Sous le titre de Recherches sur la nature et les jonctions du langage, Brice Parain vient de faire paraître un livre original, plein d'idées et de suggestions : livre de métaphysicien à la fois et de psychologue, nourri de Pascal et de Descartes, de Hegel et de Nietzsche et qui ne vaut pas seulement par la hardiesse et l'ampleur de ses thèses maîtresses — mais par le détail des analyses, et par leur ingéniosité.
Par tout ce qu'il a de proprement philosophique, il est bien évident que l'ouvrage échappe à ma compétence comme aux préoccupations normales de notre publication. Mais par tout ce qui étaie, illustre, justifie ses thèmes et ses hypothèses, c'est un livre que l'historien retiendra. Parce que — (je crois bien avoir été le premier, le tout premier parmi œux de ma génération à le dire et à bien étonner, ce faisant, non seulement mes confrères en Clio, mais plus encore peut-être les linguistes, si étroitement, si jalousement murés alors dans leur spécialité) — parce que tout livre sur la parole est fait pour intéresser l'historien. Même s'il ne suit pas les vieux errements de ses pères et ne définit pas l'histoire, une discipline qui s'appuie sur la parole écrite, je veux dire sur les textes — il n'en est pas moins devant la parole, nécessairement, comrnie l'ouvrier devant la matière même de son travail de spécialiste. Autant que personne, plus que personne, il est sensible au mystère de la parole.