A l’audition, le français canadien donne l’impression d’avoir un patron rythmique différent de celui du français standard: le rythme régulier de ce dernier, fait de syllabes sensiblement égales, suivies d’une syllabe finale accentuée, semble manquer au français canadien. Plusieurs chercheurs ont déjà étudié la question des longueurs vocaliques dans les deux parlers. Jean-Paul Vinay (1955) constate que « les syllabes toniques fermées du français du nord sont sensiblement plus longues que celles du canadien. Par contre, dans toutes les autres positions, ce sont les voyelles canadiennes qui sont plus longues » (p. 75). Georges Straka et Jean-Denis Gendron (1966) et Marcel Boudreault (1968 et 1970) constatent que les facteurs phonologiques et étymologiques responsables des allongements qu’on trouve en français standard sont sensiblement les mêmes en français canadien—soit des oppositions du type patte/pâte, soit des durées conditionnées par l’entourage phonique du type [nε:3]. Gendron remarque ainsi qu’en syllabe « accentuée » la répartition des durées vocaliques suit de près celle du français standard—les mêmes consonnes, [r] et [z] surtout, [3], [v], [vr], étant « allongeantes ». En syllabe « inaccentuée », cependant, le français canadien garderait les demi-longueurs (ex. pâté, neiger, etc.) qui sont en train de disparaître du français standard. « Les demi-longueurs y sont fortement marquées, si fortement que dans le parler populaire il semble que la voyelle en position inaccentuée aille jusqu’à conserver la pleine durée de la syllabe accentuée » (p. 142). Le fait avait déjà été mis en relief par les résultats de Vinay.