 19 et 27; Vita II, 73 et 157. Sur la prédication théâtrale de saint François, cf. G. Miccoli, « La storia religiosa », dans Storia d'Italia, cité, pp. 830-835.
43 Frère Genièvre se déshabille complètement devant l'auditoire prêt à écouter un sermon, pose ses robes sur sa tête et reste ainsi une journée entière; ou encore se dandine longuement sur une balançoire, afin de se montrer vil aux yeux des spectateurs ( Vita Fratris Juniperi, dans Analecta franciscana, III, Ad Claras Aquas, 1897, IX). Frère Gilles en signe d'humilité et de joie baisait les pierres de la route (AASS, avril, III, p. 227).
44 Hugues de Digne, un des premiers spirituels de Provence, énumère parmi les signes du parfait religieux, Vhabitus deformitas, la peregrinatio vel instabilitas, la vocùbuli despicabilitas (De finibus paupertatis, dans Sisto, A., Figure del primo Francescanesimo in Provenza, Florence, 1971, p. 330 Google Scholar). Jacopone de Todi lie le thème de la jonglerie à celui de la sainte folie; dans sa prédication il mêle la mimique, la gestualité, la musique, cf. Pacheu, J., « Jacopone da Todi prédicateur populaire», Études franciscaines, 1913, pp. 504–517.Google Scholar Salimbene de Adam ne méprise pas les levitates des Frères Mineurs, mais au contraire il les décrit avec indulgence (Chronica, cité, p. 213), et parfois même avec complaisance (p. 262); cf. M. D'Alatri, « Predicazione e predicatori francescani nella cronica di Fra Salimbene», Collectanea franciscana, 1976, pp. 63-91, qui pourtant ne parle pas des capacités vocales des frères, l'un des aspects sur lesquels Salimbene insiste le plus.
45 Faute d'études particulières sur ce sujet, nous nous limitons à signaler le passage de la Legenda Trium Sociorum (cité, p. 110; cf. aussi Spec. Perf., cité, 97, p. 191) où cette contradiction est évidente. Intéressantes observations sur ce thème dans C. Ginzburg, « Folklore… », cité, pp. 615-616.
46 L'oeuvre entière de Roger Bacon est consacrée à cette entreprise, mais c'est surtout dans la Moralis, la VIIe partie de l'Opus Malus, qu'il expose sa théorie de la prédication. Pour l'édition complète de la Moralis voir Roger Bacon, Moralis philosophia, E. Massa éd., Zurich, 1953. Cf. aussi l'Opus Tertium dans Roger Bacon, Opéra Inedlta, J. S. Brewer éd., Londres, 1859, pp. 303-310. Sur la politique culturelle de R. Bacon, cf. F. Alessio, Mlto e sclenza in Ruggiero Bacone, Milan, 1957, II, I.
47 Opus Tertium, cité, pp. 305-308; Moralis, cité, V, p. 258.
48 Cf. Le Goff, J., « Métiers licites et métiers illicites dans l'Occident médiéval », Annales de l'école des hautes études de Gand, Études historiques, V, 1963, p. 50.Google Scholar
49 Halès, Alexandre de, Summa Theologica, Ad Claras Aquas, 1930, inq. III, tract. III, sect. III, q. I (t. III, pp. 470–473).Google Scholar
50 Adam, Salimbene de, Chronica, cité, pp. 279–285.Google Scholar
51 Roger Bacon, , Opus Tertium, p. 311.Google Scholar
52 Cité par J. Le Goff, « Métiers… », cité, p. 48.
53 Adam, Salimbene de, Chronica, cité, p. 587 et p. 867; pp. 382, 679, 819, 903.Google Scholar
54 Romans, Humbert de, Expositio super Regulam Beati Augustini, Côme, 1602, CLXX, p. 369.Google Scholar Encore en 1354, le dominicain Jacopo Passavanti reproche à certains prédicateurs de ressembler à des « giullari e romanzieri e buffoni » (Lo specchio delta vera penitenzia, Florence, 1821, t. II, p. 109).
55 Humbert de Romans, , De eruditione praedicatorum, cité, II, XCIV, pp. 540, 563.Google Scholar
56 Thomas, Saint, Summa Theologiae, 2–2, 9, q. 168 et q. 178.Google Scholar
57 Saint Thomas, cité, 2-2, q. 32, a. 7.
58 Cf. dans le même ordre des Prédicateurs, PéRault, Guillaume, Summa virtutum ac vitiorum, Paris, 1668, De peccato linguae, XXIII, De scurrilitate, p. 415.Google Scholar
59 Le dominicain Jean de Fribourg reproduit presque à la lettre les évaluations thomistes à propos des histrions et de leurs spectateurs (Summa confessorum, Lyon, 1518, II, q. XXII). Encore à la fin du xivc siècle, le dominicain Antonin de Florence ne considère pas Vars des histrions comme illicite en soi mais reprend les limitations traditionnelles (pas de turpia, sauf dans les temps et les lieux établis), auxquelles il ajoute une interdiction pour les spectacles qui sont dangereux pour la vie des jongleurs (Summa maior, Nuremberg, 1478, pars III, tit. VIII, cap. VI, 12).