Published online by Cambridge University Press: 23 January 2012
In his book on the Arusha, the agricultural Masai of Mount Meru, Professor Gulliver concludes with a general theoretical statement in which he suggests a way of classifying processes of dispute settlement. Gulliver says that there are ‘two polar types of process—judicial and political—between which there is a graduated scale where, ideally, particular systems could be placed according as to whether they were more judicial or more political in their nature’ (Gulliver, 1963, p. 297).
POLITIQUE, PROCÉDURE ET NORMES DANS L'ÉVOLUTTON DU DROIT CHAGGA
Le règlement judiciaire d'un litige est fréquemment décrit par les juges et les sociologues comme une application des normes sociales à chaque cas d'espèce. La politique est inévitablement impliquée dans le pouvoir de donner force exécutoire aux décisions du juge; ce fait n'est pas assez mis en évidence, l'attention étant attirée principalement sur l'issue donnée à chaque procès. La comparaison de certains procédés légaux du droit Chagga au cours des périodes historiques qui se sont succédées souligne l'importance des relations entre les modes de procédure et les options politiques qui les sous-tendent. Des incidents heureux dans le processus historique permettent de suivre les changements survenus dans les fonctions d'arbitre des chefs Chagga depuis l'époque pré-coloniale jusqu'en 1952 où la plupart d'entre eux perdirent leur pouvoir judiciaire. On ne saurait trouver une meilleure occasion d'examiner le contexte politique de l'activité judiciaire.
Dans la période pré-coloniale, les sentences des chefs Chagga se présentaient, du moins quant à la forme, comme l' énoncé du jugement collectif de l'assemblée des anciens devant laquelle certains litiges étaient portés. Le rôle principal de ce genre d'arbitrage était d'éviter toute apparence d'un exercice officiel du pouvoir judiciaire. Les chefs Chagga insistaient sur le fait qu'ils exprimaient avant tout la volonté collective de l'assemblée des anciens. Quelquefois même, ils ne prétendaient que transmettre une décision exprimant un consensus. Dans cette période pré-coloniale, les chefs pouvaient compter sur l'appui des anciens aussi bien que sur la coopération des lignages pour l'exercice du pouvoir militaire, politique et économique. II n'est pas surprenant de voir que, lorsque des litiges survenaient entre deux lignages, les chefs se référaient aux anciens pour prendre une décision, ceux-ci synthétisant en quelque sorte les intérêts en présence de par leur appartenance à l'un des lignages et leur loyalisme éprouvé.
Dans la période coloniale, des rébellions éclatèrent et les anciens perdirent leur pouvoir politique; de ce fait, la position politique des chefs fut profondément modifiée. Au lieu de se référer aux anciens, les chefs se tournèrent vers le gouvernement colonial pour renforcer leur pouvoir et leur sécurité. Des changements conséquents apparurent en ce qui concerne leur rôle judiciaire. Jusqu'en 1952, le chef—ou son porte-parole—rendait ses jugements avec une certaine autorité. Le chef prenait ses décisions après avoir consulté quelques anciens aux opinions desquels il pouvait accorder l'importance qu'lil voulait. En adoptant un mode de décision aussi péremptoire, pour justifier leurs décisions, les juges se référaient souvent aux coutumes, soit directement, soit indirectement, ainsi qu'au motif qui avait fait naître le procès, et, aux yeux de tous, ils avaient ainsi pour fonction de maintenir et de renforcer les coutumes. La référence judiciaire aux coutumes (et cette conception de juger) s'efforçait de réaliser symboliquement un consensus, ce qui légitimait l'autorité des juges, que les règies juridiques mentionnées dans la sentence soient actuellement des élements décisifs ou non.