L'accumulation et la gestion des réserves publiques de grains sous la dynastie des Qing ( 1644-1911 ), à tout le moins jusque vers 1850, est un bon exemple de ces entreprises extrêmement ambitieuses, mais par leur ambition même vouées à toutes sortes de difficultés, dont l'État centralisé chinois semble s'être fait une spécialité dès ses origines.
L'ambition, en l'occurrence, tient dans le contraste entre, d'une part, les quantités considérables qui étaient (ou devaient être) stockées, ainsi que la précision et l'ingéniosité des règles bureaucratiques qui présidaient à leur gestion et à leur renouvellement, et d'autre part, les obstacles de tous ordres opposés par l'insuffisance des techniques de conservation, par la faiblesse des moyens en hommes et en financement alloués à l'administration territoriale de l'empire, par la trop grande rigidité de la réglementation (ce qui n'est pas contradictoire avec son ingéniosité), enfin et surtout par l'idée même de faire intervenir régulièrement et lourdement l'État sur un marché qu'on tenait à laisser libre, alors même que les surplus céréaliers produits par l'agriculture chinoise, là, où, et quand elle en produisait, demeuraient relativement minces.